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Décisions

ADLC, 22 avril 2009, n° 09-D-17

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à des pratiques mises en œuvre par le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Délibéré sur le rapport oral de M. Hubert Grandval, par Mme Françoise Aubert, vice-présidente, présidente de séance, Mme Reine-Claude Mader-Saussaye, MM. Bernard Piot, Jacques Ripotot, membres du Conseil de la concurrence.

ADLC n° 09-D-17

22 avril 2009

L'Autorité de la concurrence,

Vu la lettre enregistrée le 12 février 2007, sous le numéro 07/0014 F, par laquelle M. X... a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en œuvre par le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse Normandie ; Vu le livre IV du Code de commerce dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-776 du 04 août 2008 ; Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie ; Vu l'ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence, et notamment son article 5 ; Vu le Code de la santé publique ; Vu la décision du 28 juillet 2008 du président du Conseil de la concurrence disposant que l'affaire fera l'objet d'une décision sans l'établissement préalable d'un rapport ; Vu les observations présentées par le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse Normandie et par le commissaire du Gouvernement ; Vu les autres pièces du dossier ; Le rapporteur, le rapporteur général adjoint, le commissaire du Gouvernement, M. X... et son conseil, ainsi que les représentants du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie entendus lors de la séance du 4 novembre 2008 ; Adopte la décision suivante :

I. Constatations

1. M. X..., pharmacien, a demandé au Conseil de la concurrence de se prononcer sur les pratiques qu'aurait commises le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie afin de réserver aux pharmaciens les plus proches des maisons de retraite et des établissements de soins la clientèle de ces derniers. Plus précisément, M. X... a exposé :

" Le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie entrave la concurrence en tentant de répartir les marchés et la clientèle entre les différentes pharmacies en prenant en compte le seul critère de localisation géographique. Le Conseil de la concurrence devra juger qu'en privilégiant le pharmacien de proximité et en empêchant le développement des pharmacies au-delà de leurs secteurs géographiques respectifs, le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie restreint la concurrence et favorise ainsi le renchérissement des produits et services et ce, au détriment des patients. "

A. LE CADRE LÉGAL D'EXERCICE DE LA PROFESSION DE PHARMACIEN

1. LES CONDITIONS D'EXERCICE

2. Les pharmaciens ont en France le monopole de la vente des médicaments et d'un certain nombre d'autres produits.

3. Aux termes de l'article L. 5111-1 du Code de la santé publique : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques. Sont notamment considérés comme des médicaments les produits diététiques qui renferment dans leur composition des substances chimiques ou biologiques ne constituant pas elles-mêmes des aliments, mais dont la présence confère à ces produits, soit des propriétés spéciales recherchées en thérapeutique diététique, soit des propriétés de repas d'épreuve. Les produits utilisés pour la désinfection des locaux et pour la prothèse dentaire ne sont pas considérés comme des médicaments. "

4. L'article L. 4211-1 du Code de la santé publique dispose pour sa part : " Sont réservées aux pharmaciens, sauf les dérogations prévues aux articles du présent Code :

1° La préparation des médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine ;

2° La préparation des objets de pansements et de tous articles présentés comme conformes à la pharmacopée, la préparation des insecticides et acaricides destinés à être appliqués sur l'homme, la préparation des produits destinés à l'entretien ou l'application des lentilles oculaires de contact ainsi que la préparation des produits et réactifs conditionnés en vue de la vente au public et qui, sans être mentionnés à l'article L. 5111-1, sont cependant destinés au diagnostic médical ou à celui de la grossesse ;

3° La préparation des générateurs, trousses ou précurseurs mentionnés à l'article L. 5121-1 ;

4° La vente en gros, la vente au détail et toute dispensation au public des médicaments, produits et objets mentionnés aux 1°, 2° et 3° ;

5° La vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret ;

6° La vente au détail et toute dispensation au public des huiles essentielles dont la liste est fixée par décret ainsi que de leurs dilutions et préparations ne constituant ni des produits cosmétiques, ni des produits à usage ménager, ni des denrées ou boissons alimentaires ;

7° La vente au détail et toute dispensation au public des aliments lactés diététiques pour nourrissons et des aliments de régime destinés aux enfants du premier âge, c'est-à-dire de moins de quatre mois, dont les caractéristiques sont fixées par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé.

La fabrication et la vente en gros des drogues simples et des substances chimiques destinées à la pharmacie sont libres à condition que ces produits ne soient jamais délivrés directement aux consommateurs pour l'usage pharmaceutique et sous réserve des règlements particuliers concernant certains d'entre eux. "

5. Selon les cas, le prix des médicaments et des autres produits relevant du monopole des pharmaciens est réglementé ou libre. En particulier, pour les médicaments, on distingue d'une part les médicaments vendus aux patients en officine et qui font l'objet, à la suite d'une prescription médicale, d'un remboursement par la sécurité sociale, dont le prix est réglementé, des médicaments non remboursés par la sécurité sociale ou achetés directement par les établissements hospitaliers, dont le prix est libre (sous réserve d'éventuels accords de modération entre les industriels et les pouvoirs publics et de la fixation par l'autorité publique des prix de rétrocession de médicaments vendus directement par les hôpitaux à des patients).

