CA Saint-Denis de la Reunion, ch. com., 1 juin 2007, n° 04-01409
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Runcar (SAS), Tropic Auto (SARL), Inter Réunion (SAS), Locamac (SAS), Location au Bas Prix (SARL), SGM Location de Voitures (SARL), Riss Car (SA), Foucque (SA), Camaloc (SARL), Sogerent (SA)
Défendeur :
International Trade Company (SARL), Stop VO (SARL), Lemercier Bonsart Société (SARL), Régis Location (SARL)), Devanne, Wein Location (SARL), Rivière, Tinelli-Tinelli (SARL), Société Touristique Souprayenmestry (SARL), R.R à l'enseigne AMC Location de Voiture (SARL), Prestige (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Sébileau
Conseillers :
Mme Pony, M. Lamarche
Avocats :
SCP Canale Gauthier Antelme, Selarl Hoarau Girard, Mes Jebane, Sandrin, Fourmiller, Antoine, Ferdinand
Par arrêté interministériel du 17 décembre 1971, reconduit par arrêté ministériel du 30 octobre 2002, l'Etat a donné en concession à la Chambre de commerce et d'industrie de La Réunion, la construction, l'entretien et l'exploitation de l'aérodrome de Saint-Denis (Culot).
La CCIR a conclu des conventions d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public aéroportuaire avec dix entreprises de location de véhicules, en contrepartie du paiement d'une redevance domaniale.
Certaines entreprises livrent également des véhicules de location, sans pour autant payer une redevance et disposer de locaux attribués par la CCI.
Par acte des 15 et 17 avril 2003, les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent, entreprises de location de voiture, autorisées à exercer l'activité de location de voiture dans l'enceinte aéroportuaire de Gillot et bénéficiant de locaux à l'intérieur de l'aéroport en vue de l'exercice de leur profession, assignaient la SNC ITC Tropicar, la SARL Stop VO, la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), la SARL Régis Location, Marie Jeanne Alpou épouse Devanne à l'enseigne "Euro Location", la SARL Wein Location, Sylvaine Marie Rivière à l'enseigne "Bourbon Location", la SARL Tinelli-Tinelli exerçant sous le nom commercial "Ti'Loc Location", le SARL société Touristique Souprayenmestry (STS), la SNC Bourbon Location, la SARL RR à l'enseigne "AMC Location de Voiture" et la SARL Prestige, devant le Tribunal mixte de Saint-Denis, pour obtenir paiement par chaque défendeur de la somme principale de 451 661,66 euro, pour concurrence déloyale.
Par jugement réputé contradictoire du 30 juin 2004, et assorti de l'exécution provisoire, cette dernière juridiction :
- Donnait acte aux demanderesses de leur désistement d'instance à l'égard de la société SNC Location
- Déboutait la SAS Runcar, la SARL Tropic Auto, la SAS Inter Réunion, la SAS Locamac, la SARL Location au Bas Prix, la SARL SGM Location de Voiture, la SA Riss Car, la SA Foucque, la SA Camaloc et la SA Sogerent de leurs demandes ;
- Condamnait in solidum la SAS Runcar, la SARL Tropic Auto, la SAS Réunion, la SAS Locamac, la SARL Location au Bas Pris, la SARL SGM Location de voiture, la SA Riss Car, la SA Foucque, la SARL Camaloc et la SA Sogerent à payer à la SNC Location la somme de 1 000 euro à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts à taux légal.
- Condamnait in solidum les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et Sogerent à payer à la SNC ITC Tropicar, la SARL Stop VO, la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), la SARL Régis Location, Marie Joanne Alpou épouse Devanne à l'enseigne Euro Location, la SARL Wein Location, Sylvaine Marie Rivière à l'enseigne " Bourbon Location ", la SARL Tinelli-Tinelli exerçant sous le nom commercial Ti'Loc Location la SARL société Touristique Souprayenmestry (STS), la SNC Bourbon Location, la SARL RR à l'enseigne " AMC Location de Voiture et à la SARL Prestige, chacune la somme de 1 500 euro, par application de l'article 700 ;
- Condamnait in solidum les sociétés la SAS Runcar, la SARL Tropic Auto, la SAS Inter Réunion, la SAS Locamac, la SARL Location au Bas Prix, la SARL SGM Location de Voiture, la SA Riss Car, la SA Foucque, la SARL Camaloc et la SA Sogerent aux entiers dépens.
