CA Paris, 25e ch. A, 17 décembre 2008, n° 06-20452
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Prévention Sécurité Incendie (SARL)
Défendeur :
Natexis Bail (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Giroud
Conseillers :
Mmes Blum, Guilguet-Pauthe
Avoués :
SCP Grappotte Benetreau Jumel, SCP Petit Lesénéchal
Avocats :
Mes Peret, Herry
Vu le jugement rendu le 30 octobre 2006 par le Tribunal de commerce de Paris qui a:
- débouté la société Prévention Sécurité Incendie (PSI) de ses demandes,
- condamné la société PSI à verser à la société Natexis Bail la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamné la société PSI aux dépens;
Vu l'appel relevé par la société PSI et ses dernières conclusions du 11 septembre 2008 par lesquelles elle demande à la cour au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de:
- condamner la société Natexis Bail à lui payer la somme de 50 000 euro à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Natexis Bail à lui payer la somme de 3 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel;
Vu les dernières conclusions signifiées le 25 septembre 2007 par lesquelles la société Natexis Bail demande à la cour de:
- confirmer le jugement,
- débouter la société PSI de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société PSI à lui payer la somme complémentaire de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens;
Sur ce, LA COUR,
Considérant que la société Natexis Bail est propriétaire d'un entrepôt à Croissy Beaubourg destiné à la location et dont la surveillance avait été confiée à la société PSI par ses locataires successifs; qu'en juillet 2003, la société Natexis Bail a confié la surveillance de l'entrepôt vide à la société PSI; que par lettre du 27 mai 2005, elle a indiqué à la société PSI avoir loué les locaux à la société Fomax, avec une option d'achat " qui devrait être régularisée d'ici le 30 septembre 2005 "; que par lettre recommandée avec avis de réception du 20 septembre 2005 la société Natexis Bail a notifié à la société PSI qu'elle avait régularisé une promesse de vente et que le contrat de gardiennage serait résilié pour le 30 septembre 2005; que le 26 septembre 2005, le conseil de la société PSI a mis en demeure la société Natexis Bail de se rétracter du fait du non-respect du préavis contractuel; que par lettre du 17 octobre 2005, la société Natexis Bail lui a répondu qu'elle avait été avisée de cette rupture de contrat dès le mois de mai 2005;
Considérant que c'est à la suite de ces circonstances que la société PSI a assigné la société Natexis Bail devant le Tribunal de commerce de Paris en dommages et intérêts pour rupture abusive;
Considérant que la société PSI, appelante du jugement qui l'a déboutée de ses demandes, soutient qu'elle n'a bénéficié que d'un préavis de 9 jours, que la lettre du 27 mai 2005 ne vaut pas résiliation, que cette date ne peut être le début du préavis et que, si l'option n'avait pas été exercée par le locataire, elle se serait trouvée dans l'obligation contractuelle de continuer à assurer sa prestation après le 30 septembre 2005; qu'elle fait valoir que, selon les usages commerciaux le délai de préavis est de six mois et que la jurisprudence retient un caractère raisonnable de préavis en fonction de la durée, de l'importance financière des relations commerciales notamment ou de la nature des relations contractuelles entre les parties; qu'elle précise qu'en l'espèce la relation contractuelle a duré plus de deux ans pour une prestation mensuelle de plus de 12 000 euro; qu'elle déduit de ces éléments qu'un préavis de neuf jours ne saurait être considéré comme respectueux des usages commerciaux et que l'abus doit être sanctionné par des dommages et intérêts; qu'elle ajoute que cinq personnes étaient affectées au gardiennage de cet entrepôt, qu'elle a dû se séparer de salariés après la résiliation brutale de la société Natexis Bail et qu'elle s'est donc trouvée désorganisée de ce fait;
Considérant que la société Natexis Bail fait valoir qu'aucun délai de préavis n'a été contractuellement prévu entre les parties et qu'il appartenait à la société PSI d'attirer son attention sur son souhait de voir respecter un préavis, dès réception de la lettre du 27 mai 2005; qu'elle prétend que la société PSI ne démontre pas qu'un préavis de 6 mois serait issu des usages commerciaux applicables à sa profession, en relevant que le préavis prévu dans le contrat entre la société PSI et la société Hays logistique n'était que d'un mois, de même que dans le contrat conclu entre Natexis Bail et GPS surveillance; qu'elle expose que la prestation de gardiennage est par nature provisoire, que la société PSI a été clairement informée dès le 27 mai 2005 de son souhait de rupture du contrat au plus tard le 30 septembre 2005, qu'elle a donc respecté un délai de prévenance de 4 mois, que la formalité du préavis n'est pas soumise à un formalisme spécifique, que la jurisprudence s'attache au caractère prévisible de la rupture afin de déterminer si elle est brutale ou non; que selon elle, la lettre du 27 mai 2005 a laissé à la société PSI la possibilité de s'organiser et d'anticiper une rupture prochaine du contrat de gardiennage, au besoin en lui réclamant des précisions et qu'ainsi la rupture n'a pas été brutale au sens de l'article 442-6-I-5° du Code de commerce;
Considérant qu'à titre subsidiaire, la société Natexis Bail soutient que la société PSI ne justifie d'aucun préjudice effectif; quatre des salariés licenciés étant en période d'essai, qu'elle reconnaît qu'elle n'était pas contractuellement liée à titre exclusif à Natexis Bail et qu'elle ne peut donc arguer d'une désorganisation du fait de la cessation du seul contrat litigieux;
Considérant que la lettre du 27 mai 2005 adressée par la société Natexis Bail à la société PSI ne constitue pas un préavis écrit au sens de l'article L. 442-6-5° du Code de commerce puisqu'elle ne l'informe pas clairement de la résiliation du contrat, mais se borne à faire état de la vente possible des locaux le 30 septembre 2005 et du maintien du gardiennage jusqu'à la vente; que c'est seulement le 20 septembre 2005 que la société Natexis Bail lui a notifié la résiliation du contrat au 30 septembre 2005; qu'il importe peu qu'aucun préavis n'ait été stipulé au contrat, les dispositions légales précitées exigeant le respect d'un préavis; qu'un préavis de 10 jours n'est pas suffisant, eu égard à la durée de plus de deux ans de la relation commerciale; que ce préavis aurait dû être de deux mois;
Considérant que la brutalité de la rupture a causé préjudice à la société PSI qui a dû se réorganiser immédiatement alors que cinq de ses salariés étaient affectés à la surveillance de l'entrepôt ; qu'il sera donc fait droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euro TTC;
Considérant, vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, qu'il y a lieu d'allouer la somme de 2 500 euro à la société PSI et de débouter la société Natexis Bail de sa demande de ce chef;
Par ces motifs, LA COUR, Infirme le jugement, et statuant à nouveau: Déboute la société Natexis Bail de toutes ses demandes, Condamne la société Natexis Bail à payer à la société PSI la somme de 20 000 euro à titre de dommages et intérêts; Condamne la société Natexis Bail à payer à la société PSI la somme de 2 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile; Condamne la société Natexis Bail aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.