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Décisions

CA Rennes, 2e ch. com., 25 septembre 2007, n° 05-08430

RENNES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Berre

Défendeur :

Société d'Exploitation Electro-Thermique (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

Mmes Cocchiello, Boisselet

Avoués :

SCP Bazille & Genicon, SCP Bourges

Avocats :

Mes Lallement, Moneyron

T. com. Nantes, du 5 déc. 2005

5 décembre 2005

Faits et procédure :

La Société d'Exploitation Electro-Thermique (ci-après SEET), ayant son siège à Meaux, a pour objet la fabrication et la vente d'équipements aérauliques et frigorifiques industriels. Elle a conclu le 2 janvier 1997 un contrat d'agent commercial exclusif à durée indéterminée avec Luc Le Berre, intéressant 14 départements de l'Ouest.

Par lettre recommandée du 28 mai 2004, SEET a notifié à Luc Le Berre la résiliation de son contrat d'agent commercial avec un préavis de trois mois à compter du 1er juin 2004.

Par acte du 24 janvier 2005, Luc Le Berre a assigné son ancienne mandante devant le Tribunal de commerce de Nantes aux fins d'obtenir paiement de commissions et d'une indemnité de rupture.

Par jugement du 5 décembre 2005, le tribunal a :

• condamné SEET à payer à Luc Le Berre les sommes de :

- 27 740 euro à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2004,

- 5 820,12 euro au titre d'un solde de commissions, avec intérêts au taux légal à compter de la même date,

• ordonné la capitalisation des intérêts à échoir en application de l'article 1154 du Code civil,

• ordonné l'exécution provisoire,

• condamné SEET à payer à Luc Le Berre la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Luc Le Berre en a relevé appel le 23 décembre 2005.

Par conclusions du 19 avril 2006, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, il demande :

• que SEET soit condamnée à lui payer la somme de 75 000 euro au titre de son droit à commission pour la période du 1er janvier 2002 au 31 août 2004, en application de l'article L. 134-6 du Code de commerce, intéressant les ventes réalisées par l'intermédiaire de sociétés tierces sur son secteur,

• que SEET soit condamnée à lui payer la somme de 115 000 euro à titre d'indemnité de rupture,

• que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter de l'assignation, avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil,

• que lui soit allouée en cause d'appel la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

• que le jugement soit confirmé sur le solde de factures de 5 820,12 euro.

Par conclusions du 15 septembre 2006, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de son argumentation, SEET demande :

• qu'il soit jugé qu'elle n'a commis aucune violation de son engagement d'exclusivité,

• que Luc Le Berre soit condamné à lui payer la somme de 86 940 euro au titre de la perte de marge résultant de la baisse de son chiffre d'affaires,

• subsidiairement, que l'indemnité de rupture due à Luc Le Berre, laquelle ne peut dépasser 27 740 euro, soit compensée avec les sommes dues par ce dernier,

• que, dans le cas où il serait jugé soit que SEET a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de son agent, soit que ce dernier a engagé sa responsabilité à l'égard de sa mandante, un expert soit désigné afin de proposer une évaluation du préjudice,

• que lui soit allouée une indemnité de procédure de 2 500 euro.

Sur quoi, LA COUR :

Sur le rappel de commission :

Les parties ne le contestent pas, le principe et le montant de cette dette de SEET seront dès lors confirmés.

Sur l'atteinte à l'exclusivité :

Selon l'article 3 du contrat, la représentation commerciale confiée à Luc Le Berre couvrait un secteur géographique composé de 14 départements et de clients également précisés, soit les grossistes en chauffage, les installateurs en chauffage, les bureaux d'études en chauffage et industriels.

Selon l'article 4, la société assurait à son agent l'exclusivité sur le secteur géographique pour les clients précédemment définis.

Courant 2001, SEET a décidé de sous-traiter son activité de production à sa filiale Yahtec, tout en conservant l'activité de distribution de cette production. Cependant, selon le contrat produit, Yahtec a reçu la faculté de vendre directement des aérothermes à trois sociétés, soit Sovelor, Solaronics et Climair.

Selon un constat établi à la requête de Luc Le Berre le 7 décembre 2002 lors du salon Artibat réservé aux professionnels et se déroulant à Nantes, des produits SEET étaient proposés par les entreprises Tôlerie de la Loire, Solaronics, Climair-Sofinther, Climalis, Air Calo.

Selon SEET, Luc Le Berre a été commissionné sur les ventes Tôlerie de la Loire. Ce point n'est pas évoqué par Luc Le Berre, et aucune pièce n'est produite. Faute d'éléments, il ne peut qu'être jugé que l'atteinte à l'exclusivité n'est pas démontrée sur ce client.

