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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 26 novembre 2008, n° 07-11305

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Madrid, UFC Que Choisir, DDCCRF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

Mme Mathieu, M. Reygrobellet

Avocats :

Mes Roy, Franck

CA Paris n° 07-11305

26 novembre 2008

Rappel de la procédure :

La prévention :

La société X a été poursuivie à la requête du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'Evry, pour avoir à Evry, Courcouronnes, en tout cas sur le territoire national, entre le 7 mai 2004 et le 19 juin 2004, et depuis temps non prescrit :

- effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ponant sur la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en effectuant une publicité relative à une offre promotionnelle portant sur un climatiseur de marque A sans mettre en œuvre tous les moyens permettant à ses magasins d'acheter des stocks suffisants pour satisfaire la clientèle pendant la période de disponibilité et sans respecter les allégations mentionnées dans la publicité selon lesquelles si le produit était indisponible pendant la période de validité de l'opération publicitaire les consommateurs pouvaient prendre commande de ce produit qui leur serait délivré au prix annoncé,

- effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant sur la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en effectuant une publicité relative à une offre promotionnelle portant sur un téléviseur LCD de marque B au prix de 499 euro sans mettre en œuvre tous les moyens pour respecter les prix annoncés par voie publicitaire et notamment en n'imposant pas à ses magasins des modalités de dédommagement des publicités trompeuses,

- effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ponant sur la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en effectuant une publicité relative à une offre promotionnelle portant sur un congélateur de marque D au prix de 299 euro sans mettre en œuvre les moyens nécessaires pour respecter les prix annoncés par voie publicitaire - l'article étant proposé en magasin au prix de 499 euro - et sans respecter les allégations mentionnées dans la publicité selon lesquelles si le produit était indisponible pendant la période de validité de l'opération publicitaire les consommateurs pouvaient prendre commande de ce produit qui leur serait délivré au prix annoncé,

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire à l'encontre de la société X, prévenue et à l'égard de l'UFC Que Choisir, partie civile, par jugement contradictoire à signifier (article 410 du Code de procédure pénale) à l'égard de Madrid Raphaël, partie civile, a :

- Sur l'action publique :

- déclaré la société X coupable de trois infractions de publicité mensongère ou de nature a induire en erreur par personne morale, faits commis du 7 mai 2004 au 19 juin 2004, à Evry Courcouronnes, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 213-6 al. 1 du Code de la consommation, l'article 121-2 du Code pénal et réprimée par les articles L. 213-6 al. 2, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, les articles 131-38, 131-39 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 7°, 8°, 9° du Code pénal,

et, en application de ces articles, l'a condamné à une amende délictuelle de cinq cent mille euro (500 000 euro),

- a ordonné, aux frais de la société X, représentée par son président, Monsieur Guy Yraeta, l'affichage du dispositif du jugement sur chacune des caisses de tous les magasins supermarchés et hypermarchés X établis sur le territoire français, et ce, pendant une période d'un mois,

- a dit que la présente décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre vingt dix euro (90 euro) dont est redevable la personne morale condamnée,

- Sur l'action civile :

- déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de Madrid Raphaël,

- condamné la société X à payer à Madrid Raphaël, partie civile, la somme de deux cent quatre vingt dix neuf euro (299 euro), à titre de dommages et intérêts,

- déclaré recevable, en la forme, la constitution de partie civile de l'UFC Que Choisir,

- condamné la société X à payer à l'UFC Que Choisir, partie civile, la somme de quinze mille euro (15 000 euro), à titre de dommages et intérêts, et en outre, la somme de huit cents euro (800 euro) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

Les appels :

Appel a été interjeté par :

- la société X, le 28 juin 2007, des dispositions pénales et civiles,

- Monsieur le Procureur de la République, le 28 juin 2007 contre la société X,

- UFC Que Choisir, le 3 juillet 2007 contre la société X,

Décision :

Rendue contradictoirement à l'encontre de la société X, prévenue et à l'égard de l'UFC Que Choisir, partie civile, contradictoirement à signifier en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale à l'égard de Madrid Raphaël, partie civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par la société SAS X, le Ministère public et l'Union Fédérale des Consommateurs Que Choisir (UFC Que Choisir) à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence.

