Livv
Décisions

CJCE, 5e ch., 9 mars 2007, n° C-188/06 P

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Schneider Electric (SA)

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Schintgen

Avocat général :

Mme Trstenjak

Juges :

MM. Tizzano, Levits

Avocats :

Mes Winckler, Girgenson, Pittie

CJCE n° C-188/06 P

9 mars 2007

LA COUR (cinquième chambre),

1 Par son pourvoi, la société de droit français Schneider Electric SA (ci-après "Schneider") demande l'annulation de l'ordonnance du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 31 janvier 2006, Schneider Electric/Commission (T-48-03, non publiée au Recueil, ci-après l'"ordonnance attaquée"), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l'annulation, d'une part, de la décision de la Commission du 4 décembre 2002 d'ouvrir la phase d'examen approfondi de l'opération de concentration entre Schneider et Legrand (affaire COMP/M.2283 - Schneider/Legrand II, ci-après la "décision du 4 décembre 2002") et, d'autre part, de la décision de la Commission du 13 décembre 2002 de clore la procédure de contrôle de cette opération (ci-après la "décision du 13 décembre 2002").

Les antécédents du litige

2 Les antécédents du litige sont exposés comme suit par le Tribunal:

"1 Conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises [JO L 395, p. 1; rectificatifs au JO 1990, L 257, p. 13, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1310-97 du Conseil, du 30 juin 1997 (JO L 180, p. 1), ci-après le 'règlement n° 4064-89'], Schneider Electric SA [...] et Legrand SA [ci-après 'Legrand'], deux entreprises établies en France et actives dans le secteur des produits de la distribution d'électricité, ont notifié à la Commission, le 16 février 2001, le projet de Schneider de lancer une offre publique d'échange d'actions sur l'intégralité des titres de Legrand (ci-après l''Opération').

[...]

3 Le 30 mars 2001, la Commission a ouvert la phase d'examen approfondi de l'Opération en vertu de l'article 6, paragraphe l, sous c), du règlement n° 4064-89.

4 L'article 7, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89 permettant la réalisation des offres publiques d'échange notifiées, à la condition que les droits de vote attachés aux actions acquises ne soient pas exercés, Schneider a lancé son offre publique d'échange d'actions le 21 juin 2001 et l'a close le 25 juillet suivant.

5 Le 6 août 2001, la commission des opérations de bourse a rendu l'avis de résultat définitif de l'OPE lancée par Schneider sur les titres de Legrand. Schneider a ainsi recueilli 98,7 % des titres de Legrand, sans pouvoir toutefois exercer les droits de vote correspondants.

6 Après avoir rejeté à deux reprises les mesures correctives proposées par Schneider pour rendre l'Opération compatible avec le marché commun, la Commission a, par décision du 10 octobre 2001 adoptée sur le fondement de l'article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, déclaré l'Opération incompatible avec le marché commun (ci-après la 'décision d'incompatibilité').

7 À la suite de la demande présentée par Schneider le 22 novembre 2001, la Commission a adopté, le 4 décembre 2001, une décision autorisant Schneider, sur le fondement de l'article 7, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, à exercer les droits de vote attachés à sa participation dans Legrand, par l'intermédiaire d'un mandataire nommé par Schneider et dans les conditions prévues par un contrat de mandat approuvé par la Commission.

[...]

9 Le 13 décembre 2001, Schneider a introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre la décision d'incompatibilité (affaire T-310-01).

10 La décision d'incompatibilité étant intervenue après la réalisation du regroupement des deux entreprises, la Commission a adopté le 30 janvier 2002, sur le fondement de l'article 8, paragraphe 4, du règlement n° 4064-89, une décision ordonnant à Schneider de se séparer de Legrand dans un délai de neuf mois, expirant le 5 novembre 2002, sans que Schneider puisse procéder à une séparation distincte de certaines activités de Legrand (ci-après la 'décision de séparation').

11 Le 18 mars 2002, Schneider a introduit un recours en annulation de la décision de séparation (affaire T-77-02) [...]

12 À la suite de l'audience de référé du 23 avril 2002, la Commission a accepté, à la demande de Schneider, de proroger jusqu'au 5 février 2003 le délai imparti pour réaliser la séparation des deux entreprises.

[...]

14 Schneider a préparé le processus de cession à mettre en œuvre dans l'éventualité d'un rejet de ses recours en considérant qu'il était impossible de prolonger la période d'incertitude sur le sort de Legrand au-delà du 10 décembre 2002.

15 Le 26 juillet 2002, Schneider a conclu avec un consortium formé des sociétés Wendel Investissements et Kohlberg Kravis Roberts & Co. (ci-après le 'consortium Wendel/KKR') un contrat de cession de Legrand (ci-après le 'contrat de cession'). Ce contrat, qui devait être exécuté le 10 décembre 2002 au plus tard, contenait une clause permettant à Schneider, en contrepartie du paiement d'une indemnité de rupture pouvant atteindre un montant de 180 millions d'euros, de résilier la cession jusqu'au 5 décembre 2002, dans l'hypothèse où le Tribunal annulerait la décision d'incompatibilité.

16 Le 12 septembre 2002, Schneider a notifié à la Commission son projet de cession.

17 Le 14 octobre 2002, la Commission a déclaré la cession proposée compatible avec le marché commun.

18 Par l'arrêt du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission (T-310-01, Rec. p. II-4071, ci-après l''arrêt Schneider I'), le Tribunal a annulé la décision d'incompatibilité.

19 Aux points 464 et 465 de l'arrêt Schneider I, le Tribunal a spécifié:

'464 En vertu de l'article 233 CE, il appartient [...] à la Commission de prendre les mesures que comporte l'exécution du présent arrêt d'annulation.

