CJCE, gr. ch., 25 novembre 2008, n° C-455/06
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Heemskerk BV, Firma Schaap
Défendeur :
Productschap Vee en Vlees
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Skouris
Présidents de chambre :
MM. Jann, Timmermans, Rosas, Lenaerts, von Danwitz
Avocat général :
M. Bot
Juges :
MM. Tizzano, Cunha Rodrigues, Malenovský, Klucka, Arabadjiev, Mmes Toader, Silva de Lapuerta
LA COUR (grande chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation du règlement (CE) n° 615-98 de la Commission, du 18 mars 1998, portant modalités particulières d'application du régime des restitutions à l'exportation en ce qui concerne le bien-être des animaux vivants de l'espèce bovine en cours de transport (JO L 82, p. 19), de la directive 91-628-CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, relative à la protection des animaux en cours de transport et modifiant les directives 90-425-CEE et 91-496-CEE (JO L 340, p. 17), telle que modifiée par la directive 95-29-CE du Conseil, du 29 juin 1995 (JO L 148, p. 52, ci-après la "directive 91-628"), du règlement (CE) nº 800-1999 de la Commission, du 15 avril 1999, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 102, p. 11), et de l'article 33, paragraphe 9, du règlement (CE) nº 1254-1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 160, p. 21).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Heemskerk BV et Firma Schaap au Productschap Vee en Vlees (ci-après le "Productschap") au sujet du remboursement d'une partie de la restitution à l'exportation que ce dernier considère comme ayant été indûment versée à ces deux sociétés.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
Le règlement n° 1254-1999
3 Le règlement n° 1254-1999 a abrogé le règlement (CEE) n° 805-68 du Conseil, du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine (JO L 148, p. 24).
4 En vertu de l'article 33, paragraphe 9, second alinéa, du règlement n° 1254-1999, le paiement de la restitution à l'exportation d'animaux vivants est subordonné au respect des dispositions prévues par la législation communautaire concernant le bien-être des animaux et, en particulier, la protection des animaux en cours de transport.
Le règlement n° 615-98
5 L'article 1er du règlement n° 615-98 dispose:
"[...] le paiement des restitutions à l'exportation d'animaux vivants de l'espèce bovine relevant du code NC 0102 (dénommés ci-après 'animaux'), est subordonné au respect, au cours du transport des animaux jusqu'à leur premier déchargement dans le pays tiers de destination finale:
- des dispositions de la directive 91-628-CEE et
- des dispositions du présent règlement."
6 Aux termes de l'article 2 du même règlement:
"1. La sortie des animaux du territoire douanier de la Communauté ne peut avoir lieu que par les points de sortie suivants:
- un poste d'inspection frontalier agréé par une décision de la Commission pour les contrôles vétérinaires sur les ongulés vivants en provenance des pays tiers
ou
- un poste de sortie désigné par l'État membre.
2. Un vétérinaire officiel du point de sortie doit vérifier et certifier, conformément aux dispositions de la directive 96-93-CE du Conseil, [du 17 décembre 1996, concernant la certification des animaux et des produits animaux (JO 1997, L 13, p. 28)], que:
- les animaux sont aptes au voyage prévu conformément aux dispositions de la directive 91-628-CEE,
- le moyen de transport par lequel les animaux quitteront le territoire douanier de la Communauté est conforme aux dispositions de la directive 91-628-CEE
et que
- des dispositions on été prises pour soigner les animaux durant le voyage conformément aux dispositions de la directive 91-628-CEE.
3. Si le vétérinaire du point de sortie estime que les conditions visées au paragraphe 2 sont remplies de manière satisfaisante, il certifie ce constat par la mention
[...]
- Contrôles visés à l'article 2 du règlement (CE) nº 615-98 satisfaisants
[...]"