Par voie de conclusions, l'UFC Que Choisir demande à la cour de :

- Déclarer l'UFC Que Choisir recevable en son appel et y faire droit,

Sur l'action publique :

- Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance d'Evry en date du 26 juin 2007 en ce qu'il a :

* Déclaré la société X coupable des délits qui lui sont reprochés et lui a fait application de la loi pénale,

* Condamné la société X à une amende délictuelle de 500 000 euro,

* Ordonné aux frais de la société X, l'affichage du dispositif sur chacune des caisses de tous les magasins supermarchés et hypermarchés X établis sur le territoire français et ce, pendant une période d'un mois,

Sur l'action civile :

- Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance d'Evry en date du 26 juin 2007 en ce qu'il a :

* Reçu l'Association UFC Que Choisir en sa constitution de partie civile,

* Condamné la société X à payer à l'UFC Que Choisir la somme de 800 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a limité la réparation allouée à l'UFC Que Choisir à la somme de 15 000 euro,

Statuant à nouveau :

- Condamner la SAS X à payer à l'UFC Que Choisir la somme de 20 000 euro en raison du préjudice indûment porté à la collectivité des consommateurs,

A titre subsidiaire :

- Condamner la SAS X à la publication d'un communiqué judiciaire sur la page d'accueil du site Internet de la société X (www.X.fr) et dont la teneur serait la suivante :

"Par décision en date du .. la 13e Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Paris a condamné la société X pour publicité mensongère à la peine de ..., en l'espèce : En faisant croire qu'un climatiseur était vendu à un prix attractif sans avoir de stocks suffisants pour satisfaire la clientèle, en mettant en vente une téléviseur LCD et un congélateur sans respecter le prix annoncé dans les catalogues publicitaires.

Ce communiqué est diffusé pour informer les consommateurs".

- Condamner la SAS X à la publication de ce même communiqué judiciaire par voie d'affichage sur chacune des caisses de tous les magasins supermarchés et hypermarchés X établis sur le territoire français et ce, pendant une période d'un mois, le texte devant être publié sur fond blanc en caractères noirs dont la taille ne saurait être inférieure à 1 cm précédé du titre "Communiqué judiciaire" en caractères rouges,

Y ajoutant,

- Condamner la SAS X à payer à l'UFC Que Choisir la somme complémentaire de 2 200 euro au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

La concluante fait valoir que le préjudice collectif des consommateurs a été insuffisamment réparé au regard de l'ampleur des agissements délictueux poursuivis.

Elle souligne en effet que les agissements illicites reprochés ont été mis en œuvre de manière massive à l'échelle nationale (budget publicitaire global de 8,1 millions d'euro).

Elle fait observer par ailleurs que les publicités litigieuses ont leurré des centaines de consommateurs sur la disponibilité des produits offerts et le prix réellement pratiqué.

Par courrier daté du 3 septembre 2008 Raphaël Madrid sollicite la confirmation du jugement attaqué. Il sera statué par arrêt contradictoire à signifier à son égard.

Madame l'avocat général requiert la confirmation du jugement critiqué sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'amende prononcée dont le montant lui apparaît justifié compte tenu de l'importance de la publicité illicite.

Elle s'en remet à l'appréciation de la cour sur l'opportunité d'ordonner l'affichage de la décision sur chaque caisse des magasins X établis sur le territoire français, la publication prévue à l'article L. 121-4 du Code de la consommation pouvant, selon elle, avantageusement se substituer à cette mesure.

