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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 23 octobre 2008, n° 07-03378

DOUAI

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monier

Conseillers :

Mme Real del Sarte, M. Duchemin

Avocat :

Me Squillaci

TGI Lille, 8e ch., du 4 mai 2007

4 mai 2007

Par jugement rendu contradictoirement le 4 mai 2007, par le Tribunal correctionnel de Lille, Hassan X a été déclaré coupable;

1) d'avoir à Lille, le 15 septembre et le 30 septembre 2004, et depuis temps non couvert par la prescription, étant gérant de la SARL Y exploitant la boucherie du même nom sise <adresse> à Lille, par quelque moyen que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, étant partie ou non au contrat, trompé ou tenté de tromper les clients du magasin sur les qualités substantielles, la composition, la teneur en principes utiles, l'aptitude à l'emploi et les risques inhérents à l'utilisation de la marchandise, en l'espèce, en proposant à la vente :

- deux morceaux de basse côte entamés, deux morceaux de basse côte entiers, un collier entier, un avant entier, issus de bovins âgés de plus de douze mois avec vertèbres classées "matériel à risques spécifiés" (MRS) avec cette circonstance que les faits ont eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme, en l'espèce en proposant à la vente des viandes préparées en violation des dispositions réglementaires sanitaires relatives à la lutte contre le risque de transmission à l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), cette pratique ayant pour effet de proposer au consommateur des viandes potentiellement contaminées par l'agent infectieux à l'origine de l'ESB alors que, croyant légitimement acheter une viande préparée conformément à la réglementation sanitaire en vigueur, il n'est pas averti des risques qu'il pourrait encourir,

Faits prévus par les articles L. 213-2 1°, L. 213-1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 213-2, L. 213-l, L. 216-2, L. 216-3, L. 216-8 du Code de la consommation,

2) d'avoir à Lille, et tous autres lieux, en tout cas sur le territoire national, le 15 septembre et le 30 septembre 2004, et depuis temps non couvert par la prescription, étant gérant de la SARL Y exploitant la boucherie du même nom, sise <adresse> à Lille, effectué une publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, portant sur les qualités substantielles, le mode de fabrication, les propriétés, en l'espèce en apposant sur la vitre extérieure de l'établissement et sur un mur à l'intérieur du magasin deux publicités faisant état du rite "Halal" alors que cet établissement ne vendait que des viandes ne pouvant prétendre à cette caractéristique,

Faits prévus par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimés par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-l du Code de la consommation,

3) d'avoir à Lille et tous autres lieux, en tout cas sur le territoire national, entre le 1er avril 2003 et le 31 juillet 2004, et depuis temps non couvert par la prescription, étant gérant de la SARL Y, exploitant la boucherie du même nom, sise <adresse> à Lille, étant vendeur de produits, établi une facturation ne comportant pas le nom des parties, leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors TVA des produits ou des services vendus, tous rabais, remises ou ristournes chiffrables, les conditions d'escompte applicables ou le taux des pénalités exigibles, en l'espèce en émettant 100 factures, pour un montant total de 35 181,03 euro à destination des professionnels, notamment restaurateurs, ne mentionnant ni l'identité, ni l'adresse de l'acheteur, ni la date de vente, ni la quantité de marchandises vendues, ni les dénominations de vente précises permettant d'identifier la nature réelle des produits, ni le prix unitaire, ni la date à laquelle doit avoir lieu le règlement,

Faits prévus par les articles L. 441-4 alinéas 1, 2, 3, 4 du Code de commerce et réprimés par les articles L. 441-4, L. 470-2 du Code du commerce.

En répression, il a été condamné à six mois d'emprisonnement ainsi qu'à une amende délictuelle de 1 500 euro.

Le prévenu a interjeté appel du jugement s'agissant des dispositions pénales et civiles le 11 mai 2007. Le Ministère public a formé appel incident le même jour s'agissant des dispositions pénales.

A l'audience devant la cour, Hassan X a comparu assisté de son conseil, Maître Squillaci.

Le Ministère public a requis la confirmation du jugement entrepris.

Il sera statué par arrêt contradictoire.