7 L'article 5, paragraphes 2, 3 et 7 du règlement n° 615-98 prévoit:
"2. La demande de paiement des restitutions à l'exportation, établie conformément aux dispositions de l'article 47 du règlement (CEE) n° 3665-87 [de la Commission, du 27 novembre 1987, portant modalités communes d'application du régime des restitutions à l'exportation pour les produits agricoles (JO L 351, p. 1)] doit être complétée, dans le délai prévu audit article, par la preuve que les dispositions de l'article 1er ont été respectées.
Cette preuve est apportée par:
- le document visé à l'article 2, paragraphe 3 dûment rempli
et
- le cas échéant, le rapport visé à l'article 3, paragraphe 2.
[...]
3. La restitution à l'exportation n'est pas payée pour les animaux morts en cours de transport ou pour les animaux pour lesquels l'autorité compétente estime - au vu des documents visés au paragraphe 2, des rapports de contrôle visés à l'article 4 et/ou [de] tout autre élément dont elle dispose concernant le respect des dispositions visées à l'article [1er] - que la directive sur la protection des animaux en cours de transport n'a pas été respectée.
[...]
7. Lorsqu'il est établi, après paiement de la restitution, que la législation communautaire relative à la protection des animaux en cours de transport n'a pas été respectée, la partie appropriée de la restitution, y compris, le cas échéant, la réduction visée au paragraphe 4, est réputée indûment payée et recouvrée conformément aux dispositions de l'article 11, paragraphes 3 à 6, du règlement (CEE) n° 3665-87."
La directive 91-628
8 L'article 5, A, point 1, sous a) à c), de la directive 91-628 dispose:
"A. Les États membres veillent à ce que:
1) tout transporteur:
a) ait fait l'objet:
[...]
ii) d'un agrément valable pour tout transport d'animaux vertébrés effectué sur l'un des territoires visés à l'annexe I de la directive 90-675-CEE, accordé par l'autorité compétente de l'État membre d'établissement ou, s'il s'agit d'une entreprise établie dans un pays tiers, par une autorité compétente d'un État membre de l'Union européenne, sous condition d'un engagement écrit du responsable de l'entreprise de transport de respecter les exigences de la législation vétérinaire communautaire en vigueur.
[...]
b) ne transporte ou ne fasse transporter des animaux dans des conditions telles qu'ils puissent être blessés ou subir des souffrances inutiles;
c) utilise pour le transport d'animaux visés par la présente directive des moyens de transport aptes à assurer le respect des exigences communautaires en matière de bien-être en transport [...]"
La réglementation nationale
9 L'article 8:69 de la loi générale sur le droit administratif (Algemene Wet Bestuursrecht) est libellé comme suit:
"1. La juridiction saisie statue en se fondant sur le recours, les pièces produites, l'instruction préalable et l'examen de l'affaire à l'audience.
2. La juridiction complète d'office les moyens de droit.
3. La juridiction peut compléter les faits d'office."
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 Il ressort de la décision de renvoi que chacune des requérantes au principal a déclaré, le 25 janvier 2000, l'exportation de 300 génisses gestantes vers le Maroc, opération pour laquelle elles ont demandé et obtenu le versement d'une restitution à l'exportation conformément au règlement n° 800-1999.
11 Les 600 génisses gestantes, accompagnées de 40 génisses gestantes appartenant à une autre entreprise, ont été embarquées le même jour à Moerdijk (Pays-Bas) sur un navire battant pavillon irlandais, le M/S Irish Rose (ci-après le "navire"), en vue de leur transport vers Casablanca (Maroc). Le vétérinaire officiel qui a contrôlé l'opération d'embarquement a certifié que les conditions énoncées à l'article 2 du règlement n° 615-98 étaient remplies.
