CJCE, 1re ch., 18 janvier 2007, n° C-313/05
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Maciej Brzezinski
Défendeur :
Dyrektor Izby Celnej w Warszawie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Jann
Avocat général :
Mme Sharpston
Juges :
MM. Cunha Rodrigues, Schiemann, Ileic, Levits
LA COUR (première chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des articles 25 CE, 28 CE et 90 CE, ainsi que de l'article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 92-12-CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1).
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Brzezinski au Dyrektor Izby Celnej w Warszawie (directeur de la chambre des douanes de Varsovie), au sujet d'un droit d'accise auquel il a été assujetti lors de l'acquisition d'un véhicule automobile d'occasion en Allemagne aux fins d'importation en Pologne.
Le cadre juridique
La réglementation communautaire
3 L'article 25 CE prévoit:
"Les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s'applique également aux droits de douane à caractère fiscal."
4 L'article 28 CE énonce:
"Les restrictions quantitatives à l'importation, ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, sont interdites entre les États membres."
5 L'article 90 CE est libellé comme suit:
"Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.
En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions."
6 L'article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 92-12 dispose:
"1. La présente directive est applicable, au niveau communautaire, aux produits suivants tels que définis dans les directives y afférentes:
- les huiles minérales,
- l'alcool et les boissons alcooliques,
- les tabacs manufacturés.
[...]
3. Les États membres conservent la faculté d'introduire ou de maintenir des impositions frappant des produits autres que ceux mentionnés au paragraphe 1, à condition toutefois que ces impositions ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d'une frontière.
Sous le respect de cette même condition, les États membres garderont également la faculté d'appliquer des taxes sur les prestations de services n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires, y compris celles en relation avec des produits soumis à accise."
La réglementation nationale
7 L'article 2 de la loi du 23 janvier 2004, relative aux droits d'accise (Dz. U n° 29, position 257), dans la version applicable au litige au principal (ci-après la "loi de 2004"), dispose:
"Aux fins de la présente loi, on entend par
[...]
11) 'acquisition intracommunautaire': le transfert de produits soumis à l'accise du territoire d'un État membre vers le territoire national;
[...]"
8 L'article 10, paragraphe 1, de la loi de 2004 est libellé comme suit:
"La base imposable, en cas d'expression du taux en pourcentage de l'assiette, est:
1) le montant dû au titre de la vente, sur le territoire national, des produits soumis à accise, diminué du montant de la taxe sur les biens et services ou du montant d'accise dû au titre de ces marchandises;
2) le montant que l'acquéreur est obligé de payer pour les marchandises soumises à accise, en cas d'acquisition intracommunautaire;
3) le montant dû au titre de la livraison des produits soumis à accise sur le territoire d'un État membre, en cas de livraison dans la Communauté;
4) la valeur en douane des produits soumis à accise augmentée des droits de douane dus, en cas d'importation, compte tenu des paragraphes 6 à 9."
9 L'article 75 de la loi de 2004 prévoit:
"1. Le taux d'imposition sur les produits soumis à accise non harmonisés s'élève à 65 % de la base définie à l'article 10, à l'exception du taux applicable à l'énergie électrique.
[...]
3. Le ministre compétent en matière de finances publiques peut, par voie d'arrêté, réduire les taux d'accise définis aux paragraphes 1 et 2, et les différencier en fonction du type de produit, voire définir les conditions de leur application."
10 Aux termes de l'article 80 de la loi de 2004:
"1. Sont soumises à accise les voitures particulières non immatriculées sur le territoire national conformément au code de la route.
2. Sont redevables d'un droit d'accise:
1) les personnes effectuant toute vente de voitures particulières avant leur première immatriculation sur le territoire national;
2) les importateurs et les personnes effectuant des acquisitions dans la Communauté.
3. Un droit d'accise sur les voitures naît:
1) en cas de vente, à compter de la délivrance de la facture et, au plus tard, dans un délai de sept jours à compter du jour de la livraison de la marchandise;
2) en cas d'importation, à compter du jour où naît la dette douanière au sens des dispositions du droit des douanes;
3) en cas d'acquisition dans la Communauté, à compter de l'acquisition du droit de disposer de la voiture particulière en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national conformément au code de la route.