Les faits :

Selon un procès-verbal établi le 1er février 2005 par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes de Lille, Hassan X, gérant de la SARL Y, avait travaillé et proposé à la vente des viandes bovines avec vertèbres sans y être autorisé, en méconnaissance des dispositions du cahier des charges des bouchers sur le retrait, le tri et l'évacuation des os de la colonne vertébrale des bovins de plus de douze mois, ce qui est constitutif d'une falsification des denrées servant à l'alimentation de l'homme.

Selon le même procès-verbal, la boucherie du prévenu présentait deux publicités "Halal", l'une étant apposée sur la vitrine extérieure. Mais selon les constatations effectuées, si certaines denrées (poulets, saucisson) portaient un étiquetage avec la mention Halal, la majorité des autres denrées mises en vente n'étaient pas emballées et ne comportaient pas d'étiquetage Halal, ce qui est constitutif d'une publicité fausse ou de nature à induire en erreur.

Selon un autre procès-verbal établi le même jour par la même administration, l'examen d'une centaine de factures établies par le prévenu à l'occasion de ventes de viande à des restaurateurs a fait apparaître que les factures n'étaient pas délivrées dès la réalisation de la vente, que l'identité et l'adresse de l'acheteur n'étaient pas indiquées, que les factures comportaient souvent une dénomination imprécise (par exemple "viande"), ne permettant pas d'identifier la quantité vendue en infraction avec les exigences de l'article L. 441-3 du Code du commerce.

Entendu à plusieurs reprises dans le cadre de l'enquête préliminaire, Hassan X a dit reconnaître les infractions de tromperie, falsification, publicité fausse en précisant notamment qu'il vendait de la viande à des professionnels restaurateurs et qu'il établissait lui-même, depuis avril 2004, les factures, celles-ci étant particulièrement imprécises.

A l'audience de la cour d'appel, le prévenu a reconnu la matérialité des faits, invoquant avoir été induit en erreur par son fournisseur ou ses employés.

Son défenseur a fait valoir que les infractions qui avaient été reprochées à Hassan X dataient de 1998 ou des années qui suivirent, époque où il a travaillé dans un domaine, la boucherie, qui n'était pas le sien. Il précise qu'il a arrêté cette activité depuis novembre 2004 et qu'il n'est plus à présent commerçant.

Sur l'action publique :

Il résulte de l'ensemble des constatations (avec saisies) effectuées par l'administration des fraudes que le prévenu, comme d'ailleurs celui-ci l'admet, s'est bien rendu coupable des délits qui lui sont reprochés.

Il convient de souligner qu'en tant que professionnel exerçant depuis plusieurs années, il ne pouvait ignorer les règles obligatoires portant sur la facturation de la vente à des professionnels par sa société.

De la même manière, la présence dans son magasin d'une vertèbre dorsale de bovins stockée avec d'autres déchets démontre l'existence d'une activité de désossage dans son établissement, de sorte qu'il ne pouvait ignorer la présence d'os vertébraux dans les quartiers de viande qu'il détenait, ce qui est soumis à une réglementation obligatoire particulière.

Par ailleurs, alors même que les premières constatations portant sur ces points avaient eu lieu le 15 septembre 2004, le 30 du même mois, il détenait encore, pour se les être fait livrer, d'autres quartiers de viande de bovins de plus de douze mois comportant à nouveau des morceaux de vertèbre. Il ne peut sérieusement contester que la majorité des denrées qu'il détenait, ne comportaient pas d'étiquetage Halal.

Par suite, le jugement entrepris doit être confirmé, s'agissant de la déclaration de culpabilité du prévenu.

S'agissant de la sanction à infliger au prévenu, il apparaît que les faits remontent à présent à plusieurs années, ont été relativement circonscrits et qu'à présent, Hassan X a quitté ce secteur d'activité en sorte que la répression sera plus justement assurée par une peine de jour-amende comme il sera précisé au dispositif qui suit. Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire; Déclare les appels recevables; Confirme le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Lille le 4 mai 2007 s'agissant de la déclaration de culpabilité de Hassan X; Le reforme sur la peine; Et statuant à nouveau : Condamne Hassan X à la peine de 100 jours-amende à raison de 30 euro par jour; Il est rappelé au condamné que le montant global de l'amende sera exigible à l'expiration du délai correspondant au nombre de jours-amende prononcés et que le défaut total ou partiel de paiement de ce montant entraînera son incarcération pour une durée correspondant au nombre de jours-amende impayés (article 131-25 du Code pénal); Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 120 euro dont est redevable le condamné.