Appel de cette décision était interjeté par acte déposé au greffe de la cour, le 1er septembre 2004, par la SAS Runcar, la SARL Tropic Auto, la SAS Inter Réunion, la SAS Locamac, la SARL Location au Bas Prix, la SARL SGM Location de Voiture, la SA Riss Car, la SA Foucque, la SARL Camaloc et le SA Sogerent à l'encontre de la SNC ITC Tropicar, la SARL Stop VO, la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), la SARL Régis Location, Marie Jeanne Alpou épouse Devanne à l'enseigne " Euro Location ", la SARL Wein Location, Sylvaine Marie Rivière à l'enseigne " Bourbon Location " la SARL Tinelli-Tinelli exerçant sous le nom commercial "Ti'Loc Location", la SARL société Touristique Souprayenmestry (STS), la SNC Bourbon Location, la SARL RR à l'enseigne " AMC Location de Voiture " et la SARL Prestige.
Appel de cette même décision était interjeté par acte déposé au greffe le 13 mars 2006 par la SAS Runcar, la SARL Tropic Auto, la SAS Inter Réunion, la SAS Locamac, la SARL Location au Bas Prix, la SARL SGM Location de Voiture, la SA Riss Car, la SA Foucque, la SARL Camaloc et la SA Sogerent, à l'encontre de la SARL International Trade Compagny.
Par ordonnance du 18 septembre 2008 était ordonnée la jonction des deux instances.
Moyens et prétentions
Par dernières conclusions régulièrement notifiées le 14 décembre 2004 à la SNC ITC Tropicar, la SARL Stop VO, la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), la SARL Wein Location, Sylvaine Marie Rivière à l'enseigne " Bourbon Location " la SARL Tinelli-Tinelli exerçant sous le nom commercial " Ti'Loc Location ", et à la SARL société Touristique Souprayenmestry (STS), signifiées le 22 décembre 2004 à la SARL Régis Location, la société Prestige SARL, Jeanne Alou épouse Devanne à l'enseigne Euro Location et à AMC Location de Voiture, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la SAS Runcar, la SARL TROPICAUTO, la SAS Inter Réunion, la SAS Locamac, la SARL Location au Bas Prix, la SARL SGM Location de Voiture, la SA Riss Car, la SA Foucque, la SARL Camaloc et la SA Sogerent, appelantes demandent :
- L'infirmation du jugement entrepris,
- Qu'il soit ordonné aux parties adverses de cesser toute activité ayant pour objet l'exercice d'une activité de location de véhicules dans le périmètre de l'aéroport de Gillot,
- Qu'il soit dit qu'à défaut, la société contrevenante y sera contrainte sous astreinte provisoire de 6 000 euro par infraction constatée,
- À voir fixer le préjudice subi par elles à la somme de 5 419 940 euro,
- Que chacune des parties adverses soient condamnées à leur verser la somme de 492 721,81 euro (soit 5 419 940 : 11),
- Que les parties adverses soient condamnées à leurs verser la somme de 14 000 euro, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de leurs prétentions, les appelantes font valoir, an substance, sur le fondement de l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995, portant interdiction d'exercice de toutes formes d'activités commerciales à l'intérieur de l'aérodrome, sans autorisation spéciale délivrée par son gestionnaire, qu'elles sont soumises à certaines contraintes financières et comptables et des exigences d'exploitation, reposant sur la contrepartie d'exercer leur activité de location sur le site, alors que d'autres entreprises se permettent, sans autorisation préalable, en s'exonérant de toutes charges et obligations, de se livrer à la même activité, les appelantes prétendent ainsi être victimes d'une concurrence déloyale leur causant préjudice.
Elles avancent que la légalité de l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995 n'a jamais été contestée.
Elles affirment qu'aux termes des articles 1741 et 1762 du Code civil, l'exécution du contrat de location comprend l'obligation de remettre le bien loué et celle de le restituer et qu'il est donc incontestable que les intimés s'affranchissent de l'arrêté préfectoral, nonobstant la conclusion des contrats dans l'enceinte aéroportuaire, en faisant délivrance et an restituant les véhicules loués au sein de cette même enceinte.