4. Le ministre compétent en matière de finances publiques peut, par voie d'arrêté, fixer les données concernant les voitures particulières, dont la charge utile admissible, à des fins de perception du droit d'accise, en tenant compte des solutions appliquées par les dispositions fiscales particulières et de la nécessité d'assurer une perception régulière des accises."
11 L'article 81, paragraphe 1, de la loi de 2004 est libellé comme suit:
"Les personnes effectuant, dans la Communauté, des acquisitions intracommunautaires de voitures particulières non immatriculées sur le territoire national conformément au code de la route, sont tenues:
1) de déposer, lors de l'importation sur le territoire national, une déclaration simplifiée auprès du bureau des douanes compétent dans un délai de cinq jours à compter du jour de l'acquisition dans la Communauté;
2) d'acquitter le droit d'accise au plus tard à la date de l'immatriculation de ce véhicule dans le pays."
12 En vertu de l'article 82, paragraphe 3, de la loi de 2004, en cas d'acquisition intracommunautaire d'une voiture particulière, la base d'imposition est le montant que l'acquéreur est tenu de payer au vendeur.
13 L'article 7 de l'arrêté du ministre des Finances du 22 avril 2004, relatif à la réduction du taux des droits d'accise (Dz. U n° 87, position 825), dans la version applicable au litige au principal (ci-après l'"arrêté de 2004"), ainsi que les annexes 1 et 2 de celui-ci font apparaître que, pour les voitures neuves ou de moins de deux ans d'âge, le taux du droit d'accise s'élève à 3,1 % ou à 13,6 % selon la cylindrée et que, en revanche, pour les véhicules de plus de deux ans d'âge, ce taux, qui est fixé conformément à la formule de calcul figurant à l'article 7, paragraphe 2, de l'arrêté de 2004, varie en fonction de l'âge du véhicule et peut aller jusqu'à 65 % de la base imposable.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
14 Le requérant au principal, M. Brzezinski, a acheté en Allemagne une voiture particulière de marque Volkswagen, modèle Golf II, fabriquée en 1989, qu'il a ensuite importée en Pologne. Le 21 juin 2004, conformément à l'article 81, paragraphe 1, point 1, de la loi de 2004, il a déposé une déclaration simplifiée de modèle AKC-U relative à l'acquisition dans la Communauté de ce véhicule. Le 23 juin suivant, il a réglé un montant de 855 PLN au titre du droit d'accise.
15 Par lettre du 6 juillet 2004, M. Brzezinski a demandé la restitution du droit d'accise qu'il avait acquitté et qui avait été, selon lui, perçu à tort, en faisant valoir que la perception d'un tel droit est contraire aux articles 23 CE, 25 CE et 90 CE. Par décision du 17 août 2004, le directeur du bureau des douanes n° 1 de Varsovie a rejeté cette demande.
16 Le 2 septembre 2004, M. Brzezinski a introduit une réclamation contre cette décision devant le Dyrektor Izby Celnej w Warszawie. Ce dernier a, par décision du 18 janvier 2005, confirmé la décision du directeur dudit bureau des douanes n° 1 et rejeté la réclamation dont il était saisi.
17 Dans son recours formé devant le Wojewódzki Sad Administracyjny w Warszawie (tribunal administratif de la voïvodie de Varsovie) contre cette décision de rejet, le requérant a demandé que celle-ci soit annulée et qu'injonction soit faite à l'administration des douanes de lui rembourser le montant du droit d'accise indûment perçu par celle-ci en raison de son incompatibilité avec lesdites dispositions communautaires.
18 En réponse aux griefs soulevés par le requérant, le Dyrektor Izby Celnej w Warszawie a considéré que le moyen tiré de la violation de l'article 90 CE était dénué de fondement et a conclu au rejet du recours.
