CA Rennes, 3e ch. corr., 6 décembre 2007, n° 06-02917
RENNES
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Septe
Conseillers :
Mmes Letourneur-Baffert, Tardy-Joubert
Avocat :
Me Metral
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le Tribunal correctionnel de Nantes par jugement contradictoire en date du 9 novembre 2006, pour publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, NATINF 000193
Remise d'un contrat non conforme au client lors d'un démarchage à domicile ou dans un lieu non destiné au commerce du bien ou service proposé, NATINF 001164
a relaxé X Jacques pour l'infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ;
a relaxé X Jacques pour les faits de remise d'un contrat non conforme... commis antérieurement à la date du 1er septembre 2003 ;
a déclaré X Jacques coupable du surplus des faits qui lui sont reprochés ;
a condamné X Jacques à la peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis pour l'infraction de remise d'un contrat non conforme au client lors d'un démarchage à domicile ou dans un lieu destiné au commerce du bien ou service proposé commise postérieurement au 1er septembre 2003.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
Monsieur X Jacques, le 13 novembre 2006, à titre principal
M. le Procureur de la République, le 13 novembre 2006, à titre incident
La prévention :
Considérant qu'il est fait grief à Jacques X :
- d'avoir à Nantes, courant 2002, 2003, étant chargé de la direction de l'entreprise Y, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur les motifs ou procédés d'une vente ou d'une prestation de service, en l'espèce en éditant un catalogue portant la mention "toutes les chaînes gratuites", rédaction accrocheuse et ambigüe de nature à faire croire à la possibilité de bénéficier de la gratuité sur l'ensemble des chaînes répertoriées, y compris celles normalement payantes, alors qu'il n'était en réalité fait allusion qu'aux chaînes en tout état de cause gratuites ; en l'espèce en faisant croire par un démarcheur à M. Ruaud et à Mlle Aussant que le réseau hertzien allait disparaître et qu'il était donc préconisé de souscrire à un contrat d'équipement numérique d'une valeur de 3 350 euro, le dit matériel faisant l'objet au surplus de graves défaillances aux dépens de Mlle Guillet, M. Poupelin et Mme Thommasset.
Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation.
- d'avoir à Nantes, courant 2002, 2003, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription, ayant démarché ou fait démarcher M. Ruaud, Mlle Aussant, Mlle Guillet, M. Poupelin, Mme Thommasset à leur domicile, résidence ou lieu de travail, même à leur demande, afin de leur proposer l'achat, la vente, la location vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services, remis à ceux-ci un contrat qui ne respectait pas les dispositions des articles R. 121-3 du Code de la consommation, notamment en présentant un bon de rétractation comportant sur le recto des indications relatives à la détermination du taux de TVA à facturer au lieu de l'adresse de renvoi
Faits prévus par les articles L. 121-28, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-21, R. 121-3, R. 121-4, R. 121-5, R. 121-6 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-28 du Code de la consommation.
Rappel des faits
Le 10 mai 2004 la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes saisissait le Procureur de la République de Nantes des résultats de l'enquête qu'elle avait diligentée à la suite de nombreuses plaintes qu'elle avait reçues concernant une société Y dont le siège social était situé <adresse>, spécialisée dans la vente d'appareils destinés à permettre la réception de la télévision numérique, à laquelle il était reproché de se livrer à une publicité mensongère et de procéder à des démarchages effectués en contravention avec les dispositions applicables du Code de la consommation.
La société Y a été dirigée par Thierry Z du 8 février 2002 au 3 août 2003 puis par Jacques X à compter du 1er septembre 2003.
Les plaignants reprochaient aux dirigeants de la société Y d'avoir utilisé comme argument pour décider à l'achat celui tiré de " la fin de l'antenne traditionnelle " en raison de la disparition prochaine du réseau hertzien, puis de ne pas les avoir clairement informés de leur possibilité de rétractation. Le feuillet détachable permettant cette renonciation se trouvant au bas du verso du contrat sur une partie du formulaire qui ne prévoyait aucune signature du client et faisant suite à une série d'articles du Code de la consommation imprimés en très petit caractères pour en décourager la lecture.
