Cass. crim., 11 décembre 2007, n° 07-82.903
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Farge (faisant fonction)
Avocat général :
M. Boccon-Gibod
Conseiller :
Mme Guihal
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par X Thomas, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 7 mars 2007, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à neuf mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 du Code de la consommation, 121-1, 121-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Thomas X coupable du chef de publicité de nature à induire en erreur et l'a en conséquence condamné à une peine de 9 mois d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à indemniser les parties civiles ;
"aux motifs que c'est à bon droit que le tribunal a retenu que la publicité sur le délai de livraison annoncé sur le site Internet de la société Y portait sur les conditions de vente des produits et que ce délai était donné comme " extrêmement rapide, entre deux et dix jours " ; qu'au même titre que le prix très attractif, cette publicité indiquant la brièveté de ces délais était bien adressée au public dans le but de stimuler les décisions d'achat sur ce site de commerce électronique et d'engager l'internaute à contracter avec un professionnel supposé être particulièrement efficace, alors que les structures et l'organisation de la société que Thomas X a maintenues inchangées malgré les plaintes antérieures à sa nomination en tant que dirigeant, le plaçait dans l'impossibilité de respecter ses engagements ; qu'en réalité, l'indication des délais s'est révélée fausse pour 485 clients ayant passé commande, sur une période de six mois ; que le prévenu prétend vainement que la durée du délai de livraison avait un caractère indicatif et non mensonger ; que le délit de publicité mensongère étant un délit instantané, comme le reconnaît par ailleurs Thomas X, une rectification postérieure effectuée dans un courrier électronique de confirmation de commande est inopérante pour écarter l'incrimination ; qu'il en est de même pour le renvoi aux conditions générales de vente invoqué par le prévenu ; que si l'article 10 sur la " livraison " mentionne que le délai indiqué pour chaque produit est indicatif, ce même article précise auparavant qu' " un délai de livraison est indiqué pour chaque produit dans le catalogue électronique ", puis ajoute que pour les produits peu importants, en principe, le délai est de quatre jours ouvrables à compter de l'acceptation de l'offre par l'acheteur et " au plus tard dans les trente jours ", alors qu'il résulte du contrôle effectué par la DGCCFR en janvier 2003, à partir d'un échantillon de 21 plaintes, que non seulement le matériel payé par carte bancaire n'était pas livré plus d'un mois après la commande, mais encore, que les articles payés par les clients et non livrés étaient néanmoins, dans le même temps, proposés à la vente sur les sites Y ou Z (celui-ci renvoyant au premier) avec des délais de disponibilités indiqués de 15 jours, au maximum ; qu'en tant que gérant, pénalement responsable de la société Y, il s'est engagé à plusieurs reprises à régler l'intégralité du contentieux, sans pour autant y parvenir ; qu'il a montré, dans sa déclaration sur les problèmes de délais, notamment en ce qui concerne les " produits phares ", sa parfaite connaissance de son impossibilité à tenir les délais pourtant annoncés aux clients, alors que ces délais étaient déterminants pour ces derniers ; qu'il convient en connaissance de confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité ;
"et aux motifs adoptés que les déclarations de Thomas X à propos des problèmes de délais, notamment en ce qui concerne les " produits phares " illustrent parfaitement sa parfaite connaissance des difficultés de tenir ces délais pourtant annoncés aux clients et déterminants pour ces derniers ; qu'il lui appartenait de modifier les délais indiqués afin de tenir compte des difficultés de certains produits et ainsi permettre aux clients de posséder l'information exacte à ce sujet et non une information que le prévenu connaissait pour fausse ;
"1°) alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur étant instantané, il est réalisé par le premier acte de publication ; qu'ainsi, lorsque la publicité est diffusée sur le réseau Internet, ce délit est constitué à la date à laquelle le message publicitaire a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs ; qu'en déclarant Thomas X coupable en sa qualité de dirigeant, pénalement responsable de la société Y, l'annonceur personne morale, sans rechercher si le prévenu exerçait de telles fonctions à la date à laquelle le message publicitaire prétendument mensonger avait été mis en ligne, pour la première fois, sur le réseau Internet, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
"2°) alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur étant constitué à la première diffusion, la publication d'informations rétablissant la réalité est sans effet sur l'existence de cette infraction ; que la cour qui, pour déclarer Thomas X coupable de ce chef, a reproché à ce dernier de ne pas avoir modifié les délais indiqués dans le message incriminé afin de tenir compte des difficultés d'approvisionnement de certains produits et de permettre aux clients de posséder une information exacte, n'a pas caractérisé le délit de publicité de nature à induire en erreur" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Y, créée en 1999, commercialisait des produits de grande consommation par Internet ; que les messages publicitaires diffusés sur ce support insistaient sur la brièveté des délais de livraison, compris entre deux et dix jours ; que de nombreuses plaintes de clients qui n'avaient pas été livrés dans le délai annoncé ont été reçues par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ; qu'à la suite du placement de la société Y en redressement, puis en liquidation judiciaire, par deux jugements des 13 mai et 10 juin 2003, Thomas X, qui était devenu président du conseil d'administration le 21 octobre 2002, a été poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur et déclaré coupable de ce délit ;