12 Ledit navire a été agréé par les autorités irlandaises pour transporter des animaux sur une surface de 986 m2.
13 Lors du contrôle organisé dans le cadre du règlement (CEE) n° 4045-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif aux contrôles, par les États membres, des opérations faisant partie du système de financement par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section "garantie", et abrogeant la directive 77-435-CEE (JO L 388, p. 18), un document a été trouvé dans des dossiers administratifs des requérantes au principal, dont il ressortirait que la capacité de transport d'animaux vivants du navire a été dépassée à hauteur de 111 bovins. Une enquête plus approfondie, effectuée par le service général d'inspection, a montré que le vétérinaire officiel n'avait effectué aucun contrôle, au point de sortie, du respect des normes en matière de densité de chargement, lesquelles figurent au chapitre VI de l'annexe de la directive 91-628. Sur la base de cette enquête ainsi que d'une déclaration de la personne ayant accompagné les animaux lors de leur transport vers le Maroc, ledit service général d'inspection a déduit que les conditions de bien-être des bovins pendant leur transport, telles que prévues par la directive 91-628, n'avaient pas été respectées et qu'il y avait eu surcharge manifeste du navire.
14 Par décisions du 26 mars 2004, le Productschap a procédé au retrait de la restitution à l'exportation accordée aux requérantes au principal et a réclamé le remboursement des montants déjà versés, majorés de 10 %. Il a en outre fixé les intérêts légaux dus.
15 Par lettres du 13 avril 2004, chacune desdites requérantes a introduit une réclamation contre les décisions du 26 mars 2004.
16 Par décisions des 2 et 25 août 2005, le Productschap a décidé, après avoir entendu les requérantes au principal le 6 mai 2004, de maintenir le retrait et le remboursement de la restitution, mais en diminuant le montant des sommes à recouvrer. Considérant que le nombre de bovins excédant celui autorisé pour les 986 m2 agréés avait été transporté en violation des normes fixées par la directive 91-628, au nombre desquelles figurent celles relatives à la densité de chargement, le Productschap a estimé que la restitution devait être retirée et remboursée en ce qui concerne la partie du chargement qui n'avait pas respecté les exigences relatives au bien-être des animaux.
17 À cette fin, il a établi que, d'après le point 47 de l'annexe de la directive 91-628, la norme de chargement pour le transport de génisses gestantes par mer s'élevait à 1,70775 m2. Pour calculer le nombre d'animaux transportés en violation de cette norme de chargement, il a divisé la superficie agréée du navire, soit 986 m2, par la superficie prescrite par animal. Il en a conclu que le nombre d'animaux excédentaires transportés par le navire lors de l'opération d'exportation s'élevait à 62.
18 Le Productschap a calculé la partie à recouvrer de la restitution à l'exportation perçue par les requérantes au principal, sur la base de celle octroyée pour le nombre d'animaux excédentaires transportés, au prorata de leur part dans l'opération totale. Selon ce calcul, il a été demandé à chacune des requérantes au principal de rembourser la restitution pour 29 animaux. En application de l'article 5, paragraphe 7, du règlement n° 615-98, lu en combinaison avec le paragraphe 4 du même article, la restitution accordée a en outre été réduite d'un montant égal à celui de la restitution ayant fait l'objet d'un retrait.
19 Les requérantes au principal ont introduit un recours à l'encontre des décisions susmentionnées des 2 et 25 août 2005 devant la juridiction de renvoi. À l'appui de leurs recours, elles ont invoqué plusieurs moyens qui consistent, en substance, d'une part, à se prévaloir du caractère probant du certificat délivré par le vétérinaire officiel et, d'autre part, à soutenir que la condition résultant de la législation irlandaise, selon laquelle le navire ne pouvait transporter des animaux que sur une superficie de 986 m2, n'était pas applicable à un transport effectué à partir des Pays-Bas vers le Maroc.
