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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 14 mars 2007, n° 06-12788

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cocktail Publicité Mahmoudi (SARL)

Défendeur :

Cocktail (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Carre-Pierrat

Conseillers :

Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland

Avoués :

SCP Gaultier-Kistner, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Drancourt, Denia

T. com. Créteil, du 30 mai 2006

30 mai 2006

Vu l'appel interjeté le 10 juillet 2006, par la société Cocktail Publicité Mahmoudi d'un jugement rendu le 30 mai 2006 par le Tribunal de commerce de Créteil qui :

* a dit que la société Cocktail Publicité Mahmoudi est fautive d'agissements parasitaires à l'encontre de la société Cocktail,

* a ordonné à la société Cocktail Publicité Mahmoudi de modifier sa dénomination sociale afin d'en retirer le terme Cocktail,

* a interdit à la société Cocktail Publicité Mahmoudi d'employer le terme Cocktail dans ses documents commerciaux et en signature de ses créations,

* le tout sous astreinte de 200 euro à compter du 31e jour suivant la signification du jugement et ce, pour une durée de 3 mois à l'issue de laquelle il sera le cas échéant à nouveau statué,

* s'est réservé la faculté de liquider l'astreinte,

* a dit la société Cocktail mal fondée en sa demande en dommages et intérêts,

* a autorisé la société Cocktail à faire publier tout ou partie du jugement dans une revue ou un journal de son choix dans la limite de 1 500 euro,

* condamné la société Cocktail Publicité Mahmoudi à payer à la société Cocktail la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les dernières écritures en date du 13 janvier 2007, par lesquelles la société Cocktail Publicité Mahmoudi, poursuivant la réformation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté la société Cocktail de sa demande de dommages et intérêts, demande à la cour de :

* dire que les clientèles et les produits commercialisés étant différents, il n'y a pas de risque de confusion entre les dénominations Cocktail Publicité Mahmoudi et Cocktail;

* débouter la société Cocktail de ses demandes,

* condamner la société Cocktail au paiement d'une somme de 6 000 euro au titre des frais irrépétibles ;

Vu les dernières écritures en date du 5 février 2007, aux termes desquelles la société Cocktail prie la cour de :

* confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que la société Cocktail Publicité Mahmoudi est fautive d'agissements parasitaires à l'encontre de la société Cocktail,

- ordonné à la société Cocktail Publicité Mahmoudi de modifier sa dénomination sociale afin d'en retirer le terme Cocktail,

- interdit à la société Cocktail Publicité Mahmoudi d'employer le terme Cocktail dans ses documents commerciaux et en signature de ses créations,

- assorti ces obligations d'une astreinte,

- ordonné la publication du jugement aux frais de la société Cocktail Publicité Mahmoudi,

- condamné la société Cocktail Publicité Mahmoudi au paiement de la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

* le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

- dire qu'en adoptant la dénomination sociale Cocktail Publicité Mahmoudi, la société Cocktail Publicité Mahmoudi a commis des actes d'usurpation de la dénomination sociale Cocktail,

- dire que ces actes sont constitutifs d'agissements parasitaires et déloyaux,

• en conséquence :

- faire interdiction à la société Cocktail Publicité Mahmoudi de faire usage de toute dénomination sociale, enseigne, nom commercial, documents commerciaux, brochures, nom de domaine ou autre comportant le terme Cocktail sous astreinte de 500 euro par infraction constatée,

- fixer l'astreinte relative à la modification par la société Cocktail Publicité Mahmoudi auprès du registre du commerce à la somme de 500 euro par jour de retard à compter du 15e jour suivant la signification de l'arrêt,

- ordonner à la société Cocktail Publicité Mahmoudi de procéder à la modification de tous documents et supports de quelque nature que ce soit, portant mention du terme Cocktail et de lui en justifier dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 500 euro par jour de retard à compter du 15e jour,

- condamner la société Cocktail Publicité Mahmoudi au paiement de la somme de 100 000 euro à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la publication tout ou en partie de l'arrêt dans les journaux ou revues de son choix, aux frais de la société Cocktail Publicité Mahmoudi, dans la limite de 5 000 euro,

- condamner la société Cocktail Publicité Mahmoudi au paiement d'une somme supplémentaire de 2 300 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Sur ce, LA COUR,

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il suffit de rappeler que :

* la société Cocktail, immatriculée au registre du commerce de Nanterre le 10 septembre 1984 et dont le siège social est à Courbevoie, développe une activité de publicité, d'éditions et fabrications publicitaires, d'organisation d'opérations promotionnelles, de conseil en publicité,

