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Décisions

CA Angers, ch. soc., 17 avril 2007, n° 06-01213

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Laboratoires Phytosolba (SA)

Défendeur :

Le Corre

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bothorel

Conseillers :

M. Jegouic, Mme André

Avocats :

Mes Blanchin, Sultan

Cons. prud'h. Angers, du 15 mai 2006

15 mai 2006

I - Exposé du litige, moyens et prétentions des parties

Jean-François Le Corre a été engagé par la société Laboratoires Phytosolba à compter du 19 août 2002 en qualité d'attaché commercial, pour une prospection et un démarchage sur les départements 44, 49, 37, 41, 53 et 72.

Le contrat de travail définit sa fonction comme étant une fonction d'animation commerciale de la clientèle de la société Laboratoires Phytosolba qui se réserve le droit de supprimer ou de modifier les produits figurant au catalogue, ainsi que les tarifs des produits.

Son salaire était composé d'une partie fixe d'un montant de 1 830 euro mensuel et d'une partie variable définie en fonction des cycles commerciaux et des objectifs fixés par la direction commerciale sur une base budgétaire de 1 375 euro brut mensuels.

Le 19 août 2002, une annexe au contrat de travail a prévu une garantie de salaire d'un montant mensuel de 3 201 euro pour la première année d'exercice, et la possibilité d'option à la fin de l'année 2002 pour le statut de VRP aux conditions communes des autres VRP de la société.

Le 18 août 2003, par annexe au contrat de travail, les départements de prospection sont modifiés et, notamment, lui sont enlevés les départements 37 et 41 avec cependant une garantie de salaires de deux ans.

Le 20 novembre 2003, la société Laboratoires Phytosolba lui indiquait qu'à compter du 1er janvier 2004, il devait prospecter les pharmacies, parapharmacies et magasins de diététique, à l'exception des coiffeurs.

Jean-François Le Corre a contesté cette situation par courrier du 28 novembre 2003 alléguant une modification de son contrat de travail.

Le 1er janvier 2005, le secteur géographique confié au salarié était remanié pour devenir les départements 44, 49, 79 et 85 au lieu des départements 44, 49, 53 et 72.

Jean-François Le Corre contestait cette situation en faisant valoir que son forfait journalier de remboursement de frais n'avait pas été augmenté.

Le 31 décembre 2004 Jean-François Le Corre adressait un pli recommandé, indiquant qu'il ne donnerait son accord définitif sur cette modification qu'à compter du 31 mars 2005.

Le 5 janvier 2005, la société Phytosolba rappelait à son salarié les dispositions contractuelles et, notamment, l'article 8 de son contrat de travail.

Jean-François Le Corre a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, il adressait également un courrier à son employeur prenant acte de la rupture de son contrat de travail pour des faits imputables à la société.

Par jugement du 15 mai 2006, le Conseil de prud'hommes d'Angers a :

Requalifié le contrat d'attaché commercial de Jean-François Le Corre en contrat de représentation avec le statut de VRP.

Prononcé la résiliation judiciaire dudit contrat aux torts et griefs de la société Laboratoires Phytosolba.

Condamné la société Laboratoires Phytosolba au paiement des sommes suivantes :

40 000 euro de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

11 500 euro d'indemnité de préavis,

1 150 euro de congés payés y afférents,

3 500 euro d'indemnité conventionnelle de licenciement,

2 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Laboratoires Phytosolba a relevé appel de ce jugement.

Elle expose que la cour est saisie de la prise d'acte, que le salarié ne peut prétendre bénéficier du statut du VRP n'ayant aucune zone de prospection fixe, étant lié à son employeur par un lien de subordination caractérisé, intégré dans une équipe commerciale, qu'aucune modification de son contrat de travail n'est intervenue, le secteur n'étant pas un élément contractuel, le changement des départements prospectés n'a entraîné aucun bouleversement de ses conditions de vie, ni une modification de ses fonctions, ni de sa rémunération fixe et variable ; elle conteste lui devoir un rappel de salaire ; elle demande l'infirmation du jugement et la condamnation de Jean-François Le Corre au paiement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire, de 6 180,37 euro à titre de dommages-intérêts pour non-respect du préavis, 5 000 euro sur le fondement de l'article 1382 du Code civil et 2000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Jean-François Le Corre fait valoir qu'à la fin de la première année d'exercice, il a opté pour le statut de VRP dont il remplissait les conditions dans les faits depuis l'origine, puisqu'il prenait des commandes pour le compte de son employeur dans un secteur déterminé et que le retrait de la clientèle des coiffeurs à compter du 1er janvier 2004 a constitué une modification de son contrat de travail ; de même la modification de son secteur de prospection au 1er janvier 2005 a constitué une modification de son contrat de travail, le secteur était contractualisé, la signature par les deux parties de l'avenant au contrat de travail emporte nécessairement la reconnaissance du caractère contractuel du secteur, la clause de variabilité inscrite à son contrat de travail est nulle ; il demande que la cour dise que la rupture du contrat de travail est un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; il demande la confirmation des condamnations pécuniaires mises à la charge de la société Laboratoires Phytosolba ; il réclame 4 228,20 euro au titre du rappel de salaire, outre les congés payés et 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II - Motifs de la décision

