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Décisions

CA Bordeaux, 3e ch. corr., 5 mars 2008, n° 07-01350

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Distribution Leader Price (SNC), Leader Distribution Aunis Saintonge (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie

Conseillers :

M. Minvielle, Mme Bowie

Avocats :

Mes Reye, Limoni, Michel

TGI Saintes, ch. corr., du 1er août 2003

1 août 2003

Rappel de la procédure :

A. - La saisine du tribunal et la prévention

- Frédéric X a été cité devant le Tribunal de grande instance de Saintes par acte d'huissier de justice délivré à domicile le 1er août 2003.

- Y (SA) a été citée le 18 juillet 2003 à personne morale, en la personne du directeur Jean-François Escalle, par acte d'huissier de justice.

Par jugement contradictoire en date du 28 avril 2005, le Tribunal correctionnel de Saintes a, sur l'action publique, relaxé Frédéric X et Y (SA) pour des faits de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, et a, sur l'action civile :

- Débouté la société Leader Distribution Aunis Saintonge et la société Distribution Leader Price de leurs demandes compte tenu de la relaxe prononcée ;

- Condamné solidairement les sociétés Leader Distribution Aunis Saintonge et la société Distribution Leader Price à verser à titre de dommages-intérêts la somme de 15 000 euro à la société Y et la somme de 10 000 euro à Frédéric X.

B. - Les appels

Par acte reçu au greffe du Tribunal de grande instance de Saintes le 10 mai 2005, appel a été interjeté par les parties civiles Leader Distribution Aunis Saintonge et la société Distribution Leader Price, par l'intermédiaire de leur conseil, limité aux dispositions civiles du jugement.

Par arrêt contradictoire en date du 16 juin 2006, la Cour d'appel de Poitiers, ayant statué sur cet appel, a :

- Reçu l'appel des parties civiles régulier en la forme,

- Confirmé le jugement entrepris dans toutes ses dispositions civiles et ce y compris les condamnations au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale.

- Déclaré irrecevable la société Y et Frédéric X en leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

C. - Le pourvoi

Pourvoi a été formé au greffe de la Cour d'appel de Poitiers le 20 juin 2006 par les parties civiles Leader Distribution Aunis Saintonge et la société Distribution Leader Price, par l'intermédiaire de leur conseil.

Par arrêt en date du 9 mai 2007, la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé en ses seules dispositions relatives au délit de publicité comparative illicite, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Poitiers en date du 16 juin 2006, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

- Renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

- Ordonné l'impression de l'arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la Cour d'appel de Poitiers et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

D. - Modalités de la citation, de la convocation ou de l'avertissement délivrés au prévenu, a la partie civile et aux autres parties pour l'audience de la cour

Les prévenus

- Frédéric X a été cité à mairie le 29 novembre 2007,

Y (SA) a été citée à personne morale le 30 novembre 2007,

Les parties civiles

- Distribution Leader Price SNC a été citée à personne morale le 23 novembre 2007,

- Leader Distribution Aunis Saintonge (SARL) a été citée à personne morale le 27 novembre 2007.

F. - Motivation

La société Leader distribution Aunis Saintonge et la société Distribution Leader Price, représentés par leur avocat, demandent à la cour, par voie de conclusions conjointes :

- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau :

- constater que les éléments de l'infraction de publicité comparative illicite prévus aux articles L. 121-1 et L. 121-8 et suivants du Code de la consommation sont démontrés à la charge de la société Y et de Frédéric X ;

- les retenir en conséquence dans les liens de la prévention et leur faire telle application de la loi pénale que la cour décidera ;

- les recevoir en leurs constitution de partie civile ;

Y faisant droit :

- condamner la société Y et Frédéric X conjointement et solidairement à régler à la société Distribution Leader Price une somme de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

- condamner la société Y et Frédéric X conjointement et solidairement à régler à la société Leader distribution Aunis Saintonge une somme de 30 000 euro à titre de dommages-intérêts ;

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans deux journaux de diffusion régionale pendant 15 jours aux frais des auteurs de la publicité comparative illicite ;

- condamner la société Y et Frédéric X conjointement et solidairement à régler à la société Distribution Leader Price une somme de 10 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

- condamner la société Y et Frédéric X conjointement et solidairement à régler à la société Leader distribution Aunis Saintonge une somme de 10 000 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

- condamner la société Y et Frédéric X conjointement et solidairement aux dépens de première instance, d'appel et de cassation ;

La société anonyme Y et Frédéric X demandent à la cour, par voie de conclusions conjointes de :

- constater que l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, n'est cassé qu'en ses seules dispositions relatives au délit de publicité comparative illicite, est définitif en toutes ses autres dispositions et notamment la condamnation des appelantes à dommages et intérêts faute par elles d'avoir monumenté pourvois à l'encontre de ces dispositions ;

- confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Saintes en ce qu'il a écarté le grief de publicité comparative illicite ;

En cause d'appel et au constat que la procédure n'a plus qu'un caractère civile, condamner les appelantes à verser à chacun des intimés la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sur le fondement subsidiaire de l'article 472 du Code de procédure pénale ;

Rappel des faits

Courant mars 2003, le centre Leclerc de Royan exposait à l'entrée du magasin deux chariots remplis de produits provenant, pour l'un d'eux, de ses rayons, pour l'autre, de l'établissement à l'enseigne Leader Price situé dans la même ville.