Par voie de conclusions, la société X SAS demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Constater que le délit reproché à la société X n'est pas constitué,

- Relaxer la société X des poursuites dont elle est l'objet sans peine ni dépens,

- Débouter la partie civile de ses demandes fins et conclusions,

Subsidiairement,

- Constater que la société X n'a plus d'activité,

- Réduire la peine d'amende à de plus justes proportions, conformes à la jurisprudence habituelle de la cour,

- Réduire à de plus justes proportions les sommes accordées à UFC Que Choisir.

En ce qui concerne le climatiseur de marque A, elle fait valoir que l'indisponibilité, très relative de cet appareil ne découle pas d'une négligence ou d'une mauvaise gestion mais d'un événement imprévisible, en l'espèce un volume de la demande inconcevable au moment où les commandes ont été passées.

Elle souligne qu'il s'est en fait avéré que le taux anormalement élevé des demandes était le résultat de l'effet canicule de l'année précédente, ayant conduit certains consommateurs, qui ont commandé plusieurs climatiseurs, à une panique inconsidérée, voire anormale, ne pouvant permettre de juste prévisions.

Elle soutient que la société X s'est également rendue compte, ce que bien évidemment elle ne pouvait prévoir, que des achats massifs avaient été effectués par des artisans pour les revendre à leur propre compte et les installer.

Elle rappelle, par ailleurs, que pour l'année suivante, la société X a vendu trois fois moins de climatiseurs, ce qui montre la difficulté des prévisions économiques.

En ce qui concerne le congélateur D au prix de 499 euro au lieu de 299 euro, elle expose les arguments suivants :

- s'il est exact que X a bien signé le "bon à tirer" auprès de l'agence de publicité, il s'est agi à l'origine d'une erreur manifeste de cette dernière puisque le prix avait été validé à 499 euro lors des deux premières phases (déclinaison et bon à graver) ; c'est après la deuxième phase que l'agence a, par erreur, modifié le prix, sachant que la vérification sur cette mention avait été opérée par X lors des deux phases préalables,

- le courrier électronique adressé par Grégory 1, responsable Marchés de X, à l'ensemble des intervenants le 9 juin 2004, stigmatise l'erreur de l'agence de communication,

- s'il est exact qu'un erratum a effectivement été affiché en magasin, c'est en interprétant abusivement le courrier électronique précité que la DDCCRF prétend qu'il était demandé aux magasins de vendre ce produit au prix affiché,

- il n'est établi non plus, contrairement à ce qui est écrit dans la prévention, qu'un produit aurait été indisponible et que sa commande n'aurait pu être prise au prix annoncé.

En ce qui concerne le téléviseur LCD de marque B, elle fait observer que :

- ainsi que constaté par la DDCCRF, il s'est agi d'une erreur lors de l'impression du catalogue, d'une inversion de légendes (nom de la référence, texte et prix de vente) entre le téléviseur LCD B et le téléviseur C,

- cette inversion a fait immédiatement l'objet d'un erratum,

- aucun consommateur ne peut sérieusement prétendre avoir été induit en erreur, l'inversion des textes étant flagrante sur la publicité puisque notamment le nom du téléviseur "C" paraissait très clairement car gravé sur le téléviseur C dont la photo apparaissait à côté de la référence concernant le téléviseur B,

- il n'est pas établi par ailleurs qu'un seul consommateur n'aurait pas été livré en raison de l'indisponibilité du produit.

Très subsidiairement sur la peine, la concluante affirme que l'amende prononcée en première instance va à l'encontre du principe de la proportionnalité des peines, en contravention avec l'article 49 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et que l'affichage de la décision sur chacune des caisses de tous les magasins X est impossible.

Elle rappelle enfin que le budget de 8,1 million d'euro mentionné par le jugement querellé n'était pas réservé aux seuls trois produits en cause.

Rappel des faits

Les premiers juges ont exactement et complètement relaté les circonstances de la cause dans un exposé des faits auquel la cour se réfère expressément.

Il suffit de rappeler que la SAS X a organisé sur une période de six semaines, du 7 mai au 19 juin 2004, trois campagnes publicitaires : la première concernant la vente d'un climatiseur A, les deux autres portant sur la vente d'un congélateur D et d'un téléviseur LCD B.

