CA Bordeaux, ch. soc. A, 13 novembre 2007, n° 07-01744
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Naud
Défendeur :
Gestrim l'Immobilier moderne (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Descard-Mazabraud
Conseillers :
Mme Duval-Arnould, M. Tcherkez
Avocats :
Mes Sussat, Biais
Procédure
Monsieur Henri Naud a été engagé le 20 juin 2000 comme " agent commercial immobilier " par la société Immobilier Moderne à Libourne, devenue SAS Gestrim ; devant être payé sous forme de commissions (article 6), contrat établi pour une durée de 1 an renouvelable (article 5), contrat intitulé mandat non soumis aux dispositions de l'article L. 751-1 et suivants du Code du travail, mais à celles de la loi du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants (article 1).
Le 24 février 2005, le gérant de l'agence immobilière mettait un terme au contrat.
Monsieur Henri Naud a saisi le Conseil de prud'hommes de Libourne le 29 avril 2005, devant lequel, il a demandé au principal la requalification de ce contrat en contrat de " VRP exclusif ", entraînant celle de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, justifiant outre indemnité de requalification des dommages-intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 79 727 euro, outre accessoires et dont indemnité compensatrice de congés payés et l'allocation d'une indemnité de clientèle de 98 331 euro, pour ne retenir que l'essentiel de la demande.
La SAS Gestrim a soulevé " in limine litis " l'exception d'incompétence du Conseil de prud'hommes de Libourne au profit de celle du tribunal de grande instance ou celle du tribunal de commerce du même lieu.
Examinant les éléments fournis par les parties, en regard des dispositions de l'article L. 511-1 du Code du travail, le conseil de prud'hommes, saisi, a estimé que Monsieur Henri Naud ne démontrait pas l'existence d'un lien de subordination à l'égard de l'entreprise concernée ; qu'il était immatriculé au registre spécial des agents commerciaux ; que la relation entre les parties était exclusive d'un contrat de travail et par décision du 16 mars 2007, le Conseil de prud'hommes de Libourne s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige.
Monsieur Henri Naud a formé contredit par acte du 28 mars 2007 de cette décision qui (après prorogation du délibéré) lui avait été notifiée le 22 mars 2007.
Il motive son contredit par le fait qu'il était sous la dépendance juridique de l'agence et qu'il n'agissait que sur les instructions et directives de l'employeur auquel il rendait compte de ses activités exercées au sein de l'agence en question.
Il souhaite donc voir la cour désigner le Conseil de prud'hommes de Libourne pour statuer au fond sur ce litige.
Pour sa part, la SAS Gestrim demande à la cour de confirmer la décision qui lui est soumise par la voie du contredit et constatant l'existence d'un contrat d'agent commercial entre Monsieur Henri Naud et l'agence immobilière, de confirmer l'incompétence du conseil de prud'hommes pour connaître de ce litige.
Elle rappelle que l'intéressé est immatriculé au registre du commerce comme agent commercial, que la relation nouée entre les parties est un mandat écrit, que l'intéressé n'a pas de rémunération minimale garantie, mais est réglé sous forme de commissions ; que l'indication entre les parties de voir l'agence " tenue au courant du résultat des opérations " menées par l'intéressé ne justifie pas d'un lien de subordination, Monsieur Henri Naud exerçant en toute indépendance les activités de sa compétence.
Il est enfin indiqué à la cour, que Monsieur Henri Naud aurait saisi le Tribunal de grande instance de Libourne en application de l'article L. 134-12 du Code de commerce (loi du 25 juin 91 article 12), c'est-à-dire en réparation du préjudice subi par le fait de la rupture en qualité d'agent commercial, pour sauvegarder ses droits à toutes fins, compte tenu du délai d'un an fixé par ce texte pour faire réclamation ; instance qui a fait l'objet d'une décision de sursis à statuer par le juge de la mise en état en date du 19 juin 2006 compte tenu du litige prud'homal en cours.
Les parties souhaitent également que la cour ne statue que sur la compétence, sans faire usage en tant que de besoin de son pouvoir d'évocation de l'article 89 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision
Des éléments contradictoirement débattus devant la cour et en lecture des attestations qui en font partie, il est établi que Monsieur Henri Naud exerçait son activité en toute indépendance par rapport aux autres agents de l'agence immobilière à laquelle il est lié par un contrat apparent de mandat formel écrit ; certains témoins n'hésitant pas à affirmer que l'intéressé proférait haut et fort "qu'il était son propre patron" ; certes, il utilisait les locaux de cette dernière en tant que de besoin (cet élément en tant que tel étant insuffisant à établir un lien de subordination), mais son bureau, selon certains témoins, était à son domicile où avait été installé "son nouveau matériel informatique".
Monsieur Henri Naud ne peut arguer des dispositions de l'article 2 de son contrat de mandat selon lequel il doit "rendre compte" des opérations réalisées à l'agence selon son expression, pour en déduire un lien de subordination ; cette règle étant inhérente aux obligations d'un mandataire fidèle au sens de la règle générale de l'article 1933 du Code civil et des dispositions des articles L. 134-1 et suivants du Code du commerce qui lui imposent cette diligence particulière dans le cadre de son mandat d'agent commercial et ne constitue donc pas la matérialisation d'un lien de subordination.
Enfin, l'immatriculation au registre du commerce en qualité d'agent commercial crée une présomption légale (article L. 120-3 du Code du travail) d'exclusion de l'existence d'un contrat de travail entre les parties concernées qui n'est pas renversée par la démonstration d'un lien de subordination, lequel n'est pas établi en l'espèce par l'intéressé.
Par voie de conséquence, la décision du Conseil de prud'hommes de Libourne doit donc être confirmée, en ce qu'elle a, à juste droit, écarté la compétence de la juridiction prud'homale pour connaître du litige entre les parties ; l'affaire sera renvoyée devant le Tribunal de grande instance de Libourne déjà saisi d'un litige entre les parties se rapportant au même contrat d'agent commercial, d'autant que ce type de contrat est par nature civil.
Monsieur Henri Naud supportera la charge des frais afférents au contredit mais il n'y a lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile devant la cour.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant en matière de contredit. Rejette le contredit formé par Monsieur Henri Naud à l'encontre de la décision du Conseil de prud'hommes de Libourne en date du 16 mars 2007. En conséquence, confirme la décision entreprise qui a décliné sa compétence. Renvoie l'affaire au Tribunal de grande instance de Libourne en application de l'article 86 du nouveau Code de procédure civile. Dit n'y avoir lieu à statuer en surplus. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile devant la cour. Laisse les frais afférents au contredit à la charge de Monsieur Henri Naud en application de l'article 88 du nouveau Code de procédure civile.