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Décisions

TPICE, président, 29 janvier 2007, n° T-423/05 R

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Olympiaki Aeroporia Ypiresies AE

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vesterdorf

Avocats :

Mes Anestis, Mavroghenis, Jordan, Geradin, Soames

TPICE n° T-423/05 R

29 janvier 2007

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Cadre juridique

Cadre juridique communautaire

1 Le règlement (CE) n° 659-1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), est entré en vigueur le 16 avril 1999.

2 L'article 14 du règlement n° 659-1999 a trait à la récupération des aides illégales. Son paragraphe 3 prévoit :

" Sans préjudice d'une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l'article [242 CE], la récupération s'effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l'État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l'exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire. "

Cadre juridique national

3 La loi 3185-2003 (FEK A' 229/26.9.2003) dispose, à son article 27, paragraphe 1, que la totalité des actions des sociétés issues de la réorganisation d'Olympiaki Aeroporia AE (ci-après " OA "), et donc notamment Olympiaki Aeroporia-Ypiresis, seront dévolues à la République hellénique, en vue de la privatisation de ces sociétés.

Antécédents du litige

4 Par décision 94-696-CE, du 7 octobre 1994, concernant les aides accordées par l'État grec à la compagnie Olympic Airways (JO L 273, p. 22, ci-après la " décision de 1994 "), la Commission a approuvé sous conditions l'octroi d'aides à OA.

5 Ultérieurement, la décision 1999-332-CE de la Commission, du 14 août 1998, concernant les aides accordées par la Grèce à la compagnie Olympic Airways (JO 1999, L 128, p. 1, ci-après la " décision de 1998 "), prise à l'issue de la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE, a approuvé des aides supplémentaires et la modification de certaines aides déclarées compatibles par la décision de 1994 dans le cadre d'un plan de restructuration. La compatibilité des aides, décrites dans les décisions de 1994 et de 1998, a été subordonnée au respect des engagements déjà énoncés dans la décision de 1994, complétés par d'autres engagements.

6 La décision de 1998 a été modifiée, par lettre de la Commission à la République hellénique en date du 10 novembre 2000, pour permettre à cette dernière de consentir certaines garanties d'emprunts, dont notamment une garantie concernant un emprunt auprès de la banque ABN AMRO, pour l'achat de nouveaux appareils et la réalisation d'investissements dans le nouvel aéroport d'Athènes (Spata).

7 Le 11 décembre 2002, la Commission, à l'issue d'une procédure formelle d'examen et après injonctions de fournir des informations, a adopté la décision 2003-372-CE concernant l'aide octroyée par la Grèce à Olympic Airways (JO 2003, L 132, p. 1, ci-après la " décision de 2002 "). Par cette décision, la Commission a décidé que l'ensemble des aides précédemment déclarées compatibles par les décisions de 1994, de 1998 et de 2000 étaient désormais incompatibles avec le marché commun, en raison du non-respect des engagements prévus dans la décision de 1998, en particulier ceux qui concernaient la restructuration d'OA.

8 Dans cette même décision, la Commission a constaté l'octroi de nouvelles aides sous la forme d'une tolérance de la République hellénique à l'égard du non-paiement de dettes fiscales, de cotisations de sécurité sociale et de taxes par OA et certaines de ses filiales. La décision de 2002 a enjoint à la République hellénique de récupérer les aides antérieures devenues incompatibles, pour un montant de 41 millions d'euro, ainsi que les nouvelles aides.

9 La décision de 2002 a été contestée par OA, dans le cadre d'un recours en annulation formé le 10 mai 2003 devant le Tribunal et enregistré sous le numéro d'affaire T-68-03.

10 La Commission, le 8 septembre 2003, a enjoint aux autorités grecques de lui communiquer toutes les informations nécessaires pour l'examen de la compatibilité avec l'article 87 CE des mesures de restructuration et de privatisation d'OA.

11 Le 25 septembre 2003, la Commission a reçu une plainte concernant le processus de privatisation d'OA, déposée par Aegean Aerogrammes AE, une société concurrente d'OA.

12 À la même date, la Commission a saisi la Cour, qui a jugé, par arrêt du 12 mai 2005, Commission/Grèce (C-415-03, Rec. p. I-3875), que la République hellénique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la décision de 2002, puisqu'elle n'avait pas pris les mesures nécessaires pour récupérer les aides qui y étaient visées.

13 En décembre 2003, OA a adopté la nouvelle dénomination, Olympiaki Aeroporia Ypiresies AE (ci-après la " requérante "), à l'occasion de la scission de ses activités dans le transport aérien dans le cadre de la loi 3185-2003 visant à sa privatisation. La requérante conservait toutes les activités de services au sol ainsi que l'entretien et la réparation des avions, tandis que la société dénommée Olympiakes Aerogrammes AE (ci-après " NOA ") a commencé son activité dans le secteur du transport aérien. Cette dernière société a repris les activités de vol d'OA, exercées, jusque-là, par Olympiaki Aeroploïa AE et Makedonikes Aerogrammes AE, toutes deux des sociétés filiales d'OA.

14 Le 16 mars 2004, la Commission a notifié à la République hellénique sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE au sujet des mesures de restructuration et de privatisation prises par la République hellénique en ce qui concerne OA. Cette décision a fait l'objet d'un communiqué publié au Journal officiel (JO 2004, C 192, p. 2).

15 Après l'ouverture de la procédure susmentionnée, plusieurs tiers ont déposé des observations et, à plusieurs reprises, des informations ont été échangées entre la Commission et la République hellénique, qui a produit des renseignements complémentaires.

16 Le 14 septembre 2005, la Commission a adopté la décision relative à une aide d'État C 11-2004 (ex NN 4/2003) - Olympiaki Aeroporia - Restructuration et privatisation (ci-après la " décision litigieuse "). Le 15 septembre 2005, cette décision a été notifiée à la République hellénique.

17 L'article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, qui identifie une aide illégale en faveur de NOA, a été l'objet de l'ordonnance du président du Tribunal rendue le 26 juin 2006 dans l'affaire Olympiakes Aerogrammes/Commission, T-416-05 R, non publiée au Recueil, rejetant la demande en référé de NOA pour absence d'urgence à statuer provisoirement.

18 L'article 1er, paragraphes 2 à 4, identifie plusieurs aides d'État en faveur d'OA, les considèrent comme illégales et incompatibles avec le traité.

19 L'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse définit une première catégorie d'aide d'État en faveur d'OA comme le fait pour la République hellénique d'avoir versé à OA un montant surestimé d'approximativement 91,5 millions d'euro lors du transfert d'actifs, essentiellement des avions, en faveur de NOA, opéré en décembre 2003. La Commission a considéré, en effet, que les versements de 130 312 450 euro à OA, effectués par la République hellénique et intervenus entre le 24 décembre 2003 et le 13 mai 2004, avaient été supérieurs de plus de 90 millions d'euro à la valeur réelle des actifs transférés, évalués par un expert indépendant commissionné par la Commission, M. Moore Stephens, à une somme d'environ 38 millions d'euro. Au considérant 120 de la décision litigieuse, la Commission estime que les actifs sont surévalués pour un montant supérieur à 90 millions d'euro. À l'article 1er, paragraphe 2, du dispositif de la décision litigieuse, la Commission évalue cette somme à approximativement 91,5 millions d'euro.