Elles avancent, on ce sens, un arrêt du 9 mars 2001, rendu par la chambre civile de la Cour d'appel de Saint-Denis, ordonnant à des sociétés de locations de véhicules de cesser toute activité commerciale en établissant des contrats de location, en livrant à leurs clients des véhicules et en les reprenant dans le périmètre de l'aéroport.
Elles précisent qu'il ne s'agit pas, pour elles, d'interdire le site hors motif privé, dès lors que l'activité n'aurait pas reçu agrément de la CCIR, ce qui interdirait à tout voyagiste, hôtelier qui exercent une activité commerciale de venir accueillir leurs propres clients, mais uniquement l'activité de location de véhicules.
Elles rapportent des attestations et des documents publicitaires, aux termes desquelles les intimées se livreraient à l'activité considérée, pour avancer que leur responsabilité est engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil, qu'elles aient commis une ou plusieurs fautes.
En se basant sur une étude établie en 2002 par la CCI, elles concluent que la place du marché de location de voitures prise par les loueurs non agréés s'élève à 15 %. En rapportant cette quotité au chiffre d'affaires réalisé par l'ensemble des loueurs agréés, les appelantes soutiennent que les bénéfices détournés s'élèvent à 5 419 940 euro HT.
Elles prétendent avoir droit à réparation de ce préjudice tant matériel, que moral qu'elles subissent du fait de cette concurrence déloyale.
En réponse, par dernières conclusions régulièrement notifiées le 20 avril 2006 aux sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc, SA Sogerent, SNC ITC Tropicar, SARL Stop VO, SARL Lemercier Bonsart société (IBS), SARL Régis Location, SARL Tinelli-Tinelli, SARL Touristique Souprayenmestry (STS Location), Sylvaine Marie Rivière exerçant à l'enseigne Bourbon Location, et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Wein Autos, intimée, demande la confirmation du jugement entrepris, qu'il soit jugé qu'elle n'exerce aucun acte de concurrence déloyale dans l'enceinte de l'aéroport de Gillot, que les appelantes ne rapportent pas la preuve de leur préjudice et qu'elles soient déboutées de leurs demandes et condamnées in solidum à lui verser la somme de 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Wein Autos fait valoir, en substance, que les dix sociétés de location de véhicules sans chauffeur qui bénéficient d'une autorisation de la Chambre de commerce et d'industrie de la Réunion, donnent une interprétation illicite à l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995. La demande sur le marché de location de véhicules à la Réunion émane principalement de personnes étrangères à ce département et donc essentiellement des usagers de l'aéroport, qui en est la seule voie d'accès. En empêchant les autres loueurs de véhicules d'accéder à l'aéroport, cette interprétation viserait à les évincer de ce marché.
Elle avance qu'une position dominante n'est pas interdite per se, mais que la pratique tendant à consacrer une exclusivité du marché de la location de voitures constitue un abus prohibé par l'article 8 de l'ordonnance de 1986 et aboutit à anéantir la concurrence.
Elle rapporte en ce sens avoir introduit un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la CCIR devant la juridiction administrative qui, par jugement du 16 novembre 2005, a annulé la décision implicite de cette dernière en tant qu'elle refusait d'installer une signalétique permettant d'informer les passagers sur les emplacements des navettes de loueurs de véhicules dont l'entreprise est située à l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire.
Elle soutient qu'elle n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale, car d'une part, elle n'a pas commis de faute, mais exercé le nécessaire prolongement de son activité commerciale qui ne trouve pas son origine sur le site. Elle affirme que les différents constats d'huissier établis en ce sens ne rapportent pas la preuve qu'elle exerçait son activité commerciale dans l'enceinte aéroportuaire, ses véhicules loués étant mis à disposition de ses clients ou restitués par ces derniers au lieu de son siège social.
Elle soutient, d'autre part, que le préjudice subi par les appelantes n'est pas établi. La condamner à rembourser à celles-ci leurs pertes de bénéfices reviendrait à consacrer l'existence d'une faute collective, et à l'amener à répondre du fait d'autrui au motif qu'elle exerce la même activité, et à lui faire supporter un préjudice qu'elle n'a pas causé.
Elle soutient encore, que le lien de causalité n'est pas établi, et peut résulter d'autres causes, comme la baisse de la fréquentation touristique de l'île pour diverses raisons.
