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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 12 mars 2008, n° 2008-165

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Trille

Conseillers :

Mme Boresi, Mme Michel

Avocat :

Mes De Saint-Férreol

TGI Nice, ch. corr., du 30 juin 2006

30 juin 2006

Rappel de la procédure:

La prévention:

Bernard X est prévenu:

D'avoir commis à Carros, eu tout cas sur le territoire national, dans le cadre de la gérance de la SARL W, de1994 à 1996, en tout cas depuis temps non prescrit : " commis les délits : - d'utilisation de faux noms, fausses qualités, de manœuvres frauduleuses (figuration des gagnants ne concernant pas les opérations en cours), pour persuader l'existence des gains chimériques (probabilité irréalisables, compte tenu du nombre d'envois et des conditions de tirage au sort) et déterminant la remise de fonds, - d'utilisation de tampons ou signatures sur les messages expédiés aux clients;

faits prévus par Art 313-1 Al 1, Al 2 du Code pénal et réprimés par Art 313-1 Al 2, Art 313-7, Art 313-8 du Code pénal;

d'avoir à Carros, en tout cas sur le territoire national, dans le cadre de la gérance de la SARL W, de 1994 à 1996, en tout cas depuis temps non prescrit commis le délit " - d'utilisation des biens de la SARL Activité, de mauvaise foi, contraire à l'intérêt de cette dernière, pour favoriser une autre société (FDS entre autres) (ancien article 437 et 4 loi du 24 juillet 1966) ";

faits prévus par Art L. 241-3 4 Art L. 241-9 du Code du commerce et réprimés par Art L. 241-3 du Code du commerce;

d'avoir à Carros, en tout cas sur le territoire national, dans le cadre de la gérance de la SARL W, de 1994 à 1996, en tout cas depuis temps non prescrit commis le délit; - d'organisation de loteries prohibées par la voie de l'audiotel : offre au public, sacrifice financier, espérance d'un gain, intervention du hasard dans les tirages au sort ou l'attribution des gains ; faits prévus et réprimés par l'article L 121-36 et suivants du Code de la consommation;

faits prévus par Art 3 Al 1, Art 4 Al1, Art 1, Art 2 loi du 21/05/1836 et réprimés par Art 3 loi 21/05/1836;

Y Philippe est prévenu:

- de s'être, sur le territoire national, courant 1994, 1995, en tout cas depuis temps non prescrit, en sa qualité de gérant de la SARL CSV et Président de la SA CSV rendu complice du délit d'organisation de loteries prohibées commis par Monsieur X et de la société W (offres faites au public, sacrifices financiers imposés aux participants attirés par l'espérance d'un gain, intervention du hasard dans l'attribution des gains), par aide et assistance dans la commission des infractions;

faits prévus par Art 3 Al 1, Art 4 Al 1, Art 1, Art 2 loi du 21/05/1836 et réprimés par Art 3 loi 21/05/1836 Art 121-6, 121-7 du Code pénal;

Z Pascal est prévenu;

- d'avoir à Metz, et sur le territoire national, courant 1995, en tout cas sur le territoire national et depuis temps n'emportant pas prescription depuis temps non prescrit, étant gérant de la SARL P, contrevenu aux dispositions des articles 1 et 2 de la loi du 21 mai 1836 en organisant par publicité et remise de ticket de jeu au public un jeu de hasard dit " 500 000 séjours au soleil " comportant espoir de gagner un séjour et obligation de consulter un serveur téléphonique payant et de payer des frais de dossier et d'acquérir un billet d'avion auprès de la société P en cas de gains; d'avoir dans les mêmes circonstances organisé des opérations définies au l' alinéa de l'article 121-36 du Code de la consommation sans respecter les conditions exigées par la section VI du chapitre I du titre II du livre I du Code de la consommation, à savoir en organisation une opération publicitaire dite " 500 000 séjours au soleil " réalisée par voie d'écrit qui tendait à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants alors qu'elle imposait aux participants une contrepartie financière ou une dépense par obligation d'a peler un serveur payant et cacas de gain, de payer les frais de dossier et d'acquérir un billet auprès de la société P ; faits prévus et réprimés par les articles 1,2,3 de la loi du 21 mai 1836, alinéa 1er et 3 de la loi 83-622 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, L. 121-36 et L. 121-41 du Code de la consommation;

faits prévus par Art L. 121-41, Art L. 121-36 Al1 du Code de la consommation et réprimés par Art L. 121-41 du Code de la consommation;