465 Ces mesures d'exécution doivent respecter les motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de l'arrêt (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97-86, 99-86, 193-86 et 215-86, Rec. p. 2181, point 27). Les motifs pertinents du présent arrêt impliquent notamment, dans l'hypothèse où serait repris l'examen de la compatibilité de [l'Opération], que Schneider soit mise à même, pour les marchés sectoriels nationaux affectés à propos desquels l'analyse économique contenue dans la [décision d'incompatibilité] n'a pas été écartée par le présent arrêt, à savoir les marchés sectoriels français, de faire utilement valoir sa défense et, le cas échéant, de proposer des mesures correctives répondant aux griefs retenus et préalablement précisés par la Commission.'

20 Par l'arrêt du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission (T-77-02, Rec. p. II-4201, ci-après l''arrêt Schneider II'), le Tribunal a annulé, par voie de conséquence, la décision de séparation, dès lors qu'elle constituait une mesure d'application de la décision d'incompatibilité annulée.

21 La Commission a publié au Journal officiel des Communautés européennes un avis relatif à la reprise de la procédure de contrôle de l'Opération (JO 2002, C 279, p. 22). Cet avis précisait que, en vertu de l'article 10, paragraphe 5, du règlement n° 4064-89, les délais d'examen seraient appliqués à partir du 23 octobre 2002, lendemain du prononcé de l'arrêt annulant la décision d'incompatibilité dans l'affaire T-310-01. La Commission indiquait également que, après un examen préliminaire et sans préjudice de sa décision définitive sur ce point, l'Opération pouvait entrer dans le champ d'application du règlement n° 4064-89, et invitait les tiers concernés à lui transmettre leurs observations éventuelles sur l'Opération.

22 Par lettre du 13 novembre 2002, la Commission a informé Schneider que l'Opération était susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés sectoriels français [...]

23 Le 14 novembre 2002, Schneider a soumis à la Commission une proposition de mesures correctives destinées à supprimer les chevauchements d'activités entre Schneider et Legrand sur les marchés sectoriels français affectés.

24 La Commission a entamé auprès des concurrents et clients de Schneider une enquête de marché visant à tester la portée des mesures correctives proposées. La date limite de réponse aux questionnaires envoyés dans le cadre de cette enquête était fixée au 22 novembre 2002.

25 Par lettre du 25 novembre 2002, Schneider a fait observer à la Commission que, compte tenu de l'absence d'examen marché par marché des effets de l'Opération, les griefs présentés par la Commission dans sa lettre du 13 novembre 2002 restaient d'une nature et d'une portée imprécise et ne caractérisaient aucunement l'existence d'un effet anticoncurrentiel sur les marchés affectés. Par ailleurs, les considérations générales avancées par la Commission étaient démenties par la réalité. Schneider concluait donc au rejet des griefs exposés par la Commission.

26 Schneider a complété par de nouvelles propositions ses mesures correctives, le 27, puis le 29 novembre 2002.

[...]

28 Par courrier du 29 novembre 2002, la Commission a informé Schneider que les mesures correctives proposées n'étaient pas suffisantes pour éliminer tous les problèmes d'atteinte à la concurrence soulevés par l'Opération, [...]

29 Par lettre du 2 décembre 2002, Schneider a reproché à la Commission de mettre en doute la viabilité et la capacité des mesures correctives proposées à garantir le maintien de la situation concurrentielle sur les marchés français affectés. Selon Schneider, au stade très avancé auquel était parvenue la procédure, la prise de position de la Commission ne rendait plus réaliste la poursuite des discussions. En conséquence, afin de mettre un terme à l'incertitude dans laquelle Schneider et Legrand s'estimaient placées depuis plus d'une année, Schneider a annoncé à la Commission qu'elle avait décidé de réaliser la vente de Legrand au consortium Wendel/KKR.

30 Schneider a confirmé à la Commission, par télécopie du 3 décembre 2002, qu'elle avait décidé de réaliser la vente de Legrand au consortium Wendel/KKR. Schneider a précisé à cette occasion que, conformément aux dispositions du contrat de vente du 26 juillet 2002, la réalisation de cette vente n'impliquait plus aucune initiative de sa part et devait avoir lieu le 10 décembre 2002.

31 Par lettre du 4 décembre 2002, la Commission a confirmé à Schneider que ses propositions de mesures correctives ne permettaient pas, au stade auquel se trouvait la procédure, d'éliminer les doutes sérieux suscités par la compatibilité de l'Opération avec le marché commun, en raison de ses effets sur plusieurs marchés sectoriels français. La Commission a donc déclaré engager la phase d'examen approfondi de l'Opération au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89.

32 Le 10 décembre 2002, Schneider a cédé ses parts dans Legrand au consortium Wendel/KKR.

33 Considérant que Schneider ne contrôlait plus Legrand et que la procédure de contrôle de l'Opération n'avait donc plus d'objet, la Commission a informé Schneider de la clôture de cette procédure, par lettre du 13 décembre 2002".

La procédure devant le Tribunal et l'ordonnance attaquée

3 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2003, Schneider a introduit un recours en annulation contre les décisions du 4 décembre 2002 et du 13 décembre 2002 (ensemble ci-après les "décisions litigieuses").

4 Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2003, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité à l'appui de laquelle elle faisait valoir, d'une part, que les décisions litigieuses n'étaient pas susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation et, d'autre part, que Schneider ne disposait d'aucun intérêt à agir en annulation.

5 Par l'ordonnance attaquée, le Tribunal a accueilli cette exception d'irrecevabilité et a rejeté le recours comme irrecevable au motif que les décisions litigieuses ne faisaient pas grief à Schneider.