20 Il ressort en outre de la décision de renvoi que le College van Beroep voor het bedrijfsleven a identifié d'autres arguments qui pourraient avoir une influence sur la solution du litige au principal. Toutefois, dès lors que ces arguments n'ont pas été soulevés devant lui, les règles de procédure nationales feraient obstacle à ce que ceux-ci soient pris en considération. Il ressortirait de l'article 8:69 de la loi générale sur le droit administratif que le juge ne statue que sur les points du litige qui lui sont soumis par les parties. S'il est vrai que le paragraphe 2 de cet article énonce que la juridiction complète d'office les moyens de droit, il conviendrait cependant d'interpréter cette disposition en ce sens que le juge procède à la mise en forme juridique des griefs que le requérant a invoqués à l'encontre de l'acte administratif contesté. Il y aurait lieu d'opérer une distinction entre cette obligation de compléter d'office lesdits moyens et l'appréciation à laquelle le juge est tenu de procéder de sa propre initiative. Une telle appréciation ne s'imposerait qu'en cas d'application des règles d'ordre public, à savoir celles relatives aux pouvoirs des organes administratifs et à ceux du juge lui-même ainsi que les dispositions en matière de recevabilité.
21 La juridiction de renvoi se demande cependant si elle est tenue, au regard du droit communautaire, de prendre en considération des arguments tirés de ce droit qui n'ont pas été invoqués par les requérantes au principal.
22 C'est dans ces conditions que le College van Beroep voor het bedrijfsleven a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) a) Par dérogation à la certification du vétérinaire officiel prévue à l'article 2, paragraphe 2, du règlement [...] n° 615-98, un organe administratif est-il habilité à décider que le transport d'animaux visé par ladite certification n'est pas conforme aux prescriptions découlant de la directive [91-628]?
b) Au cas où il est répondu de manière affirmative à la première question, sous a):
L'exercice, par l'organe administratif concerné, de cette compétence relevant du droit communautaire est-il soumis à certaines restrictions et, si oui, lesquelles?
2) Au cas où il est répondu de manière affirmative à la première question:
Dans le cadre de l'appréciation de l'existence du droit à restitution, par exemple dans les cas prévus par le règlement [...] n° 800-1999, un organe administratif d'un État membre doit-il déterminer si un transport d'animaux vivants respecte les prescriptions communautaires relatives au bien-être animal sur la base des conditions en vigueur dans l'État membre considéré ou bien sur la base des conditions en vigueur dans l'État du pavillon du navire transportant les animaux vivants, c'est-à-dire l'État qui a délivré un agrément pour ce navire?
3) Le droit communautaire impose-t-il d'examiner d'office les moyens tirés des règlements [...] nos 1254-1999 et [...] 800-1999, c'est-à-dire des moyens qui dépassent les limites du litige tel qu'il est soumis à la juridiction nationale?
4) La notion de 'respect des dispositions prévues par la législation communautaire concernant le bien-être des animaux' visée à l'article 33, paragraphe 9, du règlement [...] n° 1254-1999 doit-elle être entendue en ce sens que, s'il est établi qu'un navire transportant des animaux vivants est chargé de manière à dépasser la charge autorisée en la matière pour ce navire au titre des prescriptions relatives au bien-être animal, les dispositions communautaires sont transgressées seulement à l'égard du nombre d'animaux dépassant la charge autorisée ou faut-il conclure au non-respect desdites dispositions à l'égard de la totalité des animaux vivants transportés?
5) L'application effective du droit communautaire implique-t-elle que, au moyen du contrôle d'office à la lumière des dispositions du droit communautaire, soit écarté le principe, consacré dans le droit néerlandais de la procédure administrative, selon lequel la personne introduisant un recours ne peut se trouver dans une position plus défavorable que celle dans laquelle elle se trouverait en l'absence de recours?"
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
23 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le règlement n° 615-98 et, en particulier, ses articles 1er et 5, paragraphes 3 et 7, doivent être interprétés en ce sens que l'autorité nationale compétente en matière de restitutions à l'exportation est habilitée à décider qu'un transport d'animaux n'a pas été effectué en conformité avec les dispositions de la directive 91-628, alors que, en application de l'article 2, paragraphe 3, dudit règlement, le vétérinaire officiel avait certifié que ce transport était conforme aux dispositions de cette directive. En cas de réponse affirmative, elle souhaite savoir si la compétence de cette autorité est soumise à certaines limites.