Cette présentation était accompagnée de l'annonce suivante : "Stop inutile de chercher des prix plus bas, valeur du caddie Leader Price 68 euro 89, valeur du caddie E. Leclerc 52 euro 79, achats effectués le 17 mars 2003".

Deux tickets de caisse étaient reproduits. Ils ne faisaient apparaître, ni la qualité des produits, ni leur quantité.

Sur ce

Attendu que la société Y et Frédéric X étaient poursuivis pour contrefaçon de marque, faits prévus à l'article L. 716-9 du Code de la propriété intellectuelle ;

Attendu que la cour de cassation ayant annulé l'arrêt en ses seules dispositions relatives au délit de publicité comparative illicite, l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers est devenu définitif en ce qu'il confirmait le jugement qui avait renvoyé les prévenus des fins de la poursuite du chef du délit de contrefaçon ;

Attendu que les premiers juges relaxaient Frédéric X et la société Y des fins de la poursuite du chef de publicité illicite et qu'en l'absence d'appel du Ministère public la décision de relaxe est devenue définitive ;

Attendu qu'en raison de l'indépendance de l'action civile et de l'action publique, l'appel de la partie civile, s'il est sans incidence sur la force de chose jugée qui s attache comme en l'espèce à la décision de relaxe sur l'action publique, saisit le juge des intérêts civils ;

Qu'en conséquence, malgré la décision de relaxe, il appartient à la cour d'apprécier les faits dans le cadre de la prévention, pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles qui lui sont présentées ;

Attendu qu'il résulte de l'article 121-8 du Code de la consommation, que toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant, implicitement ou explicitement, un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n'est licite que si elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ;

Attendu que selon l'article 121-12 du Code susvisé, l'annonceur doit prouver l'exactitude matérielle des énonciations, indications et présentation contenues dans la publicité ;

Attendu qu'il appartenait à celui-ci de démontrer que la différence de prix, entre produits présentant un degré suffisant d'interchangeabilité, ne peut pas se justifier par la différence de qualité intrinsèque de tel ou tel produit ou par la quantité du produit ;

Attendu que l'annonceur n'a pas apporté de précisions sur les qualités respectives et quantité des produits présentés dans les chariots, dont les qualités et quantités n'étaient pas nécessairement les mêmes ;

Qu'ainsi les tickets de caisse présentaient des paires de produits comparables sans qu'il apparaisse que la qualité ou la quantité aient été les mêmes ;

Que faute d'avoir apporté cette preuve, la société Y et Frédéric X ont commis des faits entrant de les prévisions de la prévention ;

Que la société Y et Frédéric X soutiennent donc à tort que les comparaisons proposées par les parties civiles sont irrecevable pour ne pas résulter de constatations qui auraient été effectuées dans le magasin de Royan ;

Que le jugement entrepris doit donc être infirmé sur les intérêts civils ;

Qu'en effet, les faits de publicité illicite ont été commis par un organe de la société Y et dans l'intérêt de celle-ci ;

Attendu que la cour possède les éléments suffisants pour évaluer à 5 000 euro le préjudice subi par la société Leader distribution Aunis Saintonge et la société Leader Price ;

Que les sociétés Y et Frédéric X seront condamnés solidairement à payer cette somme à chacune des parties civiles ;

Attendu que la publication de l'arrêt par extraits sera ordonnée à titre de dommages-intérêts complémentaires aux frais des condamnés dans les limites prévues par l'article 131-35 du Code pénal ;

Attendu qu'il convient de faire droit à la demande de remboursement des frais irrépétibles sollicitée par les parties civiles ainsi qu'il sera précisé au dispositif ;

Attendu que du fait de l'infirmation du jugement les demandes de la société Y et de Frédéric X se trouvent privées de fondement et qu'elles doivent donc en être déboutée ;

Attendu que les dépens étant à la charge du Trésor Public, il n'y a pas lieu à statuer sur les dépens ;

Par ces motifs, LA COUR, Après avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement comme cour de renvoi, après cassation et dans les limites de celle-ci ; Constate que le renvoi des fins de la poursuite du chef du délit de contrefaçon est devenu définitif ; Infirme le jugement sur les intérêts civils seuls en cause d'appel ; Condamne Frédéric X et la société Y : - solidairement à payer à la société Leader distribution Aunis Saintonge et la société Leader Price la somme de 5 000 euro à titre de dommages-intérêts ; - chacun d'eux à payer à chacune des parties civiles la somme de 250 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Ordonne la publication par extraits du présent arrêt à la charge des condamnés dans les limites prévues par l'article 131-35 du Code pénal en première page dans le journal Sud Ouest toutes éditions ; Déboute la société Y et Frédéric X de leurs demandes ; Dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.