6. Pour la première catégorie, le prix " fabricant " des produits concernés, inscrits sur la liste des produits pharmaceutiques remboursables (LPPR), est fixé normalement à l'issue de négociations entre le fabricant et le Comité économique des produits de santé placé auprès des ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale, compte tenu du service médical rendu par le médicament concerné. La rémunération des grossistes-répartiteurs et des pharmaciens d'officine est quant à elle fixée par arrêté sous forme d'une marge dégressive en fonction du prix (d'environ 10 % à 2 % pour les grossistes-répartiteurs et d'environ 26 % à 6 % pour les pharmaciens d'officine). Les pharmaciens d'officine bénéficient en outre de remises accordées par les grossistes-répartiteurs ou les laboratoires, plafonnées à 2,5 % et 17 % du prix " fabricant ", respectivement pour les médicaments princeps et pour les médicaments génériques.

7. Le niveau de remboursement à l'assuré social est par ailleurs fixé par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, également en fonction du service médical rendu.

8. Le développement des établissements d'hébergement de personnes âgées dépendantes (ci-après les " EHPAD ") a pu modifier dans certains cas les conditions de la demande adressée aux pharmaciens d'officine. En particulier, la fréquence des prises de médicaments et le nombre de produits souvent prescrits aux personnes dépendantes, ainsi que la complexité des traitements ordonnés, qui entraînent de lourdes tâches de préparation des produits administrés, ont conduit de nombreux EHPAD à confier la préparation des piluliers aux pharmacies d'officine.

9. Cette situation a pu engendrer dans certains cas un phénomène de concentration des commandes de produits pharmaceutiques vis à vis d'officines qui se sont spécialisées dans ce type de service, des pharmacies proches d'EHPAD perdant alors des commandes de médicaments et autres produits. A cet égard, le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens a considéré dans une délibération du 6 mars 2006 qu'une : " ... systématisation et une généralisation de cette préparation effectuée en officine au bénéfice d'établissements susmentionnés conduirait à spécialiser certaines officines et à éloigner progressivement ces officines dispensatrices de leurs malades ; qu'un tel processus porterait atteinte à l'intégrité du maillage pharmaceutique territorial. " Dans cette délibération, le Conseil national a mentionné les articles du Code de la santé publique relatifs à l'information et à la publicité (R. 5125-28 et R. 4235-57), à la sollicitation de clientèle (R. 4235-22), à l'interdiction du compérage (R. 4235-27) et à l'indépendance du pharmacien (R. 4235-18) qui pouvaient selon lui être invoqués pour limiter l'extension de cette pratique et a rappelé que chaque conseil régional de l'Ordre devait être informé par les pharmaciens de son ressort des contrats ou accords de fournitures ou de prestations de service conclus avec des établissements de santé ou de protection sociale (R. 4235-60).

2. L'ORGANISATION RÉGIONALE DE L'ORDRE DES PHARMACIENS

10. En application des articles L. 4232-1 et suivants du Code de la santé publique, les conseils régionaux de l'Ordre des pharmaciens doivent faire respecter les règles professionnelles propres à la pharmacie d'officine.

11. Un conseil régional peut être saisi par des représentants de l'État ou de différents organismes publics qui interviennent dans le secteur, par son président ou par un pharmacien inscrit à l'un des tableaux de l'Ordre.

12. Lorsqu'une plainte est reçue par un conseil régional, son président désigne un rapporteur qui instruit l'affaire et élabore un rapport (articles R. 4234-4 et R. 4234-5 du Code de la santé publique). Le conseil peut ensuite décider de saisir ou non la chambre de discipline dont il relève (art. R. 4234-5). Cette décision est susceptible de recours hiérarchique devant le Conseil national de l'Ordre ou de recours direct devant le tribunal administratif.

13. En outre, l'article L. 4232-5 du même Code dispose : " Le conseil régional ou son président peut demander au pharmacien inspecteur régional de santé publique de faire procéder à des enquêtes. Le conseil régional est saisi du résultat de ces enquêtes ".

14. Les règles du Code de la santé publique dont l'institution ordinale surveille l'application qui ont été le plus souvent invoquées dans le contexte de la présente affaire sont celles mentionnées dans la délibération du Conseil de l'Ordre citée paragraphe 8 de la présente décision, mais également les articles L. 5125-3 et suivants qui visent à assurer le maillage territorial adéquat pour répondre aux besoins de la population, l'article L. 5125-25 du Code de la santé publique qui porte sur l'interdiction de solliciter des commandes et de recevoir des commandes par l'intermédiaire habituel d'un courtier et l'article R. 4235-21 interdisant aux pharmaciens de porter atteinte au libre choix du pharmacien par la clientèle et de se livrer à tout acte de concurrence déloyale.