24 Il convient de rappeler que, eu égard au libellé des articles 1er et 5, paragraphe 3, du règlement n° 615-98, le respect des dispositions de la directive 91-628 constitue une condition au paiement des restitutions à l'exportation. Il appartient à l'exportateur d'établir, conformément à l'article 5, paragraphes 1 et 2, du même règlement, que les conditions auxquelles est subordonné l'octroi de la restitution à l'exportation sont réunies. Il y a lieu de souligner que l'exportateur doit, afin d'obtenir le paiement de la restitution à l'exportation, fournir à l'autorité compétente de l'État membre où la déclaration est acceptée la preuve du respect des dispositions de l'article 1er dudit règlement et, par conséquent, de celles de la directive susmentionnée, en produisant les documents visés respectivement aux articles 2, paragraphe 3, et 3, paragraphe 2, de ce règlement. Parmi ces documents figure notamment le certificat du vétérinaire officiel.
25 En ce qui concerne le caractère probant de tels documents, la Cour a jugé que, ainsi que cela ressort de la finalité des articles 3 et 5 du règlement n° 615-98, la présentation par l'exportateur desdits documents ne constitue pas une preuve irréfutable du respect de l'article 1er de ce règlement ni de la directive 91-628. En effet, cette preuve n'apparaît suffisante que pour autant que l'autorité compétente ne dispose pas d'éléments au vu desquels elle peut considérer que ladite directive n'a pas été respectée. Cette interprétation est confirmée par le libellé de l'article 5, paragraphe 3, du même règlement, selon lequel l'autorité compétente peut ne pas payer la restitution à l'exportation pour les animaux pour lesquels elle estime, au vu des documents visés au paragraphe 2 dudit article 5, des rapports de contrôle visés à l'article 4 de ce règlement et/ou de tout autre élément dont elle dispose concernant le respect des dispositions visées à l'article 1er dudit règlement, que la directive 91-628 n'a pas été respectée (voir arrêt du 13 mars 2008, Viamex Agrar Handel, C-96-06, non encore publié au Recueil, points 34 et 35).
26 En dépit de la production par l'exportateur d'un certificat émanant du vétérinaire officiel, en application de l'article 5, paragraphe 2, du règlement n° 615-98, l'autorité compétente peut estimer que l'exportateur n'a respecté ni les dispositions de l'article 1er de ce règlement ni celles de la directive 91-628, sous réserve que soient notamment réunies les conditions prescrites à l'article 5, paragraphe 3, dudit règlement (arrêt Viamex Agrar Handel, précité, point 36).
27 Ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 51 de ses conclusions, il y a lieu de considérer que ce raisonnement, selon lequel l'autorité compétente peut décider, malgré les documents fournis par l'exportateur, de ne pas procéder au paiement de la restitution, vaut également dans l'hypothèse où la restitution a déjà été payée à ce dernier.
28 Toute autre interprétation priverait d'effet utile, d'une part, l'article 5, paragraphe 7, du règlement nº 615-98, en vertu duquel, lorsqu'il est établi, après paiement de la restitution, que la législation communautaire relative à la protection des animaux en cours de transport n'a pas été respectée, la restitution est recouvrée conformément aux dispositions de l'article 11, paragraphes 3 à 6, du règlement n° 3665-87, et, d'autre part, les contrôles organisés a posteriori visés par le règlement n° 4045-89.
29 En ce qui concerne la question de savoir si une telle compétence est soumise à certaines limites, la Cour a déjà jugé que l'article 5 du règlement n° 615-98 ne saurait être interprété en ce sens qu'il permet à l'autorité compétente de remettre en cause de façon arbitraire les éléments de preuve joints par l'exportateur à sa demande de restitution à l'exportation. En effet, la marge d'appréciation dont dispose l'autorité compétente n'est pas illimitée dès lors qu'elle est encadrée par cet article 5. Ladite marge d'appréciation apparaît, en particulier, limitée quant à la nature et à la force probante des éléments que cette autorité invoque (voir arrêt Viamex Agrar Handel, précité, point 38).
