CA Rennes, 3e ch. corr., 3 mai 2007, n° 06-01772
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Brestoise de Lunetterie (Sté), Opti-Plus (Sté), Optique Centre Jaurès (Sté), Optique Hascoet (Sté), Optique Kergaradec (Sté), Optique Saint-Marc (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Thierry
Avocat général :
Mme Fiasella
Conseillers :
Mmes Tardy-Joubert, Grange-Pitel
Avocats :
Mes Brault, Sulzer
Rappel de la procédure:
Le jugement:
Le Tribunal correctionnel de Brest, par jugement contradictoire en date du 7 février 2006, pour:
Publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, NATINF 000193
Sur l'action publique :
a condamné M. Y à la peine de 6 000 euro dont 3 000 euro avec sursis, a ordonné, aux frais du condamné, la publication par extraits de la présente décision dans les journaux Ouest France et le Télégramme de Brest, dans leurs éditions de Brest et a dit que le coût de ces publications ne devra pas dépasser la somme de 300 euro chacune ;
Les appels :
Appel a été interjeté par:
Monsieur Y, le 8 février 2006, à titre principal, sur les dispositions pénales et civiles,
La SARL X représentée par son gérant, M. Y, le 8 février 2006, à titre principal, sur les dispositions pénales et civiles,
M. le Procureur de la République, le 8 février 2006, à titre incident, sur les dispositions pénales, contre Monsieur Y.
M. le Procureur de la République, le 8 février 2006, à titre incident, sur les dispositions pénales, contre la SARL X.
L'arrêt :
Par arrêt en date du 21 décembre 2006, la Cour d'appel de Rennes a renvoyé contradictoirement l'affaire et les parties à l'audience du jeudi 29 mars 2007 à 16 heures.
La prévention :
La SCP Fiévée et Siband, Huissiers de justice associés à Brest,
à la requête de Synope, Syndicat des opticiens sous enseigne, dont le siège est situé à 185 rue de Bercy - 75579 Paris Cedex 12,
ayant pour Avocat, Maître Brigitte Aveline (Selarl Dano, Aveline, Janvier).
Avocats au barreau de Brest, élisant domicile en son cabinet, et Maître Jean-Pierre Sulzer avocat au barreau de Paris,
a donné citation à:
1) Monsieur Y, né le 1er janvier 1975 à Ploermel (56) de nationalité française, demeurant <adresse>, pris en sa qualité de gérant de la société X, société à responsabilité limitée au capital de 8 000 euro, dont le siège social est <adresse> :
pour avoir à Brest, en tout cas sur le territoire national, depuis temps non prescrit, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur quant au prix des produits d'optique par des annonces permanentes de réduction,
Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, 121-4, 213-1 du Code de la consommation;
2) La société X, société à responsabilité limitée au capital de 8 000 euro, dont le siège social est situé <adresse>, RCS Brest <n° RCS>, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualités audit siège, civilement responsable,
pour avoir à Brest, en tout cas sur le territoire national, depuis temps non prescrit, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur quant au prix des produits d'optique par des annonces permanentes de réduction.
Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5. L. 121-6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, 121-4, 213-1 du Code de la consommation.
Motifs:
Les appels sont réguliers et recevables en la forme.
Les faits retenus comme fondement des poursuites sont ainsi relatés dans les actes de la procédure
Par acte du 28 juin 2005, le " Synope ", Syndicat des opticiens sous enseigne, a fait citer M. Y, pris en sa qualité de gérant de la société X, et la société à responsabilité limitée X devant le Tribunal correctionnel de Brest sous la prévention de publicité comportant des allégations, indications fausses ou de nature à induire en erreur quant au prix des produits d'optique par des annonces permanentes de réduction, faits prévus et réprimés par les articles 2 et 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 et les articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation.