B. LES PRATIQUES RELEVÉES

15. M. X... exploite la pharmacie de la Grâce de Dieu à Caen. Il emploie treize salariés, dont deux pharmaciens adjoints et six préparatrices en pharmacie. En 2001, alors que son père dirigeait encore cette officine, il a créé la société Equipmédical, une entreprise unipersonnelle de distribution de produits à usage médical non soumis à monopole (la gamme de ses produits va de la couche pour patient incontinent au matériel orthopédique et comprend notamment des systèmes de dispensation de médicaments en maison de retraite). Lorsqu'il a pris la succession de son père à la tête de la pharmacie. M. X... a cédé à ce dernier la gestion de la société unipersonnelle dont il est cependant resté l'actionnaire unique. Cette entreprise effectue aussi des opérations de livraison de produits pharmaceutiques.

16. La pharmacie de la Grâce de Dieu a développé une clientèle importante dont l'implantation dépasse la proximité de l'officine. Les clients " éloignés " sont essentiellement des pensionnaires de maisons de retraite et de maisons de soins. En septembre 2005, l'inspecteur de la pharmacie de la région de Basse Normandie a relevé que l'officine desservait dix-huit EHPAD distants de 60 km et même de 127 km dans un cas.

17. Le succès de cette officine s'explique, au vu des témoignages et documents figurant au dossier, par la qualité des prestations (exactitude, rapidité, éventail des produits stockés) et le niveau avantageux des prix. Trois relevés comparatifs de prix entre la pharmacie de la Grâce de Dieu et trois officines dont les titulaires se sont plaints de l'activité de M. X... indiquent pour une variété de produits non remboursables, des différences allant de 15 à 87 % dont, par exemple, des différences de 15 % à 47 % pour l'éosine, de 20 % à 77 % pour le sérum physiologique ou de 36 % à 60 % pour le mytosil.

18. Ces prix compétitifs ne concernent pas seulement les produits non remboursables ou la parapharmacie, mais aussi des produits inscrits sur la LPPR pour lesquels les pharmaciens conservent la possibilité de faire varier leur marge bénéficiaire.

19. Le développement de l'activité de M. X... a soulevé des réactions de confrères perdant de la clientèle et s'interrogeant sur la régularité des méthodes qu'il utilisait, non seulement en ce qui concerne l'activité de la pharmacie proprement dite, mais aussi en ce qui concerne celle d'Équipmédical. En particulier, l'entreprise de matériel médical a été soupçonnée d'assurer le démarchage des EHPAD pour le compte de la pharmacie et d'intervenir dans la commande et la livraison de médicaments.

20. Dans ce contexte, le 1er juillet 2005, le président du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie, a demandé à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales qu'une enquête soit diligentée afin que le comportement professionnel de M. X... soit vérifié, notamment en ce qui concerne les préparations de doses à administrer et le portage à domicile des médicaments. Il soulignait que, selon les informations dont disposait le conseil régional, la pharmacie de M. X... desservait des pensionnaires de maisons de retraite éloignées de Caen " au mépris des confrères proches de ces établissements ".

21. Par la suite, en août et en octobre 2005 quatre pharmaciens de la région ont formulé des plaintes auprès de l'Ordre contre M. X... pour démarchage abusif de clientèle en précisant que ce dernier fournissait en médicaments des pensionnaires de maisons de retraite et d'établissements de soins éloignés de sa propre implantation, soit directement, soit par l'intermédiaire d'Équipmédical. Le conseil régional de l'Ordre a nommé deux pharmaciens pour enquêter sur les faits reprochés. Plusieurs dirigeants d'EHPAD ont écrit au conseil régional de l'Ordre ou ont fourni à M. X... des attestations réfutant les accusations de démarchage ou exposant les raisons pour lesquelles ils se fournissaient auprès de la pharmacie de la Grâce de Dieu.

22. A la même époque, le 29 septembre 2005, le conseil régional de l'Ordre a adressé à tous les pharmaciens de la circonscription une lettre circulaire dans laquelle il citait l'article R. 4235-60 du Code de la santé publique aux termes duquel : " Les pharmaciens doivent tenir informé le conseil de l'Ordre dont ils relèvent des contrats ou accords de fournitures et de prestations de services qu'ils ont conclu avec les établissements tant publics que privés ainsi qu'avec les établissements de santé ou de protection sociale. Il en est de même pour les conventions de délégation de paiement conclues avec les organismes de sécurité sociale, les mutuelles ou les assureurs. ". Le conseil régional de l'Ordre demandait à chacun d'eux de bien vouloir lui faire parvenir dans les plus brefs délais une copie des conventions ou contrats de ce type qui auraient été signés.

