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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 17 avril 2008, n° 06-13834

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bagatelle (SARL)

Défendeur :

Trepin, Watson Communication (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Deurbergue

Conseillers :

Mme Le Bail, M. Picque

Avoués :

Me Couturier, SCP Bernabe-Chardin-Cheviller

Avocats :

Mes Mary, Fourn

TGI Paris, du 26 avr. 2006

26 avril 2006

Vu l'appel interjeté, le 24 juillet 2006, par la société Bagatelle d'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris, du 26 avril 2006, qui l'a déboutée de ses prétentions et a rejeté les demandes reconventionnelles de Mme Trépin et de la société Watson Communication ;

Vu les conclusions de la société Bagatelle, du 24 novembre 2006, qui prie la cour d'infirmer le jugement, sur le fondement des articles 1382 et 2052 du Code civil, d'interdire à Mme Trépin et à la société Watson Communication de commercialiser des pages publi-rédactionnelles dans le domaine de la santé, la forme et la beauté, selon la formule créée par la société Bagatelle, connue sous les noms de Espace Santé Beauté, Zoom Santé Beauté, Espace Infos Services, et ce, sous astreinte de 7 500 euro par infraction constatée, de condamner in solidum les intimées à lui payer 100 000 euro de dommages et intérêts et 3 000 euro par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de Mme Trépin et de la société Watson Communication, du 27 mars 2007, tendant à la confirmation du jugement, sauf sur le rejet de la demande de dommages-intérêts, à la condamnation de la société Bagatelle à lui payer 15 000 euro, outre une indemnité de procédure de 5 000 euro ;

Sur ce, LA COUR :

Considérant que le litige se présente dans les mêmes termes qu'en première instance ;

Considérant que la société Bagatelle et la société Watson Communication exercent la même activité de régie en publicité et achètent et vendent des espaces publicitaires dans des publications ;

Que la société Bagatelle reproche à son ancien chef de publicité de régie, Mme Trépin et à la société qu'elle a constituée en janvier 2002 après son licenciement le 3 décembre 2001, Watson Communication qui propose à différents annonceurs la commercialisation de pages publi-rédactionnelles, d'avoir systématiquement démarché ses clients en leur proposant le même produit de communication que celui dont elle avait la responsabilité, lorsqu'elle était sa salariée, ajoutant que la mise en demeure de cesser ses agissements constitutifs d'une concurrence déloyale n'a pas été suivie d'effet ;

Considérant que le protocole transactionnel du 20 février 2002 réglant les effets du licenciement de Mme Trépin ne met pas à sa charge une clause de non-concurrence et que la société Bagatelle admet qu'elle peut poursuivre librement son activité dans le secteur de la communication ;

Que, toutefois, elle rappelle que Mme Trépin avait pris l'engagement de ne rien faire pouvant nuire à l'image de marque de l'appelante ou lui porter préjudice, ainsi qu'à toute personne la dirigeant ou l'ayant dirigée, et "dans le cadre de son obligation de discrétion à garder secrète et à ne pas utiliser d'une quelconque façon, pour son propre compte ou pour le compte de tiers, toute information qu'elle aurait pu recevoir pendant la durée de ses fonctions" ;

Que c'est dans ces conditions qu'elle lui reproche l'utilisation d'un outil de communication, un espace publicitaire réservé à un thème : la beauté, la forme ou la santé, dans lequel sont insérées en quart de page ou en huitième de page des annonces publicitaires, concept original, selon elle, puisque créant dans chaque magazine concerné une rubrique spécifique que le lecteur a l'habitude de retrouver dans chaque numéro, les annonceurs étant placés dans un contexte spécifique correspondant à leurs produits, et l'emplacement dans une rubrique spécifique permettant quant à lui aux produits d'être valorisés et de bénéficier d'un impact plus important auprès des lecteurs ;

Qu'elle fait aussi grief à la société Watson Communication d'avoir diffusé dans la presse des espaces publicitaires qui sont l'imitation servile de ses propres espaces publicitaires, d' avoir prospecté ses annonceurs et d'avoir commercialisé des pages publicitaires sur les mêmes supports, d'avoir utilisé les connaissances et le savoir-faire de son ancienne salariée Mme Trépin, et à celle-ci de ne pas avoir respecté le protocole d'accord transactionnel du 20 février 2002 ; qu'elle estime qu'il s'agit d'un comportement parasitaire constitutif de concurrence déloyale ;

