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Décisions

CCE, 30 avril 2004, n° 2005-480

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Compagnie Maritime Belge

CCE n° 2005-480

30 avril 2004

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement (CEE) n° 4056-86 du Conseil du 22 décembre 1986 déterminant les modalités d'application des articles 85 et 86 du traité aux transports maritimes (1), et notamment son article 11, paragraphe 1, et son article 19, paragraphe 2, vu les demandes des 10 et 20 juillet 1987 tendant à faire constater une infraction et présentées conformément à l'article 10 du règlement (CEE) n° 4056-86, vu la décision 93-82-CEE de la Commission du 23 décembre 1992 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/32.448 et IV/32.450: Cewal, Cowac, Ukwal) et de l'article 86 du traité CEE (IV/32.448 et IV/32.450: Cewal) (2), vu la décision de la Commission d'ouvrir la procédure dans la présente affaire, après avoir donné à l'entreprise intéressée l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission et ses autres observations conformément à l'article 23, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4056-86, après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes dans le domaine des transports maritimes, vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (3), Considérant ce qui suit:

I. INTRODUCTION

(1) Par la présente décision, la Commission entend infliger une amende à la Compagnie Maritime Belge, SA (ci-après dénommée "CMB") pour les abus de position dominante qu'elle a commis entre juillet 1987 et novembre 1989 en tant que membre de la conférence maritime Associated Central West Africa Lines (ci-après dénommée "Cewal").

II. PARTIE À LA PROCÉDURE

(2) CMB est la société mère du groupe CMB. Les activités du groupe englobent la gestion et l'exploitation des opérations de trafic maritime.

(3) Jusqu'en 1991, CMB était également actif dans la navigation de ligne. Il était à ce titre membre de Cewal, une conférence maritime qui a existé entre le début des années 70 et le milieu des années 90. Cewal regroupait des compagnies maritimes assurant un service de ligne régulier entre des ports du Zaïre et de l'Angola et ceux de la mer du Nord (sauf ceux du Royaume-Uni). Le secrétariat de Cewal était situé à Anvers.

III. PROCÉDURE

(4) Le 23 décembre 1992, la Commission a adopté la décision 93-82-CEE (ci-après "la décision initiale") établissant, entre autres, que Cewal et deux autres conférences maritimes, Continent West Africa Conference ("Cowac") et United Kingdom West Africa Lines Joint Service ("Ukwal"), de même que les entreprises membres de ces conférences, avaient enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (à présent article 81, paragraphe 1, désigné comme tel ci-après) (4). En abusant de leur position dominante de trois manières différentes, les entreprises membres de Cewal avaient également enfreint l'article 86 du traité CE (à présent article 82, désigné comme tel ci-après) (5). Les entreprises furent sommées de mettre fin à ces infractions (6).

(5) En ce qui concerne les infractions à l'article 82, la Commission a constaté, en particulier, que les membres de Cewal détenaient une position dominante conjointe sur les lignes maritimes entre des ports du Zaïre et des ports d'Europe du Nord. Ils avaient abusé de cette position dominante en insistant sur le respect, par les autorités zaïroises, d'un accord d'exclusivité, à l'aide de la pratique des "fighting ships" ("navires de combat") en vue d'écarter leur principal concurrent du marché, ainsi qu'à l'aide de contrats de fidélité et de listes noires.

(6) Dans la décision initiale, la Commission a infligé les amendes suivantes pour infraction à l'article 82 à quatre membres de Cewal:

- CMB: 9,6 millions d'écus;

- Dafra-Lines: 200 000 écus;

- Nedlloyd Lijnen BV: 100 000 écus;

- Deutsche Afrika Linien-Woermann Linie: 200 000 écus.

(7) Ces quatre entreprises ont toutes déposé des demandes d'annulation de la décision initiale auprès du Tribunal de première instance ("TPI").

(8) Une demande d'annulation a également été présentée au TPI par Compagnie Maritime Belge Transport, une société appartenant au groupe d'entreprises CMB à laquelle le trafic de ligne de CMB avait été (7) transféré dans l'intervalle (ci-après "CMBT").

(9) Dans son arrêt du 8 octobre 1996 (ci-après "l'arrêt du TPI"), le TPI a rejeté les demandes d'annulation de la décision initiale (8).

(10) Le TPI a toutefois réduit le montant des amendes infligées aux différents membres de Cewal comme suit:

- CMB: 8 640 000 écus;

- Dafra-Lines: 180 000 écus;

- Nedlloyd Lijnen BV: 90 000 écus;

- Deutsche Afrika-Linien GmbH & Co.: 180 000 écus.

(11) CMB, CMBT et Dafra-Lines ont formé un pourvoi contre l'arrêt du TPI devant la Cour de justice des Communautés européennes. Dans son arrêt du 16 mars 2000 (9), la Cour de justice a confirmé l'arrêt du TPI sur tous les points importants. Elle a rejeté tous les griefs du pourvoi présentés quant au fond de la décision initiale,

- mais a annulé les considérants de la décision initiale infligeant les amendes,

- et rejeté le pourvoi pour le surplus, y compris tous les griefs liés aux conclusions sur le fond de la décision initiale (10).

(12) La Cour a décidé d'annuler les amendes parce que la Commission avait omis de préciser clairement dans la communication des griefs

- qu'elle envisageait d'infliger des amendes à chacun des membres de Cewal et

- que les montants des amendes seraient fixés par rapport à une appréciation de la participation de chaque société au comportement constitutif de la prétendue infraction (11).