L'enquête diligentée sous la direction du parquet de Nantes permettait de recenser de nombreuses plaintes déposées à travers toute la Bretagne et elle mettait en lumière que le coût de l'installation proposée et vendue par la société Y s'élevait à la somme de 3 350 euro alors que le coût moyen d'une installation similaire avoisinait la somme de 250 euro.
Thierry Z entendu dans le cadre d'une plainte déposée par M. Christian Ramard s'est évertué à se disculper en cherchant à impliquer d'autres cadres de la société Y, expliquant que pour sa part, son activité essentielle consistait à rechercher des biens immobiliers sur la Côte d'Azur aux responsables de la société-mère Z.
Quant à Jacques X dans une audition du 2 juin 2004 par les services de police de Nantes, il s'attachait surtout à dénier les faits, contestant que la commerciale de sa société ne pouvait avoir dit au client, en l'occurrence Monsieur Judic, qu'il lui serait possible de recevoir gratuitement toutes les chaînes " Canal Satellite " et " TPS ". Il se refusait à donner l'indication de l'identité de cette commerciale. Il admettait cependant, que ce n'était pas la première fois que des plaintes de ce genre lui parvenaient, mais il prétendait qu'elles s'étaient toutes résolues par un arrangement commercial. Il reprochait même à Monsieur Judic de s'être adressé immédiatement au Procureur de la République plutôt que d'avoir recherché un arrangement amiable avec la société.
Dans une seconde audition du 29 juin 2004 toujours devant les services de police de Nantes il précisait que le " turn over " des commerciaux embauchés par la société Y était extrêmement important et qu'il ne pouvait en conséquence en citer les identités. Il admet quelques erreurs dans la rédaction des contrats qui de ce fait n'étaient pas conformes à la législation, tout en précisant qu'il n'y avait aucune volonté de nuire à quiconque et il finissait par dire que toutes les plaintes avaient été soldées par un arrangement amiable, accordé par la société Y uniquement à titre commercial.
Sur ce
Considérant qu'il est reproché à Jacques X d'avoir effectué une publicité comportant dès allégations de nature à induire le consommateur en erreur, en ayant édité et diffusé un catalogue portant la mention "toutes les chaînes gratuites" ; que cette mention est rédigée en termes accrocheurs et ambigus qui sont de nature à faire croire à la possibilité de bénéficier de la gratuité sur l'ensemble des chaînes répertoriées, y compris celles normalement payantes, alors qu'il n'était en réalité fait allusion qu'aux chaînes en tout état de cause gratuites ;
Considérant que Jacques X se défend d'avoir commis le délit qui lui est reproché en faisant valoir qu'au bénéfice de la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 les actes répréhensibles commis l'ont été par la société Y et qu'il n'était pas dirigeant de cette société au moment de la souscription des contrats ;
Que sur le délit de publicité mensongère, il ajoute que le document produit sur lequel figure la mention incriminée, il doit s'analyser comme une " œuvre de l'esprit " et qu'il n'a été nullement remis par lui aux clients potentiels de la société Y ; qu'enfin, il était joint à ce catalogue une liste des chaînes susceptibles d'être gratuitement reçues et qu'il ne pouvait de ce fait régner aucune confusion dans l'esprit des consommateurs à la lecture de ce document ;
Considérant que si la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 a permis l'incrimination dans certaines conditions des personnes morales, elle n'a nullement eu pour effet de dispenser les personnes physiques qui en était leurs dirigeants de répondre cumulativement avec la personne morale des faits qu'ils avaient personnellement commis ou dont ils avaient permis la commission ;