19 Dans ces circonstances, le Wojewódzki Sad Administracyjny w Warszawie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
"1) L'article 25 [CE] interdisant les droits de douane à l'importation et à l'exportation ou les taxes d'effet équivalent entre les États membres interdit-il à un État membre d'appliquer l'article 80 de la [loi de 2004] dans une situation où le droit d'accise est perçu sur l'acquisition de tout véhicule indépendamment du lieu de son origine avant la première immatriculation sur le territoire national?
2) L'article 90, premier alinéa, [CE], aux termes duquel aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d'impositions intérieures, de quelque nature qu'elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires, autorise-t-il un État membre à instaurer un droit d'accise sur des véhicules d'occasion introduits à partir d'autres États membres en exonérant simultanément de ces droits d'accise la vente de véhicules d'occasion déjà immatriculés en Pologne, dans une situation où le droit d'accise a été imposé sur tous les véhicules non immatriculés sur le territoire national, conformément à l'article 80, paragraphe 1, de la [loi de 2004]?
3) L'article 90, second alinéa, [CE], aux termes duquel aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d'impositions intérieures de nature à protéger indirectement d'autres productions, autorise-t-il un État membre à instaurer des droits d'accise selon des pourcentages variant en fonction de l'âge du véhicule et de la cylindrée du moteur, indiqués dans un règlement d'application polonais ([l'article] 7 de [l'arrêté de 2004]), sur des véhicules d'occasion importés d'autres États membres, lorsque c'est selon la même formule que sont calculés les droits sur la vente de véhicules d'occasion dans le pays effectuée avant leur première immatriculation sur le territoire national et que ces droits affectent ensuite le prix de ce véhicule lors de sa vente ultérieure?
4) L'article 28 [CE], en vertu duquel des restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent sont interdites entre les États membres, lu en combinaison avec l'article 3, paragraphe 3, de la [directive 92-12], s'oppose-t-il à ce qu'un État membre adopte les dispositions figurant à l'article 81 de la [loi de 2004], selon lequel les personnes procédant à l'acquisition intracommunautaire de voitures particulières non immatriculées sur le territoire national, selon les dispositions du code de la route, sont obligées, lors de l'importation sur le territoire national, de déposer une déclaration simplifiée au bureau des douanes compétent dans un délai de cinq jours à compter du jour de l'acquisition intracommunautaire?"
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
20 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si un droit d'accise tel que celui institué par la loi de 2004 constitue un droit de douane à l'importation ou une taxe d'effet équivalent au sens de l'article 25 CE.
21 Un droit tel que le droit d'accise en cause au principal n'est pas un droit de douane proprement dit.
22 En ce qui concerne la question de savoir si un tel droit relève de la notion de taxes d'effet équivalent, il résulte d'une jurisprudence constante que toute charge pécuniaire, unilatéralement imposée, quelles que soient son appellation et sa technique, et frappant les marchandises en raison du fait qu'elles franchissent la frontière, lorsqu'elle n'est pas un droit de douane proprement dit, constitue une taxe d'effet équivalent au sens des articles 23 CE et 25 CE (voir, notamment, arrêts du 17 juillet 1997, Haahr Petroleum, C-90-94, Rec. p. I-4085, point 20; du 2 avril 1998, Outokumpu, C-213-96, Rec. p. I-1777, point 20, ainsi que du 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh, C-290-05 et C-333-05, non encore publié au Recueil, point 39).
23 Un droit d'accise tel que celui institué par la loi de 2004 n'est pas prélevé en raison du franchissement de la frontière de l'État membre ayant instauré ce droit. En effet, il ressort tant de l'article 80, paragraphe 3, point 3, de la même loi que des précisions apportées par le gouvernement polonais au cours de l'audience que le droit d'accise frappe tous les véhicules particuliers avant leur première immatriculation en Pologne et que, en vue de garantir cet objectif, il existe plusieurs faits générateurs de ce droit. Ainsi, ce droit naît notamment soit avec la vente du véhicule, soit, dans l'hypothèse d'une acquisition intracommunautaire telle que définie à l'article 2, point 11, de ladite loi, lors de l'acquisition du droit de disposer d'un véhicule particulier en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national.