En réponse, par dernières conclusions régulièrement notifiées le 1er février aux sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc, SA Sogerent, et à la SARL Internationale Trade Compagny (ITC), à la SARL Stop VO, à la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), à la SARL société de Tourisme Souprayenmestry, à la SARL Wein Location, et notifiées le 13 février suivant à Sylvaine Marie Rivière exerçant sous l'enseigne " Bourbon Location ", et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la société Tinelli-Tinelli, à l'enseigne "Ti'Loc Location" intimée, demande que les appelantes soient déboutées de leurs demandes et la confirmation du jugement entrepris, outre la condamnation de ces dernières à lui verser 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Tinelli-Tinelli fait valoir, on substance, que la CCIR lui a interdit l'accès à la zone aéroportuaire de Gillot, empêchant ainsi sa clientèle de prendre possession des véhicules loués dès son arrivée et de les restituer à son départ et que par jugement an date du 8 juin 2004, assorti de l'exécution provisoire, le Tribunal de grande instance de Saint-Denis, considérant qu'il s'agissait là d'une pratique anticoncurrentielle, a ordonné à la CCIR d'y mettre fin. De fait, elle avance que les appelantes ne sauraient se prévaloir d'actes de concurrence déloyale de la part des loueurs non-agréés.
La société Tinelli-Tinelli fait valoir la spécificité de l'aéroport de Gillot, eu égard à la part réduite des moyens maritimes dans le transport de personnes, interdisant un marché de substitution et favorisant les situations monopolistiques.
Elle avance que l'arrêté du 28 juillet 1995, dont se réclament les appelantes, ne peut avoir pour objet ou pour effet d'interdire les prestations de services qui auraient été conclues an dehors du fonds servant d'assiette au domaine public et qui ne s'y rattacheraient que par une simple opération matérielle de livraison.
Elle soutient que tel est le cas en l'espèce car les loueurs non agréés ne recherchent pas leur clientèle dans l'aérogare, où ils ne disposent d'aucun guichet, d'aucun parking ni d'aucun des avantages conférés aux loueurs agréés installés dans l'aérogare. S'agissant de ses propres clients, elle soutient qu'ils se sont tous engagés grâce aux moyens de réservation à distance. En ce qui la concerne, l'interdiction de l'accès à l'aéroport, aboutit à la priver des facilités essentielles dans l'exercice de son activité, qui conditionne la viabilité de son entreprise.
Pour elle, l'arrêté ne doit ainsi n'avoir que pour objet de soumettre à autorisation préalable toute entreprise désireuse d'exploiter un fonds de commerce ou une succursale à l'intérieur des locaux gérés par la CCIR, et de toutes les facilités permettant l'exercice de cette activité, et pour lesquelles ils acquittent une redevance, car le contraire reviendrait à soumettre tout commerçant ou usager à une autorisation préalable.
Elle soutient que la défense faite aux loueurs non agréés est exclusive de toute référence à la police domaniale et n'est justifiée que par la volonté de favoriser l'activité des loueurs agréés, dont la CCIR tire profit.
Elle rapporte, enfin, que le préjudice dont se prévalent les loueurs agréés n'est pas établi, certains ayant vu une augmentation de leur chiffre d'affaires.
En réponse, par dernières conclusions régulièrement notifiées à la SARL Internationale Trade Compagny (ITC), la SARL Stop VO, la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), la SARL Régis Location, à la SARL Wein Location, le 2 avril 2005, et notifiées aux sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc, SA Sogerent et à la SARL Tinelli-Tinelli, le 5 mai suivant, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la SARL société Touristique Souprayenmestry (STS), intimée, demande la confirmation du jugement entrepris, qu'il soit constaté que ses activités ne constituent pas de concurrence déloyale, que les appelantes soient solidairement condamnées à lui verser la somme de 5 000 euro pour procédure abusive, 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la STS fait valoir, en substance, qu'elle n'exerce pas son activité sur le site de la CCIR, mais que l'acte de commerce est préalable à la venue de ses clients sur le site de l'aéroport, comme celle des hôteliers et autres intervenants du tourisme qui y viennent chercher leurs clients.
Elle prétend que les appelantes dénaturent l'arrêté préfectoral qui n'a jamais eu la prétention d'interdire purement et simplement toute activité dans l'enceinte aéroportuaire.