30 La Cour a jugé qu'il incombe à l'autorité compétente, en application de l'article 5, paragraphe 3, du règlement n° 615-98, de se fonder sur des éléments objectifs et concrets relatifs au bien-être des animaux de nature à établir que les documents joints par l'exportateur à sa demande de restitution à l'exportation ne permettent pas de prouver le respect des dispositions de la directive 91-628 lors du transport, à charge, le cas échéant, pour l'exportateur de démontrer en quoi les éléments de preuve invoqués par cette autorité, pour conclure au non-respect de ce règlement et de cette directive, ne sont pas pertinents (arrêt Viamex Agrar Handel, précité, point 41).
31 La Cour a jugé que, en tout état de cause, l'autorité compétente est tenue de motiver sa décision en donnant les raisons pour lesquelles elle a estimé que les preuves présentées par l'exportateur ne permettent pas de conclure que les dispositions de la directive 91-628 ont été respectées. Ladite autorité est notamment tenue, à cette fin, de se livrer à une appréciation objective des documents qui lui sont présentés par l'exportateur et de démontrer le caractère approprié des éléments qu'elle invoque pour établir que la documentation jointe à la demande de restitution à l'exportation n'est pas susceptible de prouver le respect des dispositions pertinentes de cette directive (arrêt Viamex Agrar Handel, précité, point 42).
32 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que le règlement n° 615-98 et, en particulier, ses articles 1er et 5, paragraphes 3 et 7, doivent être interprétés en ce sens que l'autorité nationale compétente en matière de restitutions à l'exportation est habilitée à décider qu'un transport d'animaux n'a pas été effectué en conformité avec les dispositions de la directive 91-628, alors que, en application de l'article 2, paragraphe 3, du même règlement, le vétérinaire officiel avait certifié que ce transport était conforme aux dispositions de cette directive. Pour parvenir à cette conclusion, ladite autorité doit se fonder sur des éléments objectifs, en relation avec le bien-être desdits animaux, de nature à remettre en cause les documents présentés par l'exportateur, sauf pour ce dernier à établir, le cas échéant, que les éléments invoqués par l'autorité compétente, pour conclure au non-respect de la directive 91-628, ne sont pas pertinents.
Sur la deuxième question
33 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, de préciser si, dans le cadre de l'appréciation de l'existence du droit à restitution, dans les cas prévus par le règlement n° 800-1999, l'autorité compétente de l'État membre d'exportation doit, en vue d'apprécier si les dispositions communautaires relatives au bien-être des animaux en cours de transport ont été respectées, prendre en compte la surface disponible du navire en se fondant sur les normes en vigueur dans cet État membre ou celle mentionnée lors de la délivrance de l'agrément sur la base des normes en vigueur dans l'État du pavillon.
34 À cet égard, il importe de rappeler que l'État d'exportation ainsi que l'État du pavillon, visés par la juridiction de renvoi, sont tous deux des États membres de l'Union européenne.
35 S'agissant de la surface totale d'un navire susceptible d'être affectée au transport des animaux, il convient de constater que la directive 91-628 ne comporte aucune disposition expresse à cet égard.
36 Dans ce contexte, dans l'hypothèse où un navire a fait l'objet d'un agrément pour une certaine surface par l'autorité compétente de l'État membre du pavillon, il y a lieu de considérer que la surface indiquée par l'agrément reflète la surface à l'intérieur de laquelle le bien-être des animaux est garanti. En effet, il est constant que, pour octroyer un agrément, l'autorité compétente doit nécessairement procéder à des contrôles approfondis afin de calculer la surface utile totale du navire qui est de nature à assurer le bien-être des animaux au cours de leur transport.
