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Décisions

CA Saint-Denis de la Reunion, ch. corr., 16 octobre 2008, n° 08-00339

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Protin

Conseillers :

MM. Blot, Lamarche

Avocat :

Me Belot

TGI Saint-Denis, ch. corr., du 8 avr. 20…

8 avril 2008

Adam X : prévenu de revente d'un produit par un commerçant à un prix inférieur à son prix d'achat effectif, le 10 avril 2006 à Saint-Denis 974, infraction prévue par l'article L. 442-2 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 442-2 al. 1, L. 470-2 du Code de commerce,

LA COUR,

Rappel des faits

Suivant procès-verbal établi le 10/04/2006, par un agent de la Direction Départementale de la CCRF, il apparaissait au vu des factures de vente de DVD (2 factures Gaumont Columbia du 01/04/2005 n° 93054296 pour 4 427,40 euro et 03054280 pour 876,80 euro majorées des frais/facture du transitaire soit 789,05 euro - prix de revient TTC de 6 093,25 euro), puis d'un tableau retraçant les ventes de ces mêmes DVD accompagnés par des bordereaux de livraison mentionnant le prix unitaire et les quantités vendues que :

- le seuil de revente à perte unitaire TTC s'élève à 21,65 euro TTC,

- le tableau récapitulatif des ventes fait mention d'une remise de 10 %, (non justifiée par document contractuel)

L'agent, estimant que seules "les remises figurant sur la facture d'achat peuvent être prises en compte dans le calcul du seuil de revente à perte, a observé qu'au vu de ces éléments dont le tableau de ventes (annexe 14) le tableau établi sur ces bases permet de comparer pour chaque vente le prix de vente TTC au seuil de revente que,

- 235 DVD achetés auprès de Gaumont Columbia ont été vendus à un prix inférieur au seuil de revente à perte. (Le produit était effectivement proposé à des tarifs allant de 18,80 euro à 21,50 euro)

- l'écart varie de 0,15 euro à 2,85 euro

- 217 DVD dont 150 destinés à Carrefour ont été vendus avec 1,25 euro d'écart.

- la société Y est une société du Groupe X tout comme la SAS X Distribution, et si les documents d'importation sont établis au nom de cette dernière, les documents sont en réalité destinés à la société Y.

- en conséquence, la revente de DVD " L'Enquête Corse " à un prix TTC inférieur à son seuil de revente à perte constitue une infraction aux dispositions de l'article 442-2 précédemment cité.

- Adam X gérant de la société Y a précisé qu'il n'avait délégué aucun pouvoir et dans ces conditions sa responsabilité juridique peut être engagée.

Le 18/03/2005, le prévenu passait 2 commandes :

- la première (objet d'une facture en date du 1er avril 2005) auprès de Gaumont, pour l'achat d'un lot de 235 DVD "L'Enquête Corse" au prix de 18,84 euro (+ les frais de transit = 21,65 euro)

- la seconde (objet d'une facture en date du 6 avril 2005), s'étant rendu compte que le concurrent de Gaumont, Prodifim vendait le même produit 34 % moins cher, soit 12,50 euro), pour un lot de 50 DVD auprès de ce dernier.

Le prévenu se défend sur le fondement de l'article L. 442-4, "c" du Code de commerce.

Suivant sa note en date du 23/05/2006, la Direction Départementale de la CCRF rappelle que:

- le fait d'acheter à la société Gaumont, 235 DVD au prix de revient de 21,65 l'unité TTC et de les revendre à un prix compris entre 18,80 euro et 21,50 constitue le délit de revente à perte lequel est défini et réprimé par l'article L. 442-2 précité.

- par lettre du 18 avril 2006, la société Y conteste l'infraction, motifs pris que :

* elle a effectué une autre commande de 50 exemplaires à la même époque à la société Prodifim au prix unitaire de 12,50 euro l'unité, et au seuil de revente à perte de 14,81 euro

* il y a lieu dès lors d'appliquer l'exception prévue par l'article L. 442-4-1 qui dispose que "les dispositions de l'article L. 442-2 ne sont pas applicables... 1° c) aux produits, aux caractéristiques identiques, dont le réapprovisionnement s'est effectué en baisse, le prix effectif d'achat étant alors remplacé par le prix résultant de la nouvelle facture d'achat... "

- ce moyen ne peut être retenu dans la mesure où le réapprovisionnement signifie qu'une partie significative du stock est déjà vendue, alors qu'en l'espèce les commandes à Gaumont et à Prodifim datent toutes les deux du 18 mars 2005, et par suite, il ne s'agit donc pas de réapprovisionnement mais seulement d'approvisionnement.