6 À cet égard, après avoir mis en avant que seuls les actes faisant grief, à savoir affectant les intérêts d'une personne physique ou morale en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, sont susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation, le Tribunal s'est attaché à examiner si tel était le cas en l'espèce.

7 S'agissant de la décision du 4 décembre 2002, le Tribunal a tout d'abord rappelé au point 62 de l'ordonnance attaquée que, à l'issue de l'arrêt Schneider I, la Commission pouvait soit engager la procédure au titre de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 4064-89 dans un délai d'un mois ou de six semaines, soit adopter une décision au titre de l'article 8, paragraphe 3, dudit règlement dans un délai de quatre mois, avant qu'une décision implicite de compatibilité de l'Opération n'intervienne.

8 Constatant que la Commission avait, conformément à cet arrêt, décidé d'ouvrir, en vertu de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89, la phase d'examen approfondi de l'Opération, le Tribunal a jugé au point 64 de l'ordonnance attaquée qu'un tel choix n'avait pu, dans les circonstances de l'espèce, affecter la situation de Schneider autrement qu'au titre des conséquences nécessaires de la mise en œuvre dudit règlement.

9 En effet, d'une part, même si la Commission avait opté pour l'adoption d'une décision au titre de l'article 8, paragraphe 3, du règlement n° 4064-89, le délai de quatre mois qui lui était imparti n'aurait pas nécessairement permis à Schneider d'obtenir une décision définitive sur l'Opération avant la date limite fixée pour la cession de Legrand dans la convention entre Schneider et le consortium Wendel/KKR, à savoir le 10 décembre 2002.

10 D'autre part, le Tribunal a constaté, au point 73 de l'ordonnance attaquée, que Schneider avait spontanément et irrévocablement décidé, avant même l'adoption de la décision du 4 décembre 2002, de réaliser la vente de Legrand car Schneider n'était plus tenue d'exécuter la décision de séparation du 30 janvier 2002 en vertu de l'arrêt Schneider II. En effet, le Tribunal a rappelé au point 72 de l'ordonnance attaquée que Schneider avait informé la Commission, par lettre du 2 décembre 2002, confirmée par télécopie du 3 décembre 2002, de sa décision de réaliser la vente de Legrand, et de renoncer à se prévaloir de la clause de résiliation du contrat de cession. Le Tribunal en a, par conséquent, déduit que la décision du 4 décembre 2002 n'avait pu exercer aucune influence sur l'abandon de l'Opération par Schneider et, dès lors, ne saurait lui faire grief.

11 Ce faisant, le Tribunal a rejeté, aux points 75 à 78 de l'ordonnance attaquée, les arguments de Schneider, jugeant que le caractère éventuellement fautif de la Commission qui, selon les allégations de Schneider, l'aurait contrainte à la cession de Legrand, ainsi que sa conviction que la Commission interdirait in fine l'Opération, ne suffisaient pas à conférer à la décision du 4 décembre 2002 le caractère d'un acte faisant grief.

12 Enfin, aux points 79 à 90, le Tribunal a indiqué à titre surabondant que, indépendamment des circonstances de l'espèce, la décision d'ouvrir la phase d'examen approfondi constitue une mesure préparatoire ayant pour seul objet l'engagement, sur le fondement de doutes sérieux, d'une instruction relative à la compatibilité d'une opération de regroupement avec le marché commun. À ce titre, les obligations qu'entraîne une telle décision dans le chef de son destinataire - à savoir la suspension de l'opération notifiée ainsi que l'obligation pour l'entreprise notifiante de coopérer avec la Commission - découlent directement du règlement n° 4064-89 et sont naturellement induites par le contrôle préalable de la compatibilité de l'opération déclenché par la notification de celle-ci (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639, points 17 et suivants).

13 À cet égard, le Tribunal a ajouté que l'assimilation opérée par Schneider de la décision du 4 décembre 2002 à une décision d'engager une procédure de contrôle des aides d'État au titre de l'article 88, paragraphe 2, CE est inopérante, dans la mesure où la décision du 4 décembre 2002 n'emporte, par elle-même, aucune obligation comportementale qui ne soit pas déjà induite par la notification de l'Opération.

14 Constatant que les conséquences produites par la décision du 4 décembre 2002 sur la position procédurale de Schneider ne sortent pas du cadre des dispositions du règlement précité, dont Schneider ne conteste pas la légalité, le Tribunal a rejeté le recours en annulation comme irrecevable en tant qu'il était dirigé contre un acte ne faisant pas grief à Schneider.

15 S'agissant de la décision du 13 décembre 2002, le Tribunal a jugé au point 97 de l'ordonnance attaquée que, par ladite décision, la Commission s'était bornée à prendre acte de la disparition de l'objet de son contrôle et à informer Schneider de la clôture formelle de la procédure. À cet égard, il a indiqué que l'absence de retrait formel de la notification initiale de l'Opération était sans incidence.

16 Ce faisant, le Tribunal a rejeté l'argumentation de Schneider tirée de ce que la décision du 13 décembre 2002 correspondrait à une décision de classement d'une plainte et conclu à l'irrecevabilité du recours dans la mesure où il est dirigé contre un acte ne faisant pas grief à Schneider.

Les conclusions des parties

17 Par son pourvoi, Schneider conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- annuler l'ordonnance attaquée;

- déclarer recevable son recours introduit le 10 février 2003 devant le Tribunal, et

- condamner la Commission aux dépens.

18 La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

- rejeter le présent pourvoi, et

- condamner Schneider aux dépens.