24 Un tel droit relève du régime général des redevances intérieures sur les marchandises et doit donc être examiné au regard de l'article 90 CE.
25 En conséquence, il convient de répondre à la première question posée qu'un droit d'accise, tel que celui institué en Pologne par la loi de 2004, qui ne frappe pas les véhicules particuliers en raison du fait qu'ils franchissent la frontière, ne constitue pas un droit de douane à l'importation ni une taxe d'effet équivalent au sens de l'article 25 CE.
Sur les deuxième et troisième questions
26 Par ses deuxième et troisième questions, qu'il convient d'examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande en substance si l'article 90 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un droit présentant des caractéristiques telles que celles du droit d'accise institué par la loi de 2004, du fait que ce droit s'applique à l'acquisition de véhicules d'occasion provenant d'États membres autres que celui l'ayant institué, mais non à l'acquisition de véhicules d'occasion déjà immatriculés dans ce dernier État membre, véhicules auxquels il a déjà été appliqué préalablement à leur immatriculation initiale, dès lors qu'un tel droit est susceptible de constituer une imposition intérieure sur les produits d'autres États membres excédant celle qui soit frappe directement ou indirectement des produits nationaux similaires, au sens de l'article 90, premier alinéa, CE, soit frappe indirectement des produits d'autres États membres et est de nature à protéger d'autres productions, au sens du second alinéa de ce même article.
27 Ainsi que la Cour l'a déjà jugé, l'article 90 CE constitue, dans le système du traité CE, un complément des dispositions relatives à la suppression des droits de douane et des taxes d'effet équivalent. Cette disposition a pour objectif d'assurer la libre circulation des marchandises entre les États membres dans des conditions normales de concurrence par l'élimination de toute forme de protection pouvant résulter de l'application d'impositions intérieures discriminatoires à l'égard des produits originaires d'autres États membres (arrêts du 15 juin 2006, Air Liquide Industries Belgium, C-393-04 et C-41-05, non encore publié au Recueil, point 55 et jurisprudence citée, ainsi que Nádasdi et Németh, précité, point 45).
28 En matière de taxation des véhicules automobiles d'occasion importés, la Cour a également jugé que l'article 90 CE vise à garantir la parfaite neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre produits se trouvant déjà sur le marché national et produits importés (voir arrêts du 29 avril 2004, Weigel, C-387-01, Rec. p. I-4981, point 66 et jurisprudence citée, ainsi que Nádasdi et Németh, précité, point 46).
29 Selon une jurisprudence bien établie, il y a violation de l'article 90, premier alinéa, CE lorsque l'imposition frappant le produit importé et celle frappant le produit national similaire sont calculées de façon différente et suivant des modalités différentes aboutissant, ne fût-ce que dans certains cas, à une imposition supérieure du produit importé (voir arrêt Weigel, précité, point 67 et jurisprudence citée). Ainsi, en application de ladite disposition, un droit d'accise ne doit pas frapper les produits originaires d'autres États membres plus lourdement que les produits nationaux similaires.
30 À cet égard, il ressort du dossier de l'affaire au principal que la demande de la juridiction de renvoi, fondée sur une comparaison entre les véhicules d'occasion se trouvant déjà sur le marché national et ceux acquis dans un autre État membre, vise à comparer deux catégories de produits similaires au sens de l'article 90, premier alinéa, CE. En revanche, aucun élément dudit dossier n'indique que la taxation des véhicules d'occasion acquis dans un État membre autre que la République de Pologne instaure un protectionnisme indirect favorisant des produits autres que des véhicules à moteur et interdit par l'article 90, second alinéa, CE.
31 Par voie de conséquence, il y a lieu d'examiner le droit d'accise en cause au principal exclusivement au regard de l'article 90, premier alinéa, CE.