Devant le tribunal, le prévenu a fait valoir à nouveau à l'appui de sa relaxe que:

- le non-réapprovisionnement se définit comme le fait de s'approvisionner à nouveau sans qu'il soit fait une quelconque référence à l'évolution du stock préexistant, et ce n'est pas par rapport à stock final mais par rapport à stock initial que s'apprécie le réapprovisionnement, et dès lors il y a réapprovisionnement lorsqu'il y a eu premier approvisionnement.

- interprété de façon extensive le terme de réapprovisionnement ne correspond guère [au] mode d'interprétation stricte qui prévaut en matière pénale.

- rien en l'état du droit n'interdit à un commerçant d'acheter des produits un prix moins cher à seule fin de lui permettre d'écouler un stock qui autrement constituerait pour lui une perte pure et simple.

Décision du tribunal correctionnel et procédure subséquente

Par acte au greffe en date du 10/04/2008, le prévenu et le Ministère public ont relevé respectivement appel principal et incident du jugement contradictoire rendu par le Tribunal correctionnel de Saint-Denis du 08/04/2008 qui:

- a déclaré Adam X coupable de l'infraction reprochée pour avoir à Saint-Denis le 10 avril 2006, étant commerçant, revendu un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif majoré des taxes sur le chiffre d'affaires, des taxes spécifiques à cette revente et le cas échéant du prix du transport, en l'espèce 235 DVD. Faits prévus par l'article L. 442-2 du Code commerce et réprimés par l'article L. 442-2 al. 1 du Code commerce,

- l'a condamné, à titre de peine principale, à une amende délictuelle de 3 000 euro.

Ces appels interjetés dans les formes et délais de la loi sont recevables.

Par écritures déposées à l'audience le 18/09/2008, Adam X demande à la cour qu'il soit constaté que s'étant réapprovisionné à un prix inférieur au prix initial, c'est au regard de ce prix que le seuil de revente à perte doit être déterminé, et que par suite il doit être relaxé au titre de cette infraction non constituée.

Le Ministère public s'en rapporte à justice.

Le prévenu, représenté par son conseil, demande à être renvoyé des fins de la poursuite.

Sur quoi LA COUR,

Il est constant et non contesté aux débats que la société Y a acheté auprès de la société Gaumont un lot de 235 DVD "L'Enquête Corse" au prix de 18,84 euro HT.

Le seuil de revente à perte tel que déterminé par la loi, en ce que le prix d'achat unitaire est majoré du prix du transport, de la manutention, du transit et des frais divers liés au passage en douane, le tout majoré de la taxe à la valeur ajoutée au taux de 8,5 %, peut être fixé à 21,65 euro TTC.

Il n'est pas non plus discuté que ces DVD ont été vendus à un prix inférieur à ce seuil.

Il ressort à l'évidence, comme cela n'est pas discuté par l'Administration, de la lecture de l'article L. 442-4 du Code de commerce que la notion de réapprovisionnement envisagée par son paragraphe "c)" est exclusive de la condition préalable de "ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité commerciale" qui ne constitue en réalité avec le cas visés en "c)" qu'une des exceptions à l'article L. 442-2 prévues par la loi.

La circonstance que la commande des deux lots a pu se produire le même jour, 18/03/2005, ne fait pas obstacle à l'application du paragraphe "c)" précité, dès lors qu'il doit être retenu que le lot de 235 DVD a nécessairement été commandé, avant le lot moins cher de 50 DVD sauf à supposer dans le cas contraire que le prévenu ait délibérément acquis les DVD litigieux à un prix qu'il savait plus élevé, ce qui n'est soutenu par aucune des parties.

Par suite, s'agissant de produits aux caractéristiques identiques, le second lot peut donc être considéré comme un cas de réapprovisionnement nonobstant la situation du stock auquel la loi ne fait pas référence pour caractériser l'infraction, dès lors qu'un premier approvisionnement existe de façon effective à l'époque de ce réapprovisionnement.

Tel est le cas en l'espèce.

En conséquence, les éléments constitutifs de l'infraction ne sont réunis pour retenir le prévenu dans les liens de la prévention.

La décision déférée doit donc être infirmée en ce sens;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire sur le fondement de l'article 411 du Code de procédure pénale, en matière correctionnelle et en dernier ressort. En la forme, Déclare les appels recevables. Au fond, Déclare M. Adam X fondé en son appel; Infirme la décision entreprise; En conséquence, Renvoie, en conséquence, M. Adam X des fins de la poursuite.