Sur le pourvoi

19 À l'appui de son pourvoi contre la partie de l'ordonnance attaquée rejetant son recours contre la décision du 4 décembre 2002, Schneider invoque trois moyens tirés respectivement de ce que le Tribunal a méconnu que l'abandon de l'Opération n'a pas d'incidence sur l'intérêt à agir de Schneider, que la décision du 4 décembre 2002 constitue une décision d'interdiction et, finalement, que les décisions adoptées en vertu de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89 sont susceptibles d'un recours en annulation.

20 S'agissant du recours dirigé contre la décision du 13 décembre 2002, Schneider allègue, dans un moyen unique, que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que Schneider n'a pas d'intérêt à agir au motif que, au travers de cette décision, la Commission s'est contentée de prendre note de la disparition de l'objet de la procédure d'examen de l'Opération.

21 Lorsqu'un pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut à tout moment, en vertu de l'article 119 de son règlement de procédure, rejeter totalement ou partiellement ce pourvoi, par voie d'ordonnance motivée, sans ouvrir la procédure orale.

Sur les moyens relatifs au rejet du recours de Schneider dirigé contre la décision du 4 décembre 2002

Sur le premier moyen tiré de l'absence d'incidence de l'abandon de l'Opération sur l'intérêt à agir de Schneider

- Argumentation des parties

22 Par la première branche de son premier moyen, Schneider soutient que le Tribunal a commis une dénaturation des faits et une erreur de droit en constatant, aux points 73 et 74 de l'ordonnance attaquée, qu'elle a procédé à la cession de Legrand, spontanément et irrévocablement, avant l'adoption de la décision du 4 décembre 2002.

23 En effet, d'une part, la décision de céder Legrand serait la conséquence directe du comportement de la Commission qui, tout en sachant que Schneider ne pouvait pas dépasser la date du 5 décembre 2002 pour obtenir une décision de compatibilité, a, dans un premier temps, rejeté les mesures correctives proposées par Schneider avant d'adopter, dans un second temps, la décision du 4 décembre 2002, à savoir, un jour seulement avant le terme du délai durant lequel Schneider aurait pu résilier le contrat de vente de Legrand. D'autre part, l'exercice du droit de résiliation ayant été possible un jour suivant l'adoption de la décision du 4 décembre 2002, le Tribunal aurait à tort jugé que la cession de Legrand était irrévocable au jour de l'adoption de cette décision.

24 À titre liminaire, la Commission considère que le premier moyen est, dans son ensemble, inopérant, dans la mesure où, par celui-ci, Schneider ne conteste qu'un seul élément, de surcroît subsidiaire, des trois sur lesquels le Tribunal fonde sa décision.

25 Plus particulièrement, la Commission soutient que le Tribunal a fondé sa décision relative à l'absence d'intérêt à agir de Schneider sur la lettre du 2 décembre 2002 que cette dernière a adressée à la Commission. À cet égard, elle précise que le Tribunal n'a pas jugé que, au jour de l'adoption de la décision du 4 décembre 2002, la cession de Legrand fût juridiquement irrévocable, se limitant à constater la volonté exprimée par Schneider dans son échange de courrier avec la Commission.

26 Par la deuxième branche de ce moyen, Schneider soutient que, quelle que soit la date de l'adoption de la décision du 4 décembre 2002, l'abandon de l'Opération n'a pas fait disparaître son intérêt à agir. En effet, elle constate que tant que la décision du 4 décembre 2002 subsistera elle ne pourra acquérir Legrand. C'est ce qui ressortirait des points 55 et 56 de l'arrêt du 28 septembre 2004, MCI/Commission, entièrement transposable en l'espèce (T-310-00, Rec. p. II-3253).

27 La Commission soutient toutefois que la décision du 4 décembre 2002 est un acte préparatoire qui ne saurait affecter la situation juridique de Schneider. À ce titre, la jurisprudence invoquée par la requérante serait inopérante puisque l'arrêt du Tribunal sur lequel Schneider fonde son argumentation se rapporterait à une décision finale de la Commission adoptée en vertu de l'article 8 du règlement n° 4064-89. La Commission indique, au demeurant, que dans l'hypothèse où Schneider souhaiterait à l'avenir acquérir Legrand, il lui appartiendrait de réintroduire une notification dans le cadre d'une nouvelle procédure d'examen.

- Appréciation de la Cour

28 S'agissant de la première branche du premier moyen, il importe de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi ne peut s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation des règles de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve, sous réserve du cas de la dénaturation de ces faits et de ces éléments (voir, en ce sens, arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136-92 P, Rec. p. I-1981, points 49 et 66; du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C-252-99 P et C-254-99 P, Rec. p. I-8375, point 194, et du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C-199-99 P, Rec. p. I-11177, point 65). La Cour n'a compétence que pour exercer un contrôle sur la qualification juridique des faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, ordonnances du 17 septembre 1996, San Marco/Commission, C-19-95 P, Rec. p. I-4435, point 39, et du 21 novembre 2005, SNF/Commission, C-482-04 P, non publiée, point 43).

29 En l'espèce, force est de constater que, par son argumentation, Schneider se borne en réalité à contester l'appréciation des faits à laquelle le Tribunal s'est livré.

30 Après avoir rappelé, aux points 2 à 33 de l'ordonnance attaquée, les faits de l'espèce, le Tribunal en a déduit que la décision du 4 décembre 2002 était intervenue après que Schneider eut pris la décision de céder Legrand. D'une part, le Tribunal a constaté au point 69 de cette ordonnance, sans être contredit par Schneider, que cette dernière n'était plus tenue, après le prononcé de l'arrêt Schneider II, d'exécuter la décision de séparation du 30 janvier 2002, annulée, à la suite de l'annulation, par l'arrêt Schneider I, de la décision d'incompatibilité de l'Opération. D'autre part, il s'est fondé, au point 72 de l'ordonnance attaquée, sur la lettre du 2 décembre 2002 confirmée par télécopie du 3 décembre 2002, par laquelle Schneider a informé la Commission qu'elle renonçait à se prévaloir de la clause de résiliation du contrat de cession et entendait exécuter le contrat de cession, pour en conclure, en substance, aux points 73 et 74, que Schneider avait spontanément décidé de réaliser la vente de Legrand et que cette vente était devenue irrévocable avant l'adoption de la décision du 4 décembre 2002.