37 Partant, l'autorité compétente de l'État membre d'exportation doit prendre en compte cette surface utile pour apprécier si le transport des animaux sur le navire a été réalisé dans le respect des dispositions de la directive 91-628 relatives au bien-être des animaux.
38 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que, lorsqu'un navire a été agréé pour le transport d'animaux pour une certaine surface par l'État membre du pavillon, l'autorité compétente de l'État membre d'exportation doit se fonder sur cet agrément en vue d'apprécier si les dispositions communautaires relatives au bien-être des animaux en cours de transport ont été respectées.
Sur la quatrième question
39 Par sa quatrième question, qu'il convient d'examiner avant les troisième et cinquième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de "respect des dispositions prévues par la législation communautaire concernant le bien-être des animaux", visée à l'article 33, paragraphe 9, du règlement n° 1254-1999, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu'il est établi que les exigences communautaires en matière de densité de chargement prévues au chapitre VI, point 47, B, de l'annexe de la directive 91-628 n'ont pas été respectées au cours du transport des animaux, il convient de conclure au non-respect de ces dispositions en ce qui concerne la totalité des animaux vivants transportés.
40 En vertu du chapitre VI, point 47, B, de l'annexe de ladite directive, la densité de chargement pour chaque animal est déterminée, dans le cas du transport par mer, en mètres carrés.
41 Or, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 74 de ses conclusions, si le total de la superficie disponible sur le navire pour le transport d'animaux divisé par le nombre d'animaux effectivement transportés n'est pas conforme à la surface par animal prévue au chapitre VI, point 47, B, de l'annexe de la directive 91-628, il convient de considérer que les normes communautaires en matière de densité de chargement n'ont été respectées pour aucun des animaux transportés. Il est en effet constant que, dans l'hypothèse d'un dépassement de la densité de chargement, l'espace disponible pour chaque animal diminue en raison du fait que le nombre d'animaux à bord du navire est supérieur au nombre autorisé en vertu de ces normes.
42 En outre, il convient de relever que la surcharge d'un navire affecte, en principe, l'ensemble des animaux, puisque cela entraîne une limitation des mouvements physiques de ceux-ci, la réduction de l'espace nécessaire à leur confort, une augmentation du risque que ces animaux se blessent ainsi que des conditions pénibles de transport pour l'ensemble des animaux transportés et non pas uniquement pour les animaux en surcharge.
43 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la quatrième question que la notion de "respect des dispositions prévues par la législation communautaire concernant le bien-être des animaux", visée à l'article 33, paragraphe 9, du règlement n° 1254-1999, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu'il est établi que les exigences communautaires en matière de densité de chargement prévues au chapitre VI, point 47, B, de l'annexe de la directive 91-628 n'ont pas été respectées au cours du transport des animaux, il convient, en principe, de conclure au non-respect de ces dispositions en ce qui concerne la totalité des animaux vivants transportés.
Sur les troisième et cinquième questions
44 Par ses troisième et cinquième questions, qu'il convient d'examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit communautaire impose au juge national d'examiner d'office des moyens tirés des règlements nos 1254-1999 et 800-1999 qui dépassent les limites du litige lorsqu'un tel examen aboutirait à écarter le principe de droit néerlandais selon lequel la personne introduisant un recours ne peut se trouver dans une position plus défavorable que celle dans laquelle elle se trouverait en l'absence de recours (principe de l'interdiction de la reformatio in pejus).
