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Décisions

CA Paris, 25e ch. A, 1 octobre 2008, n° 06-15390

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

C2 (SARL)

Défendeur :

Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Giroud

Conseillers :

Mmes Blum, Guilguet-Pauthe

Avoués :

Me Teytaud, SCP Verdun-Seveno

Avocats :

Mes Saphy, Gasse

T. com. Paris, du 30 mai 2006

30 mai 2006

Vu le jugement rendu le 30 mai 2006 par le Tribunal de commerce de Paris qui a :

- condamné la société C2 à verser à la SARL d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo, exerçant sous l'enseigne Maxod, la somme de 5 000 euro au titre du non-respect de la commande, la somme de 5 000 euro au titre du préjudice commercial et la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 nouveau Code de procédure civile;

- ordonné l'exécution provisoire;

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

- condamné la société C2 aux dépens;

Vu l'appel relevé par la SARL C2 qui, par ses dernières conclusions du 19 mars 2008, demande à la cour d'infirmer le jugement et de:

- débouter la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo exerçant sous l'enseigne Maxod de tous ses chefs de demande;

- la condamner à lui rembourser les sommes versées au titre de l'exécution provisoire soit 13 000 euro;

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens;

Vu les dernières conclusions du 19 avril 2007 par lesquelles la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo exerçant sous l'enseigne Maxod demande à la cour de confirmer le jugement sur le principe des condamnations de la société C2 ainsi que sur sa condamnation à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, de réformer le jugement sur le quantum et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts justifiée par le refus de la société C2 de poursuivre la relation commerciale au-delà de 2004 et, statuant à nouveau, de:

- condamner la société C2 à lui payer les sommes de 11 396 euro correspondant à la perte de marge brute sur la commande du 4 mars 2004, 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour le préjudice commercial complémentaire subi à raison de l'absence des produits Custo dans ses rayons et 25 000 euro à titre de dommages et intérêts sanctionnant le comportement abusif et discriminatoire de la société C2;

- condamner la société C2 à lui payer la somme supplémentaire de 5 000 euro au titre des frais irrépétibles exposés par elle en cause d'appel ainsi qu'aux dépens.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo, qui exploite à Nancy un magasin de prêt-à-porter à l'enseigne Maxod, y vendait, depuis 1999, des articles de marque Custo fabriqués en Espagne et dont la société C2 a repris la distribution en France à la fin de l'année 2003 ; que le 4 mars 2004, la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo a passé commande à la société C2 de 393 articles Custo à livrer en juillet, août et septembre 2004, la commande étant "à confirmer selon production" ; que par télécopie du 7 avril 2004 ayant pour objet les "Conditions de règlement", la société C2 a informé la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo de ce que "Après étude de votre dossier, nous vous confirmons que les termes de crédit afin de valider le mode de règlement sont : Cash avant livraison par virement bancaire" en lui demandant de lui retourner son accord sur le mode de règlement dans les 72 heures "afin de mettre en production" sa commande ; que la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo a d'abord refusé ce mode de règlement au motif qu'elle avait toujours réglé "la marque Custo par lettre de change-relevé magnétique" et qu'elle offrait toute garantie, puis a proposé un règlement cash contre l'annulation d'une partie de sa commande; qu'aucun accord n'étant intervenu entre les parties, la marchandise n'a pas été livrée;

Considérant que la société C2 soutient qu'en l'absence d'accord sur le montant et le règlement comptant de la commande, condition de paiement exigée pour tout nouveau client, aucun contrat ne s'est formé et l'intimée ne peut se plaindre d'un défaut de livraison ; qu'elle conteste l'existence et la rupture d'une relation commerciale établie, l'existence d'une faute de sa part tenant à un prétendu refus de vente discriminatoire et, à titre subsidiaire, l'existence d'un préjudice;

Considérant que la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo objecte que la vente du 4 mars 2004 est parfaite en application de l'article 1583 du Code civil du fait de l'accord des parties sur la chose et le prix, que l'article 3.5 des conditions générales se trouvant au verso du bon de commande stipule un règlement à 60 jours et que la société C2 ne pouvait, un mois après la signature du bon de commande, modifier les modalités de règlement ni lui imposer une modalité ne figurant pas sur ce bon de commande; qu'elle prétend avoir subi, du fait de l'absence de livraison, non seulement une perte de marge brute de 32,71 % sur le montant de la commande, soit 11 396 euro, mais encore une perte de marge sur la vente de produits d'autres marques en raison de la perte de certains clients, préjudice qu'elle évalue à 10 000 euro;

Qu'elle ajoute avoir subi un préjudice commercial distinct du fait des pratiques abusives et discriminatoires de la société C2 qui la prive désormais de la possibilité de diffuser les produits Custo ainsi que d'autres produits distribués par M. Robert Dodd, dirigeant de la société C2 ; qu'elle prétend que la société C2 a délibérément repoussé la date de sa commande pour qu'elle soit hors des délais imposés par le fabricant, lui imposant alors une quantité minimum puis, tardivement, des conditions de paiement manifestement abusives qui n'étaient pas exigées de sociétés ayant la même surface financière et commerciale qu'elle;