31 En se contentant d'alléguer que la décision d'exécuter le contrat de cession avait été adoptée à la suite de pressions qu'aurait exercées la Commission et sans contester les faits énumérés au point précédent, Schneider n'indique pas dans quelle mesure le Tribunal aurait dénaturé les faits sur lesquels il a fondé son raisonnement.

32 Dès lors, en considérant que le Tribunal a eu tort de juger que la décision prise par Schneider de céder Legrand était intervenue spontanément et irrévocablement avant l'adoption de la décision du 4 décembre 2002, Schneider se borne à vouloir faire réexaminer par la Cour des faits appréciés par le Tribunal, sans établir que ces faits, qui constituent les éléments de preuve sur lesquels ce dernier s'est fondé pour constater que Schneider n'avait pas d'intérêt à agir en annulation contre la décision du 4 décembre 2002, ont été dénaturés.

33 La première branche de ce moyen doit dès lors être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

34 S'agissant de la seconde branche de ce moyen, le Tribunal a indiqué à bon droit, au point 81 de l'ordonnance attaquée, que l'interdiction de réaliser l'acquisition d'une entreprise dans le cadre d'une procédure de contrôle préalable au titre du règlement n° 4064-89 est une conséquence qui découle directement de ce règlement et n'affecte pas, en dehors de sa situation procédurale, la situation juridique de l'entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60-81, Rec. p. 2639, points 17 et suivants).

35 Ainsi, c'est l'effet suspensif rattaché à la notification d'une opération de concentration par l'article 7 du règlement n° 4064-89 qui fait obstacle à la réalisation de l'Opération envisagée par Schneider. La présente espèce se distingue, à cet égard, de l'affaire invoquée par la requérante ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal MCI/Commission, précité, et qui se rapportait à l'adoption d'une décision finale en vertu de l'article 8 du règlement n° 4064-89. En effet, une telle décision produit, par elle-même, des effets juridiques, en l'occurrence l'interdiction de la concentration. En outre, elle fixe la position définitive de la Commission en ce qui concerne la compatibilité de l'opération de concentration avec le marché commun. En revanche, la décision d'ouvrir la phase d'examen approfondi ne préjuge en rien de la décision finale de la Commission.

36 La seconde branche de ce moyen étant, par conséquent, manifestement non fondée, il y a lieu de rejeter le premier moyen en tant qu'il est, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

Sur le deuxième moyen tiré de ce que la décision du 4 décembre 2002 serait une décision d'interdiction

- Argumentation des parties

37 Par la première branche de ce deuxième moyen, Schneider fait valoir que le Tribunal a méconnu le fait que, aux termes de l'arrêt Schneider I, la Commission aurait été obligée de reprendre la procédure de contrôle de l'Opération au stade de la communication des griefs. Eu égard à cette injonction du Tribunal ainsi qu'aux circonstances de l'espèce qui étaient connues de la Commission - en l'occurrence la date d'échéance de la clause résolutoire contenue dans le contrat de cession négocié entre Schneider et le consortium KKR/Wendel -, le Tribunal aurait dû constater que la décision du 4 décembre 2002 constitue, en fait, une décision d'interdiction de l'Opération adoptée en vertu de l'article 10, paragraphe 5, du règlement n° 4064-89.

38 La Commission rappelle que, aux termes de l'arrêt Schneider I, il lui était loisible de reprendre la procédure d'examen de l'Opération au début de celle-ci ou à un stade plus avancé, à savoir celui de la communication des griefs. La Commission aurait opté pour la première solution afin, notamment, de garantir un meilleur respect des droits de la défense de Schneider, dans la mesure où le Tribunal avait, dans l'arrêt Schneider I, annulé pour partie la décision d'interdiction de l'Opération en raison d'une telle violation. Par conséquent, le Tribunal aurait, à bon droit, qualifié la décision du 4 décembre 2002 de décision d'ouverture de la phase d'examen approfondi.

39 Par la deuxième branche du deuxième moyen, Schneider soutient que, indépendamment des circonstances dans lesquelles la décision du 4 décembre 2002 a été adoptée, cette dernière constitue matériellement une décision d'interdiction lui faisant grief. À ce titre, le Tribunal aurait tiré une conclusion erronée de ses propres constatations. En effet, ayant constaté au point 78 de l'ordonnance attaquée que la Commission s'est bornée, au travers de la décision du 4 décembre 2002, à confirmer les doutes sérieux qu'elle continuait d'entretenir sur la compatibilité de l'Opération avec le marché commun, le Tribunal aurait dû conclure que, l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89 ne permettant d'ouvrir la phase d'examen approfondi qu'en cas de constatation de doute sérieux et non de confirmation de ces doutes, ladite décision est une décision d'interdiction.

40 La Commission rétorque à cet argument que l'adoption d'une décision finale, en vertu du règlement n° 4064-89, ne saurait intervenir que sur le fondement de faits établis et non de doutes sérieux. Au demeurant, la référence par le Tribunal, au point 78 de l'ordonnance attaquée, à la persistance des doutes sérieux qu'entretenait la Commission ne saurait que constituer un renvoi au déroulement de la procédure de contrôle dont l'Opération a fait l'objet.