20 L'article 1er, paragraphe 3, de la décision litigieuse définit une deuxième catégorie d'aides d'État qui se subdivise en trois différentes interventions à caractère financier de la République hellénique. Il s'agit, premièrement, du paiement d'une échéance d'un prêt contracté par OA auprès de la banque ABN AMRO pour un montant de 36 945 357 euro et dont la République hellénique était garante, deuxièmement, du règlement par celle-ci, en qualité de garante, des loyers de deux leasings financiers, couvrant deux avions, auprès de la banque Crédit Lyonnais pour un montant de 11 774 684 euro, ainsi que, troisièmement, d'une somme de 8,2 millions d'euro versée à OA en compensation d'une créance de cette dernière sur la République hellénique. La Commission considère, dans la décision litigieuse, que l'ensemble de ces interventions financières ne sont en fait que des avances qui n'auraient pas été consenties par un investisseur privé, dès lors que ces interventions financières ne sont pas la simple réalisation des garanties déjà visées par la décision de 2002.

21 L'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse définit une troisième catégorie d'aides d'État comme une tolérance continuelle de la République hellénique et de l'autorité publique Idryma Koinonikon Asfaliseon (ci-après l'" IKA "), placée sous le contrôle de la République hellénique et chargée de collecter les contributions obligatoires servant à financer le système de sécurité sociale, à l'égard d'OA, en ce qui concerne des dettes fiscales et sociales, contractées par OA de décembre 2002 à décembre 2004 et s'élevant à un montant de 354 millions d'euro qu'elles ne chercheraient pas activement à récupérer.

22 L'article 2, paragraphe 1, de la décision litigieuse dispose :

" [La République hellénique] se doit de récupérer des bénéficiaires l'aide mentionnée à l'article 1er. "

Procédure et conclusions des parties

23 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2005, la requérante a formé un recours en annulation contre la décision litigieuse sur le fondement de l'article 230, quatrième alinéa, CE. À la demande du Tribunal, la requérante a déposé une version abrégée de sa requête le 2 février 2006.

24 Par acte séparé déposé au greffe le 19 juin 2006, la requérante a présenté une demande visant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'article 2 de la décision litigieuse, en ce qui concerne les aides décrites à son article 1er, paragraphes 2 à 4, sur le fondement de l'article 242 CE et des articles 104 et suivants du règlement de procédure du Tribunal.

25 Par acte déposé au greffe le 5 juillet 2006, la Commission a présenté ses observations sur la demande en référé.

26 Sur invitation du président du Tribunal, la requérante a déposé, le 1er septembre 2006, ses observations relatives aux observations déposées par la Commission quant à la demande en référé. Le 13 septembre 2006, la Commission a déposé ses propres observations sur les observations de la requérante.

27 Le 29 septembre 2006, la requérante a déposé des observations supplémentaires ayant trait aux observations supplémentaires de la Commission. La Commission a présenté ses observations relatives aux dernières observations écrites de la requérante lors d'une audition tenue le 16 octobre 2006.

28 Le président du Tribunal, lors de l'audition du 16 octobre 2006, a invité la partie requérante à soumettre les documents suivants :

- un recensement des paiements qu'elle a déjà effectués en vertu de la décision de 2002 et de la décision litigieuse, assorti de preuves ;

- un rapport, réalisé par un auditeur indépendant, indiquant les possibilités de remboursement par paiements échelonnés des sommes dues par la requérante, selon la décision litigieuse, à la République hellénique, en fonction notamment des revenus tirés de l'activité quotidienne d'OA.

29 La requérante a déposé le 23 novembre 2006 une lettre accompagnée de trois annexes (ci-après les " documents présentés à la suite de l'audition ") comprenant notamment un rapport du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers visant à répondre à la demande du président du Tribunal. Le 7 décembre 2006, la Commission a présenté des observations sur lesdits documents.

30 La requérante conclut à ce qu'il plaise au président du Tribunal :

- surseoir à l'exécution de l'article 2 de la décision litigieuse, en ce qui concerne les aides décrites à l'article 1er, paragraphe 2 à 4, de la décision litigieuse ;

- condamner la défenderesse aux dépens et au paiement de la rémunération de ses mandataires.

31 La Commission conclut à ce qu'il plaise au président du Tribunal :

- rejeter la demande de sursis à exécution comme non fondée ;

- condamner la requérante aux dépens occasionnés par sa demande, compte tenu de la date de présentation de la demande de sursis à exécution et de sa situation juridique générale.

En droit

Arguments des parties

Sur le fumus boni juris

32 Pour établir que la condition du fumus boni juris est remplie, la requérante invoque différents moyens en subdivisant son argumentation selon les trois derniers paragraphes de l'article 1er du dispositif de la décision litigieuse.

33 Premièrement, en ce qui concerne l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse, la requérante invoque trois moyens. Selon le premier moyen, la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation, d'une part, en considérant que le comportement de la République hellénique n'était pas conforme à celui de tout opérateur, investisseur ou créancier, privé et, d'autre part, en évaluant de manière erronée les actifs transférés d'OA vers NOA en décembre 2003.

34 Le deuxième moyen, invoqué par la requérante, a trait à l'absence de motivation en ce qui concerne la réunion des conditions énoncées à l'article 87, paragraphe 1, CE, notamment la justification de l'affectation des échanges intracommunautaires et de l'impact sur la concurrence.

35 Le troisième moyen, invoqué par la requérante, relève de la violation du droit d'être entendu. Selon la requérante, le rapport de l'expert indépendant, M. Moore Stephens, sur lequel s'appuierait la Commission sans réserves, n'a été communiqué ni à la République hellénique ni à OA, partie intéressée à la procédure. L'absence de communication de ce document aurait empêché la requérante de présenter des observations utiles pour l'adoption de la décision litigieuse.

36 Deuxièmement, en ce qui concerne l'article 1er, paragraphe 3, de la décision litigieuse, la requérante fait valoir qu'elle ne conteste pas l'existence des versements mentionnés dans ce paragraphe, mais la qualification erronée de ces versements d'aide d'État. Elle reconnaît cependant l'existence en ce qui la concerne d'une dette à ce titre envers la République hellénique.

37 Troisièmement, en ce qui concerne l'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré de la violation de l'article 253 CE et se divise en deux branches. Selon la première branche du moyen, la Commission n'avance aucun élément de preuve tendant à démontrer que les dettes échues envers la République hellénique constituent des aides d'État et que l'absence d'initiative de la part de la République hellénique pour assurer le recouvrement des sommes qui lui sont dues donne à OA un avantage commercial significatif sur ses concurrents à l'origine d'une distorsion de la concurrence dans un secteur libéralisé du marché intérieur. Selon la deuxième branche de ce moyen, la Commission ne donne aucun exemple de tolérance continuelle de la République hellénique à l'égard d'OA.