23. Le 30 septembre 2005, le pharmacien inspecteur régional de la santé publique chargé de l'enquête demandée en juillet par le conseil de l'Ordre remettait un rapport d'étape qui ne relevait aucun comportement irrégulier de la pharmacie de la Grâce de Dieu en matière de distribution de médicaments et seulement quelques fautes limitées en matière de préparation. Il précisait toutefois que les allégations de " démarchage " émises à l'encontre de M. X... n'avaient pas été examinées. Le rapport final remis à la fin du mois de novembre 2005 confirmait le rapport d'étape.

24. En février 2006, deux comptes-rendus d'entretien avec les dirigeants de la maison de retraite de Saint Martin des Besaces et du foyer des Petites Soeurs des Pauvres de Caen rédigés dans le cadre de l'enquête diligentée par le conseil régional de l'Ordre lui-même écartaient tout démarchage par la pharmacie de la Grâce de Dieu et ne faisaient état d'aucun manquement dans la préparation des médicaments livrés.

25. Dans sa séance du 12 juin 2006, le conseil régional de l'Ordre décidait toutefois de traduire M. X... en chambre de discipline pour y répondre des faits qui lui étaient reprochés par les quatre pharmaciens qui avaient porté plainte contre lui. Dans le cadre de cette procédure, il n'est pas contesté qu'un document élaboré par le rapporteur du dossier contenait l'affirmation suivante : " Le CSP (1) a instauré un maillage territorial d'officines qui limite leur influence à leur zone et à celles qui leur sont contigües. "

26. Par courrier du 1er juin 2007, le président du conseil régional de l'Ordre, qui venait d'être informé que la maison de retraite Les Hauts de Monceaux avait l'intention de cesser de s'approvisionner auprès de l'officine proche de son établissement s'est adressé ainsi à cette maison : " En terme de Santé Publique, force est de constater que l'excellent maillage territorial des officines de pharmacie permet une réponse optimale aux besoins en médicaments, principalement en milieu rural ". Il ajoutait : " Vos responsabilités de directeur justifient que vous soyez en droit d'attendre du pharmacien un Acte Pharmaceutique de qualité qui associera la tenue du Dossier Patient, de l'historique des thérapeutiques et les contacts rendus nécessaires avec les médecins traitants locaux des patients (choix des équivalents thérapeutiques, génériques). Autant de raisons qui justifient la proximité. " Dans le même courrier, le président du conseil régional de l'Ordre prenait aussi la défense d'une autre pharmacie, située à Caen, soit à une vingtaine de kilomètres de la maison de retraite, auprès de laquelle Les Hauts de Monceaux se fournissait jusque là en matériel médical. Le courrier s'achève sur la citation de l'article R. 4235-21 du Code de la santé publique concernant : " L'interdiction faite au pharmacien de porter atteinte au libre choix du pharmacien par la clientèle et le fait de s'abstenir de tout acte de concurrence déloyale " et sur la citation de l'article R. 4235-18 qui dispose : " Le pharmacien ne doit se soumettre à aucune contrainte financière, commerciale, technique ou morale de quelque nature que ce soit, qui serait susceptible de porter atteinte à son indépendance dans l'exercice de sa profession, notamment à l'occasion de la conclusion de contrats, conventions ou avenants à objet professionnels. "

27. Par décision du 15 juillet 2008, communiquée au Conseil de la concurrence, la chambre de discipline de l'ordre des pharmaciens de Basse-Normandie a rejeté les plaintes déposées par les confrères de M. X... comme non fondées.

C. LE GRIEF NOTIFIÉ

28. Sur le fondement de l'article L. 420-1 du Code de commerce, un grief de pratique concertée a été notifié le 25 juillet 2008 au conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie. Il lui était reproché d'avoir cherché, en s'efforçant de limiter le développement de l'activité de M. X..., à conforter la répartition de la clientèle des pharmacies entre les marchés d'immédiate proximité. Selon le grief, cette attitude avait pour objet et/ou pouvait avoir pour effet de limiter le jeu de la concurrence entre les pharmaciens d'officine.

II. Discussion

A. SUR LA COMPÉTENCE DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE

29. Le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens mis en cause soulève une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative. Il fait valoir qu'il a agi dans le cadre de sa mission de service public en usant de prérogatives de puissance publique.

30. Il est exact que les conseils de l'Ordre sont des organismes investis d'une mission de service public, celle d'assurer le respect des devoirs professionnels et la défense de l'honneur de la profession. Cependant, ainsi qu'il est exposé dans la décision n° 98-D-73 du 25 novembre 1998 relative à une saisine et à une demande de mesures conservatoires présentées par l'Union nationale patronale des prothésistes dentaires, si " il n'appartient pas au Conseil de la concurrence de se prononcer sur la légalité de leurs décisions dès lors qu'elles sont de nature administrative, cette dernière notion implique non seulement que la décision en cause ait été prise dans l'accomplissement de la mission de service public de l'organisme privé dont elle émane, mais, en outre, qu'elle comporte l'exercice d'une prérogative de puissance publique ; [...] la publication [...] d'une "mise en garde" qui se borne à commenter les conditions d'application d'une réglementation ne relève pas de l'exercice d'une prérogative de puissance publique ; [elle ne constitue donc pas un acte administratif et relève du champ de compétence du Conseil] ".