41 Au titre de la troisième branche du deuxième moyen, Schneider soutient que le fait que la décision du 4 décembre 2002 a pour base juridique l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89 ne permet pas d'écarter, en tant que tel, la qualification de la décision du 4 décembre 2002 de "décision finale d'interdiction". C'est, au contraire, la substance de cette décision qu'il conviendrait de prendre en considération.

42 La Commission considère, toutefois, que la nature des actes qu'elle adopte ne saurait dépendre des circonstances de chaque espèce.

43 Schneider soutient finalement, aux termes d'une quatrième branche de ce deuxième moyen, que les discussions relatives au calcul des délais entre la Commission et Schneider à l'issue de l'arrêt Schneider I sont sans incidence sur la qualification juridique de la décision du 4 décembre 2002.

44 La Commission excipe, à cet égard, de l'irrecevabilité de cet argument, le Tribunal ne s'étant pas prononcé sur cette question. Elle ajoute que Schneider a elle-même donné son accord à la reprise de la procédure d'examen au stade initial.

- Appréciation de la Cour

45 S'agissant de la première branche du deuxième moyen, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé, aux points 460 et 462 de l'arrêt Schneider I, précité, que la décision d'incompatibilité était, pour partie entachée d'une violation des droits de la défense, dans la mesure où Schneider n'avait pas bénéficié de l'opportunité de présenter utilement et en temps opportun des propositions de cessions d'actifs d'une ampleur suffisante pour permettre de résoudre les problèmes de concurrence identifiés par la Commission sur les marchés sectoriels français en cause.

46 Dans ces conditions, le Tribunal a considéré au point 465 dudit arrêt que, dans l'hypothèse où serait repris l'examen de la compatibilité de l'Opération notifiée, Schneider devrait être mise à même, pour les marchés sectoriels nationaux affectés à propos desquels l'analyse économique contenue dans la décision d'incompatibilité n'a pas été écartée par l'arrêt du Tribunal, de faire utilement valoir sa défense et, le cas échéant, de proposer des mesures correctives répondant aux griefs retenus et préalablement précisés par la Commission.

47 Toutefois, il ne ressort manifestement pas de l'arrêt Schneider I que le Tribunal aurait donné de quelconques instructions à la Commission en ce qui concerne le stade auquel cette dernière devait reprendre la procédure d'examen.

48 En optant pour une reprise de la procédure d'examen au début de celle-ci, la Commission a entendu tirer les conséquences de l'arrêt Schneider I, précité, prenant ainsi toutes les précautions nécessaires aux fins de garantir l'absence d'une violation éventuelle des droits de la défense de Schneider.

49 Ainsi, la publication au Journal officiel des Communautés européennes d'un avis relatif à la reprise de la procédure de contrôle pour permettre aux tiers concernés de lui remettre leurs observations éventuelles sur l'Opération, puis la communication des griefs relatifs aux marchés français affectés par l'Opération transmise à Schneider par lettre du 13 novembre 2002 pour lui permettre de présenter des mesures correctives, sont des mesures qui offrent les meilleures garanties du respect des droits de la défense de Schneider et visent à répondre aux exigences exprimées par le Tribunal dans l'arrêt Schneider I.

50 Il en résulte que la première branche du deuxième moyen est manifestement non fondée.

51 S'agissant de la deuxième branche de ce moyen, s'il est vrai que l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89 conditionne l'ouverture de la phase d'examen approfondi au fait que la Commission entretient des doutes sérieux et non au fait que de tels doutes persistent, le constat effectué par le Tribunal au point 78 de l'ordonnance attaquée ne saurait pour autant octroyer à la décision du 4 décembre 2002 le caractère d'une décision finale d'incompatibilité.

52 En effet, il convient de rappeler que l'Opération a déjà fait l'objet d'un examen par la Commission, aboutissant à une décision d'incompatibilité annulée par le Tribunal en vertu de l'arrêt Schneider I aux motifs, notamment, de la violation des droits de la défense de Schneider s'agissant des problèmes de concurrence identifiés sur les marchés sectoriels français. Ainsi, l'arrêt Schneider I n'a en rien préjugé de l'appréciation de la Commission concernant l'incompatibilité de l'Opération avec le marché commun s'agissant de ces marchés. Il en résulte que le Tribunal a valablement pu constater dans l'ordonnance attaquée que, malgré la reprise de la procédure de contrôle à son stade initial et la proposition de nouvelles mesures correctives par Schneider sur le fondement de cette nouvelle procédure, les doutes sérieux que la Commission avait émis lors de la première procédure d'examen ont subsisté dans le cadre de la nouvelle procédure.

53 Par ailleurs, la légalité d'une décision finale d'incompatibilité serait mise en cause si cette dernière était adoptée sur le fondement de doutes sérieux, ce même s'il s'agissait de la continuation de l'entretien de ceux-ci, et non à l'issue d'un examen approfondi de l'Opération comme le prévoit le règlement n° 4064-89.

54 Cette branche doit dès lors être rejetée comme étant manifestement non fondée.

55 S'agissant des troisième et quatrième branches du deuxième moyen avancées par Schneider, il suffit de rappeler qu'il résulte des articles 225 CE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de la Cour, qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'ordonnance dont l'annulation est demandée, ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (voir, notamment, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352-98 P, Rec. p. I-5291, point 34; du 8 janvier 2002, France/Monsanton et Commission, C-248-99 P, Rec. p. I-1, point 68; ordonnances du 11 novembre 2003, Martinez/Parlement, C-488-01 P, Rec. p. I-13355, point 40, et du 12 janvier 2006, Entorn/Commission, Rec. p. I-12*, point 43).

56 Or, il est manifeste que ces deux branches ne contiennent aucun élément identifiant l'erreur de droit dont serait entachée l'ordonnance attaquée. En effet, dans les deux cas, Schneider indique elle-même dans son pourvoi que le Tribunal n'a pas retenu les thèses inverses prétendument défendues par la Commission et contre lesquelles sont invoquées ces deux branches.