38 Le deuxième moyen est tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la Commission concernant le calcul et la quantification de l'avantage présumé. Lors de son examen de la tolérance continuelle de la République hellénique, la Commission n'aurait pas indiqué la manière dont un créancier privé aurait dû se comporter, de sorte que la République hellénique n'aurait pas été en mesure de quantifier l'avantage tiré de la prétendue tolérance. D'après les calculs de la requérante, le principal des dettes visées dans les conclusions du rapport de M. Moore Stephens, fixé à 354 millions d'euro, serait en réalité de 218 millions d'euro, la différence de 136 millions d'euro correspondant à des amendes, des intérêts et des majorations imposées à OA en application du droit national.

39 Le troisième moyen est tiré de la violation alléguée du droit d'être entendu et du principe non bis in idem.

40 La Commission, quant à elle, conteste l'existence d'un fumus boni juris, en reprenant la structure de l'argumentation de la requérante.

41 Premièrement, s'agissant des moyens invoqués par la requérante pour fonder l'existence d'un fumus boni juris quant aux aides décrites à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse, la Commission fait valoir tout d'abord, en substance, que la requérante est un successeur d'OA, laquelle est visée par la décision litigieuse, la décision de 2002 ou encore la décision de 1994, pour son activité de service au sol et, par conséquent, son successeur en ce qui concerne la récupération des aides d'État. Pour cette raison, la requérante ne pourrait recevoir d'aide supplémentaire, eu égard à la décision de 1994.

42 En ce qui concerne le moyen relatif à l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, la Commission relève que les versements mentionnés à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse auraient été utilisés en grande partie pour couvrir des besoins fonctionnels d'OA, ce qui ne garantirait aucun rendement d'aucune sorte et ne serait pas accepté par un investisseur privé. Quant à l'estimation de la valeur des actifs transférés, celle-ci aurait été réalisée par la République hellénique sur la base de données transmises à la société comptable Deloitte & Touche par la direction d'OA, sans avoir été évaluées par des auditeurs indépendants. Les corrections des experts de la Commission concerneraient l'application de principes de base de la comptabilité correspondant, d'ailleurs, aux règles d'une gestion raisonnable et saine.

43 Deuxièmement, s'agissant des moyens invoqués par la requérante pour fonder l'existence d'un fumus boni juris quant aux aides décrites à l'article 1er, paragraphe 3, de la décision litigieuse, la Commission indique que les moyens relatifs aux versements effectués par la République hellénique, en sa qualité de garante, sont irrecevables, puisque la décision litigieuse ne ferait que confirmer l'appréciation portée sur ce point dans la décision de 2002 et ne produirait donc pas d'effets autonomes.

44 Troisièmement, s'agissant des moyens invoqués par la requérante pour fonder l'existence d'un fumus boni juris quant aux aides décrites à l'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse, la Commission soutient notamment que des créanciers privés n'attendraient pas indéfiniment le paiement de leurs créances comme le fait, en l'espèce, la République hellénique.

45 La Commission fait ensuite valoir, en ce qui concerne le moyen tiré de la violation du principe non bis in idem, que, étant donné les logiques différentes qui président, d'une part, à la mise en demeure en droit national et, d'autre part, à la production d'intérêts pour la récupération tardive d'une aide d'État en vue du rétablissement de la concurrence, il n'y a pas violation de ce principe, comme le prétend la requérante. Enfin, la Commission considère que le droit d'être entendu a été pleinement respecté.

Sur l'urgence

46 La requérante fait tout d'abord valoir que la condition relative à l'urgence est satisfaite si, en l'absence de sursis à exécution, le demandeur se trouve dans une situation susceptible de mettre en péril son existence même avant l'intervention de l'arrêt mettant fin à la procédure au principal. À ce titre, la requérante souligne que, lorsque les montants à récupérer dépassent de loin les actifs de l'entreprise, ainsi que ce serait le cas en l'espèce, un fort risque de préjudice grave et irréparable existe, car l'entreprise sera conduite à la dissolution et à la liquidation, au détriment de ses actionnaires (ordonnance du président du Tribunal du 26 octobre 1994, Transacciones Maritimas e.a./Commission, T-231-94 R, T-232-94 R et T-234-94 R, Rec. p. II-885, point 42).

47 La requérante soutient que l'obligation de verser immédiatement l'un quelconque des montants indiqués dans le dispositif de la décision litigieuse et, a fortiori, l'obligation de verser immédiatement la totalité de ces sommes ou plusieurs d'entre elles entraîneraient sa dissolution et sa mise en liquidation en application du droit hellénique. La requérante appuie son argument sur le considérant 127 de la décision litigieuse selon lequel la situation financière d'OA est particulièrement difficile, ainsi que sur un rapport d'experts, engagés par la requérante, selon lesquels " il n'y a [pour OA] absolument aucune possibilité de contracter et de rembourser un emprunt en vue de régler les montants qualifiés d'aides par la décision [litigieuse] ".

48 La requérante soutient ensuite que le caractère confus de l'analyse développée dans la décision litigieuse rend, de plus, difficile l'exécution de cette décision et devrait être pris en compte dans l'évaluation de l'urgence. La requérante fait observer notamment qu'elle ne sait finalement pas si, quand, comment et dans quelle mesure elle pourra récupérer une quelconque somme auprès de NOA au titre de l'article 1er, paragraphe 1, de la décision litigieuse, laquelle ne fixe au demeurant pas concrètement le montant dû par NOA, mais se réfère à un préjudice découlant du différentiel entre, d'une part, pour l'année 2004, le montant payé par OA pour les leasings opérationnels initiaux et, d'autre part, le montant payé par NOA pour la sous-location des avions. Un autre élément très significatif tiendrait au fait qu'OA ne connaît pas le degré de participation de NOA au paiement des montants visés à l'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse. En effet, le considérant 183 de la décision litigieuse considérerait NOA " comme une entreprise successeur d'OA tout au moins aux fins de la récupération des aides d'État constatées avant la scission ". Or, en l'espèce, l'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse porterait sur une période précédant en partie, pour une année environ, la scission entre OA et NOA.

49 En outre, la requérante soutient qu'il n'existe pas de communauté d'intérêts entre elle-même et NOA depuis la loi 3185-2003 et que ses participations dans des filiales, qu'elle évalue à environ 20 millions d'euro, ne sont pas de nature à compenser son absence de solvabilité.

50 La requérante fait également valoir que, par la lettre adressée à la Commission le 16 novembre 2005, la République hellénique a pris les premières mesures visant à récupérer les aides déclarées incompatibles avec le marché commun par la décision litigieuse, en procédant à la quantification des prétendues aides d'État à récupérer.

51 Dans ses observations relatives aux observations de la Commission, la requérante précise son argumentation en soulignant les effets juridiques spécifiques de la décision litigieuse par rapport à ceux des dettes nationales qui sont de toute manière exigibles et qui s'élèvent à un montant qu'elle estime être de 411 millions d'euro. En effet, selon la requérante, bien que la République hellénique se soit d'ores et déjà proposée de récupérer ce montant considéré comme étant constitutif de dettes nationales, la décision litigieuse implique une obligation de payer " immédiatement ", au sens de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659-1999, le montant de l'aide d'État, ce qui la priverait de la possibilité, prévue par la loi grecque, de payer ce montant par tranches. La requérante indique en outre que le sursis à l'exécution de la décision litigieuse ne suspendrait pas le règlement de ses dettes envers la République hellénique, mais lui permettrait de régler lesdites dettes en plusieurs échéances s'échelonnant sur dix années.