Considérant sur le délit de publicité mensongère, qu'il suffit de se reporter à l'argumentaire remis aux commerciaux de la société Y pour les aider à conduire l'entretien destiné à déterminer l'engagement de leur client potentiel, pour se convaincre de l'existence de l'ambiguïté résidant dans la mention portée sur le catalogue qu'elle diffusait, ainsi que sur l'en-tête de ses courriers ; qu'il y est en effet précisé qu'au début de l'entretien, lorsque le commercial doit vérifier ce que le client a compris de la documentation qu'il a reçue, il lui appartient de le mettre en garde sur la portée réelle de la gratuité alléguée, dès lors que le client aura généralement compris de façon erronée que toutes les chaînes qu'il recevra seront gratuites ; que cela révèle pour le moins que la société Y avait une claire conscience de l'ambiguïté de son message publicitaire, propre à faire croire au consommateur qu'il pouvait bénéficier de la gratuité de l'ensemble des chaînes y compris celles normalement payantes, puisqu'elle éprouvait le besoin de recommander à ses commerciaux de s'assurer que les clients n'avaient pas fait une analyse erronée du message critiqué ;
Que de surcroît, en n'ayant ni fait précéder, ni fait suivre son message publicitaire d'un signe renvoyant le consommateur à la lecture d'une mention lui précisant que seules les chaînes gratuites pouvaient être reçues gratuitement avec l'équipement qui lui était vendu, la société Y a entretenu l'ambiguïté de son message publicitaire ; que l'adjonction par agrafage de la liste énumérant le nombre des chaînes pouvant être reçues réellement gratuitement, ne suffit pas à permettre à la société Y de prétendre qu'elle avait clarifié son message publicitaire, dès lors que rien dans la procédure n'établit de façon certaine que cette liste était systématiquement agrafée au catalogue portant la mention incriminée ;
Qu'il importe peu que Jacques X n'ait pas personnellement procédé à la diffusion de ce message publicitaire dès lors que durant la période de la prévention pendant laquelle il a exercé la gérance de la société Y il a fait procéder à cette diffusion ;
Considérant en conséquence, qu'infirmant sur ce point le jugement entrepris, il convient d'entrer en voie de condamnation de ce chef de prévention à l'encontre de Jacques X ;
Considérant par ailleurs, que l'examen des contrats d'équipement que la société Y faisait signer à ses clients comportent un formulaire leur permettant d'annuler leur commande ; que cependant, ce formulaire qui figure au pied du verso du contrat a pour effet, s'il est utilisé, de faire disparaître la signature du client au pied du recto de celui-ci et dès lors de priver le consommateur de la preuve de son engagement ; que surtout il n'est nullement conforme aux prescriptions des articles R. 121-4 et R 121-5 du Code de la consommation imposant qu'il comporte deux faces distinctes sur lesquelles figurent sur l'une l'adresse de la personne à laquelle il doit être envoyé et sur l'autre, diverses mentions énumérées par l'article R 121-5 du Code susvisé ;
Que c'est ainsi de façon pertinente que les premiers juges ont retenu Jacques X dans les liens de la prévention de ce chef pour les faits commis postérieurement au 1er septembre 2003 ; que le jugement entrepris sera dès lors confirmé sur ce point ;
Considérant cependant, que la cour dispose des éléments suffisants pour sanctionner différemment Jacques X ainsi que précisé dans le dispositif du présent arrêt ;
Dispositif
LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Jacques, En la forme, Reçoit les appels ; Au fond, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé Jacques X des faits de démarchage à domicile antérieurs au 1er septembre 2003 ; Infirme pour le surplus ; Statuant à nouveau ; Déclare Jacques X coupable pour le surplus de la prévention ; En répression le condamne à une peine de 2 mois d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à une amende de 1 000 euro ; Constate que l'avertissement prévu à l'article 132-29 du Code pénal n'a pu être donné au prévenu absent lors du prononcé de l'arrêt, Le Président n'a pas pu donner au condamné absent l'avis prévu à l'article 707-3 du Code de procédure pénale ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 120 euro dont est redevable le condamné, en vertu de l'article 800-1 du Code de procédure pénale et de l'article 1018 A du Code général des impôts.