CA Orléans, ch. com., économique et financière, 10 mai 2007, n° 06-01892
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Piardon
Défendeur :
Caisse d'Epargne du Val-de-France orléanais
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Rémery
Conseillers :
Mme Magdeleine, M. Garnier
Avoués :
Me Garnier, SCP Desplanques-Devauchelle
Avocats :
SCP Chapelin-Viscardi-Vergnaud, Me Brémard
La Caisse d'Epargne de Montargis aux droits de laquelle vient la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Val de France Orléanais (la Caisse d'Epargne) a consenti à Maître Piardon, titulaire d'un office notarial à Saint Michel Sur Orge, divers prêts personnels et professionnels entre 1988 et 1991. Prétendant que l'établissement de crédit lui avait accordé des crédits abusifs après avoir rompu brutalement les relations commerciales entretenues avec son étude, Me Piardon a assigné la Caisse d'Epargne, par acte du 17 décembre 2003, en dommages et intérêts.
Par jugement du 9 mai 2006, le Tribunal de grande instance d'Orléans a débouté Me Piardon de ses demandes et l'a condamné à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 2 500 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Me Piardon a relevé appel.
Par ses dernières conclusions signifiées le 9 novembre 2006, il prétend que la Caisse d'Epargne, après avoir développé son activité de prêt immobilier dans le secteur géographique où il exerçait son office, a modifié sa politique commerciale en 1989 suite à la restructuration de son réseau, ce qui lui a causé une importante perte de chiffre d'affaires, le nombre des actes au profit de ce prêteur étant passé de 146 en 1988 à 36 en 1989. Il considère que la brusque rupture des relations commerciales, sans préavis, a porté atteinte à ses capacités de remboursement et que la banque a manqué à son obligation de prudence et de discernement en lui accordant des crédits excessifs. Il en déduit que la Caisse doit être condamnée à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent à la créance restant due et subsidiairement la somme de 158 834 euro correspondant au respect d'un préavis de deux années dans la rupture des relations d'affaires. Il demande également la mainlevée des garanties prises sur ses biens ainsi que l'allocation de la somme de 2 500 euro à titre d'indemnité de procédure.
Par ses écritures du 13 février 2007, la Caisse d'Epargne dénie être responsable des difficultés de Me Piardon, dont il est seul à l'origine ainsi qu'il résulte du prononcé en 2002 d'une peine disciplinaire d'interdiction temporaire de six mois. Elle estime que les investissements de l'appelant sont la résultante du choix personnel d'un professionnel avisé et que les acquéreurs de biens immobiliers ont contracté auprès d'autres établissements bancaires, étant observé que le secteur de l'immobilier a connu une crise grave dans les années 1990. Elle rappelle qu'aucun lien contractuel ne l'unissait au notaire qui ne faisait qu'intervenir à différents stades des transactions immobilières. Elle conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de Me Piardon à lui verser la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts et celle de 4 000 euro en remboursement de ses frais de procédure.
Par note conjointe du président et du greffier adressée la veille de la date du présent arrêt, les avoués des parties ont été également avisés que le prononcé de l'arrêt était avancé à cette date.
Sur quoi
Attendu qu'en sa qualité de professionnel du droit tenu d'éclairer les parties recourant à ses services et d'attirer leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique, notamment en matière de garantie de crédit, Me Piardon doit être considéré comme un emprunteur particulièrement averti capable d'apprécier la portée de ses engagements et les risques découlant de son endettement ; que ne prétendant pas que la Caisse d'Epargne aurait eu sur sa situation financière des renseignements que lui-même aurait ignorés, dès lors que la réduction des opérations traitées par cet établissement avec son office notarial résulte de la crise du marché immobilier à cette époque, et qu'une banque n'est pas responsable de l'évolution imprévisible de la conjoncture économique, l'appelant ne peut faire grief à l'organisme financier de lui avoir accordé les prêts qu'il a lui-même sollicités ;
Attendu, par ailleurs, qu'un notaire agit en vertu d'une délégation de la loi pour l'exécution d'actes entrant dans ses attributions et afin d'imprimer à ces actes un caractère authentique et qu'en vertu de l'article 13, 1 du décret du 19 décembre 1945 relatif au statut du notariat, il est interdit aux notaires de se livrer à des opérations de commerce, de sorte que Me Piardon ne peut invoquer une quelconque disposition sanctionnant la rupture d'une relation commerciale établie et est mal fondé à réclamer réparation à ce titre ;
Que le jugement n'est donc pas critiquable en ce qu'il a rejeté les prétentions de Me Piardon ; que le tribunal a également relevé à juste titre que les demandes formulées par Me Piardon, professionnel du droit, étaient dépourvues de tout fondement sérieux et devaient être considérées comme abusives ; que le jugement sera, en conséquence confirmé de ce chef, la Caisse d'Epargne devant néanmoins se satisfaire de l'indemnité de 2 500 euro allouée par le juridiction de premier degré ;
Attendu que Me Piardon supportera les dépens d'appel et versera, en outre, à la Caisse d'Epargne la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Dit que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Val de France Orléanais se satisfera des dommages et intérêts alloués en première instance ; Condamne Maître Piardon aux dépens d'appel et à verser la somme de 2 500 euro à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance du Val de France Orléanais par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Accorde à la SCP Desplanques-Devauchelle, titulaire d'un office d'avoué, le droit à recouvrement direct reconnu par l'article 699 du même Code.