52 Dans ses observations relatives aux observations de la Commission, la requérante indique qu'elle a désormais reçu tous les avis de paiement concernés. Par ailleurs, dans certains cas, les procédures de recouvrement auraient déjà atteint des étapes plus avancées. Par exemple, l'IKA aurait déjà procédé à des saisies conservatoires sur des biens immobiliers de la requérante pour un montant approximatif de 20 millions d'euro et à des ventes aux enchères.

53 Dans les documents présentés à la suite de l'audition, la requérante indique notamment avoir effectué, depuis le 1er janvier 2003, un certain nombre de paiements liés à la décision de 2002 et à la décision litigieuse pour un montant total de 70,364 millions d'euro, composés de paiements à l'IKA pour 9,592 millions d'euro, à l'Aéroport international d'Athènes pour 33,927 millions d'euro, aux autorités fiscales pour 25,175 millions d'euro et à l'aviation civile pour un montant de 1,670 million d'euro. Elle indique en outre qu'elle compte retarder, autant que possible, le paiement de ce qu'elle considère comme des dettes nationales en recourant aux voies de droit et aux procédures existant en droit national.

54 Pour sa part, la Commission fait valoir que la récupération des aides en cause est de la compétence de la République hellénique. Or, cette dernière aurait également formé un recours contre la décision litigieuse, enregistré sous la référence T-415-05. Cela donnerait clairement à penser que, en dépit des assurances répétées que la Commission reçoit depuis des années, la République hellénique n'a aucune intention réelle de récupérer les aides en cause. À ce titre, la Commission s'oppose à l'argument avancé par la requérante selon lequel la lettre, adressée à la Commission le 16 novembre 2005 par la République hellénique, constituerait un début de récupération. Selon la Commission, la mise en œuvre de mesures d'exécution aurait exigé des mesures plus drastiques, telles que la demande de faillite, l'inscription de créances ou encore des saisies conservatoires.

55 Par ailleurs, la Commission soutient que la requérante était dans une situation financière désastreuse dès avant la décision litigieuse et indépendamment de celle-ci, ce qui démontrerait l'absence de lien de causalité entre la décision litigieuse et la gravité de la situation de la requérante.

56 La Commission soutient par ailleurs qu'un préjudice financier est un préjudice réparable et invoque le fait que la République hellénique détient la totalité des actions de la requérante. La capacité de financement illimitée que lui accorderait le budget de l'État serait de nature à invalider l'argument tiré de l'insuffisance de trésorerie de la requérante.

57 Dans ses observations relatives aux documents présentés à la suite de l'audition, dans un premier temps, la Commission relève que la société d'audit PricewaterhouseCoopers ne s'est fondée que sur des documents fournis par la requérante sans avoir eu le temps de procéder au contrôle de leur exactitude. Dans un deuxième temps, la Commission fait observer que ce cabinet d'audit conclut que le remboursement, même échelonné, de ce que la requérante considère être des dettes nationales et qui constitue en fait des aides d'État, au moyen des recettes courantes régulières de la requérante, sans apport d'éléments exceptionnels, est impossible. Dans un troisième temps, la Commission estime que la requérante n'a pas apporté d'éléments de preuve permettant de rattacher certains des paiements effectués à la décision de 2002 et à la décision litigieuse.

Sur la mise en balance des intérêts

58 Quant à la mise en balance des intérêts, la requérante fait valoir que le préjudice, qu'elle appréhende pour elle-même et pour l'assistance au sol dans les aéroports des îles grecques, doit être comparé à l'intérêt pour la Communauté de supprimer une atteinte présumée aux conditions de concurrence sur le marché communautaire.

59 Selon la requérante, la mise en balance des intérêts en présence montre que sont constituées, en l'espèce, les circonstances exceptionnelles qui justifient l'octroi du sursis à exécution, et ce même si une aide est présumée. En effet, la requérante relève, tout d'abord, que les distorsions de concurrence à mettre en balance ne sont pas aussi importantes qu'il est allégué dans la décision litigieuse et que, à tout le moins, aucune démonstration de cette distorsion n'est exposée dans ladite décision. Elle souligne ensuite les conséquences de sa mise en faillite, probable en cas d'absence de sursis à exécution, sur l'assistance au sol dans les aéroports des îles grecques. La requérante serait soumise à des obligations de service public qui lui imposeraient d'offrir ses services sur 33 des 38 aéroports grecs où il n'existe pas de concurrence pour les prestations d'assistance au sol. Même si le droit grec permet aux transporteurs aériens concernés de ne pas utiliser ces services de la requérante et d'organiser leur propre assistance au sol, lesdits transporteurs feraient rarement usage de cette possibilité. Il y aurait lieu de souligner que tous ces aéroports où la requérante a un monopole se trouvent dans des régions périphériques de la Grèce, principalement sur de petites îles de la mer Égée, auxquelles il n'y aurait pas ou guère d'autres moyens d'accéder.

60 Pour sa part, la Commission fait valoir que l'intérêt communautaire exige, en l'espèce, la récupération immédiate de l'aide en cause, puisque l'intérêt d'une société, dans la mesure où les aides qu'elle reçoit faussent la concurrence dans le marché commun, ne peut être supérieur à l'intérêt communautaire de voir rétablir une concurrence non faussée.

61 Pour ce qui est de la rupture de la prestation de service au sol, notamment au détriment de la périphérie insulaire grecque, la Commission soutient que cette prestation peut être assurée par les concurrents de la requérante.

Appréciation du juge des référés

62 En vertu des articles 242 CE et 243 CE, d'une part, et de l'article 225, paragraphe 1, CE, d'autre part, le Tribunal peut, s'il estime que les circonstances l'exigent, ordonner le sursis à l'exécution de l'acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

63 L'article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l'objet du litige, les circonstances établissant l'urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l'octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l'une d'elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C-268-96 P(R), Rec. p. I-4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C-445-00 R, Rec. p. I-1461, point 73).

64 En outre, dans le cadre de cet examen d'ensemble, le juge des référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l'espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l'ordre de cet examen, dès lors qu'aucune règle de droit communautaire ne lui impose un schéma d'analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995 Commission/Atlantic Container Line e.a., C-149-95 P(R), Rec. p. I-2165, point 23, et du 17 décembre 1998 Emesa Sugar/Commission, C-364-98 P(R), Rec. p. I-8815, point 44].

65 Il convient en l'espèce d'examiner, tout d'abord, si la condition relative à l'urgence est satisfaite.

66 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d'éviter une lacune dans la protection juridique assurée par les juridictions communautaires [ordonnances du président de la première chambre de la Cour du 12 décembre 1968, Renckens/Commission, 27-68 R, Rec. 1969 p. 274, 276 ; du président de la Cour du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399-95 R, Rec. p. I-2441, point 46 ; du 29 janvier 1997, Antonissen/Conseil et Commission, C-393-96 P(R), Rec. p. I-441, point 36, et du 17 juillet 2001, Commission/NALOO, C-180-01 P-R, Rec. p. I-5737, point 52].