32 En vue de garantir la neutralité des impositions intérieures au regard de la concurrence entre les véhicules automobiles d'occasion se trouvant déjà sur le marché national et les véhicules similaires importés d'un État membre autre que la République de Pologne, il y a lieu de comparer les effets du droit d'accise frappant ces derniers véhicules avec les effets du droit d'accise résiduel grevant les premiers véhicules, qui ont déjà été soumis au même droit lors de leur première immatriculation.
33 Dans le cadre d'une telle comparaison, il convient, en premier lieu, de souligner que le droit d'accise en cause au principal n'est perçu, pour tout véhicule destiné à être immatriculé en Pologne, qu'une seule fois, sur les véhicules neufs comme sur les véhicules d'occasion, qu'ils aient été fabriqués sur le territoire national ou importés d'autres États membres.
34 Il importe, en second lieu, de faire une différence entre deux catégories de véhicules, à savoir, d'une part, ceux qui sont vendus d'occasion au cours des deux années calendaires suivant la date de leur fabrication, l'année de fabrication étant considérée comme la première année calendaire, et, d'autre part, ceux qui sont vendus d'occasion postérieurement à cette période biennale.
35 Tout d'abord, quant aux véhicules particuliers, vendus à l'état neuf ou d'occasion au cours de ladite période de deux ans, il ressort de l'arrêté de 2004 que, ainsi qu'il a été dit au point 13 du présent arrêt, ils sont assujettis à un droit d'accise calculé selon le même taux.
36 S'agissant des véhicules d'occasion de moins de deux ans d'âge, il incombe plus spécifiquement à la juridiction nationale de vérifier, à la lumière notamment de l'arrêté de 2004, s'ils supportent, au titre du droit d'accise, effectivement une charge identique en raison du fait que le montant résiduel de ce droit incorporé dans la valeur vénale des véhicules d'occasion immatriculés en Pologne est égal au montant du même droit grevant les véhicules d'occasion similaires en provenance d'un État membre autre que la République de Pologne.
37 En revanche, s'agissant du droit d'accise qui frappe les véhicules d'occasion vendus plus de deux ans après la date de leur fabrication, le taux d'accise est calculé selon la formule prévue à l'article 7 de l'arrêté de 2004. L'application de cette formule aboutit, ainsi que la Commission l'a souligné sans être contredite par le gouvernement polonais, à l'augmentation de ce taux en fonction de l'âge du véhicule.
38 Or, il incombe à la juridiction de renvoi d'examiner si une telle augmentation dudit taux ne frappe que les véhicules d'occasion en provenance d'un État membre autre que la République de Pologne et si, en revanche, pour les véhicules d'occasion, immatriculés à l'état neuf en Pologne, le taux du droit d'accise résiduel incorporé dans la valeur d'un tel véhicule demeure constant.
39 Dans un tel cas de figure, les arguments présentés par le gouvernement polonais afin de justifier cette différence de taxation ne sauraient être retenus. Le gouvernement polonais a, en premier lieu, avancé des préoccupations d'ordre environnemental, il a, en deuxième lieu, émis le soupçon que, dans un grand nombre de cas, le prix d'achat déclaré aux autorités est significativement moindre que le prix effectivement payé et il a, en dernier lieu, observé que ladite différence n'est pas constitutive d'une discrimination puisque les chiffres démontrent que l'introduction d'un droit d'accise sur les véhicules d'occasion achetés dans les autres États membres au cours du mois de mai 2004 a été accompagnée d'une augmentation immédiate et très significative de ces achats.
40 En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu'un système de taxation ne peut être considéré comme compatible avec l'article 90 CE que s'il est établi qu'il est aménagé de façon à exclure en toute hypothèse que les produits importés soient taxés plus lourdement que les produits nationaux et, dès lors, qu'il ne comporte, en aucun cas, des effets discriminatoires (arrêts Haahr Petroleum, précité, point 34, et du 23 octobre 1997, Commission/Grèce, C-375-95, Rec. p. I-5981, point 29).