31. Dans la décision n° 97-D-18 du 18 mars 1997 relative à des pratiques relevées dans le secteur du portage de médicaments à domicile, le Conseil de la concurrence a considéré que relevaient de sa compétence les pratiques imputables à différentes instances de l'Ordre des pharmaciens qui avaient diffusé aux pharmaciens d'officine une lettre confraternelle dans laquelle l'Ordre indiquait, à partir de sa propre interprétation du Code de la santé publique, que l'activité de portage de médicaments à domicile proposée par certaines sociétés serait illégale. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel de Paris, et le pourvoi contre cette décision a été rejeté par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mai 2000.

32. De même, dans la décision n° 05-D-43 du 20 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par le conseil départemental de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes du Puy-de-Dôme et le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes, le Conseil de la concurrence a rappelé " [i]l est de jurisprudence constante (cf. notamment les décisions du Conseil n° 97-D-26 du 22 avril 1997 et n° 02-D-14 du 28 février 2002, l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 novembre 2002 " conseil supérieur de l'Ordre des géomètres experts " et l'arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000) que lorsqu'un Ordre professionnel, sortant de la mission de service public qui lui est conférée en tant qu'Ordre professionnel, adresse à des tiers un courrier ou une note dans lequel il se livre à une interprétation de la législation applicable à son activité, il intervient dans une activité de services entrant dans le champ d'application de l'article L. 410-1 du Code de commerce ".

33. Plus récemment, dans la décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s'opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l'occasion d'appels d'offres en matière d'examens anatomo-cyto-pathologiques, le Conseil de la concurrence a considéré qu'" [e]n l'espèce, le conseil départemental de l'Ordre, en publiant dans son bulletin et en envoyant à des opérateurs du secteur, en 2001 et 2002, des indications relatives aux marchés de services médicaux externalisés des centres hospitaliers concernant les comportements qui, selon son interprétation des textes en vigueur, devaient être considérés comme interdits et ceux qui devaient être suivis, est intervenu dans une activité de services ".

34. Il convient donc, pour trancher la question de compétence soulevée par la partie mise en cause, de faire la part entre :

- les comportements qui, parce qu'ils invitent les professionnels ou des tiers à adopter telle ou telle attitude sur le marché, constituent une intervention dans une activité de services ;

- et ceux qui ne sont pas détachables de l'exercice du pouvoir de contrôle et du pouvoir disciplinaire confié à l'Ordre.

35. Ces pouvoirs constituent en effet des prérogatives de puissance publique de l'Ordre. L'engagement, par un conseil de l'Ordre, d'une action disciplinaire à l'encontre d'un de ses membres ne relève donc pas en principe du champ de compétence du Conseil de la concurrence (voir en dernier lieu la décision du Conseil de la concurrence n° 09-D-07 du 12 février 2009 relative à une saisine de la société Santéclair à l'encontre de pratiques mises en œuvre sur le marché de l'assurance complémentaire santé).

36. En l'espèce, cinq faits ont été plus particulièrement identifiés par le rapporteur pour illustrer la pratique objet du grief rappelé au paragraphe 28 :

1) la demande d'ouverture d'une enquête par la DRASS ;

2) l'envoi d'une circulaire à l'ensemble des pharmacies du ressort pour leur rappeler qu'elles doivent tenir l'Ordre informé des contrats ou accords de fournitures conclus avec certains établissements ;

3) l'accueil de plaintes de confrères à l'encontre de M. X..., le lancement d'enquêtes à son égard et la poursuite de leur instruction alors qu'aucun élément n'était recueilli au soutien de ces plaintes ;

4) la décision de saisir la chambre de discipline alors qu'en définitive, les accusations portées par les confrères se sont avérées sans fondement ;

5) l'envoi de la lettre adressée à la maison de retraite Les Hauts de Monceaux pour l'inciter à s'adresser aux pharmacies dont elle dépendrait " géographiquement ".

37. Les comportements mentionnés sous 1), 3) et 4), indépendamment de leur justification sur le fond, ne sont pas détachables de l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'Ordre. Il n'appartient donc pas au Conseil de la concurrence d'apprécier leur licéité. De même, le fait pour le conseil régional de l'Ordre de rappeler à ses membres une obligation procédurale pesant sur eux afin que lui-même puisse exercer sa mission de contrôle relève de l'exercice d'une prérogative de puissance publique. Le comportement mentionné sous 2) ne relève donc pas non plus de la compétence du Conseil de la concurrence. En revanche, l'envoi de la lettre mentionné sous 5) traduit, à l'égard d'un tiers par rapport à l'Ordre, une intervention dans une activité de services et par conséquent le Conseil de la concurrence est compétent pour examiner sur le fondement de l'article L. 410-1 du Code de commerce la pratique ayant fait l'objet du grief.