67 Pour atteindre cet objectif, le caractère urgent d'une demande en référé doit s'apprécier par rapport à la nécessité qu'il y a de statuer provisoirement, afin d'éviter qu'un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire [ordonnances du président de la Cour du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C-65-99 P(R), Rec. p. I-1857, point 62 ; Commission/NALOO, point 66 supra, point 52, et du 20 juin 2003, Commission/Laboratoires Servier, C-156-03 P-R, Rec. p. I-6575, point 35]. C'est à cette dernière qu'il appartient d'apporter la preuve qu'elle ne saurait attendre l'issue de la procédure au principal, sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président de la Cour du 8 mai 1991, Belgique/Commission, C-356-90 R, Rec. p. I-2423, point 23, et ordonnance du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T-151-01 R, Rec. p. II-3295, point 187).

68 Si l'imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d'un ensemble de facteurs, qu'elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, le requérant demeure tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d'un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C-335-99 P(R), Rec. p. I-8705, point 67 ; ordonnances du président du Tribunal Duales System Deutschland/Commission, point 67 supra, point 188, et du 25 juin 2002, B/Commission, T-34-02 R, Rec. p. II-2803, point 86].

69 Dans le domaine des aides d'État, lorsque les autorités nationales n'ont encore pris aucune mesure visant à l'exécution d'une décision ordonnant la récupération d'une aide déclarée incompatible avec le marché commun, la survenance des préjudices, allégués par le demandeur, ne saurait être considérée comme suffisamment imminente pour justifier l'octroi de mesures provisoires (ordonnances B/Commission, point 68 supra, point 89, et Olympiakes Aerogrammes/Commission, point 17 supra, point 52).

70 En outre, dans le cadre d'une procédure nationale de récupération d'une aide d'État, le bénéficiaire de l'aide ne sera pas empêché d'invoquer, à l'appui d'un recours contre les mesures d'exécution prises par les autorités nationales, l'illégalité de la décision ordonnant sa récupération s'il a contesté cette décision au titre de l'article 230 CE. Il est observé, à cet égard, que la législation nationale ne peut conférer un effet suspensif automatique à un tel recours sans contrevenir aux dispositions de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 659-1999 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 2006, Commission/France, C-232-05, non encore publié au Recueil, points 49 à 53) et que le juge national ne peut accorder un sursis à l'exécution d'une mesure d'exécution d'un acte communautaire que dans les conditions du référé devant le juge communautaire (arrêt de la Cour du 21 février 1991, Zuckerfabrik Süderdithmarschen et Zuckerfabrik Soest, C-143-88 et C-92-89, Rec. p. I-415, point 27).

71 Dans ce contexte, le juge national n'est pas lié par le caractère définitif de la décision ordonnant la récupération de l'aide, de sorte qu'il peut surseoir à statuer pour poser une question préjudicielle à la Cour de justice, au titre de l'article 234 CE, sur la validité de cette aide. Dans un souci de bonne administration de la justice, le juge national pourrait également surseoir à statuer dans l'attente du règlement de l'affaire au fond devant le Tribunal. Dans le cadre d'une procédure en référé, il appartient dès lors à la requérante de démontrer que les voies de recours internes que lui offre le droit national pour s'opposer à la récupération d'une aide d'État ne lui permettent pas d'éviter de subir un préjudice grave et irréparable (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal B/Commission, point 68 supra, points 90 à 93, et du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T-181-02 R, Rec. p. II-5081, points 107 à 110).

72 En l'espèce, la requérante a indiqué, dans les documents présentés à la suite de l'audition, qu'elle comptait retarder autant que possible le paiement de ce qu'elle considère être des dettes nationales en recourant aux voies de droit et aux procédures prévues par le droit national et que l'ordre juridique hellénique ne permettait pas d'accorder automatiquement des mesures provisoires sans l'examen des critères prévus par la jurisprudence communautaire. Il y a donc lieu de considérer, en l'espèce, que la requérante a la possibilité de recourir aux voies et aux procédures prévues par le droit national, conformément à la jurisprudence communautaire citée au point 70 ci-dessus, contre les éventuelles mesures de récupération prises par la République hellénique.

73 Il convient donc de vérifier si, dans sa demande en référé et ses observations supplémentaires relatives à l'urgence, ainsi que dans les documents présentés à la suite de l'audition, la requérante a établi à suffisance de droit que la République hellénique avait adopté des mesures visant à l'exécution de la décision litigieuse et, le cas échéant, que les voies de recours internes que lui offre le droit national pour s'opposer à la récupération d'une aide d'État ne seraient pas de nature à éviter le préjudice grave et irréparable allégué.

74 La requérante invoque, comme étant des mesures visant à l'exécution de la décision litigieuse, premièrement, la lettre adressée par la République hellénique à la Commission le 16 novembre 2005, deuxièmement, les avis de paiements reçus de la République hellénique qui auraient déjà donné lieu à certains paiements de sa part et, troisièmement, les saisies conservatoires déjà réalisées par l'IKA sur des biens immobiliers lui appartenant, ainsi que des ventes aux enchères.

75 En premier lieu, il convient donc de vérifier si la lettre adressée par la République hellénique à la Commission le 16 novembre 2005 constitue, comme l'allègue la requérante, une première mesure visant à l'exécution de la décision litigieuse.

76 Il faut observer d'emblée que, dans cette lettre, la République hellénique " informe la Commission que la procédure qu'elle a déjà engagée pour se conformer à [la décision litigieuse] consiste :

i) à déterminer les montants des aides d'État pour chaque catégorie d'aides visée par [la décision litigieuse] ; et

ii) à récupérer, ensuite, immédiatement et efficacement les montants d'aides d'État ainsi déterminés, conformément aux dispositions du droit national ".

77 La République hellénique précise sa démarche en subdivisant sa lettre selon les quatre paragraphes de l'article 1er de la décision litigieuse. Seuls les paragraphes 2 à 4 sont cependant pertinents pour la présente demande en référé.

78 Premièrement, s'agissant des sommes visées à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse, il ressort de la lettre du 16 novembre 2005 que la République hellénique cherche à " savoir dans quelle mesure les commentaires des cabinets Deloitte & Touche [commissionné par la requérante] et PricewaterhouseCoopers [commissionné par la République hellénique dans le cadre de la procédure précontentieuse liée à la décision litigieuse] sur les conclusions de l'expert de la Commission sont acceptés par cette dernière ", observant que, " [e]n principe, la quantification ne peut avoir lieu que s'il existe un accord sur les principes comptables à appliquer ". Par ailleurs, la lettre expose que, " [s]ans entreprendre un commentaire détaillé des rapports des cabinets Deloitte & Touche et PricewaterhouseCoopers (commentaire qui, cependant, découle naturellement de la lecture des rapports), [la République] hellénique constate que les deux rapports mentionnent une masse d'estimations erronées faites par l'expert de la Commission en ce qui concerne ses conclusions relatives à la quantification de la valeur des éléments qui ont été transférés [de la requérante] à NOA, surtout en ce qui concerne la constatation selon laquelle le fond aurait dû prévaloir sur la forme, ce qui n'a pas été le cas ". Elle ajoute que " [la République] hellénique ne pourrait analyser les conclusions de l'expert de la Commission que [si elle] avait accès à la totalité du rapport de celui-ci, accès que, jusqu'à présent, la Commission n'a pas autorisé ".