Le jugement:

Par jugement contradictoire à l'égard de X Bernard et Y Philippe et contradictoire à signifier à l'égard de Z Pascal du 30 juin 2006, le Tribunal correctionnel de Nice

- a rejeté la nullité soulevée par (X Bernard, l'a relaxé de l'infraction d'abus de biens sociaux, l'a déclaré coupable pour le surplus des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à la peine de 4 ans d'emprisonnement avec sursis, une amende délictuelle de 350 000 euro et a prononcé l'interdiction professionnelle d'exercer toute activité d'organisation et de conseil en matière de jeux et loteries pour une durée de 5 ans et la privation des droits civiques pour une durée de 5 ans,

- a déclaré Y Philippe coupable des faits qui lui sont reprochés, l'a condamné à une amende délictuelle de 20 000 euro et a rejeté la demande de non-inscription au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire,

- a déclaré Z Pascal coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à une amende délictuelle de 20 000 euro.

Le tribunal a en outre ordonné la publication du dispositif du jugement dans le journal Nice Matin (édition de Grasse).

Les appels:

X Bernard a interjeté appel de ce jugement, par déclaration au greffe du tribunal,

le 6 juillet 2006.

Le Ministère public a relevé appel incident le 10 juillet 2006.

Y Philippe a interjeté appel de ce jugement, par déclaration au greffe du tribunal,

le 7 juillet 2006.

Le Ministère public a relevé appel incident le 10 juillet 2006.

Z Pascal a interjeté appel de ce jugement qui lui a été signifié le 12 avril 2007, par déclaration au greffe du tribunal, le 17 avril 2007.

Le Ministère public a relevé appel incident le même jour.

Décision:

En la forme,

Attendu que X Bernard comparaît, assisté de son conseil;

Que Y Philippe est représenté par son conseil qui fait savoir qu'il se désiste de son appel;

Que Z Pascal comparaît en personne;

Qu'il sera statué par arrêt contradictoire à leur égard;

Attendu que les appels formés par les prévenus et le Ministère public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux;

Au fond,

Rappel succinct des faits:

Le 26 octobre 1995, Robert Guyot domicilié à Paris, dénonçait au ministère de la Justice les agissements de la société W à Nice. Il joignait un document émanant de cette entreprise, le désignant comme gagnant d'un gros lot. Pour connaître la nature exacte de son gain et pour le recevoir, il devait prendre attache téléphonique avec un numéro Audiotel 36 70 72 24, service taxé à 8,70 F l'appel et 2,19 F la minute.

L'enquête allait permettre de mettre à jour la chaîne des décideurs et des responsables de ces opérations publicitaires et de renvoyer 8 personnes devant le tribunal correctionnel,

X Bernard:

Des vérifications entreprises, il ressortait que la SARL W, sise à Nice, <adresse>, était dirigée par Bernard X. Cette adresse n'était en fait qu'une domiciliation, l'activité de l'intéressé étant concentrée sur la zone industrielle de Bernard X apparaissait comme étant l'animateur de plusieurs autres sociétés dont la SARL S.

Le titulaire du numéro 36 70 42 24 était identifié comme étant la société E domiciliée à Meyreuil (13). Un certain nombre de numéros attribués à cette même société avaient attiré l'attention du fait des sommes considérables qui y étaient drainées. France Télécom avait d'ailleurs résilié certains de ces numéros pour violation des clauses contractuelles en novembre 1995.

Divers constats effectués par France Télécom mettaient en évidence la similitude du service proposé sur le 36 70 42 24 et les autres numéros d'E, certaines sociétés s'identifiant d'ailleurs sous le nom d'W.