57 Il en résulte que de tels arguments visent à mettre en cause la légalité de la décision du 4 décembre 2002 et s'apparentent à un réexamen des faits qui échappe par nature à la compétence de la Cour dans le cadre d'un pourvoi dirigé contre une décision du Tribunal.

58 Dès lors, il y a lieu de rejeter les troisième et quatrième branches du deuxième moyen comme étant manifestement irrecevables.

59 Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, manifestement non fondé et, en partie, manifestement irrecevable.

Sur le troisième moyen tiré du caractère attaquable des décisions adoptées en vertu de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89

- Argumentation des parties

60 Au terme de la première branche de ce troisième moyen, Schneider soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 79 de l'ordonnance attaquée, qu'une décision adoptée sur le fondement de l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89 n'est, en règle générale, pas susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation. À cet égard, Schneider allègue que, dans la mesure où une telle décision emporte des effets juridiques obligatoires de nature à affecter la situation juridique de Schneider de façon comparable à ceux d'une décision d'engager une procédure en vertu de l'article 88, paragraphe 2, CE, une telle décision est nécessairement attaquable conformément à ce qu'a jugé la Cour dans son arrêt du 9 octobre 2001, Italie/Commission (affaire C-400-99, Rec. p. I-7303, points 62 et 63)

61 La Commission, pour sa part, fait valoir que les effets juridiques qu'entraîne la décision du 4 décembre 2002 sont d'ordre purement procédural et découlent du règlement n° 4064-89. Ainsi, contrairement à une décision prise sur le fondement de l'article 88, paragraphe 2, CE, l'obligation de l'entreprise de suspendre l'opération de concentration ne découlerait pas directement de la décision d'ouverture de la phase d'examen approfondi.

62 Schneider ajoute, au titre d'une seconde branche, que, eu égard aux circonstances de l'espèce, la décision du 4 décembre 2002 est susceptible de recours. En effet, d'une part, la Commission ayant adopté la décision du 4 décembre 2002 en connaissance du fait que le droit de résiliation du contrat de cession entre Schneider et le consortium Wendel/KKR expirait un jour après l'adoption de ladite décision, cette dernière aurait rendu, en pratique, impossible la réalisation de l'Opération et, dès lors, affecté nécessairement la situation juridique de Schneider. D'autre part, conformément à la jurisprudence de la Cour fondée sur l'arrêt IBM/Commission, précité, un acte préparatoire ne serait pas attaquable au titre de l'article 230 CE que dans la mesure où un recours serait possible contre la décision finale. Or, en l'espèce, il n'y aurait pas de décision finale, de sorte qu'il en résulterait un déni de justice. À cet égard, le Tribunal aurait à tort considéré qu'il serait remédié à cette absence de recours par la possibilité d'introduire un recours en responsabilité.

63 La Commission soutient, d'une part, que la nature attaquable ou non d'un acte ne saurait dépendre de circonstances de fait et, d'autre part, qu'il appartenait à Schneider, en l'espèce, d'attendre l'adoption d'un acte définitif pour pouvoir disposer de l'ensemble des voies de recours.

- Appréciation de la Cour

64 S'agissant de la première branche, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d'une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l'annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189-02 P, C-202-02 P, C-205-02 P à C-208-02 P et C-213-02 P, Rec. p. I-5425, point 148, et ordonnance du 23 février 2006, Piau/Commission, C-171-05 P, Rec. p. I-37*, point 86).

65 En l'occurrence, il convient de constater que la motivation du Tribunal relative au fait que la décision d'engager la procédure d'examen approfondi n'est, en principe, pas susceptible de recours figure aux points 79 à 83 de l'ordonnance attaquée et est ajoutée "à titre surabondant" par rapport aux autres motifs exposés préalablement par le Tribunal.

66 Cette branche est dès lors manifestement non fondée.

67 S'agissant de la deuxième branche de ce moyen, le Tribunal a rappelé, à juste titre, au point 45 de l'ordonnance attaquée que, lorsqu'un acte nécessite une élaboration en plusieurs phases d'une procédure interne, seules constituent, en principe, des actes attaquables les mesures fixant définitivement la position de l'institution au terme de la procédure, à l'exclusion des mesures intermédiaires dont l'objectif est de préparer la décision finale et dont l'illégalité pourrait être utilement soulevée dans le cadre d'un recours dirigé contre celui-ci (arrêt IBM/Commission, précité, points 10 à 12).

68 Il ressort du point 62 de l'ordonnance attaquée que la Commission disposait, à la suite de l'arrêt Schneider I et en vertu du règlement n° 4064-89, soit d'un délai d'un mois ou de six semaines pour engager la procédure au titre de l'article 6, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, soit d'un délai de quatre mois pour adopter une décision au titre de l'article 8, paragraphe 3, avant qu'une décision implicite de compatibilité de l'Opération n'intervienne au bénéfice de Schneider. Après avoir informé Schneider de ses griefs et l'avoir invitée à proposer des mesures correctives, la Commission a, par décision du 4 décembre 2002, conclu que les engagements proposés par Schneider ne permettaient pas, à ce stade de l'enquête, de dissiper les doutes sérieux qu'elle entretenait, et décidé d'engager la procédure conformément à l'article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064-89.