79 Il est donc établi que la quantification de l'aide, seule et unique mesure de mise en œuvre de la récupération alléguée par la requérante, ne pourrait intervenir, selon la République hellénique, qu'à la suite d'un accord entre cette dernière et la Commission sur les principes comptables à appliquer.

80 Or, la lettre du 23 décembre 2005 adressée par la Commission à la République hellénique expose ce qui suit :

" S'agissant de la surestimation des éléments d'actif qui a conduit au versement d'une aide d'un montant de 91,5 millions d'euro à [la requérante], comme le mentionne l'article 1er, paragraphe 2, de la décision [litigieuse], [les] services [de la Commission] prennent en considération [les] réponses de [la République hellénique] [...] Or, sur la base de l'examen effectué par [les] services de la Commission lors de l'engagement de la procédure et conformément à l'avis de l'expert, [les] services [de la Commission] continuent à soutenir que [les] évaluations [de la République hellénique] n'étaient ni exactes ni fondées. "

81 La lettre en date du 16 novembre 2005 étant, en l'état du dossier, la seule manifestation de la République hellénique visant à récupérer l'aide, versée à la requérante, telle que définie à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision litigieuse, il est établi que la République hellénique n'a pas mis en œuvre la moindre mesure de récupération concernant cette aide. En effet, cette lettre indique que toute mesure en ce sens dépend d'un accord de la Commission sur la quantification de l'aide et que cet accord n'a, à cette date, pas été donné par la Commission, comme en témoigne sa lettre du 23 décembre 2005.

82 Deuxièmement, s'agissant des sommes visées à l'article 1er, paragraphe 3, de la décision litigieuse, il ressort de la lettre du 16 novembre 2005 que " [la République] hellénique reconnaît que la somme de 57 millions d'euro [somme des différentes interventions à caractère financier de la République hellénique] constitue, en effet, une dette de [la requérante] à son égard, dette qui devra être payée majorée des intérêts, mais [que la République hellénique] marque son désaccord quant à la constatation juridique, figurant dans la décision [litigieuse], selon laquelle cette dette comporte des éléments d'aides d'État au sens de l'article 87 [...] CE, bien que ce désaccord théorique ne fasse aucune différence pratique ni quant au mode de recouvrement ni quant à l'obligation pour [la requérante] de rembourser ces sommes ".

83 Si, selon la République hellénique, les sommes en question constituent bien des dettes exigibles dans les mêmes conditions, quant au mode de recouvrement, que celles prévues par la décision litigieuse, mais pas des aides d'État, il n'en reste pas moins qu'elle demande à la Commission, dans une lettre du 11 janvier 2006 (point 112 des observations de la requérante), selon les écritures de la requérante, " la période maximum possible pour le remboursement ci-après des dettes de [la requérante] par tranches et qui, selon l'avis motivé de la Commission, serait considérée comme conforme à l'interprétation de l'obligation (...) de s'assurer que le recouvrement doit être effectué conformément au droit national et immédiatement ".

84 Il ressort donc de cette dernière lettre que la République hellénique, à ce stade, et dans l'attente d'une réponse de la Commission qui, en l'état du dossier, n'a pas été donnée à la République hellénique, n'envisage pas de récupérer immédiatement et en un seul versement ce qu'elle considère être de simples dettes.

85 Troisièmement, s'agissant des sommes visées à l'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse, il ressort de la lettre du 16 novembre 2005 que " [la République hellénique] a fait savoir, à plusieurs reprises, à la Commission qu'[elle] était incapable d'identifier l'avantage qui aurait été acquis du fait de [la] prétendue tolérance persistante [à l'égard des dettes fiscales et sociales de la requérante] ". La requérante a d'ailleurs relevé, dans sa demande, que " la République hellénique n'a[vait] pas été en mesure de quantifier l'avantage tiré de la prétendue 'tolérance' ".

86 Cependant, la République hellénique indique dans cette lettre avoir procédé " à une détermination de principe des sommes visées à l'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse ". Cette détermination de principe s'élève à 218 millions d'euro et diffère, pour des raisons analogues à celles exposées par la requérante, de l'évaluation de 354 millions d'euro que la Commission maintient dans sa lettre du 23 décembre 2005 adressée à la République hellénique.

87 Par ailleurs, dans sa lettre du 16 novembre 2005, la République hellénique fait état des considérations suivantes :

" [...] pour les sommes visées à l'article 1er, paragraphe 4, de la décision [litigieuse], dont [la requérante] est considérée comme redevable [et] à l'égard de laquelle, d'ailleurs, les procédures de perception prévues par le droit national ont déjà été engagées avant l'adoption de la décision [litigieuse], puisque plus de 90 % d'entre elles avaient été certifiées [...], [la République hellénique] mettra, de toute façon, immédiatement en œuvre les procédures prévues par le code de recouvrement des recettes publiques en vue de la perception des sommes restantes [...] qui n'avaient pas été certifiées en tant que dettes de [la requérante]. La Commission sait que [la requérante] dispose encore d'importants éléments patrimoniaux, dont les procédures de vente ont déjà été accélérées pour que les recettes attendues soient utilisées aux fins de la récupération aussi des aides visées à l'article 1er, paragraphe 4, de la décision [litigieuse]. Cependant, des instructions sont encore attendues de la Commission, à la suite des rencontres récentes, au sujet de la manière la plus appropriée de vendre ces éléments après la décision [litigieuse]. "

88 Il ressort ainsi de la lettre du 16 novembre 2005 que la République hellénique s'est bornée à réaliser une " détermination de principe " et qu'elle attend des instructions de la Commission avant de vendre des éléments patrimoniaux nécessaires aux paiements. En effet, la République hellénique conditionne l'exécution de mesures de récupération à des instructions de la part de la Commission. Or, la Commission, dans sa lettre à la République hellénique en date du 23 décembre 2005, estime que " [la République hellénique] n'est pas parvenue à démontrer qu'[elle] pren[ait] des mesures différentes de celles (inefficaces) qu'[elle] a[vait] prises [...] sur ce sujet ".