Des investigations effectuées, il ressortait que nombre de numéros Audiotel étaient en réalité exploités par des sociétés sous le contrôle de Bernard X. Environ 50 millions de francs avaient fait l'objet de reversements aux centres serveurs à destination des fournisseurs de services. A ce chiffre, s'ajoutaient le prélèvement effectué par France Télécom, ainsi que la TVA, ce qui portait le préjudice réel subi par le public entre 75 et 100 millions de francs.

Bernard X, directeur général de la SA S et gérant de la SARL W reconnaissait être en infraction au regard de la législation sur les loteries et s'expliquait:

Spécialiste de la vente par correspondance, il éditait un catalogue regroupant divers articles. Pour développer son secteur il proposait à ses clients de participer à des loteries.

Fin 1994, il concevait, avec la société de publicité B à Monaco, un message Audiotel destiné à ses clients. Dans le même temps, il élaborait un script avec le centre serveur Telaim à Boulogne (92), lequel s'était chargé de l'enregistrement audio. Peu de temps après, par l'intermédiaire de Michel Barrancos de la société E, il développait ses activités en se rapprochant de deux autres centres serveurs, CST à Tours (37) et CVF à Bordeaux (33), lesquels se chargeaient de l'enregistrement des messages et de l'assistance technique.

Ces messages publicitaires étaient organisés autour de plusieurs thèmes:

- Les voyages: Les clients étaient censés gagner des bons de séjour de 5 000 F (pour deux personnes). Pour cela, ils devaient prendre attache avec le numéro audiotel figurant sur leur avis de gains. Après 10 à 18 mn de communication, ils apprenaient qu'ils venaient de gagner un 'magnifique séjour. Un dossier leur était alors adressé sur lequel il devait préciser les dates souhaitées pour ce voyage. Ils devaient retourner ce dossier accompagné des frais d'inscriptions, soit 150 F par personne.

Dans cette optique, Michel Barrancos avait mis Bernard X en relations avec les sociétés H à Argenteuil (95) et P à Thionville (57), lesquelles vendaient des chèques séjour au prix unitaire de 25 francs. Les clients devaient ensuite passer obligatoirement par ces agences pour se procurer les billets de transports nécessaires au séjour gagné.

Une première opération avait touché 300 000 à 400 000 clients sur un numéro Audiotel attribué par France Télécom à W. Devant le succès de cette opération, E, en la personne de Michel Barrancos, proposait de mettre à la disposition de Bernard X quelques uns de ses numéros Audiotel. Cinq autres opérations de ce type étaient alors menées, utilisant divers numéros. Dès la seconde de ces nouvelles opérations, les chèques séjour n'étaient plus payés par Bernard X. Au contraire, H et P devaient lui reverser la somme de 80 F par dossier de voyage validé au titre des frais de traitement.

- Les produits de consommation courante : 4 ou 5 opérations portant sur des produits de consommation courante étaient développées sur l'Audiotel selon le même procédé. Les clients recevaient, après appel d'un numéro Audiotel désigné dans le message publicitaire, des bons de réduction d'une valeur de 450 F qui n'étaient utilisables qu'à la condition que " les gagnants " achètent les produits désignés. Pour ces bons, Bernard X était en relations avec la SARL R à Paris qui percevait environ 200 000 F d'honoraires par opération.

- Meubles : Une opération était réalisée avec cette même société R pour proposer, selon le même procédé, des bons de réduction sur des produits désignés de la société Meublena

- Bijoux : Une opération était enfin menée utilisant la marque Divinci, propriété de S et portait sur des bijoux qui étaient proposés aux clients par Audiotel.

Le prix de revient de chacun de ces bijoux était d'environ 15 francs. La durée moyenne de l'appel était de 7 minutes, ce qui engendrait pour " l'heureux gagnant " un coût évalué par X entre 21 F et 25 F.

Grâce à ses fichiers Bernard X distribuait par voie postale les messages publicitaires. Ceux-ci précisaient aux destinataires qu'ils étaient les heureux gagnants d'un tirage au sort et qu'ils devaient sur le champ composer le numéro Audiotel qui leur était communiqué afin de connaître la nature exacte de leur lot. Le script mis au point par (X, en collaboration avec l'agence de publicité B, était élaboré dans le double objectif de conserver le client en ligne le maximum de temps et d'affiner ses fichiers clients. En effet les diverses questions qui étaient posées à l'appelant (âge, goût, voyages, etc...) permettaient d'élaborer des fichiers ciblés destinés à de futures opérations spécifiques ou a être loués à d'autres sociétés.