B. SUR LE FOND

1. LE MARCHÉ

38. Le rapporteur a retenu dans la notification de griefs que les pratiques analysées étaient " susceptibles de fausser le fonctionnement du marché des produits vendus en pharmacie et des services qui s'y rattachent (rapidité d'exécution et de livraison, qualité de la relation avec le client et de la gestion des commandes) " et que ces agissements étaient " susceptibles d'affecter une partie substantielle de la Basse-Normandie qui, au vu de la liste des établissements desservis par M. X..., correspond peu ou prou au territoire du département du Calvados ".

39. Le conseil régional de l'Ordre soutient que cette définition du marché est insuffisante, tant en ce qui concerne le marché de produits que le marché géographique, pour lui permettre d'apprécier la nature des faits qui lui sont reprochés. Il a notamment précisé au cours de la séance que, s'il existe une liste de produits dont la distribution est autorisée en pharmacie, ceux qui ne relèvent pas du monopole sont aussi distribués par d'autres canaux. Il ne serait possible d'apprécier la portée des pratiques en cause qu'en indiquant avec précision à quels produits elles sont supposées s'appliquer.

40. Toutefois, ainsi que l'a rappelé à de nombreuses reprises le Conseil de la concurrence, s'agissant de pratiques d'ententes, " il n'est (...) pas nécessaire de définir le marché avec précision, comme en matière d'abus de position dominante, dès lors que le secteur et les marchés ont été suffisamment identifiés pour permettre de qualifier les pratiques qui y ont été constatées et de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en œuvre " (voir, par exemple, la décision n° 05-D-27 du 15 juin 2005 relative à des pratiques relevées dans le secteur du thon blanc et la décision n° 07-D-41 précitée).

41. En l'occurrence, la pratique en cause concerne la demande qui s'exprime par les commandes d'EHPAD aux pharmacies d'officine, commandes qui portent sur une grande variété de médicaments et autres produits ou dispositifs de soins. Il apparaît en outre que cette demande s'exerce, comme en témoignent les faits de l'espèce, sur une aire géographique d'un ordre de grandeur départemental. La question de concurrence soulevée ne concerne à l'évidence pas les conditions de commercialisation de tel ou tel produit pharmaceutique en particulier.

2. LA PRATIQUE

42. L'intervention du conseil régional de l'Ordre vis-à-vis de la maison de retraite Les Hauts de Monceaux l'incitant à s'adresser aux pharmacies les plus proches de son implantation, au lieu de faire le choix d'un pharmacien plus éloigné, et attirant son attention sur les conséquences d'un tel choix en ce qui concerne la qualité de l'acte pharmaceutique vis-à-vis des personnes hébergées illustre la pratique dénoncée par M. X... dans sa saisine (voir le paragraphe 1 de la présente décision). Cet acte, s'il est intervenu postérieurement à la saisine, s'inscrit dans une pratique continue qui a été matérialisée par différents actes, visant le même objet et susceptible d'avoir les mêmes effets, ainsi qu'il ressort des éléments exposés aux paragraphes 20 et suivants, même si, pour des raisons de limitation de sa compétence par rapport à celle du juge administratif, le Conseil de la concurrence ne peut pas appréhender certains de ces actes. D'ailleurs, dans ses observations le conseil régional a justifié d'une manière générale sa position en soutenant que l'exigence de proximité du pharmacien de sa clientèle découle des textes et des obligations professionnelles du pharmacien, qu'elle est un gage d'efficacité et de fiabilité du service offert afin de garantir la sécurité sanitaire (pages 15 et 16 - cotes 629 et 630).

43. Une intervention telle que celle effectuée auprès de l'EPHAD Les Hauts de Monceaux s'analyse comme une action concertée ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence, en limitant l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence ainsi qu'en répartissant les marchés et les sources d'approvisionnement, pratique qui entre explicitement dans les prévisions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

44. Celui-ci énonce en effet : " Sont prohibées, lorsqu'elles ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, notamment lorsqu'elles tendent à : 1°) Limiter l'accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d'autres entreprises ; 2°) Faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse ; 3°) Limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique ; 4°) Répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ".