Mais considérant que l'argument de la création originale du concept d'un espace publicitaire réservé à un thème doit être écarté, dès lors que la société Bagatelle ne justifie pas l'avoir créé et qu'il est indiqué dans les pages publicitaires de "Mon Espace Santé Beauté" qu'il s'agit d'une création de la société Faou Conseils qui n'est pas dans la cause, et qu'elle reconnaît que ce concept est repris par d'autres publications, même si c'est dans des compositions différentes ;

Considérant que, par ailleurs, les espaces publicitaires diffusés par la société Watson Communication ne sont pas des imitations serviles de ceux de la société Bagatelle ; que l'intitulé n'est pas le même : " Agenda Beauté " au lieu de " Espace Santé Beauté ", et que le graphisme diffère ; que, lorsque ce sont les annonceurs qui sont les auteurs des contenus des encarts publicitaires ou qui en ont la responsabilité, cela explique leur caractère identique d'un support à l'autre comme l'a exactement relevé le tribunal ;

Considérant que Mme Trépin n'étant pas liée avec son ancien employeur par une clause de non-concurrence, il ne lui est pas interdit dans le cadre de son activité au sein de la société Watson Communication de prospecter des annonceurs clients de la société Bagatelle qui sont eux-mêmes libres de s'adresser à un autre annonceur que l'appelante ;

Considérant que la société Watson Communication et la société Bagatelle n'interviennent pas auprès des mêmes groupes de presse ou auprès des mêmes magazines ;

Qu'en effet, la société Watson Communication bénéficie d'un contrat de régie publicitaire passé avec le Groupe Prisma Presse, tandis que la société Bagatelle revendique ses liens avec le Groupe Emap France et d'autres magazines concurrents ;

Que rien n'indique que ce serait sur la foi d'une information inexacte donnée par Mme Trépin au sujet d'une clause d'exclusivité, qui n'existait pas entre la société Bagatelle et le Groupe Emap France, que la société Watson Communication aurait gagné le marché du Croupe Prisma Presse ;

Que s'agissant du magazine Notre Temps, aucune page publicitaire n'ayant été diffusée dans celui-ci par la société Watson Communication, et que même si celle-ci a démarché Inter Déco régie publicitaire du Groupe Bayard Presse éditeur de ce magazine cliente de la société Bagatelle, ce fait à lui seul ne caractérise pas un acte de concurrence déloyale ;

Considérant que s'agissant des annonceurs, ils sont connus de tous et Mme Trépin n'a pu transmettre à leur sujet une information confidentielle de ce chef à la société Watson Communication ;

Que la société Bagatelle qui diffuse le tarif de vente des espaces publicitaires qu'elle met à la disposition des annonceurs ne démontre pas non plus que Mme Trépin aurait violé l'engagement de discrétion mis à sa charge par le protocole du 20 février 2002 ;

Qu'ainsi, aucun des griefs de concurrence déloyale formulés par la société Bagatelle n'étant caractérisé, la demande de dommages et intérêts de celle-ci ne peut qu'être rejetée ;

Qu'il convient, en conséquence de confirmer le jugement ;

Considérant qu'aux termes du protocole du 20 février 2002, la société Bagatelle s'était elle-même engagée " à ne rien faire pouvant porter préjudice à Mademoiselle Trépin ainsi qu'à sa réputation, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la société, en particulier vis-à-vis des clients, et plus généralement à l'égard des tiers " ;

Que les termes de la lettre du 17 octobre 2002 adressée au Groupe Prisma Presse par la société Watson Communication signée par Mme Trépin ne font qu'assurer que le contrat de travail de cette dernière ne l'empêchait pas de procéder pour le compte de Prisma à la commercialisation d'une page multi-annonceurs dans l'univers de la santé, beauté, forme et bien-être, et ne font pas supposer qu'il y aurait eu de la part de la société Bagatelle une tentative de paralyser l'activité de sa concurrente ;

Que, dès lors, aucune faute n'est établie à l'encontre de la société Bagatelle et il n'y a pas lieu d'allouer des dommages et intérêts aux intimées ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Considérant que l'équité commande en appel de condamner la société Bagatelle à payer aux intimées une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile et de rejeter sa demande ;

Par ces motifs : Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement, Condamne la société Bagatelle à payer à Mme Trépin et à la société Watson Communication une indemnité de 5 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, y compris au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne la société Bagatelle aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.