Toutes les informations recueillies au cours des appels parvenus sur les plaques des centres serveurs (CVF, CST et Telaim) étaient transmises au service informatique de X., la société OCDL à Vallauris.

L'impression des messages publicitaires était assurée par la société monégasque B. Le routage était effectué par trois sociétés: Eurodirect à Geispelheim (67), Côte D'azur Routage à Carros et Transport à Toulouse.

Bernard X évaluait entre 200 000 et 2 000 000 le nombre de clients touchés à chaque opération.

Les messages publicitaires adressés aux clients précisaient qu'ils avaient été tirés au sort par Maître Bailet à Drap (06). En réalité, c'est la société informatique OCDL qui éditait, à partir du fichier utilisé pour l'opération, un listing aléatoire de 4 000 à 5 000 noms qui était ensuite présenté à l'huissier pour extraction des gros lots en espèces. Le tirage au sort ne portait donc en réalité que sur 0,2 % à 2 % des personnes touchées. Ainsi, 200 000 à 2 000 000 de clients recevaient un message " vous êtes peut-être l'heureux bénéficiaire d'un premier prix " et pouvaient légitimement nourrir l'espoir de ce gain, alors que le tirage des 4 gros lots était effectué sur une infime partie du fichier et préalablement à l'envoi des mailings.

Bernard X précisait que les mentions portées par Me Bailet sur les constats étaient fausses. Il admettait que le règlement officiel qui était déposé chez l'huissier ne faisait aucune mention des modalités de jeux, se contentant de renvoyer à l'extrait de règlement figurant sur les avis publicitaires, lesquels renvoyaient eux-mêmes à ce règlement officiel.

Sur les numéros en 36-70, les messages étaient d'une durée de 12 minutes. Bernard X espérait et obtenait une durée moyenne d'appel de 8 à 10 minutes. Le script était conçu de telle sorte que le client ne pouvait avoir connaissance de son gain qu'à partir de la 8ème minute, ce qui correspondait à un coût situé entre 25 et 30 F TTC. 30 à 50 % de cette somme était conservé par France Télécom, le reste était réservé au centre qui, après prélèvement (5 à 7 %) le reversait à Bernard X.

Selon Bernard X les sommes totales collectées par France Télécom étaient égales à deux fois les sommes reversées par l'entreprise publique au centre serveur.

Sur les numéros en 36-68 et 36-69, la durée du message était d'environ 16 minutes, ce qui correspondait au même coût pour l'appelant.

Bernard X admettait que depuis le début de ses activités Audiotel il n'y avait eu qu'un seul gagnant en espèces alors que tous les messages publicitaires adressés à ses clients faisaient état de plusieurs noms de gagnants.

Il expliquait qu'il voulait faire croire qu'il y avait plus de gagnants qu'il n'y en avait réellement dans le but d'inciter les clients à utiliser l'Auditel pour générer des recettes plus importantes. Il reconnaissait aussi que ses clients avaient pu être induits en erreur par l'usage de faux noms, fausses qualités, fausses signatures dans ces messages, son script Audiotel et les avis publicitaires.

Il prélevait sur les comptes de la société W plus de 3 millions de francs au bénéfice d'une autre société qu'il contrôlait, S.

Z Pascal:

Pascal Z était le gérant de la SARL P. En 1994, E avait proposé à P de mettre à disposition des chèques séjours dans les jeux concours organisés par W et FDS

C'est ainsi que P avait signé un contrat et avait fourni 14 000 chèques séjour. Les gagnants devaient payer 150 F de droits d'inscription par personne. 80 F par dossier validé étaient ensuite reversés à Bernard X. Au total, P avait perçu 4 200 000 F

Sur cette somme, 1 328 000 F avaient été reversés à X et 600 000 F à E, au titre de commission d'apporteurs d'affaires.