Ces opérations ont été diffusées s'agissant du climatiseur sur 8 supports de presse et magazine nationaux et pour les autres appareils sur des catalogues de l'enseigne dénommés "Fête des pères" et "Fête des mères", le budget publicitaire global s'élevant à 8,1 millions d'euro ;

La Direction Départementale de la CCRF de l'Essonne a été saisie de plusieurs réclamations de consommateurs concernant le non-respect par les magasins X des engagements publicitaires pris par l'enseigne.

Le climatiseur A proposé à la vente à 299 euro dans 8 supports presse magazine

Monsieur Raphaël Madrid, a indiqué, dans un courrier du 27 mai 2004, avoir voulu acheter le 12 mai 2004 dans le magasin Lattes (34) le climatiseur A proposé à 299 euro dans une publicité parue dans le journal "Midi Libre" du 7 mai 2004. Cet appareil n'était pas disponible à la vente. De plus, il n'a obtenu du vendeur qu'il accepte d'enregistrer sa commande que le lendemain, 13 mai, pour une livraison prévue en octobre 2004.

Monsieur Blandel a également expliqué dans un courrier du 10 juin 2004 avoir voulu acquérir le climatiseur A proposé à 299 euro dans une publicité parue début mai dans le "Figaro Magazine". Cet appareil n'était plus en stock dans aucun magasin X d'Ile-de-France. Monsieur Blandel a passé commande auprès du magasin de Collégien (77) où il lui a été précisé que la livraison était prévue pour septembre 2004.

Par lettre en date du 23 juin 2004, la DDCCRF de Grenoble a informé la DDCCRF de l'Essonne qu'elle avait été saisie de la plainte d'un consommateur sur l'indisponibilité à la vente de ce climatiseur A proposé par voie publicitaire à 299 euro, il ne serait disponible qu'en septembre 2004. L'enquêteur avait constaté cette indisponibilité auprès des magasins de l'Isle d'Abeau et d'Echirolles. Il était demandé à la DDCCRF de l'Essonne d'effectuer une enquête auprès du siège social de X afin d'établir les raisons de cette carence.

Le congélateur D proposé à 229 euro dans le catalogue publicitaire "Fête des pères"

Le 10 juin 2004, le service "Info Consommateur" de la DGCCRF a informé la direction d'Evry de plusieurs appels téléphoniques de consommateurs dénonçant les allégations mensongères concernant le prix de vente du congélateur D proposé dans le catalogue publicitaire X "Fête des pères" qui était vendu 499 euro dans les magasins de l'enseigne et non 229 euro comme porté dans la publicité.

Le 19 juillet 2004, la direction de Caen a adressé à celle de l'Essonne les constations effectuées suite à la plainte d'un consommateur concernant le prix de vente de ce congélateur. Cet appareil était vendu 499 euro dans le magasin X de Caen au lieu des 229 euro annoncés.

Le 27 août 2004, la direction de Montpellier a adressé également à celle de l'Essonne les constatations faites dans le magasin X de Lattes (34) pour donner suite à la réclamation d'un consommateur. Ce produit était également vendu 499 euro et non pas 229 euro.

Le téléviseur LCD B proposé dans le catalogue publicitaire "Fête des mères"

Le 25 juin 2004, la DDCCRF d'Evry a reçu la réclamation de Monsieur Bayard concernant le refus du magasin X de La Ville du Bois de lui vendre le téléviseur LCD B 51 cm offert sur le catalogue publicitaire X "Fête des mères" au prix de 499 euro, il a été expliqué à ce consommateur que cet appareil ne pourrait lui être fourni au prix indiqué car il s'agissait d'une erreur, bien qu'aucun rectificatif ne soit affiché. Cependant le magasin lui a établi un bon de commande pour ce téléviseur au prix de 499 euro mais ce produit ne lui a jamais été fourni.