Il expose au soutien de cette prévention que la société X fait distribuer ou adresser par voie postale " des quantités considérables de documents publicitaires siglés A ", et notamment des cartes d'achat personnelles et des prospectus portant une date limite - inscrite verticalement et en très petits caractères - de validité de l'offre au 31 juillet 2004 ou au 31 mars 2005 selon la nature des documents et faisant bénéficier leurs possesseurs de réductions de prix de 40 % sur toutes les marques de montures et de verres optiques, de 25 % sur toutes les marques de lunettes de soleil et de 20 % sur les lentilles de contact et produits, ces réductions étant offertes à l'ensemble de la clientèle potentielle des magasins A exploités par la société X, de façon permanente, sans distinction et sans que soient respectées les prescriptions des articles 2 et 3 de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977 relatives au prix de référence dont M. Y n'est pas, selon la partie civile, en mesure de justifier.
Celle-ci en déduit que, la pratique de A consistant depuis plusieurs années à indiquer sur ses documents publicitaires des dates de validité des offres qui se suivent sans aucune interruption, la référence au " prix de vente en magasin " ou au " tarif magasin " est inopérante puisque ces prix ne sont jamais effectivement pratiqués, sauf à considérer que les réductions de prix annoncées par les documents publicitaires ne sont pas réellement appliquées et que ces faits constituent le délit de publicité mensongère prévu par l'article L. 121-1 du Code de la consommation.
Elle estime que la pratique des magasins A " constitue une manœuvre grossière destinée à tromper le consommateur et à générer d'importantes distorsions de concurrence parmi les professionnels de l'optique " car les magasins exploités par les membres du syndicat Synope subissent les actes de concurrence déloyale des magasins A du fait de la diffusion de ces annonces qui sont destinées à détourner la clientèle des opticiens concurrents en faisant croire à des réductions de prix alors qu'après application desdites réductions, le prix payé par le client est comparable aux prix moyens pratiqués par la profession.
Dans leurs conclusions déposées à l'audience, le Synope et les six autres parties civiles constituées en cours d'instance reprennent les termes de la citation et font valoir:
- que la preuve étant rapportée du caractère mensonger des offres de réduction de prix proposées par A et les rabais annoncés étant accordés systématiquement de façon permanente depuis l'ouverture du magasin, la mise en avant dans les publicités de prétendus avantages sous forme de réduction de prix, alors qu'elle constitue la règle commune, confère aux prix de référence affichés un caractère fictif puisque jamais pratiqués et mensongers pour le consommateur ;
- que la limitation des réductions de prix à une catégorie de consommateurs ne dispense pas A de respecter la réglementation en matière de fixation du prix de référence, lequel, par essence variable, ne peut servir de base à une campagne publicitaire permanente de plusieurs années sans détourner les textes de leur objet ;
- et que " M. Y, en sa qualité de franchisé, ne peut ignorer que le franchiseur a fait l'objet de très nombreuses poursuites malgré lesquelles il persiste à pratiquer à grande échelle ses campagnes publicitaires mensongères ".
M. Y et la SARL X, celle-ci en qualité de civilement responsable, contestent toute infraction aux dispositions de l'arrêté du 2 septembre 1977 et soutiennent que les prix de référence peuvent toujours être constatés et que les publicités ne sont pas permanentes puisqu'il existe des périodes pendant lesquelles aucune réduction n'est offerte.
Ils font valoir également que Brest et sa région sont découpés en zones de chalandise qui ne bénéficient pas en même temps des offres de réduction et que certains envois sont particulièrement ciblés.
Ils soutiennent que les catalogues et les extraits de la revue qu'ils versent aux débats justifient de ce qu'il existe effectivement des prix publics conseillés par les fabricants et par les fournisseurs et sur lesquels sont appliquées les réductions annoncées et que l'application de ces prix fait l'objet de contrôles.
Ils en déduisent qu'à aucun moment et en aucun cas la preuve n'a été rapportée de ce que le consommateur achetant chez A ait été trompé puisqu'il peut à tout moment vérifier le prix sur lequel on lui propose la réduction dont il peut bénéficier par application d'un pourcentage de remise dont le mécanisme de fixation, très simple et clairement annoncé, n'est entaché d'aucune fausseté.