Pascal Z reconnaissait avoir mené une opération identique avec l'UPIHM qui malgré les mises en garde de la direction générale avait lancé et prolongé ces opérations illégales, mais précisait qu'il n'avait pas conscience d'être dans l'illégalité.

Moyens des parties:

Par courrier de son conseil en date du 8 février 2008, Y Philippe fait connaître qu'il se désiste de son appel, désistement confirmé à l'audience par son conseil, substitué par Maître Saint Ferrleol, avoué près la cour d'appel;

Le Ministère public se désiste de son appel incident;

Le Ministère public requiert la confirmation de la décision déférée,

X Bernard dépose des conclusions tendant à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a relaxé de la poursuite du chef d'abus de biens sociaux et à la réformation et sa relaxe pour le surplus.

Il fait valoir:

- l'absence d'éléments constitutifs permettant de caractériser le délit de loteries prohibées car le service Audiotel mis à la disposition des participants au jeu ne constituait pas une loterie et n'était pas une condition de participation au jeu et la dépense entraînée par le coût de la communication ne constituait pas une condition de participation à la loterie mais une simple libéralité laissée à l'entière appréciation du participant, qu'en conséquence, l'ambition d'un gain était réelle et sans participation financière.

- l'absence d'une possible qualification du délit d'escroquerie, les noms figurant sur les documents étant des noms utilisés pour la procédure commerciale, ce qui n'est pas illégal et l'absence d'équivoque des documents, le participant ne pouvant ignorer que le gain ne serait pas forcément le premier prix et qu'en l'espèce, l'intention frauduleuse n'est pas caractérisée.

Z Pascal dépose des conclusions faisant valoir que l'infraction qui lui est reprochée, n'est pas constituée car il n'est pas l'organisateur de la loterie, que cette loterie n'est pas prohibée et qu'il n'en a retiré aucun bénéfice.

Motifs de la décision:

Au fond,

Sur l'action publique:

Attendu qu'en l'état des désistements d'appel respectifs de Y Philippe et du Ministère public, il n'y a pas lieu de statuer sur ces appels;

1- Sur la culpabilité

Bernard X:

- Abus de biens sociaux:

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et des débats que les sociétés S et W font partie du même groupe de sociétés destinées à soutenir les activités commerciales de Bernard X, la première procurant les fichiers, la logistique et le personnel à la seconde qui n'a aucun personnel;

Que les transferts de fonds effectués par W, largement bénéficiaire, au bénéfice de Fus, en difficultés conjoncturelles entrent dans le cadre d'une activité globale qui en justifie la légitimité;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer la relaxe prononcée par les premiers juges;

- Organisation de loteries prohibées et escroquerie;

Attendu que les premiers juges pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de

X Bernard ont retenu:

Qu'il ne fait aucun doute que, s'agissant des loteries qu'il a organisées et qui ont généré un chiffre d'affaires de près de 35 millions de francs en 1995, son intérêt résidait dans le fait que le plus grand nombre de personnes possible appelle le numéro audiotel figurant sur la publicité, puisque c'est dans la facturation de ces appels que résidait le bénéfice de l'opération ; pour connaître son gain, l'appelant devait obligatoirement payer fort cher un appel téléphonique dont il n'était prévu aucune possibilité de remboursement;

Que la mention dans le règlement de la loterie que la " demande de prix peut être effectuée par courrier " n'est d'aucun poids face à l'argumentaire publicitaire qui fait habilement miroiter un gain immédiat ; que d'ailleurs aucun membre de la société W, dont M. X était le gérant, ou de toute autre société du même groupe, n'allègue d'un quelconque courrier de demande de prix pour un quelconque client;

Qu'en faisant payer fort cher leur appel aux " gagnants ", et en tirant son bénéfice personnel des seuls appels téléphoniques, M. X s'est bien rendu coupable du délit prévu par l'article 121-36 du Code de la consommation, en organisant une loterie imposant à ses participants une dépense téléphonique;