L'enquête effectuée par la DDCCRF d'Evry

L'Administration a constaté que l'enseigne X avait diffusé pendant la période du 7 mai au 19 juin 2004 sur le territoire national les offres publicitaires suivantes :

* climatiseur fixe A 299 euro : presse quotidienne "jusqu'au 22 mai" et presse magazine,

* catalogue "Fête des pères Mon papa mon héros du mardi 8 au samedi 19 juin" : page 46 offre de vente d'un congélateur D, à 229 euro,

* catalogue "Fête des mères Tendres complicités du mardi 25 mai au samedi 5 juin" page 55 offre de vente d'un téléviseur LCD B 51 cm à 499 euro.

Ces deux catalogues portaient en dernière pages les mentions suivantes :

- les prix sont valables du 25 mai au 5 juin 2004 (pour le catalogue "Fête des mères"), du 8 au 19 juin 2004 (pour le catalogue "Fête des pères"),

- Nous avons commandé des stocks que nous pensons suffisants pour répondre aux demandes des consommateurs. Si certains articles venaient à manquer malgré nos précautions, nous nous engageons à vous les procurer aux prix annoncés à condition de les commander au plus tard le 5 juin 2004 (catalogue Fête des mères), le 19 juin 2004 (Fête des pères).

Par lettre en date du 8 juillet 2004, la DDCCRF d'Evry a demandé au service juridique de la SAS X de lui justifier les allégations publicitaires pour ces trois articles : climatiseur, téléviseur et congélateur.

Des justificatifs fournis par X il résulte les éléments suivants :

Le climatiseur A proposé à la vente à 299 euro

- le 16 février 2004 les magasins de l'enseigne ont été informés de la mise en place d'une opération publicitaire de vente d'un climatiseur fixe A à 599 euro et ils ont donc effectué des prévisions d'achat tenant compte des caractéristiques de cette offre, et notamment du prix annoncé,

- or, la direction commerciale de X a pris, postérieurement à ces engagements, la décision de baisser ce prix à 299 euro, montant qui figurait dans les publicités, sans que les magasins aient la possibilité de modifier les quantités à acheter,

- cette information n'a été communiquée aux magasins que le 20 avril 2004,

- par ailleurs, les magasins disposaient déjà de cet appareil en stock avant le début de la campagne publicitaire et avaient déjà la possibilité de le vendre au prix de 499 euro.

Dans la fiche "File Métier GEM PEM" adressée il pouvait être lu que l'objectif de X était "d'être agressif sur la catégorie" et de "proposer un événement fort".

Les quantités commandées par les magasins se sont vite révélées insuffisantes. Tous les climatiseurs encore disponibles auprès des plates-formes X ont été répartis dans les magasins en trois vagues du 24 mai au 31 juillet. Malgré ce complément de livraison, de nombreux consommateurs n'ont pu être satisfaits dans l'immédiat. Le 19 mai 2004 X a informé les magasins qu'une nouvelle commande serait passée au fabricant chinois pour une livraison à la mi-septembre. Le volume des commandes a été estimé selon le poids des ventes 2003, croisé avec les engagements magasins sur 2004.

Le congélateur D proposé à 229 euro

- le message du 9 juin 2004 adressé par le responsable des marchés au service communication et à destination des managers métiers des secteurs EPCS, reconnaissait le caractère trompeur de la publicité pour ce congélateur dans la mesure où la page 46 du catalogue publicitaire "Fête des pères" aurait dû faire état d'un prix de 499 euro et non de 229 euro,

- il était donc recommandé l'affichage d'un erratum en magasin et, uniquement pour les clients qui le demandaient, de vendre le congélateur à 339,99 euro, seuil de revente à perte, et de compenser la différence avec le prix annoncé en bons d'achats,

Par ailleurs, X transmettait le 29 octobre 2004 aux enquêteurs le "bon à tirer" de la publicité litigieuse.