Attendu que, pour condamner le prévenu de ce chef, l'arrêt retient qu'il résulte de l'enquête réalisée par la DGCCRF en janvier 2003, à partir d'un échantillon de vingt et une plaintes, que non seulement le matériel payé par carte bancaire n'était pas livré plus d'un mois après la commande, mais encore, que les articles payés par les clients et non livrés étaient néanmoins, dans le même temps, proposés à la vente sur les sites Y ou Z, celui-ci renvoyant au premier, avec des délais de disponibilité indiqués de quinze jours au maximum ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il se déduit que des informations trompeuses ont été diffusées postérieurement à la date à laquelle Thomas X est devenu président du conseil d'administration de la société Y, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6 du Code de la consommation, 121-1, 121-2 du Code pénal, L. 621-46 du Code de commerce, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré Thomas X coupable du chef de publicité de nature à induire en erreur et l'a en conséquence condamné à indemniser les parties civiles ;
"aux motifs que le délit de publicité mensongère étant un délit instantané, comme le reconnaît par ailleurs Thomas X, une rectification postérieure effectuée dans un courrier électronique de confirmation de commande est inopérante pour écarter l'incrimination ; qu'il en est de même pour le renvoi aux conditions générales de vente invoqué par le prévenu ; que si l'article 10 sur la " livraison " mentionne que le délai indiqué pour chaque produit est indicatif, ce même article précise auparavant qu' " un délai de livraison est indiqué pour chaque produit dans le catalogue électronique ", puis ajoute que pour les produits peu importants, en principe, le délai est de quatre jours ouvrables à compter de l'acceptation de l'offre par l'acheteur et " au plus tard dans les trente jours " ;
"au motifs qu'en contractant avec la société Y qui les a trompées par une publicité mensongère sur les délais, les parties civiles ont subi un préjudice personnel découlant directement de l'infraction commise par Thomas X qui est tenu de le réparer ; qu'eu égard à la recevabilité des parties civiles, peu importe que leurs créances aient été ou non déclarées au passif de la société, dans la mesure où ce n'est pas le prévenu lui-même, mais la société, qui a fait l'objet d'une procédure collective ;
"et aux motifs adoptés que de nombreuses personnes se constituent parties civiles au cours de l'enquête, de l'audience, personnellement ou par avocat, et par lettre ; que d'une manière générale et sur la base des documents produits, elles se verront allouer à titre de dommages et intérêts la valeur des matériels payés et non livrés ainsi que la valeur des matériels livrés mais non conformes à la commande, outre si cela est demandé une somme couvrant les frais exposés en raison des démarches écrites ou téléphoniques effectuées auprès de la société ; que le tribunal allouera également, quand cela sera demandé, une somme au titre du préjudice moral, étant précisé que les sommes allouées ne pourront en tout état de cause dépasser les sommes réclamées ; que, dans le cas où la demande n'est pas chiffrée, le tribunal ne pouvant se substituer aux parties, la constitution de partie civile sera seulement reçue ;
"1°) alors que le droit d'exercer l'action civile devant les juridictions répressives n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que le préjudice résultant directement du délit de publicité mensongère sur les délais de livraison de biens de consommation est constitué par le seul retard de livraison ; qu'en condamnant néanmoins Thomas X à verser, à titre de dommages et intérêts, la valeur des matériels non livrés ainsi que la valeur des matériels livrés non-conformes à la commande, la cour d'appel a violé l'article 2 du Code de procédure pénale ;
"2°) alors que le préjudice constitué par l'absence de livraison des matériels commandés et payés ou par une livraison de produits non-conformes à la commande résulte de l'ouverture d'une procédure collective de la société Y ; que sa réparation supposait donc que les parties civiles aient déclaré leur créance au passif de la société ; qu'en affirmant qu'il importait peu que les créances aient été ou non déclarées au passif, alors que le prévenu ne pouvait pas être tenu à réparer, au titre du délit de publicité mensongère, des créances éteintes, la cour d'appel a violé l'article L. 621-46 du Code de commerce ;
"3°) alors qu'en outre, une partie civile ne saurait invoquer l'existence d'un préjudice en relation avec une publicité de nature à induire en erreur dès lors qu'elle a librement conclu un contrat qui écartait expressément certains des avantages annoncés dans ladite publicité ; qu'en se bornant, pour juger que les parties civiles avaient subi un préjudice personnel découlant directement de l'infraction commise par le prévenu, à se fonder sur la publicité mensongère relative aux délais, sans rechercher si les clients, qui avaient accepté les conditions générales de vente rappelant le caractère purement indicatif des délais, n'avaient pas librement conclu les contrats de vente avec la société Y, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice subi par les parties lésées, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ; que le prévenu, déclaré coupable des faits ayant causé un préjudice direct aux parties civiles, n'étant pas lui-même en liquidation personnelle, c'est à bon droit que les juges l'ont condamné à des réparations civiles en application des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.