* elle a découvert qu'une société s'était immatriculée au registre de commerce de Créteil le 26 janvier 1996, sous le nom Cocktail Publicité Mahmoudi, avec pour activité la publicité et dont le siège est au Kremlin-Bicêtre,

* reprochant à la société Cocktail Publicité Mahmoudi d'avoir imité sa dénomination sociale, la société Cocktail lui a adressé les 7 novembre 2003 et 2 février 2004, deux mises en demeure de cesser toute utilisation du terme Cocktail,

* celle-ci n'ayant pas déféré à ces mises en demeure, la société Cocktail l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Créteil ;

Sur l'imitation et l'usurpation de la dénomination sociale Cocktail :

Considérant que la société Cocktail exerce son activité de publicité depuis 1984 et possède dès lors une antériorité incontestée sur la création en 1996 et l'activité de la société Cocktail Publicité Mahmoudi ;

Considérant que ces deux sociétés sont éditeurs de supports publicitaires destinés aux consommateurs ;

Qu'elles agissent dans le même univers professionnel de la publicité, peu important ainsi que le soutient la société Cocktail Publicité Mahmoudi qu'elle ne s'adresserait qu'à de petits commerçants désireux de présenter sur des prospectus la présentation de leurs plats cuisinés, tels que des pizzerias ;

Qu'au demeurant, il résulte de l'attestation rédigée le 16 janvier 2004, par Gandébagni Dagba, responsable d'un département de la société Colgate Palmolive, cliente de la société Cocktail, que la société Cocktail Publicité Mahmoudi s'adresse également à des annonceurs de la grande consommation ;

Considérant que les sociétés en présence interviennent dans la même zone géographique, la société Cocktail étant située à Courbevoie, la société Cocktail Publicité Mahmoudi au Kremlin-Bicêtre, soit à 18 km de distance ;

Considérant qu'il n'est pas démenti que la société Cocktail Publicité Mahmoudi utilise pour sa communication, sur ses documents commerciaux et publicitaires une abréviation de sa dénomination sociale, soit Cocktail, soit Cocktail Publicité, soit Cocktail Pub, le nom Mahmoudi n'étant jamais employé ;

Considérant que dans l'annuaire "Pages Jaunes" la société Cocktail Publicité Mahmoudi s'est fait référencer sous le nom "Cocktail Publicité" ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'en utilisant la dénomination Cocktail précédemment adoptée par la société Cocktail à titre de dénomination sociale, la société Cocktail Publicité Mahmoudi a volontairement cherché à créer un risque de confusion avec cette dernière, plus ancienne et déjà connue dans l'univers professionnel de la publicité et a porté atteinte aux droits que détient la société Cocktail sur sa dénomination sociale ;

Que les actes de concurrence déloyale sont ainsi caractérisés ;

Considérant que le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements ;

Qu'en l'espèce, la société Cocktail ne produit aux débats aucune pièce de nature à justifier du montant de ses investissements, de sorte que les agissements parasitaires allégués ne sont pas caractérisés ;

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que pour mettre un terme aux agissements illicites, le tribunal a justement :

- ordonné à la société Cocktail Publicité Mahmoudi de modifier sa dénomination sociale,

- interdit à la société Cocktail Publicité Mahmoudi d'employer le terme Cocktail dans ses documents commerciaux et en signature,

Que ces mesures seront confirmées ainsi que le prononcé des astreintes et la mesure de publication, sauf pour cette dernière à faire mention du présent arrêt ;

Considérant qu'il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés l'existence d'un préjudice commercial pour la société Cocktail, fût-il seulement moral ;

Que ce préjudice sera réparé par l'allocation de la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts ;

Sur les autres demandes :

Considérant que les dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile doivent bénéficier à la société Cocktail ; qu'il lui sera alloué à ce titre la somme complémentaire de 2 300 euro ; que la société Cocktail Publicité Mahmoudi qui succombe en ses prétentions doit être déboutée de sa demande formée sur ce même fondement ;

Par ces motifs, Confirme par substitution de motifs le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté la société Cocktail de sa demande en dommages et intérêts, Le réformant sur ce point et statuant à nouveau : Condamne la société Cocktail Publicité Mahmoudi à payer à la société Cocktail la somme de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale, Y ajoutant, Dit que la mesure de publication devra faire mention du présent arrêt, Condamne la société Cocktail Publicité Mahmoudi à payer à la société Cocktail la somme complémentaire de 2 300 euro au titre des frais irrépétibles d'appel, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Cocktail Publicité Mahmoudi aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.