45. Par ailleurs, comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence dans la décision n° 05-D-43 du 20 juillet 2005 relative à des pratiques mises en œuvre par le conseil départemental du Puy-de-Dôme et le Conseil national de l'Ordre national des chirurgiens-dentistes confirmée par la Cour d'appel de Paris : " Il est de jurisprudence constante (notamment Cour de cassation 16 mai 2000) qu'un Ordre professionnel représente la collectivité de ses membres et qu'une pratique susceptible d'avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel mise en œuvre par un tel organisme révèle nécessairement une entente, au sens de l'article L. 420-1, entre ses membres. " La pratique ayant fait l'objet de cette décision était d'ailleurs matérialisée par l'envoi d'un courrier à des maisons de retraite, les incitant à ne pas recourir aux services d'un prestataire. L'analyse suivie dans cette décision a été confirmée par la Cour d'appel de Paris par un arrêt du 7 mars 2006 et le pourvoi formé contre celui-ci a été rejeté par la Cour de cassation par arrêt du 20 février 2007.

46. Enfin, compte tenu de la dimension du marché particulier concerné, à savoir celui de l'approvisionnement en médicaments et autres produits de soins des EHPAD pour leurs pensionnaires dans une partie de la Normandie, et du fait que la pratique en cause, d'une part émanait d'un Ordre professionnel disposant de l'autorité morale attachée à ses missions de service public, d'autre part s'est inscrite dans un ensemble de démarches visant la même finalité susceptibles de lui donner une portée qu'elle n'aurait pas eue dans d'autres circonstances, il doit être considéré qu'elle pouvait avoir un effet suffisamment sensible sur la concurrence pour entrer dans le champ d'application de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

47. Le conseil régional de l'Ordre soutient néanmoins que son action n'avait d'autre motif que l'accomplissement de sa mission de service public, notamment pour assurer la conformité de l'activité de M. X... avec les règles de la profession.

48. Cependant, en premier lieu, la démarche ne visait pas directement M. X... et ne se bornait pas à l'objectif d'obtenir des renseignements sur son activité, mais invitait un établissement de soins et de séjour à recourir à certains fournisseurs plutôt qu'à d'autres en l'expliquant par la nécessaire proximité et poursuite des relations entre les pharmacies " recommandées " et l'établissement de soins.

49. En second lieu, les articles du Code de la santé publique mentionnés à l'appui de cette invitation dans la lettre en cause, à savoir les articles R. 4235-18 et R. 4235-21, reproduits au paragraphe 26 de la présente décision, n'impliquent nullement, bien au contraire, qu'un établissement de soins ou de séjour n'ait pas le choix du pharmacien sollicité pour répondre aux besoins des pensionnaires quand ceux-ci ont donné leur consentement en ce sens. Pareillement, même s'ils n'ont pas été mentionnés dans le courrier en question par le conseil régional de l'Ordre, les articles du Code de la santé publique visant à assurer un " maillage territorial " adéquat pour répondre aux besoins de la population en cas de création, de transfert ou de regroupement d'officines (articles L. 5125-1 et suivants) ont pour objet d'assurer que ces cas de figure n'entraînent pas a priori une répartition inadaptée de l'offre par rapport à la localisation de la population, mais ils n'instaurent aucun monopole territorial ni ne limitent en général une situation de concurrence entre officines. Le Code de la santé publique prohibe seulement le recours à certains moyens de concurrence jugés incompatibles avec la nature des prestations et produits concernés.

50. Dans ces conditions, la pratique ne peut pas être justifiée par le I, sous 1), de l'article L. 420-4 du Code de commerce qui énonce : " Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques (...) qui résultent de l'application d'un texte législatif ou d'un texte réglementaire pris pour son application. "

51. La pratique n'est pas plus justifiée au titre du I, sous 2), du même article qui prévoit que ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce les pratiques " dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d'emplois, et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause, (...). " L'existence d'un monopole territorial pour répondre aux besoins des EHPAD tel que souhaité par le conseil régional de l'Ordre éliminerait en effet la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause sur le marché concerné. En tout état de cause, aucune argumentation précise n'a été présentée sur ce point.

3. SUR LES SUITES À DONNER

52. Le I de l'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que si le contrevenant aux dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce n'est pas une entreprise, le montant maximal de la sanction pécuniaire pouvant être infligée est de trois millions d'euro. Aux termes de l'article L. 464-5 du même Code, " le Conseil, lorsqu'il statue selon la procédure simplifiée prévue à l'article L. 463-3 peut prononcer les mesures prévues au I de l'article L. 464-2, toutefois, la sanction pécuniaire ne peut excéder 750 000 euro pour chacun des auteurs des pratiques prohibées ". Tel est le cas en l'espèce. Le I de l'article L. 464-2 prévoit également que " les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné [...] et à l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre [...]. "

53. L'article L. 464-2 du Code de commerce prévoit aussi que le Conseil de la concurrence, auquel est désormais substituée l'Autorité de la concurrence, peut ordonner la publication, la diffusion ou l'affichage de sa décision ou d'un extrait de celle-ci selon les modalités qu'il précise.