Considérant, cela étant posé, que le bon de commande du 4 mars 2004 comportant la mention "à confirmer selon production" signé par la SARL d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo constitue un acte unilatéral qui ne peut valoir contrat de vente à défaut d'une acceptation de cette commande, dans les mêmes termes, par la société C2; que le bon de commande n'étant pas signé par la société C2 et la preuve n'étant pas rapportée de son acceptation par celle-ci, la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo ne peut se prévaloir des conditions générales qui y sont portées ; qu'en l'absence d'une acceptation par la société C2 du bon de commande du 4 mars 2004 et par la SARL d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo des conditions de paiement qui lui ont été posées le 7 avril 2004, aucun contrat de vente n'a été conclu entre les parties ; que la garantie financière présentée par la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo, sa surface financière ou le fait qu'elle ait commercialisé depuis plusieurs années les articles de marque Custo sont indifférents à cet égard comme le paiement "cash" finalement proposé par la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo en échange d'une réduction des quantités commandées;

Considérant qu'aucun contrat de vente n'ayant été conclu entre les parties, la société C2 n'a commis aucune faute en ne livrant pas la marchandise objet d'une commande sur laquelle les parties n'ont pu s'entendre;

Que la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo sera déboutée de sa demande en paiement au titre du non-respect de la commande et du trouble commercial qui en serait résulté, le jugement déféré étant infirmé sur ce point;

Considérant par ailleurs que la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo n'établit pas que la société C2 lui a délibérément fixé un rendez-vous à son show-room à une date où elle n'était plus dans les délais de commande du fabricant; qu'elle n'établit pas davantage que la société C2 lui aurait refusé toute prise de commande antérieure, étant relevé que la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo n'était pas en rapport commercial avec la société C2 avant 2004 et que la société C2, nouveau distributeur en France des produits de marque Custo, n'avait pas d'obligation de se manifester auprès d'elle ni de l'informer avant le 4 mars 2004, date du premier rendez-vous, de l'existence de la date limite de commande portée, alors, à sa connaissance;

Considérant, en outre, que la société C2 justifie de ce que les conditions de règlement qu'elle a posées à la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo étaient similaires à celles exigées pour d'autres nouveaux clients ; que le fait d'imposer à un nouveau client un paiement comptant ne constitue pas une condition de règlement manifestement abusive au sens des dispositions de l'article L. 442-6,7° du Code de commerce;

Mais considérant en revanche que la société C2 ne démontre pas avoir, le jour de la commande, informé la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo de la nécessité de procéder au paiement comptant avant livraison ni lui avoir remis, le même jour, une copie de la fiche client sur laquelle figure cette exigence, ce document étant un document interne et les attestations produites sur ce point étant en sens contraire;

Considérant qu'étant en possession du bon de commande de la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo depuis le 4 mars 2004 et ayant attendu le 7 avril 2004 pour porter à sa connaissance la nécessité de payer les marchandises au comptant avant livraison, alors qu'elle avait avisé avec plus de diligence d'autres entreprises qui ont passé leur commande à la même époque, la société C2 a commis une faute et engagé sa responsabilité envers la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo ; que par ailleurs, la société C2 ne rapporte pas la preuve que la commande reçue ne pouvait être inférieure à 600 pièces;

Considérant que ce comportement fautif a causé à la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo un préjudice tenant à la privation de la possibilité d'une poursuite de la vente des produits de marque Custo auxquels sa clientèle était habituée et à l'incertitude dans laquelle elle l'a maintenue sur l'aboutissement de la commande ; que tenant compte du trouble commercial en résultant, ce préjudice sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts;

Que la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo qui ne prouve par ailleurs pas que la société C2 aurait refusé de poursuivre la relation commerciale après 2004 et n'articule aucun moyen particulier à l'appui de ses demandes de dommages et intérêts de ce chef, sera déboutée du surplus de sa demande de dommages et intérêts;

Considérant que le présent arrêt, partiellement infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement ; que les sommes devant être restituées, portent intérêt au taux légal à compter de la signification, valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution; qu'il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de remboursement de la société C2;

Considérant que la société C2, succombant toujours partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ; que vu l'article 700 du Code de procédure civile, elle verra sa demande à ce titre rejetée et sera condamnée à payer à la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo la somme de 2 000 euro pour ses frais irrépétibles.

Par ces motifs, Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo de sa demande de dommages et intérêts pour refus de poursuivre la relation commerciale; Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, Condamne la société C2 à payer à la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts; Déboute la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo du surplus de sa demande de dommages et intérêts; Condamne la société C2 à payer à la société d'Exploitation de la SDF Giuranna Guiseppe et Paolo la somme de 2 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile; Déboute la société C2 de sa demande à ce titre; Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour; Condamne la société C2 aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés, s'agissant des dépens d'appel, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.