Elle avance que la chambre de commerce n'a jamais établi de contravention limitant ou interdisant son activité sur le fondement de l'arrêté préfectoral ou de l'article R. 610-5 du Code pénal et qu'elle et qu'elle délivre en toute connaissance de cause des cartes d'abonnement aux loueurs non agréés sur le parking public, activité qui ne trouble en rien celle des loueurs agréés qui disposent, quant à eux, de parkings distincts et propres.
Elle soutient que les conditions nécessaires à une concurrence déloyale ne sont pas remplies en l'absence d'agissements déloyaux, de préjudice et de lien de causalité.
Elle soulève que la CCIR est en situation de monopole et qu'elle abuse de sa position dominante en imposant des conditions d'octroi pour l'attribution de concessions que les petits loueurs ne peuvent satisfaire, et qui se trouvent ainsi évincés.
En réponse, par dernières conclusions régulièrement notifiées le 11 décembre 2006 aux sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent, à la SARL International Trade Compagny (ITC), à la SARL Stop VO, à la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), à la SARL Wein Location, à la Sylvaine Marie Rivière travaillant sous l'enseigne " Bourbon Location ", et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la SARL Régis Location, intimée, demande qu'il soit jugé que les appelantes ne justifient nullement de l'existence d'une concurrence déloyale, et qu'elles soient condamnées solidairement à payer à la SARL Régis Location, la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la SARL Régis avance qu'aucune faute n'a été relevée à son encontre et qu'elle exerce normalement son activité de location.
Elle affirme n'avoir exercé aucune activité commerciale dans l'enceinte de l'aéroport. Elle ne recherche pas sa clientèle dans l'aérogare où elle ne dispose d'aucun guichet et d'aucun parking, et n'a jamais profité des avantages réservés aux loueurs agréés.
En réponse, par dernières conclusions régulièrement notifiées aux SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent, à la SARL Régis Location, à la SARL Tinelli-Tinelli exerçant sous le nom commercial, " Ti'Loc Location " la SARL société Touristique Souprayenmestry (STS), Sylvaine Rivière à l'enseigne" Bourbon Location ", la SARL Wein Location, le 29 avril 2005, et auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, la SARL Internationale Trade Compagny (ITC), la SARL Stop VO et la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), intimées, demandent in limine litis qu'il soit constaté que la SNC ITC Tropicar est parfaitement étrangère à ce litige et que les actions formées par les appelantes sont irrecevables.
Sur le fond, que les appelantes ne justifient nullement que les sociétés ITC Tropicar, LBS et Stop VO auraient commis un quelconque acte de concurrence déloyal et qu'elles soient condamnées solidairement à payer respectivement à ces dernières la somme de 3 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SNC ITC Tropicar fait valoir, en substance, qu'elle n'est pas concernée par le présent litige, car elle est une entreprise de défiscalisation qui n'exerce pas d'activité de location de véhicules aux particuliers. De fait, les appelantes sont dépourvues de tout intérêt à agir à son encontre.
Ces trois sociétés intimées soutiennent qu'elles n'ont pratiqué aucun acte de concurrence déloyale. Ainsi la lecture des procès-verbaux démontre qu'elles ne remettent pas de véhicule loué à leurs clients, et ne viennent pas en rechercher sur la zone aéroportuaire. Le seul fait qu'elles viennent réceptionner leurs clients à l'aérogare, pour les amener ensuite signer les contrats commerciaux dans leurs propres locaux, ne peut constituer une infraction.
De même, une éventuelle rédaction maladroite d'un document publicitaire ne démontre pas l'existence d'une pratique commerciale déloyale.
S'agissant particulièrement de la société Stop VO, les appelantes ne sauraient invoquer l'unique contravention an date du 9 mars 2001 qui a déjà été sanctionnée, aucune infraction n'ayant été constatée depuis.
Elles soutiennent, en outre, que le principe de la libre concurrence ne peut être limité que si se mise en œuvre est commandée par des moyens contraires aux usages et à l'honnêteté.
Sylvaine Marie Rivière à l'enseigne " Bourbon Location ", régulièrement constituée par acte reçu au greffe de la cour le 20 septembre 2005 n'a pas déposée de conclusions.
La SARL Prestige et la SARL RR à l'enseigne AMC Location de Voiture régulièrement assignée à personne par actes qui leur ont été délivrées le 22 septembre 2004 ne se sont pas constituées.
Marie Jeanne Alpou épouse Devanne à l'enseigne Euro Location, régulièrement assignée par acte délivrée à personne présente à domicile, ne s'est pas constituée.