Le délit retenu par la prévention suppose, pour être constitué, que les allégations, indications ou présentations que comportait la publicité aient été fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et conditions de vente des biens qui en faisaient l'objet.
L'élément essentiel de ce délit consiste donc en une altération de la vérité ayant pour effet d'abuser le consommateur sur les prix et conditions de vente qui lui sont proposés et l'existence de cet élément constitutif doit être appréciée au regard du seul fait poursuivi tel qu'énoncé à la citation en application des dispositions de l'article 551, second alinéa, du Code de procédure pénale, c'est-à-dire, exclusivement, de l'offre publicitaire ayant une date limite de validité au 31 juillet 2004 et de l'offre publicitaire ayant une date limite de validité au 31 mars 2005 seules retenues dans la citation délivrée le 28 juin 2005.
Or, d'une part, rien ne permet, au vu des pièces fournies par les parties civiles, de déterminer à partir de quand ces deux offres ont été proposées au public alors que le prévenu indique que la distribution se fait début janvier pour la date limite de validité au 30 mars, début mai pour la date limite de validité au 31 juillet et début septembre pour la date limite de validité au 30 novembre.
Aucun élément de preuve ne permettant de contrer ces affirmations, il y a lieu de considérer qu'aucun caractère de permanence ne peut affecter les opérations publicitaires concernées par la prévention.
La même carence de preuve affecte la prétendue généralité des opérations publicitaires dont les parties civiles n'établissent par aucun moyen probant qu'elles aient visé une très large population, si ce n'est par référence à des affaires antérieures, ce qui est inopérant, chaque infraction pénale ne pouvant être établie que si elle est fondée sur des faits prouvés.
Ainsi, dans le cas présent, rien ne permet de conclure, contrairement à ce que soutiennent les parties civiles, à une fictivité du prix de référence résultant de la permanence et de la généralité des publicités.
Quant au caractère fictif du prix de référence résultant de l'inobservation des prescriptions de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977, ce texte impose certes à l'annonceur l'obligation d'être à même de justifier du prix de référence tel que déterminé selon les conditions et les critères posés à son article 3 ; mais, en précisant que cette justification doit être fournie à la demande des agents habilités pour procéder aux enquêtes nécessaires à l'application des dispositions relatives à la liberté des prix et à la concurrence, il implique nécessairement que des investigations aient été entreprises dans le cadre d'une enquête réalisée par l'administration de la concurrence et de la consommation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce où l'action publique a été mise en mouvement par une citation directe de la partie civile.
Il ne peut donc être relevé aucune infraction aux dispositions de l'article 3 de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977 et, en l'absence de tout élément de nature à établir la fausseté des indications et présentations que comportent les publicités visées dans la poursuite, il n'est pas possible d'en conclure qu'elles aient pour effet d'induire en erreur les acheteurs potentiels.
En conséquence, les informations données dans ces publicités n'étant pas affectées des vices définis par l'article L. 121-1 du Code de la consommation, le délit n'est pas constitué, de sorte qu'il y a lieu de prononcer la relaxe du prévenu et de mettre hors de cause la société X.
Le Syndicat Synope n'étant pas appelant, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déclaré irrecevable en sa constitution de partie civile.
Les autres parties civiles seront déboutées de leurs demandes en raison de la relaxe prononcée sur l'action publique.
Dispositif :
LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de SARL X et de Y, et des parties civiles Brestoise de Lunetterie, Opti-Plus, Optique Centre Jaurès, Optique Hascoet, Optique Kergaradec, Optique Saint-Marc, Reçoit les appels, Sur l'action publique : Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, - Relaxe Y des fins de la poursuite; - Met hors de cause la SARL X ; Sur l'action civile : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le syndicat Synope irrecevable en sa constitution de partie civile ; Le réformant pour le surplus et, statuant à nouveau, - Déboute les sociétés Optique Hascoet, Opti-Plus, Optique Saint Marc, Optique Kergaradec, Brestoise de Lunetterie et Optique Centre Jaurès de toutes leurs demandes.