CA Lyon, 3e ch. civ. B, 19 avril 2007, n° 06-02201
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Eurovia Bourgogne (SNC)
Défendeur :
Sophora-FIT (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Conseillers :
Mme Devalette, M. Maunier
Avoués :
SCP Junillon-Wicky, SCP Baufumé-Sourbe
Avocats :
Mes Denard, Lefèvre-Duval, Ferret
Suivant reconnaissance de dette en date du 18 décembre 2001, la société France Immobilier Travaux a reconnu devoir à la société Eurovia Bourgogne la somme de 1 256 535,55 F TTC (191 557,60 euro) au titre du solde d'un marché de travaux du 19 mars 2001, et s'est engagée à solder la totalité de la dette en principal avant le 15 juillet 2002.
Par lettre du 23 février 2004 la société Eurovia Bourgogne a mis la société France Immobilier Travaux en demeure de lui régler sous huitaine la somme de 139 762,48 euro représentant le solde de la créance au titre de la reconnaissance de dette compte-tenu d'une part de la facturation ultérieure d'espaces verts d'une part et des acomptes versés d'autre part.
Le paiement des sommes restant dues en principal, d'un montant de 135 002,98 euro, est intervenu le 26 février 2004.
Par exploit du 26 juillet 2003, la société Eurovia Bourgogne a poursuivi devant le Tribunal de grande instance de Montbrison, statuant en matière commerciale, le recouvrement à titre principal de la somme de 46 295,65 euro représentant les intérêts de sa créance pour les années 2001, 2002 et 2003, calculés sur la base du taux majoré de l'article L. 441-6 du Code de commerce, et à titre subsidiaire la somme de 16 724,33 euro correspondant aux intérêts de retard au taux légal.
Par jugement du 15 mars 2006, le tribunal l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société France Immobilier Travaux.
La société Eurovia Bourgogne a interjeté appel par déclaration au greffe le 4 avril 2006.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 19 décembre 2006, et expressément visées par la cour, elle sollicite la réformation de décision du tribunal de grande instance et la condamnation de la société France Immobilier Travaux à lui payer à titre principal la somme de 46 295,65 euro, et à titre subsidiaire la somme de 16 724,33 euro. Elle demande le bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de sa demande principale, elle se prévaut des dispositions de l'article L. 441-6 du Code de commerce, relatives notamment aux conditions de règlement entre partenaires économiques, selon lesquelles les pénalités de retard, calculées sur la base du taux d'intérêt appliqué par la BCE majoré de sept points, sont dues sans qu'un rappel soit nécessaire. Elle soutient que le texte s'applique même sans convention particulière.
A l'appui de sa demande subsidiaire, dont le montant est calculé sur la base du taux légal des intérêts, elle allègue que la reconnaissance de dette du 18 décembre 2001 valait interpellation suffisante du débiteur au sens de l'article 1153 du Code civil.
Par conclusions uniques déposées au greffe le 3 novembre 2006 et expressément visées par la cour, la société Sophora-FIT, venant aux droits de la société France Immobilier Travaux a demandé la confirmation du jugement entrepris et le bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle conteste l'application de l'article L. 441-6 du Code de commerce en l'espèce où le seul document faisant la loi des parties est la reconnaissance de dette du 18 décembre 2001, qui ne prévoit ni pénalités de retard, ni taux d'intérêt.
Concernant la demande subsidiaire, elle rappelle avoir payé la dette à réception de la mise en demeure le 23 février 2004, la société Eurovia Bourgogne ne s'étant pas manifestée auparavant.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 janvier 2007.
Sur ce
En application de l'article L. 441-6, alinéa 3, du Code de commerce:
" Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêts des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture dans les cas où les sommes dues sont réglées après cette date. Sauf disposition contraire ... ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de sept points de pourcentage. Les pénalités de retard sont exigibles sans qu'un rappel soit nécessaire ".
En l'espèce, la société Eurovia ne justifie pas des conditions générales de règlement fixées à ses clients en général, et qui auraient été communiquées à la société France Immobilier Travaux à l'occasion de la signature du marché qui fonde sa créance.
La reconnaissance de dette signée par cette dernière à son profit après l'achèvement des travaux, qui prévoit le règlement de la totalité de la dette en principal avant le 15 juillet 2002, ne rentre pas dans la catégorie des conditions contractuelles de règlement au sens de l'article ci-dessus, qui ne peuvent avoir qu'un caractère général. Elle ne relève donc pas de ces dispositions. De surcroît elle ne prévoit ni intérêts, ni pénalités de retard.
La demande n'est donc pas fondée en ce qu'elle est faite à ce titre.
En application de l'article 1153 du Code civil, alinéa 3, les dommages et intérêts " ne sont dus que du jour de la sommation de payer ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté le cas où la loi les fait courir de plein droit ".
En l'espèce la reconnaissance de dette, qui accordait au débiteur un délai d'une année pour solder sa dette, sans prévoir des intérêts ou des pénalités de retard, ne contenait pas une interpellation suffisante au sens de l'article ci-dessus ; ce qui peut encore s'inférer de l'absence de toute réclamation après le 15 juillet 2002 et jusqu'à la mise en demeure du 23 février 2004.
La société Eurovia Bourgogne est donc également mal fondée en sa demande subsidiaire.
Le jugement entrepris sera intégralement confirmé.
Il sera fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société Sophora-FIT.
Par ces motifs, LA COUR, Déboute la société Eurovia Bourgogne de l'ensemble de ses demandes ; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Condamne la société Eurovia Bourgogne à payer à la société Sophora-FIT la somme de 1 400 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens, qui seront distraits au profit de la SCP Baufumé & Sourbe, avoués, sur son affirmation de droit.