Motifs :
Marie jeanne Alpou épouse Devanne à l'enseigne Euro Location, régulièrement assignée par acte qui lui a été délivrée en personne présente à domicile, ne s'est pas constituée aux termes de l'article 474 du nouveau Code de procédure civile, il y a lieu de statuer par défaut.
In limine :
La SNC ITC Tropicar entreprise de défiscalisation dont l'activité qui n'est pas contestée par les appelantes, consiste, aux vues des extraits du registre du commerce et des sociétés en date du 28 avril 2005, en l'acquisition en vue de la location de biens meubles et immeubles équipés ou meublés, de véhicules et de matériel divers, n'exerce pas d'activité de location de véhicules aux particuliers. De fait, les appelantes sont dépourvues de tout intérêt à agir à son encontre et il y a lieu de la mettre hors de cause.
Au fond :
La concurrence déloyale résulte d'une faute consistant soit en la violation des dispositions légales ou réglementaires, soit en l'usage de procédés déloyaux.
1) Sur l'application de l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995 :
Il n'appartient pas au juge judiciaire de se prononcer sur la légalité d'un acte réglementaire. Toutefois, tout acte réglementaire s'inscrit dans une hiérarchie normative qui impose de donner la prévalence aux normes supérieures.
A ce titre, le principe de la liberté d'entreprendre, qui s'est vu consacrée valeur de règle constitutionnelle, ne saurait être préservé si des restrictions arbitraires et abusives y étaient apportées et s'il était restreint au point de méconnaître les dispositions de l'article 4 de la déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen de 1789. Aussi, appartient-il au juge judiciaire d'interpréter les limitations réglementaires organisant l'activité commerciale à l'aune de cette liberté fondamentale.
En conséquence, l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995, organisant la gestion et l'occupation du domaine public de l'aéroport de Gillot doit être interprété dans le sens où son application n'entrave en rien le principe de la liberté de commerce et de l'industrie, ce qui serait le cas d'une interdiction générale et absolue des activités commerciales autres que sont soumises à autorisation. Aussi, cet article doit-il être compris dans le sens où son objet est de réglementer l'installation de toute activité commerciale à l'exploitation d'un fonds de commerce dans cette enceinte, mais non pas de prohiber de manière générale les activités nécessaires, dans les espaces accessibles au public, à la liberté du commerce des commerçants de la place.
S'il en était autrement, la défense faite aux loueurs non agréés d'accéder à ce site, pour y exercer le nécessaire prolongement de leur activité commerciale, serait exclusive de toute référence à la police domaniale et sa justification serait alors à rechercher dans la volonté de favoriser l'activité des loueurs agréés, dont la chambre de commerce tire profit par la perception de redevances calculées sur un pourcentage du chiffre d'affaires des sociétés ayant bénéficié de son agrément.
En conséquence, l'article 33 de l'arrêté préfectoral du 28 juillet 1995 a nécessairement pour objet exclusif de soumettre à autorisation préalable toute entreprise désireuse d'exploiter un fonds de commerce ou une succursale à l'intérieur des locaux gérés par la CCI et de disposer de toutes les facilités permettant l'exercice de cette activité, en contrepartie de quoi elle a choisi librement d'acquitter une redevance.
De fait, les appelantes ne sauraient s'appuyer sur cette norme pour prétendre qu'il existerait des actes de concurrence déloyale commis par les entreprises concurrentes exerçant la même activité sur la place, exploitant un fonds de commerce ou une succursale à l'extérieur des locaux gérés par la CCIR, qui refuseraient de se soumettre à un agrément préalable.
Surabondamment, il est établi, au regard de différentes enquêtes rapportées parles appelantes, que les entreprises agréées bénéficient d'une situation leur permettant de se répartir déjà 85 % de la clientèle aéroportuaire sur le marché de la location des véhicules sans chauffeur.
L'attractivité qu'exerce l'aéroport sur la clientèle, essentiellement touristique, de la location de voiture sur l'île de La Réunion, la voie maritime n'étant qu'une voie d'accès très résiduelle, réduit à la portion congrue la part de ce marché à laquelle demeurent accessibles les opérateurs non-détenteurs d'une autorisation de la CCIR. Interdire à ces derniers de procéder à la livraison et à la réception de véhicules loués sur le parc de stationnement de l'aéroport aboutirait à les évincer totalement du marché et à créer un monopole d'exploitation dont la clientèle captive de l'aéroport ne saurait s'extraire. Or, le principe de la libre concurrence impose également de sauvegarder la liberté de choix du client.