Le téléviseur LCD B proposé à 499 euro

- le 18 mai 2004, un message destiné aux responsables non alimentaires et aux managers métier précisait que les légendes (nom de la référence, texte et prix de vente) des téléviseurs LCD B LC13S1 et C proposés en page 55 du catalogue publicitaire "Fête des mères", avaient été inversées,

- ce message rappelait également que les photos en catalogue étaient non contractuelles,

- il était indiqué à l'Administration que les clients non satisfaits avalent bénéficié d'un geste commercial.

Sur ce, LA COUR,

Sur l'action publique

Considérant que la cour ne saurait suivre la SAS X en ses dénégations ;

Considérant en effet, en ce qui concerne la publicité pour le climatiseur, que ce produit, annoncé dans les affiches et catalogues publicitaires avec un prix significativement plus bas que celui pratiqué par les enseignes concurrentes, devait être présent en quantités suffisantes au sein des hypermarchés X pour répondre à la demande qui n'allait pas manquer d'affluer ;

Considérant qu'il ressort cependant des constations des enquêteurs, ainsi que des plaintes et témoignages reçus des consommateurs, qu'il existait pour ce produit, une disproportion manifeste entre les quantités disponibles à la vente et l'ampleur de la campagne publicitaire y afférente, de sorte que cet article s'est révélé très rapidement indisponible ;

Considérant que la cour observe à cet égard que la SAS X a utilisé des données non comparables pour décider des quantités de climatiseurs à acheter en 2004 :

- le climatiseur était vendu 999 euro, installation comprise en 2003,

- l'engagement des magasins pour l'achat des climatiseurs en 2004 s'est fait sur la base d'un prix de vente de 599 euro sans installation, alors que la publicité effectuée dans 8 magazines nationaux concernait la vente d'un climatiseur à 299 euro sans installation,

- la canicule de l'année précédente, invoquée par la défense, faisait au contraire des climatiseurs un produit recherché par la clientèle rendant ainsi l'engouement des consommateurs très prévisible,

- l'intérêt pour le consommateur était de pouvoir disposer de ce climatiseur pour la période d'été et non en septembre ou octobre, comme le mentionnaient les bons de commande établis ;

Considérant qu'en matière de publicité de nature à induire en erreur, l'élément moral du délit peut résulter d'une faute d'imprudence ou de négligence ;

Considérant qu'en l'espèce l'opération promotionnelle concernée n'a aucunement été maîtrisée au niveau de l'offre commerciale;

Que X, qui n'a pas pris toutes les précautions nécessaires pour honorer une publicité d'une telle ampleur, a commis une imprudence et une négligence engageant sa responsabilité pénale ;

Considérant en ce qui concerne la publicité pour le congélateur, que vainement la SAS X invoque l'erreur commise sur le prix ;

Considérant en effet qu'en matière de publicité il appartient à l'annonceur de s'assurer que la publicité concernée est exempte de tout élément de nature à induire le consommateur en erreur ;

Qu'en l'espèce ce contrôle, incombant à X, a été manifestement défaillant ;

Considérant que l'examen du "bon à tirer" a permis d'établir que des modifications avaient été demandées sur le positionnement de certaines informations mais que l'erreur de prix du congélateur n'avait pas été relevée ;

Que cette faute ne peut être reportée sur l'agence de publicité puisque le "bon à tirer" erroné a été validé par X ;

Considérant que la publicité trompeuse est un délit instantané de sorte que l'affichage d'un erratum postérieurement à la diffusion de la publicité critiqué ne fait pas disparaître l'infraction ;

Considérant que, par ailleurs la DDCCRF de Montpellier a constaté que le magasin de Lattes (34) n'avait fait aucune proposition de dédommagement à sa clientèle ;

Qu'il ressort en outre des différentes réclamations enregistrées par le service téléphonique "Info Conso" de la DGCCRF que plusieurs magasins X ont volontairement retiré ce congélateur de la vente pour ne pas avoir à honorer le prix porté dans la publicité ;