89 Enfin, la lettre adressée par la République hellénique à la Commission, en date du 30 janvier 2006, est encore plus éclairante à cet égard, dans la mesure où la République hellénique y expose ce qui suit :

" [...] la lettre envoyée par la Commission le 23 décembre 2005 ne contient aucune observation substantielle sur les arguments développés dans la lettre du 16 novembre 2005 au sujet de la quantification des aides alléguées. Partant, la République hellénique considère que, en ce qui concerne la décision C 11-2004, elle a respecté toutes les obligations qui lui sont imposées par le droit communautaire et attend la réponse de la Commission à ce sujet. Elle attendra, dans le cadre de l'article 10 CE, jusqu'à ce que la Commission se prononce sur les thèses formulées dans notre lettre du [16] novembre 2005 en confirmant que la récupération des aides visées dans la décision C 11-2004 doit être effectuée suivant les modalités et pour les montants indiqués dans cette lettre ou en manifestant son désaccord de façon motivée et sur la base d'éléments suffisants et détaillés. À défaut, il se posera la question de l'admissibilité de l'application de l'article 88, paragraphe 2, CE. "

90 En conséquence, il ressort clairement de la lettre du 30 janvier 2006 que la République hellénique n'envisage pas de récupérer immédiatement les aides visées à l'article 1er, paragraphe 4, de la décision litigieuse, pas plus d'ailleurs que l'ensemble des aides visées par la décision litigieuse. En effet, la République hellénique déclare attendre une prise de position de la Commission dont la motivation serait fondée en substance sur des éléments nouveaux, suffisants et plus détaillés que dans sa lettre du 23 décembre 2005. Or, il ne ressort pas du dossier qu'une prise de position à ce titre ait été adoptée par la Commission postérieurement à sa lettre du 23 décembre 2005.

91 En l'état du dossier, la requérante n'a donc pas démontré à suffisance de droit que la République hellénique envisageait de mettre en œuvre des mesures de récupération des aides en cause. Au contraire, l'examen des échanges de lettres entre la République hellénique et la Commission démontre que la République hellénique ne semble pas vouloir procéder à la récupération desdites aides dans un délai prévisible. Cependant, la requérante a invoqué d'autres éléments de preuve au soutien de son argumentation tendant à établir l'existence de mesures de récupération mises en œuvre par la République hellénique.

92 En deuxième lieu, il convient donc d'examiner les avis de paiements reçus par la requérante pour l'ensemble de sa dette envers la République hellénique, lesquels auraient déjà donné lieu à certains paiements en relation avec la décision de 2002 et la décision litigieuse, depuis le 1er janvier 2003, pour un montant de 70,364 millions d'euro.

93 S'agissant des avis de paiements que la requérante aurait reçus, force est de constater, à titre liminaire, que la requérante n'a pas produit d'avis de paiements émis par la République hellénique à l'appui de ses écritures ou avec les documents présentés à la suite de l'audition, en ce qui concerne ses dettes fiscales.

94 À supposer qu'il s'agisse des certifications de dettes évoquées par la République hellénique dans les lettres du 16 novembre 2005 ou du 30 janvier 2006 adressées à la Commission, il découle de l'appréciation ci-dessus, qui y est afférente, que ces certifications ne constituent pas la mise en œuvre de mesures de récupération.

95 À supposer qu'il s'agisse d'autres documents, force est de constater que la requérante n'a pas apporté d'éléments permettant d'en attester l'existence et d'évaluer leur force contraignante pour la requérante. Or, de manière générale et eu égard à la charge de la preuve qui pèse sur la requérante en vertu de la jurisprudence citée au point 67 ci-dessus, les informations produites devant le juge des référés doivent, d'une part, être étayées par des éléments de preuve et, d'autre part, lui permettre d'apprécier concrètement la situation exposée par la requérante. Ce n'est manifestement pas le cas en l'espèce.

96 En revanche, la requérante a produit, en annexe à ses observations sur les observations de la Commission, un acte, daté du 29 novembre 2005, déterminant les dettes de la requérante envers l'IKA, pour un montant de 175 millions d'euro et prévoyant des mesures d'exécution forcées, telles que des saisies conservatoires de biens immobiliers et les ventes aux enchères de ceux-ci.

97 Cependant, il y a lieu, tout d'abord, de relever que la détermination des dettes réalisée par cet acte est en fait la manifestation juridique des certifications, pour la partie relevant des dettes sociales, évoquées par la République hellénique dans les lettres du 16 novembre 2005 et du 30 janvier 2006 adressées à la Commission. En effet, le montant de ces dettes sociales a déjà été pris en compte dans les calculs des certifications effectués par la République hellénique, dans sa lettre du 16 novembre 2005, pour justifier le fait qu'elle avait respecté toutes les obligations qui lui étaient imposées par le droit communautaire. Or, il a été démontré que ces certifications ne constituaient pas la mise en œuvre de mesures de récupération. Ensuite, en ce qui concerne les mesures contraignantes envisagées par cet acte, il convient de relever que ces mesures sont envisagées sans calendrier établi des saisies à effectuer ni recensement des biens à saisir. L'acte en lui-même ne peut donc être considéré comme la mise en œuvre de mesures de récupération par la République hellénique.

98 S'agissant des paiements que la requérante aurait déjà effectués, la requérante soutient, dans ses observations supplémentaires relatives aux observations supplémentaires de la Commission, avoir informé la Commission d'un paiement de 33,9 millions d'euro intervenu au profit de la République hellénique. Elle indique également, dans les documents présentés à la suite de l'audition, avoir effectué des paiements à partir du 1er janvier 2003 liés à la décision de 2002 et à la décision litigieuse.

99 Dans le cadre de la présente ordonnance, il convient d'évaluer les paiements effectués en vertu de la décision litigieuse, même si la requérante ne distingue pas dans ses explications les paiements qu'elle a effectués en vertu de la décision de 2002 des paiements qu'elle a effectués en vertu de la décision litigieuse, et de déterminer si ces paiements ont été effectués en exécution d'une mesure de récupération décidée par la République hellénique.

100 À cet égard, l'examen des documents présentés par la requérante à la suite de l'audition infirme son affirmation selon laquelle les paiements ont été effectués en vertu de la décision litigieuse, en exécution d'une mesure de récupération décidée par la République hellénique.

101 En effet, premièrement, les paiements effectués à l'Aéroport international d'Athènes pour un montant de 33,927 millions d'euro, compris dans le montant total de 70,364 millions d'euro que la requérante prétend avoir payé, ne peuvent correspondre à la récupération d'une aide d'État par la République hellénique, dans la mesure où la décision litigieuse indique à son considérant 192 que le montant en question ne constitue pas une aide d'État. Deuxièmement, les loyers en retard versés aux services de l'aviation civile pour un montant de 1,670 million d'euro ne sont pas visés par la décision litigieuse.

102 Troisièmement, pour ce qui est des paiements intervenus, en faveur de l'IKA, pour un montant de 9,592 millions d'euro, il convient de relever que ceux-ci sont intervenus entre le 29 janvier 2003 et le 31 octobre 2005, soit pour la presque totalité des paiements avant même l'adoption de la décision litigieuse. En outre, la requérante ne soumet qu'un document vague n'indiquant pas la période concernée par les paiements ni s'ils se rattachent à la décision litigieuse, ne serait-ce que pour la période comprise entre l'adoption de la décision litigieuse, le 14 septembre 2005, et le 31 octobre 2005. La requérante n'apporte pas non plus d'éléments de preuve permettant de considérer que lesdits paiements ont été effectués en vertu d'une mesure de récupération mise en œuvre par la République hellénique. Enfin, la requérante ne démontre pas que les paiements intervenus auprès de l'IKA n'auraient pas été, au moins en partie, déjà pris en compte par la Commission dans la décision litigieuse à l'article 1er, paragraphe 4, et préalablement déduits de l'aide d'État provenant de la " tolérance " de l'IKA à l'égard de la requérante.