L'article L. 751-1 du Code du travail définit les conventions dont l'objet est la représentation, indépendamment de toute stipulation expresse du contrat intervenu entre le VRP et son employeur, ou de son silence, lorsque le VRP lors de l'accomplissement de son contrat de louage de service :

Travaille pour le compte d'un ou plusieurs employeurs,

Exerce en fait d'une façon exclusive et constante sa profession de représentant,

Ne fait pas effectivement d'opération commerciale pour son compte personnel,

Est lié à son employeur par des engagements déterminant la nature des prestations de service ou des marchandises offertes à la vente ou à l'achat, la région dans laquelle il doit exercer son activité ou les catégories de clients qu'il est chargé de visiter, le taux des rémunérations.

Malgré la qualification professionnelle donnée à Jean-François Le Corre dans le contrat de travail d'attaché commercial, il est fondé à revendiquer la requalification de son contrat correspondant aux conditions réelles de l'exercice de son activité professionnelle.

Le contrat de travail en son article 5, stipule que le salarié est chargé de l'ensemble des tâches d'animation commerciale de la clientèle de la société, notamment prise de commande, de l'information de la gestion de cette clientèle, démonstration des produits diffusés par la société, du suivi des opérations de promotion des ventes, de l'animation des points de vente, de la prise en charge de l'ensemble des relations commerciales dans le cadre de ses responsabilités, des ordres qui lui seront donnés par la direction commerciale ; ce contrat comporte une annexe libellée ainsi " afin de vous permettre de constituer votre clientèle en toute sérénité, nous vous garantissons la première année d'exercice un salaire brut mensuel de 3 201 euro ; de plus, à la fin de cette année, vous pourrez opter, si vous le désirez, pour le statut de VRP aux conditions communes en vigueur dans l'entreprise pour l'ensemble de nos VRP ".

Aucun horaire de travail ne lui était imposé, ni même abordé, il était mentionné qu'il devait organiser ses déplacements et que sa rémunération englobait des heures supplémentaires éventuelles.

Par lettre du 4 novembre 2002, son secteur lui était fixé sur six départements énumérés, le 37, 41, 44, 49, 53, 72, sa signature était requise pour contractualiser ce secteur.

De même, par avenant du 18 août 2003, les départements 37 et 41 lui étaient retirés, ledit avenant étant signé par les deux parties, confirmant ainsi le caractère contractuel du secteur.

Ainsi donc, et nonobstant les stipulations contraires au contrat, l'employeur a, par son courrier du 4 novembre 2002, ratifié par le salarié, conféré un secteur d'activité fixe et permanent à Jean-Marie Le Corre.

Les conditions de travail sont celles d'un VRP, la société lui ayant d'ailleurs proposé ce statut sans modification de ses conditions de travail, et elle ne prétend pas que les VRP de la société travaillent dans des conditions différentes de celles exercées par Jean-Marie Le Corre.

Il en résulte qu'en modifiant unilatéralement par la suite le secteur et en lui retirant la clientèle de prospection des coiffeurs représentant 40 % de son chiffre d'affaires, l'employeur a porté atteinte à l'essence des relations de travail et partant, a modifié le contrat de travail, peu important que la rémunération du salarié ait été maintenue pendant deux ans, puisqu'aux termes de ce délai, le salarié devait avoir reconstitué une clientèle, celle de l'ancien secteur ayant été captée à son détriment par la société.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a reconnu le statut de VRP à Jean-Marie Le Corre, sauf à juger que la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement ; il sera également confirmé sur les dommages-intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, le préavis et les congés payés y afférents.

Le jugement sera également confirmé sur le rejet de la demande du salarié en paiement d'un rappel de salaire, puisque la rupture est intervenue alors que le salarié bénéficiait de la garantie de salaire.

Par ces motifs, Statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme le jugement par substitution de motifs ; Condamne la société Laboratoires Phytosolba au paiement de la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à Jean-François Le Corre ; Condamne la même aux dépens de la procédure d'appel.