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Décisions

CJCE, 8e ch., 19 janvier 2007, n° C-126/06

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Ordonnance

PARTIES

Demandeur :

Carrefour-Marinopoulos AE

Défendeur :

Nomarchiaki Aftodioikisi Tripolis

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Juhász (rapporteur)

Avocat général :

M. Poiares Maduro

Juges :

MM. Arestis, Malenovský

CJCE n° C-126/06

19 janvier 2007

LA COUR (huitième chambre),

1 La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation de l'article 28 CE, et notamment sur la question de savoir si cet article s'oppose aux dispositions nationales grecques régissant la commercialisation des produits de boulangerie fabriqués selon le procédé dit "bake-off" (ci-après les "produits 'bake-off'"). Ce procédé consiste en la décongélation rapide suivie du réchauffement ou de la cuisson, dans les points de vente, de produits entièrement ou partiellement précuits et congelés.

2 Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant Carrefour-Marinopoulos AE à la Nomarchiaki Aftodioikisi Tripolis (administration préfectorale de Tripolis) au sujet d'une décision de cette dernière ordonnant à ladite société de cesser l'exploitation d'un four à pain dans un magasin d'alimentation dont elle est propriétaire à Tripolis (Grèce).

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L'article 28 CE interdit les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toutes mesures d'effet équivalent entre les États membres.

4 Conformément à l'article 30 CE, l'article 28 CE ne fait pas obstacle aux interdictions ou aux restrictions d'importation justifiées, notamment, par des raisons de protection de la santé et de la vie des personnes à condition que ces interdictions ou restrictions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres.

La réglementation nationale

5 Le décret présidentiel du 13 septembre 1934 relatif aux conditions d'établissement et d'exploitation d'ateliers de production de pain et, plus généralement, de boulangeries (FEK A' 309) régit la procédure préalable à l'octroi de toute autorisation d'établissement et d'exploitation d'une boulangerie.

6 La loi n° 726-1977 (FEK A' 316) modifie et complète la législation en vigueur relative aux boulangeries et aux points de vente de pain. En vertu de son article 16, l'établissement ainsi que l'exploitation d'une boulangerie ou d'un point de vente de pain supposent une autorisation préalable délivrée par le préfet compétent.

Le litige au principal et les questions préjudicielles

7 Le 28 février 2001, le ministre du Développement (direction du soutien aux industries) a émis une circulaire [n° F15 (F17.1)/4430/183], selon laquelle le fonctionnement, au sein d'établissements de vente de pain, de fours destinés à cuire du pain congelé suivant le procédé "bake-off" fait partie du processus de fabrication du pain et, par conséquent, pour utiliser de tels fours, les intéressés doivent disposer d'une autorisation d'exploitation d'une boulangerie, conformément à la législation en vigueur.

8 À la suite de cette circulaire, la Nomarchiaki Aftodioikisi Tripolis a effectué un contrôle sur place dans un magasin d'alimentation détenu par Carrefour-Marinopoulos AE à Tripolis. Ayant constaté la vente de pain ainsi que l'existence et l'utilisation d'un four destiné à la cuisson de pain congelé, en l'absence de l'autorisation prescrite par la loi n° 726-1977, cette administration a ordonné la cessation de l'exploitation de ce four à pain.

9 La requérante au principal a introduit un recours en annulation à l'encontre de cette décision de la Nomarchiaki Aftodioikisi Tripolis. Elle fait valoir, notamment, que la mise en circulation de pain fabriqué suivant le procédé "bake-off" ne fait pas partie du processus de fabrication du pain, dont toutes les étapes s'effectuent dans les installations des industries de fabrication, et que le fait de subordonner le droit de vendre des produits "bake-off" au respect des conditions applicables aux boulangeries entraîne des restrictions disproportionnées et équivaut à une restriction quantitative interdite par l'article 28 CE.

10 Dans ces conditions, le Dioikitiko Protodikeio Tripolis a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) L'autorisation préalable [mentionnée dans les motifs ci-dessus de la décision de renvoi] requise pour commercialiser des produits 'bake-off' constitue-t-elle une mesure équivalant à une restriction quantitative au sens de l'article 28 CE?

2) Dans l'affirmative, l'exigence d'une autorisation préalable à laquelle est subordonné l'exercice d'une activité de boulangerie poursuit-elle un but purement qualitatif, en ce sens qu'elle établit une simple différenciation qualitative relative aux caractéristiques du pain commercialisé (son odeur, son goût, sa couleur et l'aspect de sa croûte) et à sa valeur nutritionnelle (arrêt [...] du 5 novembre 2002, Commission/Allemagne, C-325-00, [Rec. p. I-9977]), ou bien a-t-elle pour but de protéger le consommateur et la santé publique contre toute altération qualitative éventuelle (arrêt 3852-2002 du Conseil d'État hellénique)?

3) Compte tenu du fait que la restriction précitée s'applique sans distinction à tous les produits 'bake-off', tant domestiques que communautaires, cette question a-t-elle un lien avec le droit communautaire et cette restriction est-elle de nature à affecter directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce de ces produits entre les États membres?"

Sur les questions préjudicielles

11 En vertu de l'article 104, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsqu'une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué, la Cour peut, après avoir entendu l'avocat général, à tout moment, statuer par voie d'ordonnance motivée comportant référence à l'arrêt précédent.

12 Il y a lieu de constater que tel est le cas en l'occurrence.

13 En effet, il est constant que l'affaire au principal s'inscrit dans le même cadre juridique et factuel que celle ayant donné lieu à l'arrêt du 14 septembre 2006, Alfa Vita Vassilopoulos et Carrefour-Marinopoulos (C-158-04 et C-159-04, non encore publié au Recueil). Les questions posées dans cette affaire sont rédigées en des termes strictement identiques à ceux de la demande de décision préjudicielle dans l'affaire ayant donné lieu audit arrêt.

14 Partant, les questions posées dans la présente affaire au principal appellent une réponse identique à celle donnée par la Cour dans l'arrêt Alfa Vita Vassilopoulos et Carrefour-Marinopoulos, précité.

15 Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions posées que l'article 28 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui soumet la vente de produits "bake-off" aux mêmes exigences que celles applicables au procédé complet de fabrication et de commercialisation du pain et des produits de boulangerie traditionnels.

Sur les dépens

16 La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, LA COUR (huitième chambre) dit pour droit:

L'article 28 CE doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale qui soumet la vente de produits "bake-off" aux mêmes exigences que celles applicables au procédé complet de fabrication et de commercialisation du pain et des produits de boulangerie traditionnels.