2) Sur les actes de concurrence déloyale :
Il ne pourrait y avoir comportement fautif que si les sociétés non agréées bénéficiaient des mêmes facilités que celles dont disposent les sociétés agréées par la CCIR, tout en s'exonérant de respecter les différentes obligations et charges auxquelles sont soumises ces dernières. Or, s'il est incontestable que les sociétés non agréées ne s'acquittent d'aucune redevance auprès de la CCIR, il est également établi qu'elles n'exercent pas leur activité dans des conditions analogues à celles qui le sont.
Ainsi, les entreprises agréées bénéficient, en contrepartie du paiement d'une redevance et des obligations qui leur sont imposées, d'une occupation temporaire du domaine public aéroportuaire leur permettant de disposer d'une représentation commerciale, d'un guichet, de parkings fermés qui leur sont réservés, facilités et avantages leur permettant de capter 85 % de la clientèle aéroportuaire désireuse de louer un véhicule sans chauffeur.
En revanche, les loueurs non agréés, dont le siège de leur entreprise se situe à l'extérieur de l'enceinte aéroportuaire, ne recherchent pas leur clientèle dans l'aérogare, où ils ne disposent d'aucun guichet, d'aucune enseigne et d'aucun parking privé réserve, ni d'aucun des avantages conférés aux loueurs agréés installés dans l'aérogare.
Aussi, le simple fait pour elles d'accéder au domaine public aéroportuaire pour faire délivrance des véhicules loués à leurs clients et pour réceptionner ces véhicules à l'issue de la location, nonobstant la formalisation par écrit, au sein de cette enceinte ou à l'extérieur de celle-ci, de la rencontre des volontés des différentes parties au contrat de location, acte éminemment consensuel, reste le prolongement d'une activité commerciale licite ne pouvant se voir attribuer la qualification d'acte de concurrence déloyale.
Aussi, convient-il de considérer qu'aucun acte de concurrence déloyale n'est ici rapporté, et, en conséquence, de débouter les appelantes de leurs demandes.
Par ailleurs, l'usage d'une voie de droit n'étant pas constitutive par elle-même d'un abus, aucun abus n'étant par ailleurs rapporté, il y a lieu de rejeter la demande en condamnation en ce sens formulée par les intimées.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Il y a lieu, au regard de l'équité, de condamner in solidum les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SAS Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent à payer à la SNC ITC Tropicar, la SARL Stop VO, la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), la SARL Wein Location et la SARL Tinelli-Tinelli exerçant sous le nom commercial de "Ti'Loc Location" chacune la somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il y a lieu, au regard de l'équité, de condamner in solidum les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SAS Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent à payer à la SARL société Touristique Souprayenmestry (STS) et à la SARL Régis Location la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il y a lieu de faire supporter solidairement aux appelantes la charge des entiers dépens.
Par ces motifs : LA COUR, statuant par arrêt rendu par défaut à l'égard de Mme Alpou épouse Devanne, en audience publique, en matière commerciale et en dernier ressort : - Dit hors la cause la SNC ITC Tropicar, - En la forme, déclare recevables les appels interjetés le 1er septembre 2004 et le 13 mars 2006 contre le jugement rendu le 30 juin 2004par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis ; - Sur le fond, les déclare infondés : - Confirme ledit jugement ; - Déboute les sociétés la SARL ITC, la SARL Stop VO et la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ; - Déboute les parties de leurs demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires ; Condamne in solidum les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SAS Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent à payer à la SNC ITC Tropicar, la SARL Stop VO, la SARL Lemercier Bonsart société (LBS), la SARL Wein Location et la SARL Tinelli-Tinelli exerçant sous le nom commercial de "Ti'Loc Location" chacune la somme de 2 500 euro et à la SARL société Touristique Souprayenmestry (STS) et à la SARL Régis Location la somme de 1 500 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. - Condamne in solidum les sociétés SAS Runcar, SARL Tropic Auto, SAS Inter Réunion, SAS Locamac, SARL Location au Bas Prix, SARL SGM Location de Voiture, SA Riss Car, SA Foucque, SARL Camaloc et SA Sogerent à supporter la charge des entiers dépens.