69 En outre, il résulte des faits de l'espèce qui ne sont pas contestés par Schneider que cette dernière a conclu avec le consortium Wendel/KKR, le 26 juillet 2002, un contrat de cession de Legrand devant être exécuté, au plus tard, le 10 décembre 2002 et contenant une clause permettant à Schneider de résilier ledit contrat jusqu'au 5 décembre 2002. Malgré l'annulation de la décision de séparation par l'arrêt Schneider II, Schneider a néanmoins informé la Commission, par lettre du 2 décembre 2002, confirmée par télécopie du 3 décembre 2002, de sa décision de ne pas se prévaloir de la clause de résiliation et de céder Legrand.

70 Dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la décision du 4 décembre 2002 constituait un acte préparatoire et, à ce titre, non susceptible de recours.

71 En effet, les circonstances dans lesquelles la décision du 4 décembre 2002 a été adoptée dépendent manifestement de Schneider, celle-ci ayant négocié unilatéralement le contrat de cession de Legrand, la date au terme de laquelle la cession devait être exécutée ainsi que le délai durant lequel elle pouvait se prévaloir de la clause de résiliation et, finalement, exécuté la cession de Legrand alors même qu'il ne subsistait aucune obligation en ce sens.

72 Dans ces conditions, il ne saurait être valablement soutenu que, au travers de circonstances qu'elle a elle-même créées, Schneider dispose des procédures fixées par le règlement n° 4064-89 et influence la nature des actes dont elle est le destinataire. En effet, le simple fait que Schneider ait renoncé à l'Opération préalablement à l'adoption d'une décision définitive sur la compatibilité de ladite Opération ne saurait transformer un acte préparatoire en une décision définitive susceptible de recours au terme de l'article 230 CE. De même, la circonstance que le terme de la clause de résiliation du contrat de cession négocié par Schneider soit intervenu un jour après l'adoption de la décision du 4 décembre 2002 ne saurait, de ce simple fait, ouvrir le droit à Schneider d'attaquer ladite décision.

73 Par ailleurs, il est manifeste que c'est en raison de la décision de Schneider de céder Legrand que l'adoption d'une décision définitive sur la compatibilité de l'Opération envisagée n'a pas été possible. Dès lors et pour les raisons exposées au point précédent, il ne saurait être reproché au Tribunal un déni de justice.

74 Par conséquent, la deuxième branche du troisième moyen étant manifestement non fondée, il y a lieu de rejeter ce moyen comme étant manifestement non fondé.

75 Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, en application de l'article 119 du règlement de procédure, de rejeter le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre le rejet du recours de Schneider lui-même dirigé contre la décision du 4 décembre 2002 comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

Sur le moyen unique relatif au rejet du recours de Schneider dirigé contre la décision du 13 décembre 2002

Argumentation des parties

76 Schneider fait valoir au soutien de ce moyen unique trois arguments visant à démontrer que le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant de considérer que la décision du 13 décembre 2002 constitue un acte attaquable au sens de l'article 230 CE. Premièrement, à l'instar des lettres de classement de plainte, la Commission ne se serait pas contentée, au travers de cette décision, de constater l'abandon de l'Opération, mais elle aurait mis un terme à l'examen de la compatibilité de celle-ci. Deuxièmement, au jour de l'adoption de la décision du 13 décembre 2002, Schneider n'aurait pas formellement retiré la notification relative à l'Opération. Enfin, troisièmement, en déclarant son recours irrecevable, le Tribunal priverait Schneider de toute protection juridique. À cet égard, l'existence d'un recours en responsabilité ne serait pas pertinente, contrairement à ce que soutiendrait le Tribunal au point 103 de l'ordonnance attaquée, pour garantir à Schneider une telle protection.

77 La Commission rappelle que, au travers de la vente de Legrand par Schneider, l'objet de la procédure a disparu. Ainsi, la clôture de la procédure serait la conséquence de cette disparition. Il s'agirait d'une constatation de fait effectuée par le Tribunal qui ne serait pas susceptible d'être contestée dans le cadre d'un pourvoi.

Appréciation de la Cour

78 S'agissant des premier et deuxième arguments avancés par Schneider, il y a lieu de rappeler, ainsi qu'il ressort du point 55 de la présente ordonnance, qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l'ordonnance dont l'annulation est demandée, ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande.

79 Or, d'une part, en se fondant sur l'analogie de la lettre de clôture avec les lettres de classement de plainte et en se contentant d'indiquer que la décision du 13 décembre 2002 interrompt définitivement l'examen de la Commission, argumentation que le Tribunal a expressément rejetée aux points 99 et 100 de l'ordonnance attaquée, Schneider n'identifie aucune erreur de droit que le Tribunal aurait commise ce faisant. Il en est de même, d'autre part, de l'argument selon lequel Schneider n'avait pas formellement retiré la notification de l'Opération au jour de l'adoption de la décision du 13 décembre 2002 qui a été expressément rejeté par le Tribunal au point 98 de l'ordonnance attaquée.

80 S'agissant du troisième argument, il suffit de rappeler, ainsi qu'il résulte du point 64 de la présente ordonnance, que les griefs dirigés contre des motifs surabondants d'une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l'annulation de cette décision et sont donc inopérants.

81 Or, force est de constater que l'élément de l'argumentation du Tribunal critiquée par Schneider au point 103 de l'ordonnance attaquée est ajouté "à titre surabondant" aux autres motifs qu'il a préalablement exposés pour conclure à l'irrecevabilité du recours de Schneider contre la décision du 13 décembre 2002.

82 Il résulte des considérations qui précèdent qu'il convient de rejeter le moyen présenté par Schneider au titre de cette partie du pourvoi comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

83 Par conséquent, le pourvoi dans son ensemble doit être rejeté comme étant, pour partie, manifestement irrecevable et, pour partie, manifestement non fondé.

Sur les dépens

84 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118 de ce règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs, LA COUR (cinquième chambre) ordonne:

1) Le pourvoi est rejeté.

2) Schneider Electric SA est condamnée aux dépens.