Attendu que s'agissant du délit d'escroquerie, il lui est reproché d'avoir en fait organisé un système incitant les participants aux loteries à téléphoner, encore et toujours, aux numéros permettant au prévenu d'amasser les redevances subséquentes;

Que l'examen du système mis en place permet de constater que M. X a largement dépassé le stade de la publicité pour atteindre le stade de l'escroquerie ; qu'en effet, le document envoyé aux participants est en lui-même porteur de mensonges divers et variés: le prétendu " directeur des jeux ", qui signe du nom de " Lamothe " le bulletin, n'existe pas et a été créé " pour faire sérieux ", ledit bulletin porte mention du nom de trois autres " gagnants " (M. Lambert, M. Astier, M. Pilete) qui auraient réclamé leurs gains, or ces gagnants, s'ils existent, ne sont pas forcément des gagnants de la présente loterie ; que si leur nom figure sur ce bulletin précis, c'est pour faire croire à l'évidence que 4 lots sont mis enjeu et que les 3 autres sont déjà attribués, impression corroborée et amplifiée par la mention de M. Guyot au regard de la somme: " 100 000 F non réclamé ... (ou autre gain);

Que ce même bulletin indique la liste des gains, qui sont au nombre de 5, et pas un de plus alors qu'en fait le 5e prix est distribué à tous les participants qui en font la demande, mais cela n'est pas précisé, bien évidemment;

Que M. X a sciemment laissé penser à chacun des participants des loteries qu'il avait gagné le 1er prix afin de leur soutirer un très long appel téléphonique chèrement facturé;

Que l'aspect frauduleux de cette méthode est confirmé par le mode de tirage au sort, forcément antérieur à l'opération publicitaire, puisque, pour être à même de répondre via le serveur audiotel aux demandes de prix, il faut que, dès le moment de réception des courriers pas les clients potentiels, le nom des gagnants soit connu ; que M. X savait pertinemment que la grande masse des appelants était assuré de ne rien gagner d'autre que des bons de réduction, alors même qu'il leur faisait miroiter un gain de 100 000 F;

Que l'opération est extrêmement rentable pour la société W puisque lorsqu'un " vrai gagnant " n'appelle pas pour réclamer son lot, celui-ci n'est pas remis en jeu au bénéfice des autres participants, mais est tout simplement conservé par la société, Mme Fournier, Directeur financier de la société mère " France Direct Service " ayant d'ailleurs indiqué qu'en 1995, elle n'a établi que 2 chèques de 50 000 F, à titre de gains, pour l'ensemble des loteries organisées cette armée là;

Que l'infraction d'escroquerie reprochée à M. X est établie, le système mis en place consistant à faire croire à des centaines de milliers de " clients " qu'ils avaient gagné un lot afin de les pousser à téléphoner à un service audiotel fort rémunérateur pour le prévenu;

Que c'est donc par des motifs suffisants et justifiés, que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu la culpabilité de Bernard X;

Qu'il suffît d'ajouter, pour répondre au prévenu qui développe en appel les mêmes arguments que devant les premiers juges qu'il a présenté, dans les documents publicitaires adressés aux participants, de façon affirmative et délibérément trompeuse la simple éventualité de gain d'un lot important qui ne constituait qu'un événement hypothétique compte tenu de la probabilité, le participant n'ayant d'autre choix, compte tenu de l'imminence du gain que d'appeler le numéro auditel et de supporter, au prix fort, le coût de la communication; que l'infraction d'organisation de loteries prohibées qui lui est reprochée est parfaitement établie;

Que Bernard X, qui reconnaît à l'audience de la cour que Monsieur " Lamothe ", directeur des jeux, n'existe pas mais qu'il s'agit d'un pseudonyme, sans pouvoir préciser de qui, a, en connaissance de cause, usé de faux noms et de fausses qualités de directeur des jeux et de gagnants, a présenté des probabilités irréalisables comptes tenu du nombre d'envois et des conditions de tirage au sort pour persuader les participants de l'existence de gains chimériques, manœuvres frauduleuses qui ont été déterminantes des appels téléphoniques au coût élevé qu'ils ont passés pour le plus grand bénéfice de X; que l'infraction d'escroquerie qui lui est reprochée est parfaitement caractérisée;