45 Le College van Beroep voor het bedrijfsleven indique que, conformément à l'article 8:69 de la loi générale sur le droit administratif, il ne peut pas, en principe, tenir compte d'arguments qui dépassent les limites du litige tel qu'il a été circonscrit par les parties. En outre, il souligne que, si le droit communautaire lui imposait de soulever d'office les moyens tirés des règlements nos 1254-1999 et 800-1999, il pourrait être confronté à la règle procédurale de l'interdiction de la reformatio in pejus consacrée par le droit administratif néerlandais, selon laquelle la personne qui introduit un recours ne peut se trouver dans une position moins favorable que celle dans laquelle elle se trouverait en l'absence de recours. En effet, il n'exclut pas que la prise en compte desdits règlements puisse avoir pour conséquence d'alourdir les obligations des requérantes au principal.
46 À cet égard, il convient de relever que le droit communautaire ne saurait obliger le juge national à appliquer d'office une disposition communautaire lorsqu'une telle application aurait pour conséquence d'écarter le principe, inscrit dans son droit procédural national, de l'interdiction de la reformatio in pejus.
47 En effet, une telle obligation heurterait non seulement les principes du respect des droits de la défense, de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, qui sous-tendent ladite interdiction, mais elle exposerait le particulier ayant introduit un recours contre un acte lui faisant grief au risque qu'un tel recours le place dans une position plus défavorable que celle dans laquelle il se trouverait s'il s'était abstenu d'exercer ce recours.
48 Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre aux troisième et cinquième questions que le droit communautaire n'oblige pas le juge national à appliquer d'office une disposition de droit communautaire lorsqu'une telle application le conduirait à écarter le principe, consacré par le droit national pertinent, de l'interdiction de la reformatio in pejus.
Sur les dépens
49 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (grande chambre) dit pour droit:
1) Le règlement (CE) n° 615-98 de la Commission, du 18 mars 1998, portant modalités particulières d'application du régime des restitutions à l'exportation en ce qui concerne le bien-être des animaux vivants de l'espèce bovine en cours de transport, et, en particulier, ses articles 1er et 5, paragraphes 3 et 7, doivent être interprétés en ce sens que l'autorité nationale compétente en matière de restitutions à l'exportation est habilitée à décider qu'un transport d'animaux n'a pas été effectué en conformité avec les dispositions de la directive 91-628-CEE du Conseil, du 19 novembre 1991, relative à la protection des animaux en cours de transport et modifiant les directives 90-425-CEE et 91-496-CEE, telle que modifiée par la directive 95-29-CE du Conseil, du 29 juin 1995, alors que, en application de l'article 2, paragraphe 3, du même règlement, le vétérinaire officiel avait certifié que ce transport était conforme aux dispositions de cette directive. Pour parvenir à cette conclusion, ladite autorité doit se fonder sur des éléments objectifs, en relation avec le bien-être desdits animaux, de nature à remettre en cause les documents présentés par l'exportateur, sauf pour ce dernier à établir, le cas échéant, que les éléments invoqués par l'autorité compétente, pour conclure au non-respect de la directive 91-628, telle que modifiée par la directive 95-29, ne sont pas pertinents.
2) Lorsqu'un navire a été agréé pour le transport d'animaux pour une certaine surface par l'État membre du pavillon, l'autorité compétente de l'État membre d'exportation doit se fonder sur cet agrément en vue d'apprécier si les dispositions communautaires relatives au bien-être des animaux en cours de transport ont été respectées.
3) La notion de "respect des dispositions prévues par la législation communautaire concernant le bien-être des animaux", visée à l'article 33, paragraphe 9, du règlement (CE) n° 1254-1999 du Conseil, du 17 mai 1999, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu'il est établi que les exigences communautaires en matière de densité de chargement prévues au chapitre VI, point 47, B, de l'annexe de la directive 91-628, telle que modifiée par la directive 95-29, n'ont pas été respectées au cours du transport des animaux, il convient, en principe, de conclure au non-respect de ces dispositions en ce qui concerne la totalité des animaux vivants transportés.
4) Le droit communautaire n'oblige pas le juge national à appliquer d'office une disposition de droit communautaire lorsqu'une telle application le conduirait à écarter le principe, consacré par le droit national pertinent, de l'interdiction de la reformatio in pejus.