41 Il découle des considérations qui précèdent qu'il convient de répondre aux deuxième et troisième questions posées que l'article 90, premier alinéa, CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un droit d'accise dans la mesure où le montant du droit frappant les véhicules d'occasion de plus de deux ans d'âge acquis dans un État membre autre que celui qui a institué un tel droit excède le montant résiduel du même droit incorporé dans la valeur vénale de véhicules similaires immatriculés auparavant dans l'État membre ayant instauré ce droit. Il incombe à la juridiction de renvoi d'examiner si la réglementation en cause au principal, et notamment l'application de l'article 7 de l'arrêté de 2004, a une telle conséquence.
Sur la quatrième question
42 Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande si les articles 28 CE et 3, paragraphe 3, de la directive 92-12 s'opposent à une réglementation nationale, telle que celle prévue à l'article 81, paragraphe 1, point 1, de la loi de 2004 exigeant le dépôt d'une déclaration simplifiée au sens de cette dernière disposition dans un délai de cinq jours à compter du jour de l'acquisition intracommunautaire.
43 À titre liminaire, il y a lieu de constater que la divergence au sujet de l'interprétation de cette obligation de déclaration, en ce sens que, selon M. Brzezinski, il convient de déposer une telle déclaration dans un délai de cinq jours à compter de la date de l'acquisition du véhicule en Allemagne et que, selon le gouvernement polonais ainsi que la Commission, ledit délai commence à courir à partir de l'introduction effective du véhicule en Pologne dans le cas d'une acquisition intracommunautaire, n'a aucune influence sur l'éventuel caractère d'entrave de cette exigence.
44 Par analogie avec la jurisprudence de la Cour selon laquelle une mesure nationale dans un domaine qui a fait l'objet d'une harmonisation exhaustive au niveau communautaire doit être appréciée au regard des dispositions de cette mesure d'harmonisation et non pas de celles du droit primaire (voir arrêts du 13 décembre 2001, DaimlerChrysler, C-324-99, Rec. p. I-9897, point 32, et du 14 décembre 2004, Swedish Match, C-210-03, Rec. p. I-11893, point 81), il convient d'examiner l'obligation de dépôt d'une déclaration simplifiée tout d'abord à la lumière de la directive 92-12 et, notamment, de l'interdiction d'une telle formalité figurant à son article 3, paragraphe 3, premier alinéa, tout en laissant en suspens, dans un premier temps, la question de savoir si le droit d'accise fait effectivement l'objet d'une harmonisation exhaustive au niveau communautaire.
45 Ainsi que Mme l'avocat général l'a relevé au point 71 de ses conclusions, l'article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 92-12 ne pourrait être applicable que si l'obligation de déclaration était considérée comme une "formalité liée au passage d'une frontière" donnant lieu à la perception du droit d'accise.
46 Le gouvernement polonais et la Commission estiment que tel n'est pas le cas dans l'affaire au principal. Ils font valoir, en substance, que l'obligation prévue à l'article 81, paragraphe 1, point 1, de la loi de 2004 se concrétise après l'importation sur le territoire national du véhicule soumis au droit d'accise et donc après le passage de la frontière. La Commission ajoute que le délai pour accomplir cette formalité commence à courir à compter du jour de l'acquisition intracommunautaire du véhicule, c'est-à-dire après que celui-ci a franchi la frontière.
47 À cet égard, c'est à la juridiction de renvoi de vérifier si l'ensemble de la réglementation en cause au principal est susceptible d'être interprétée dans le sens que lui a donné le gouvernement polonais. En effet, si la déclaration simplifiée devait être déposée à l'occasion de l'acquisition intracommunautaire du véhicule, et donc à l'occasion du passage d'une frontière, une telle formalité serait toutefois liée non pas à ce passage au sens de l'article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 92-12, mais à l'obligation d'acquitter le droit d'accise.
48 En effet, dans cette hypothèse, l'objectif de la déclaration simplifiée étant d'assurer le paiement de la dette correspondant au droit d'accise, une telle formalité serait liée au fait générateur de celui-ci. Ainsi, en retenant cette interprétation, ce droit serait dû, ainsi qu'il découle de l'article 80, paragraphe 3, point 3, de la loi de 2004, à compter de l'acquisition du droit de disposer du véhicule particulier en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national conformément au code de la route.