a) Sur la gravité des pratiques

54. La pratique est grave car elle vise à assurer une répartition du marché. En outre, elle émane d'une autorité à laquelle a été confiée une mission de service public. L'invitation faite à l'établissement de soins de se fournir auprès des pharmacies de proximité, sur le fondement d'une interprétation inexacte d'une disposition légale, tend à empêcher la recherche légitime, garantie par une autre disposition légale, de produits et services pharmaceutiques par cet établissement au meilleur coût par la mise en concurrence de plusieurs pharmacies.

b) Sur le dommage à l'économie

55. La démarche du conseil régional de l'Ordre vis-à-vis de l'établissement de soins Les Hauts de Monceaux (par courrier du 1er juin 2007) - qui est la seule infraction retenue - s'inscrit dans la continuité d'une pratique concertée de la collectivité des membres de cet ordre professionnel partageant une position de principe tendant à restreindre la concurrence dans la distribution des produits et services pharmaceutiques aux établissements de ce type, qui, sans la saisine du Conseil de la concurrence par M. X... aurait pu, compte tenu de l'autorité conférée à l'Ordre, avoir un impact significatif dans la région. Une pratique de ce type cause un dommage à l'économie en ce qu'elle perturbe l'ordre public économique, même si, compte tenu du contexte de l'espèce, il y a lieu d'admettre qu'elle n'a pas eu d'impact réel, circonstance dont il sera tenu compte dans l'appréciation de la sanction.

c) Sur la sanction pécuniaire

56. Le conseil régional de Basse-Normandie de l'Ordre a indiqué que le montant de ses recettes s'est élevé pour l'exercice 2006-2007 à 133 413 euro, pour l'exercice 2007-2008 à 141 494 euro, pour l'exercice 2008-2009 à 190 248 euro (prévisionnel).

57. En fonction des éléments liés à la gravité de l'infraction commise, du dommage à l'économie qui en est résulté et de la situation du conseil régional de l'Ordre, il y a lieu de lui infliger une sanction pécuniaire de 5 000 euro.

d) Sur l'obligation de publication

58. Afin d'informer les pharmaciens et les responsables d'EHPAD du caractère prohibé de la pratique sanctionnée dans la présente affaire, le conseil régional de l'Ordre fera paraître dans " Le Moniteur des pharmaciens " et dans les éditions du quotidien " Ouest France " diffusées en Basse-Normandie, le texte figurant au paragraphe suivant de la présente décision :

" Le Conseil de la concurrence, devenu l'Autorité de la concurrence, a, sur requête d'un pharmacien, été appelé à se prononcer sur une pratique du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie visant à réserver aux pharmaciens les plus proches des maisons de retraite et des établissements de soins la fourniture des médicaments et autres produits de soins pour la clientèle de ces établissements.

Il a été établi que, par une lettre adressée à une maison de retraite, le conseil régional de l'Ordre était intervenu en incitant cet établissement à s'adresser aux pharmacies les plus proches de son implantation. Une telle intervention s'analyse, du fait qu'elle émane d'un organisme professionnel, comme une action concertée ayant pour objet et pouvant avoir pour effet de fausser le jeu de la concurrence, notamment en limitant l'accès au marché et le libre exercice de la concurrence ainsi qu'en répartissant les marchés et les sources d'approvisionnement. Elle est prohibée par l'article L. 420-1 du Code de commerce et ne peut être justifiée, ni par les articles L. 5125-1 et suivants du Code de la santé publique qui visent à assurer un "maillage territorial" adéquat des pharmacies pour répondre aux besoins de la population sans, pour autant, instaurer un monopole territorial ou limiter la concurrence entre les officines, ni par les articles R. 4235-18 et R. 4235-21 de ce Code qui n'impliquent nullement, bien au contraire, qu'un établissement de retraite ou de soins n'ait pas le choix du pharmacien sollicité pour répondre aux besoins des personnes hébergées ayant donné leur consentement en ce sens.

L'Autorité de la concurrence a prononcé une sanction de 5 000 euro à l'encontre du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie. "

Décision

Article 1er : Il est établi que le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie a enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du Code de commerce.

Article 2 : Il lui est infligé une sanction pécuniaire de 5 000 euro.

Article 3 : Le conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie fera publier, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, le texte figurant au paragraphe 58 de celle-ci, en en respectant la mise en forme, dans la revue " Le Moniteur des pharmaciens " et dans les éditions du journal " Ouest France " diffusées en Basse-Normandie. Ces publications interviendront dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à 3 mm sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : " Décision de l'Autorité de la concurrence n° 09-D-17 du 22 avril 2009 relative à des pratiques du conseil régional de l'Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie " Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l'objet de recours devant la Cour d'appel de Paris si un tel recours est exercé. Le conseil régional adressera, sous pli recommandé, au bureau de la procédure de l'Autorité de la concurrence, copie de ces publications, dès leur parution.

Note

1 Code de la santé publique.