CA Paris, 25e ch. B, 17 octobre 2008, n° 06-05736
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Diesel France (SAS)
Défendeur :
Agathe (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Jacomet
Conseillers :
MM. Laurent-Atthalin, Schneider
Avoués :
Me Buret, SCP Goirand
Avocats :
Me Strusi, Veisse
La société Agathe, qui a pour activité la vente de vêtements, a été créée le 8 juillet 2003.
Le 13 mars 2003, elle avait commandé à la société Diesel France un ensemble de vêtements de la saison hiver 2003/2004, pour un montant de 16 630,90 euro.
N'ayant reçu qu'un tiers environ de la commande pour un montant de 5 402,81 euro, la société Agathe a assigné la société Diesel France pour voir juger que celle-ci avait rompu les relations contractuelles établies et la voir condamner à lui verser des dommages-intérêts.
Par jugement du 2 février 2006, le Tribunal de commerce de Paris a condamné la société Diesel France à payer à la société Agathe la somme de 4 491,25 euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice consistant en la perte de la marge sur les vêtements non livrés et 6 400 euro à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, outre 1 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Diesel France a relevé appel. Elle conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir que ses conditions générales de vente stipulaient que les délais de livraison fixés par le vendeur sont tenus dans la mesure du possible mais ne sont pas impératifs et qu'ils pouvaient être prorogés en cas de retard dans les transports ou en cas de perturbation dans les ateliers du vendeur, que les relations commerciales n'étaient pas établies, une seule commande ayant été passée et que la société Agathe n'a pas subi de préjudice.
Elle ajoute que les conditions générales de vente interdisaient à l'acheteur d'utiliser la marque sans autorisation et que la société Agathe avait enfreint cette interdiction de sorte que l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce n'a pas vocation à s'appliquer.
Elle réclame 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société Agathe requiert la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu que la société Diesel France avait commis une faute et, formant appel incident, demande à la cour de condamner la société Diesel France à lui verser 26 253,66 euro à titre de dommages-intérêts et 10 000 euro en réparation de son préjudice moral.
Elle sollicite 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Cela exposé, LA COUR :
Considérant que la société Agathe reconnaît avoir été en relation d'affaires avec la société Diesel France dès avant son immatriculation au registre du commerce;
Que, dans ces conditions, il n'est pas vraisemblable qu'elle n'ait pas eu connaissance des conditions générales de vente de la société Diesel France;
Considérant que, si ces conditions générales ne garantissent pas les délais de livraison et que ceux-ci pouvaient être prorogés en cas de retard dans les transports ou en cas de perturbation dans les ateliers du vendeur, il convient de souligner que la société Diesel France ne justifie ni de retards dans les transports ni de perturbation dans ses ateliers et qu'elle ne fournit aucune justification ni même une explication de l'absence de livraison de plus des deux tiers de la commande de la société Agathe;
Que, dans ces conditions, pour ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, il sera retenu que la société Diesel France a commis une faute en ne livrant pas la société Agathe;
Considérant que cette faute a causé un préjudice certain à la société Agathe en la privant de la marge qu'elle aurait pu dégager sur les vêtements qui ne lui ont pas été livrés;
Que ce préjudice a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 4 491,25 euro;
Considérant que l'absence de livraison des deux tiers de la commande autorisait la société Agathe à prendre acte de la rupture des relations contractuelles et invoquer l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce;
Que, pour résister à cette demande, la société Diesel France fait valoir que la société Agathe aurait fait de la publicité pour sa marque sans avoir reçu son autorisation;
Mais considérant que le simple fait d'avoir inscrit le nom de Diesel parmi les six autres marques de vêtements qu'elle vendait sur des sacs en papier ou sur la carte du magasin ou même d'avoir reproduit cette marque Diesel parmi neuf autres marques dans une publicité publiée par le magazine Femina, alors même que la graphie utilisée pour la marque Diesel dans ce magazine ou sur les sacs et la carte du magasin ne reproduisait pas la graphie officielle de la marque, ne constituait pas une publicité pour la marque Diesel mais seulement une information donnée à la clientèle des marques de vêtements vendus par le magasin, un commerçant étant en droit de faire connaître à sa clientèle les marques qu'il vend, sans pour autant faire de la publicité pour telle ou telle marque;
Considérant que l'absence de relations durables ne peut être opposée pour écarter l'application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce; que la prise d'une commande suffit à caractériser des relations commerciales établies;
Que le fait que la société Agathe a modifié sa stratégie commerciale au profit d'une exclusivité consentie à une marque et a adopté le statut de commerçant franchisé ne peut être utilement opposé par la société Diesel France, cette modification étant intervenue après la rupture des relations contractuelles;
Considérant qu'eu égard à la durée et à l'importance des relations commerciales entre la société Agathe et la société Diesel France, le préjudice dont est fondé à se prévaloir la société Agathe, en application de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce, a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 6 400 euro;
Considérant que la société Agathe ne justifie pas avoir subi un préjudice moral; que sa demande de ce chef sera rejetée;
Que le jugement sera, en conséquence, confirmé;
Considérant que les circonstances de la cause commandent d'allouer 1 500 euro à la société Agathe en application de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement, Condamne la société Diesel France à payer à la société Agathe la somme de 1 500 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile, Rejette toute autre demande, Met les dépens d'appel à la charge de la société Diesel France et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 Code de procédure civile.