Qu'il convient, en conséquence de confirmer sa culpabilité;

Z Pascal:

Attendu que Pascal Z était le gérant de la SARL P dont l'objet social était la promotion et le marketing direct;

Attendu qu'en 1994, la société P avait signé un contrat avec Jacques Hitzcies, président de l'Union Professionnelle de l'Industrie Hôtelière de Moselle pour une opération promotionnelle dite " 500 000 séjours au soleil "; opération qui utilisait des numéros Auditel fournis par E, les chèques séjours étant fournis par P;

Que les participants, qui savaient s'ils avaient gagné un séjour touristique après grattage de la carte, devaient appeler un numéro Audiotel pour en connaître le contenu, qu'il leur était alors précisé qu'ils devaient adresser leur carte de grattage à P, accompagnée d'un règlement de 150 F pour les frais de dossier;

Que P avait fourni 14 000 chèques séjour, sur les 150 F reçus, 80 F par dossier validé étaient ensuite reversés à Bernard X, au total, P avait perçu 4 200 000 F dont 1 328 000 F avaient été reversés à X et 600 000 F à E, au titre de commission d'apporteurs d'affaires, 900 000 F environ étant restés dans les caisses de P;

Qu'ainsi Pascal Z a organisé, en connaissance de cause, une opération, réalisée par voie d'écrits, qui tendait à faire naître l'espérance d'un gain attribué à chacun des participants en leur imposant une contrepartie financière;

Que l'infraction qui lui est reprochée est parfaitement constituée en tous ses éléments; Qu'il convient, en conséquence, de confirmer sa culpabilité;

2- Sur la peine,

Attendu que l'importance de l'escroquerie réalisée par Bernard X en organisant des loteries prohibées, le mode opératoire particulièrement élaboré, le nombre important de participants qui en ont été victimes et l'importance des profits qui ont été générés, alors que Bernard X avait déjà été condamné à plusieurs reprises pour des publicités mensongères, justifient que soit prononcée une peine d'emprisonnement assortie du sursis que la cour, réformant sur le quantum, fixe à 2 ans et que soient confirmées la peine d'amende de 350 000 euro, l'interdiction professionnelle d'exercer toute activité d'organisation et de conseil en matière de jeux et loteries ainsi que l'interdiction des droits civiques pour une durée de 5 ans prononcées par les premiers juges;

Attendu que Pascal Z n'ayant jamais été condamné, la cour fera à son égard une appréciation plus modérée de la loi pénale en le condamnant à une amende d'un montant de 5 000 euro;

Attendu que les faits sont particulièrement anciens, qu'il n'y a donc pas lieu à publication du présent arrêt.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de (X Bernard, Y Philippe et Z Pascal, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la toi, En la forme, Donne acte à Y Philippe et au Ministère public de leurs désistements d'appel respectifs, Dit n'y avoir lieu à statuer sur ces appels, Reçoit les appels formés par X Bernard, Z Pascal et le Ministère public. Au fond, Bernard X : Confirme la relaxe du chef d'abus de biens sociaux, Confirme la culpabilité des chefs d'organisation de loteries prohibées et d'escroquerie, Confirme les peines prononcées par les premiers juges sauf en ce qui concerne le quantum de la peine d'emprisonnement, Condamne Bernard X à 2 ans d'emprisonnement, Dit qu'il sera sursis à l'exécution de la peine d'emprisonnement dans les conditions des articles 132-29 et suivants du Code pénal; l'avertissement prévu par la loi ayant été aussitôt donné au condamné, Pascal Z : Confirme sur la culpabilité, Réforme sur la peine, Condamne Pascal Z à une amende de 5 000 euro, En l'absence du prévenu, le Président n'a pas pu l'aviser que, s'il s'acquitte du montant de l'amende dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt, ce montant sera diminué de 20 % sans que cette diminution puisse excéder 1 500 euro mais que le paiement volontaire de l'amende ne fait pas obstacle à l'exercice des voies de recours (article 707-3 du Code de procédure pénale). Dit n'y avoir lieu à publication du présent arrêt. Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.