CA Rouen, 2e ch., 29 juin 2006, n° 05-03543
ROUEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Monnier Borsu Sotradel (SA)
Défendeur :
DHL Express (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bignon
Conseillers :
M. Lottin, Mme Vinot
Avoués :
Me Couppey, SCP Greff Peugniez
Avocats :
Mes de Thier, Beyrand
Exposé du litige :
La société Monnier Borsu Sotradel (ci-après société Monnier), qui exerce une activité de transport public de marchandises, a été régulièrement affrétée, depuis 1976, par la société Ducros Euro Express, actuellement dénommée, après sa fusion avec les sociétés DHL International et Danzas, société DHL Express France (ci-après société DHL), sans qu'aucun accord écrit n'ait été conclu entre les parties.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 septembre 2004, la société DHL a informé la société Monnier de la résiliation du contrat de sous-traitance, à effet du 31 décembre 2004.
Soutenant que la société DHL avait rompu brutalement une relation commerciale établie sans avoir respecté un délai de préavis suffisant compte tenu de l'ancienneté de leurs relations, la société Monnier a assigné la société DHL en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6-I, 5°, du Code de commerce.
La société DHL a soutenu que le préavis de trois mois qu'elle avait respecté était conforme au délai prévu par le décret du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par les sous-traitants.
Par jugement rendu le 22 juillet 2005, le Tribunal de commerce de Rouen a :
- donné acte à la société DHL express SAS de ce qu'elle vient aux droits de la société Ducros Euro Express,
- débouté la société Monnier Borsu Sotradel de ses demandes,
- condamné la société Monnier Borsu Sotradel à payer à la société DHL la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à payer les dépens.
La société Monnier a interjeté appel de cette décision.
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions signifiées le 18 avril 2006 par la société Monnier et le 3 mai 2006 par la société DHL.
Il sera seulement rappelé que la société Monnier conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société DHL à lui payer, avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, la somme de 250 000 euro, à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, correspondant à une année de chiffre d'affaires, compte tenu de l'ancienneté des relations commerciales et de la spécificité d'une entreprise de transport.
A l'appui de son appel, la société Monnier soutient pour l'essentiel :
- d'une part, que les dispositions du décret du 26 décembre 2003, portant approbation du contrat-type stipulant un préavis de trois mois, ne peuvent pas avoir d'effet rétroactif et que l'on ne peut appliquer une convention-cadre postérieure aux faits ;
- d'autre part, que le contrat-type "sous-traitance" prévu par ce décret s'applique de plein droit, à défaut de convention écrite sur l'ensemble ou certaines matières mentionnées à l'article 8-II de la loi du 30 décembre 1982, à savoir : la nature et l'objet du contrat de transport, les modalités d'exécution du service en ce qui concerne le transport proprement dit et les conditions d'enlèvement et de livraison des objets transportés ; les obligations respectives de l'expéditeur, du commissionnaire, du transporteur, du déménageur et du destinataire ; le prix du transport ou du déménagement ainsi que celui des prestations accessoires prévues ; elle soutient que les modalités de rupture du contrat ne figurant pas dans cette énumération, les dispositions de l'article 12.2 du contrat-type "sous-traitance" ne s'appliquent pas de plein droit, le droit commun et l'article L. 442-6,I, 5°, du Code de commerce trouvant alors à s'appliquer ;
- encore, que l'article 8-II, alinéa 3, de la loi du 30 décembre 1982 dispose que "sans préjudice de dispositions législatives en matière de contrat et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées aux alinéas précédents, les clauses de contrats-types s'appliquent de plein droit ;
Elle en déduit que les dispositions des contrats-types ne s'appliquent de plein droit que si deux conditions cumulatives sont réunies, à savoir qu'aucune convention dérogatoire n'ait été conclue et que des dispositions législatives en matière de contrat ne prévoient pas de règles plus favorables ; elle soutient que l'application de l'article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce peut aboutir à des solutions plus favorables à la personne que les dispositions impératives que l'article 12.2 du contrat-type "sous-traitance" ;
- enfin, que l'accord interprofessionnel n'établit qu'une durée minimale de préavis à respecter.
La société DHL conclut à la confirmation du jugement.
Sur ce, LA COUR,
Attendu qu'il résulte de l'article 8-II de la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) du 30 décembre 1982 que, sans préjudice de dispositions législatives en matière de contrat et à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat de transport, et notamment leurs obligations respectives, les clauses des contrats-types établies par décret pour l'application de ces dispositions s'appliquent de plein droit ;
Attendu que la société Ducros, aux droits de laquelle se trouve la société BHL, confiait l'exécution de transports à la société Monnier depuis l'année 1976, sans qu'un contrat écrit ait défini leurs obligations respectives, spécialement dans le cas d'une rupture de leurs relations ;
Attendu, dès lors, que les dispositions du décret n° 2003-1295 du 26 décembre 2003 portant approbation du contrat-type applicable aux transports publics routiers de marchandises exécutés par des sous-traitants s'appliquent de plein droit ;
Attendu que, selon l'article 12-2 du contrat-type, le contrat de sous-traitance à durée indéterminée peut être résilié par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception moyennant un préavis d'un mois quand le temps écoulé depuis le début de l'exécution du contrat n'est pas supérieur à six mois ; que le préavis est porté à deux mois quand le temps est supérieur à six mois et inférieur à un an ; que le préavis à respecter est de trois mois quand la durée de la relation est d'un an et plus ;
Attendu qu'il ne peut qu'être constaté que la durée du préavis à respecter tient compte de la durée de la relation des parties et que le décret, dont la validité n'est pas contestée, a été élaboré après consultation des organismes professionnels concernés ;
Qu'il résulte de ce qui précède que la société DHL ayant respecté un délai de préavis de trois mois, le jugement ayant débouté la société Monnier de ses demandes sera confirmé ;
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette la demande présentée par la société DHL Express France, Condamne la société Monnier Borsu Sotradel à payer les dépens, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.