49 Par voie de conséquence, l'article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 92-12 ne trouverait pas à s'appliquer dans l'affaire au principal et ne saurait dès lors s'opposer à l'obligation de déposer une déclaration simplifiée dans l'hypothèse d'une acquisition intracommunautaire.
50 Il ressort également d'une jurisprudence constante qu'une telle obligation ne saurait davantage être appréciée au regard de l'article 28 CE. En effet, le champ d'application de cet article ne comprend pas les entraves visées par d'autres dispositions spécifiques et les entraves de nature fiscale ou ayant un effet équivalent à des droits de douane visées aux articles 23 CE, 25 CE et 90 CE ne relèvent pas de l'interdiction énoncée à l'article 28 CE (voir arrêts du 3 février 2000, Dounias, C-228-98, Rec. p. I-577, point 39, et du 17 juin 2003, De Danske Bilimportører, C-383-01, Rec. p. I-6065, point 32).
51 En revanche, ne constituant pas une véritable entrave de nature fiscale proprement dite, l'obligation de déposer une déclaration simplifiée en application de l'article 81, paragraphe 1, point 1, de la loi de 2004 est inséparablement liée au paiement effectif du droit d'accise. Aussi, le gouvernement polonais et la Commission font-ils valoir qu'elle vise notamment à assurer le recouvrement dudit droit.
52 Dans ces conditions, une obligation telle que celle prévue à l'article 81, paragraphe 1, point 1, de la loi de 2004 n'est que le corollaire de l'assujettissement au droit d'accise de l'acquéreur du véhicule particulier et, en conséquence, l'article 28 CE ne saurait s'appliquer.
53 Il découle de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il convient de répondre à la quatrième question que l'article 28 CE ne s'applique pas à une déclaration simplifiée comme celle prévue à l'article 81, paragraphe 1, point 1, de la loi de 2004 et que l'article 3, paragraphe 3, de la directive 92-12 ne s'oppose pas à une telle déclaration lorsque la réglementation en cause est susceptible d'être interprétée en ce sens que ladite déclaration est due à compter de l'acquisition du droit de disposer du véhicule particulier en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national conformément au code de la route.
Sur la limitation des effets dans le temps du présent arrêt
54 Dans l'hypothèse où l'arrêt à intervenir jugerait que l'article 90, premier alinéa, CE s'oppose à la perception d'un droit d'accise tel que celui institué par la loi de 2004, le gouvernement polonais a, dans ses observations écrites, demandé à la Cour de limiter les effets de son arrêt dans le temps.
55 Conformément à une jurisprudence constante, l'interprétation que la Cour donne d'une règle de droit communautaire, dans l'exercice de la compétence que lui confère l'article 234 CE, éclaire et précise, lorsque besoin en est, la signification et la portée de cette règle, telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le moment de sa mise en vigueur. Il en résulte que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge même à des rapports juridiques nés et constitués avant l'arrêt statuant sur la demande d'interprétation, si par ailleurs les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l'application de ladite règle se trouvent réunies (voir, notamment, arrêts du 2 février 1988, Blaizot, 24-86, Rec. p. 379, point 27; du 15 décembre 1995, Bosman, C-415-93, Rec. p. I-4921, point 141, ainsi que du 10 janvier 2006, Skov et Bilka, C-402-03, Rec. p. I-199, point 50).
56 Dès lors, ce n'est qu'à titre tout à fait exceptionnel que la Cour peut, par application d'un principe général de sécurité juridique inhérent à l'ordre juridique communautaire, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d'invoquer une disposition qu'elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu'une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves (voir, notamment, arrêts du 28 septembre 1994, Vroege, C-57-93, Rec. p. I-4541, point 21; du 12 octobre 2000, Cooke, C-372-98, Rec. p. I-8683, point 42, ainsi que Skov et Bilka, précité, point 51).