103 Quatrièmement, les paiements effectués auprès des autorités fiscales pour un montant de 25,175 millions d'euro ont été effectués entre le 13 janvier 2003 et le 23 octobre 2006. Les considérations, exposées au point 102 ci-dessus, relatives aux paiements envers l'IKA sont valables, mutatis mutandis, pour les paiements effectués auprès des autorités fiscales, notamment la constatation que la requérante n'apporte pas d'éléments de preuve permettant de considérer que les paiements ont été effectués en vertu d'une mesure de récupération mise en œuvre par la République hellénique.

104 L'argument de la requérante ayant trait à l'existence de mesures de récupération et fondé sur des avis de paiements et des paiements effectués par elle ne saurait donc prospérer.

105 En troisième lieu, il convient d'examiner si la requérante a démontré à suffisance de droit que l'intervention de l'IKA, qui, selon la requérante, a déjà procédé à des saisies conservatoires sur des biens immobiliers lui appartenant ainsi qu'à des ventes aux enchères, constituait la mise en œuvre de mesures de récupération.

106 Il ressort d'un procès-verbal du 1er décembre 2005 que des saisies conservatoires ont été réalisées le 29 novembre 2005 pour un montant approximatif de 20 millions d'euro, alors que l'estimation des dettes de la requérante envers l'IKA représente un montant d'environ 175 millions d'euro selon les écritures de la requérante et de 142 millions d'euro selon le rapport de la société PricewaterhouseCoopers. En revanche, force est de constater que la requérante n'a pas produit la preuve de la réalisation de ventes aux enchères ni d'un quelconque montant recouvré par l'IKA.

107 S'agissant des saisies conservatoires, il ne peut être exclu, de manière générale, qu'une telle mesure puisse constituer la mise en œuvre d'une mesure visant à l'exécution de la décision ordonnant la récupération de l'aide, au sens de l'ordonnance B/Commission, point 68 supra.

108 Cependant, en l'espèce, premièrement, il convient de relever que la requérante ne produit aucun document attestant du fait que l'IKA procède bien à la récupération des aides décrites dans la décision litigieuse. Par exemple, la décision de 2002 constatait également l'existence d'une " tolérance " de l'IKA et donc de sommes à recouvrer, pour une période antérieure à celle visée dans la décision litigieuse. De la même manière, la seule référence faite aux dettes nationales de la requérante envers l'IKA, dans le procès-verbal daté du 1er décembre 2005, ne permet pas de conclure que l'IKA fait procéder à des saisies conservatoires en rapport avec la décision litigieuse.

109 Deuxièmement, il convient de prendre en considération la circonstance que les saisies conservatoires opérées ne portent que sur une faible partie des sommes dues par la requérante à l'IKA et n'ont pas été suivies d'autres saisies conservatoires à ce jour. En outre, il ne ressort d'aucun des documents soumis par la requérante que ces saisies conservatoires seront suivies d'autres mesures similaires pour la totalité des sommes dues, en l'absence, par exemple, d'un calendrier prévoyant des saisies conservatoires futures. En l'état du dossier, il n'est donc pas possible pour le juge des référés d'en conclure que les saisies conservatoires de biens immobiliers pour une somme de seulement 20 millions d'euro constituent une mise en œuvre d'une mesure de récupération des aides d'État versées par l'IKA à la requérante en exécution de la décision litigieuse.

110 Il s'ensuit que la requérante n'a pas démontré à suffisance de droit que les saisies conservatoires opérées constituaient la mise en œuvre d'une mesure de récupération des aides d'État versées par l'IKA en exécution de la décision litigieuse ni que lesdites saisies conservatoires avaient donné lieu à des mesures d'exécution ultérieures.

111 Au vu de l'ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante n'est pas parvenue à établir que, à défaut d'octroi d'un sursis à l'exécution de l'article 2 de la décision litigieuse, elle subirait de manière imminente un préjudice grave et irréparable, puisque la République hellénique n'a pas mis, et il n'a pas été démontré qu'elle envisageait de mettre, en œuvre dans un délai prévisible des mesures de récupération des aides d'État définies dans la décision litigieuse.

112 À titre surabondant, l'imminence du préjudice n'ayant pas été démontrée par la requérante, il convient d'examiner la question de savoir si la requérante a démontré à suffisance de droit que les voies de recours internes que lui offre le droit national pour s'opposer à la récupération d'une aide d'État ne seraient pas de nature à éviter le préjudice grave et irréparable qu'elle allègue.

113 À cet égard, la requérante a indiqué, dans les documents présentés à la suite de l'audition, qu'elle comptait recourir, le cas échéant, aux voies de droit et aux procédures prévues par le droit national pour attaquer les titres de récupération des aides litigieuses qui seraient émis par la République hellénique. Il ressort en outre des déclarations qu'elle a faites lors de l'audition qu'elle a réussi à retarder la vente des biens et, plus généralement, la mise en œuvre de mesures consécutives aux saisies conservatoires, en utilisant les voies de recours prévues par le droit national.

114 Certes, dans une note en bas de page de l'annexe 3 des documents présentés à la suite de l'audition, la requérante fait valoir, de manière incidente, qu'il n'existe plus désormais de voies de recours en ce qui concerne presque toute la somme correspondant, selon elle, à des dettes nationales, à savoir la somme de 411 millions d'euro.

115 Toutefois, il convient de relever que la requérante, dans ses écritures, lors de l'audition, et dans les documents présentés à la suite de l'audition, se limite à mentionner l'existence de procédures en droit national, d'une part, en rapport avec la décision de 2002 et, d'autre part, en rapport avec la saisie conservatoire opérée par l'IKA en décembre 2005, bien que de manière plus vague dans ce dernier cas.

116 La requérante n'apporte donc aucun élément pour étayer sa remarque incidente selon laquelle il n'existe plus de possibilité de recourir aux voies de droit nationales. Elle n'apporte pas plus d'éléments de preuve permettant d'établir avec une quelconque probabilité l'imminence de jugements nationaux la déboutant de ses recours, si tant est que de tels recours ont bien été engagés en rapport avec les sommes dues en vertu de la décision litigieuse.

117 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante, qui a indiqué qu'elle entendait se prévaloir des voies de droit qui lui sont ouvertes devant les juridictions grecques, n'a pas établi à suffisance de droit l'existence de circonstances démontrant que les voies de recours internes que lui offre le droit national pour s'opposer à la récupération des aides ne lui permettent pas d'éviter de subir un préjudice grave et irréparable.

118 Il résulte de tout ce qui précède que la condition relative à l'urgence n'est pas satisfaite. Dès lors, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres conditions nécessaires à l'octroi du sursis à exécution sollicité, il y a lieu, conformément à la jurisprudence citée au point 63 ci-dessus, de rejeter la demande en référé.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1) La demande en référé est rejetée.

2) Les dépens sont réservés.