Considérant en ce qui concerne la publicité pour le téléviseur, que ce produit vanté dans le catalogue "Fête des mères" au prix de 499 euro, était décrit comme disposant d'un écran plat de 51 centimètres ;

Qu'en réalité, une fois en magasin, les consommateurs, attirés sur les lieux par cette publicité très attractive, se voyaient refuser la vente de ce produit au prix et aux caractéristiques indiqués ;

Considérant que les vendeurs des hypermarchés X invoquaient en effet une erreur matérielle dans la description du produit et précisaient que le téléviseur en question disposait en réalité d'un écran de 33 centimètres ;

Que le bon de commande intitulé "Garantie promotion" pour un téléviseur LCD B 51 centimètres à 499 euro, remis à Monsieur Bayard n'a jamais été honoré ;

Considérant que les enquêteurs de la DDCCRF d'Evry ont constaté que seule une partie des légendes des deux téléviseurs (LCD B et C) avait été inversée puisque les caractéristiques techniques indiquées sous forme de pictogrammes étaient correctes ;

Qu'indépendamment des photographies présentées, le prix de 499 euro mentionné pour le téléviseur B ne correspondait pas aux caractéristiques techniques annoncées puisqu'il s'agissait d'un écran de 33 centimètres et non de 51 centimètres ;

Que le service juridique de X n'a adressé aux enquêteurs aucun justificatif permettant de savoir quels consommateurs avaient fait l'objet d'un geste commercial, ni même quelles étaient les modalités de ces dispositions et comment les magasins en avaient été avisés ;

Considérant qu'il convient de rappeler, comme dans le cas du congélateur D précédemment examiné, qu'en matière de publicité il appartient à l'annonceur de s'assurer que la publicité concernée est exempte de tout élément de nature à induire le consommateur en erreur ;

Considérant qu'en l'espèce la SAS X a, assurément, failli à ce devoir de contrôle et commis une négligence engageant sa responsabilité pénale;

Considérant que les faits visés à la prévention étant caractérisés en tous leurs éléments à l'encontre de la SAS X la cour confirmera le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité ;

Considérant en revanche que réformant en répression le jugement entrepris, la cour condamnera la SAS X à une amende de 300 000 euro étant observé que cette sanction est tout à fait proportionnée à l'importance du budget publicitaire et aux enjeux commerciaux des opérations concernées ;

Que la cour, par ailleurs, faisant application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation ordonnera la publication de l'arrêt à intervenir, par extraits, aux frais de la SAS X, dans les quotidiens "Le Figaro", "Libération" et "Le Monde" ;

Sur l'action civile

Considérant que la cour, qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain, subi par chaque partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirmera l'estimation qu'en ont faite les premiers juges ;

Considérant que la décision attaquée sera confirmé en toutes ses dispositions civiles, y compris sur la somme allouée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale à l'UFC Que Choisir ;

Considérant qu'y ajoutant la cour condamnera la SAS X à payer à l'UFC Que Choisir la somme supplémentaire de 2 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel ;

Que la cour déboutera l'UFC Que Choisir du surplus de ses demandes ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre de X, de l'UFC Que Choisir, par arrêt contradictoire à signifier, en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale, à l'égard Raphaël Madrid. Reçoit la prévenue, le Ministère public et l'UFC Que Choisir en leurs appels, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et en toutes ses dispositions civiles, L'infirme en répression, Condamne X SAS à une amende de 300 000 euro, La personne morale condamnée n'étant pas présente au jour du délibéré, L'avertissement prévu par les articles 707-2 et 707-3 du Code de procédure pénale n'a pu être donné. Ordonne la publication du présent arrêt, par extraits, aux frais de X SAS, dans les quotidiens "Le Figaro", "Libération" et "Le Monde", Condamne X SAS à payer à l'UFC Que Choisir la somme supplémentaire de 2 000 euro sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel, Déboute l'UFC Que Choisir du surplus de ses demandes, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.