Toujours selon SEET, les centrales d'achat de Solaronics, Air Calo et Climair sont situées hors du secteur géographique de Luc Le Berre. Il est en effet justifié d'un siège social à Chartres (28) pour Climair, rien n'étant précisé pour Solaronics et Air Calo. En l'absence d'éléments démontrant que ces deux dernières, ainsi que Climalis et Sovelor, sont situées sur le secteur géographique de Luc Le Berre et entrent dans la clientèle qui lui avait été réservée, dont la preuve incombait à ce dernier, demandeur, aucune atteinte à l'exclusivité n'est là encore démontrée.

Dès lors, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce que la demande de Luc Le Berre au titre de l'atteinte à son exclusivité contractuelle de distribution des produits SEET a été rejetée.

Sur la rupture du contrat d'agent commercial :

SEET indique dans sa lettre de résiliation que cette décision est d'une part fondée sur l'échec de négociations sur une rupture amiable, et d'autre part sur une baisse du chiffre d'affaire, et une perte de confiance de la clientèle en raison du manque d'investissement de l'agent et de sa création d'une société potentiellement concurrente, ce qui la conduit à douter de la capacité de Luc Le Berre à maintenir un chiffre d'affaire suffisant sur le secteur.

Ces motifs, qui ne comportent, tels qu'exprimés, l'imputation d'aucun fait avéré contraire aux obligations contractuelles de l'agent, ne contiennent aucun grief justifiant la résiliation du contrat pour faute grave. D'ailleurs SEET, qui ne formule pas ce reproche et expose dans le corps de ses écritures que l'indemnité de rupture a été compensée par les sommes que lui devait Luc Le Berre, ne conteste pas sérieusement le principe de cette indemnité.

Les parties sont cependant contraires sur le chiffre d'affaire à prendre en considération, et sur les modalités de calcul de cette indemnité.

Selon l'article 10 du contrat, en cas de résiliation par le fait de la société, l'agent aura droit à une indemnité de clientèle pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, compte tenu des diminutions qui pourraient être constatées dans la clientèle préexistante et provenant de son fait. Dans cette perspective, est annexée au contrat la liste des clients et le chiffre d'affaire réalisé sur le secteur, soit 2 millions. La liste des clients annexés au contrat n'est pas produite, et Luc Le Berre indique sans être contredit qu'elle n'y a effectivement jamais été annexée.

L'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce ayant pour fonction de réparer le préjudice subi, il doit être tenu compte de tous les éléments de la rémunération de l'agent pendant l'exécution du contrat, sans qu'il y ait lieu de distinguer si elle provient de clients préexistants au contrat ou au contraire acquis par l'agent. En outre, en l'espèce, à défaut de précision suffisante sur la clientèle existante lors de la conclusion du contrat, et au regard des chiffres non contestés de Luc Le Berre jusqu'en 2001, il n'y a pas lieu d'opérer une comparaison entre les chiffres d'affaires lors de la conclusion du contrat et à sa résiliation, et la méthode de calcul proposée par SEET ne peut être retenue.

Ainsi, au regard de la moyenne des montants annuels de commission perçus pendant les trois années précédant la résiliation, soit 54 522 euro, et de l'ancienneté des relations contractuelles, l'indemnité de rupture doit être fixée à deux années de commissions, et la cour trouve dans les pièces versées aux débats les éléments suffisants pour la fixer, sans que la nécessité d'une expertise soit démontrée, à la somme de 100 000 euro. Au regard de son caractère indemnitaire, cette somme portera intérêts à compter du présent arrêt, avec capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil.

Sur la demande reconventionnelle de SEET :

Se fondant sur le meilleur chiffre réalisé par Luc Le Berre, soit l'année 2001, SEET expose que la baisse enregistrée entre 2002 et la fin du contrat lui a causé un préjudice égal à la perte de marge subie. Elle ne démontre cependant pas que cette situation soit imputable à la carence de Luc Le Berre, au regard des modifications qu'elle a elle-même apportées à sa politique commerciale, et qui ont pu y contribuer. Elle ne justifie pas non plus du taux de marge qu'elle avance. L'expertise sollicitée ne peut par ailleurs avoir pour objet de pallier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve, et la demande de SEET sur ce point sera rejetée pour ce motif.

En cet état, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce que les demandes d'expertise et de dommages et intérêts formés par SEET ont été rejetées.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

SEET qui succombe supportera les dépens, et les frais de procédure exposés par Luc Le Berre en première instance et en appel à hauteur de 3 000 euro.

Par ces motifs : Réformant partiellement le jugement, Condamne la société d'Exploitation Electro-Thermique à payer à Luc Le Berre la somme de 100 000 euro à titre d'indemnité de rupture, Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil, Confirme le jugement sur le surplus, Condamne la Société d'Exploitation Electro-Thermique aux dépens, avec recouvrement direct au profit de Maîtres Bazille et Genicon avoués, La condamne également à payer à Luc Le Berre la somme de 3 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel. Rejette le surplus des demandes.