57 Plus spécifiquement, la Cour n'a eu recours à cette solution que dans des circonstances bien précises, notamment lorsqu'il existait un risque de répercussions économiques graves dues en particulier au nombre élevé de rapports juridiques constitués de bonne foi sur la base de la réglementation considérée comme étant validement en vigueur et qu'il apparaissait que les particuliers et les autorités nationales avaient été incités à un comportement non conforme à la réglementation communautaire en raison d'une incertitude objective et importante quant à la portée des dispositions communautaires, incertitude à laquelle avaient éventuellement contribué les comportements mêmes adoptés par d'autres États membres ou par la Commission (voir, notamment, arrêt du 27 avril 2006, Richards, C-423-04, Rec. p. I-3585, point 42).
58 Il est également de jurisprudence constante que les conséquences financières qui pourraient découler pour un État membre d'un arrêt rendu à titre préjudiciel ne justifient pas, par elles-mêmes, la limitation des effets de cet arrêt dans le temps (arrêts du 20 septembre 2001, Grzelczyk, C-184-99, Rec. p. I-6193, point 52, et du 15 mars 2005, Bidar, C-209-03, Rec. p. I-2119, point 68).
59 Quant au risque de troubles graves, le gouvernement polonais a, au cours de l'audience, produit des données chiffrées qui portent sur la période allant du 1er mai 2004, date de l'adhésion de la République de Pologne à l'Union européenne, au 30 avril 2006, soit une période de deux ans, et qui montrent que le total des droits d'accise appliqués aux voitures de tourisme s'élève à 1,16 % des recettes budgétaires prévues pour 2006. Cependant, la ventilation de ces chiffres, qui permettrait d'apprécier quelle est la proportion de ce total qui serait susceptible de donner lieu à remboursement, n'a pas été communiquée à la Cour. Il convient d'ajouter que ne doivent être remboursés que les montants du droit d'accise excédant ceux qui correspondent au droit résiduel compris dans un véhicule d'occasion similaire originaire de l'État membre concerné.
60 En conséquence, il y a lieu de constater que l'existence d'un risque de répercussions économiques graves, au sens de la jurisprudence citée aux points 56 et 57 du présent arrêt, de nature à justifier une limitation des effets dans le temps du présent arrêt ne saurait être considérée comme établie.
61 Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de vérifier s'il est satisfait au critère relatif à la bonne foi des milieux intéressés.
62 Il résulte de ces considérations qu'il n'y a pas lieu de limiter dans le temps les effets du présent arrêt.
Sur les dépens
63 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement.
Par ces motifs, LA COUR (première chambre) dit pour droit:
1) Un droit d'accise, tel que celui institué en Pologne par la loi du 23 janvier 2004, relative aux droits d'accise, qui ne frappe pas les véhicules particuliers en raison du fait qu'ils franchissent la frontière, ne constitue pas un droit de douane à l'importation ni une taxe d'effet équivalent au sens de l'article 25 CE.
2) L'article 90, premier alinéa, CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à un droit d'accise dans la mesure où le montant du droit frappant les véhicules d'occasion de plus de deux ans d'âge acquis dans un État membre autre que celui qui a institué un tel droit excède le montant résiduel du même droit incorporé dans la valeur vénale des véhicules similaires immatriculés auparavant dans l'État membre ayant instauré ce droit. Il incombe à la juridiction de renvoi d'examiner si la réglementation en cause au principal, et notamment l'application de l'article 7 de l'arrêté du ministre des Finances du 22 avril 2004, relatif à la réduction du taux des droits d'accise, a une telle conséquence.
3) L'article 28 CE ne s'applique pas à une déclaration simplifiée comme celle prévue à l'article 81, paragraphe 1, point 1, de la loi du 23 janvier 2004, relative aux droits d'accise, et l'article 3, paragraphe 3, de la directive 92-12-CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, ne s'oppose pas à une telle déclaration lorsque la réglementation en cause est susceptible d'être interprétée en ce sens que ladite déclaration est due à compter de l'acquisition du droit de disposer du véhicule particulier en tant que propriétaire et, au plus tard, à compter de son immatriculation sur le territoire national conformément au code de la route.