(13) Suite à l'arrêt, la Commission a remboursé les amendes versées par CMB et Dafra-Lines (12).

(14) Le 16 avril 2003, la Commission a envoyé à CMB et Dafra-Lines une nouvelle communication des griefs les informant de son intention d'adopter une nouvelle décision visant à leur infliger des amendes pour les infractions à l'article 82 du traité CE constatées dans sa décision initiale, le pourvoi formé à l'encontre de cette décision ayant été rejeté par le TPI et la Cour de justice. Dans la communication des griefs, la Commission a également fait explicitement savoir à CMB et Dafra-Lines qu'elle entendait leur infliger des amendes à titre individuel et que les montants de ces amendes seraient fixés par rapport à une appréciation de la participation de chaque société au comportement constitutif de la prétendue infraction.

(15) Le 1er mai 2003, les avocats de Dafra-Lines ont informé la Commission de la liquidation de la société le 4 mars 2003. La procédure engagée contre Dafra-Lines a donc été abandonnée.

(16) Le 16 juillet 2003, CMB a répondu à la communication des griefs, demandant également à être entendu. Une audition a eu lieu le 24 septembre 2003.

IV. COMPORTEMENT OU PRATIQUES FAISANT L'OBJET DE LA DÉCISION INITIALE

(17) La présente décision fait référence aux conclusions relatives aux questions de fond de la décision initiale. Elle ne vise pas à compléter ou modifier les faits présentés ni les infractions constatées dans la décision initiale. Les paragraphes qui suivent sont un résumé succinct des éléments de la décision initiale qui forment la base des infractions constatées ainsi que de l'appréciation de ces éléments par le Tribunal de première instance et la Cour de justice des Communautés européennes.

4.1. Infractions à l'article 81 du traité CE

(18) Dans la décision initiale, la Commission a constaté que les conférences Cewal, Cowac et Ukwal avaient conclu des accords aux termes desquels les membres d'une conférence devaient s'abstenir d'intervenir en qualité de compagnie maritime indépendante sur la zone d'activité d'une autre conférence. La Commission a conclu que ces accords enfreignaient l'article 81 du traité (13).

(19) Le TPI a rejeté les affirmations des requérantes niant l'existence de ces accords. Il a de même rejeté l'argumentation tendant à nier que de tels accords pouvaient constituer une infraction à l'article 81 du traité CE, car ils ne tombaient pas sous le coup de l'interdiction qui y est énoncée ou pouvaient bénéficier de l'exemption octroyée à l'article 3, sous c), du règlement n° 4056-86 (14).

(20) Cette conclusion du TPI n'a pas été contestée lors du pourvoi.

4.2 Infractions à l'article 82 du traité CE

4.2.1. Appréciation de la position dominante conjointe

(21) Dans la décision initiale, la Commission a établi que l'accord entre les membres de Cewal constituait un accord entre entités économiquement indépendantes, qui permettait des liens économiques tels que, de ce fait, elles pouvaient détenir ensemble une position dominante par rapport aux autres opérateurs sur le même marché (15).

(22) Le Tribunal a confirmé cette conclusion, indiquant que la Commission avait suffisamment démontré qu'il existait entre les compagnies des liens tels qu'elles avaient adopté une même ligne d'action sur le marché. Dans ces circonstances, la Commission avait pu à juste titre considérer que l'article 82 était susceptible de s'appliquer, sous réserve que les autres conditions exigées par cette disposition soient remplies (16).

(23) La Cour a jugé qu'une conférence maritime, telle que définie par le règlement 4056-86, peut, de par sa nature et au regard de ses objectifs, être qualifiée d'entité collective qui se présente comme telle sur le marché vis-à-vis tant des utilisateurs que des concurrents (17). Elle a également noté que les requérantes n'avaient pas contesté ni la définition du marché pertinent ni les éléments tendant à démontrer la position dominante de la conférence Cewal sur ce marché. Les requérantes n'avaient pas non plus contesté l'exactitude des éléments évoqués par le Tribunal pour décider de la nécessité d'apprécier collectivement la position des membres de Cewal sur le marché pertinent. La Cour a établi que le TPI n'avait commis aucune erreur de droit en constatant que, en l'espèce, la Commission avait démontré à suffisance de droit que l'accord Cewal, tel qu'il avait été mis en œuvre, permettait d'apprécier collectivement le comportement des membres de la conférence.

4.2.2. Existence d'une position dominante

(24) La Commission a établi que les parties étaient collectivement en situation de position dominante sur le marché composé de l'ensemble des lignes maritimes entre le Zaïre et les ports de l'Europe du Nord desservies par les membres de Cewal; le trafic entre les ports de l'Europe du Nord et le Zaïre était, en principe, exclusivement réservé à la conférence Cewal sur la base d'un accord entre Cewal et l'Office zaïrois de gestion du fret maritime (l'accord Ogefrem). En outre, les tonnages annoncés par Cewal représentaient 89,7 % de toutes les cargaisons sur le marché pertinent en 1989 et 81,3 % en 1991. Outre cette part de marché très élevée, la puissance de la conférence Cewal découlait également, selon la décision initiale, d'une série d'autres faits (18).

(25) Le TPI a estimé que la Commission avait pu à juste titre conclure à l'existence d'une position dominante. Il a rejeté les affirmations des parties selon lesquelles la Commission ne se serait fondée, pour conclure à l'existence d'une position dominante, que sur la détention de parts de marché élevées, selon lesquelles les membres de Cewal avaient perdu des parts de marché, celles-ci ne représentant plus que 64 %, et selon lesquelles la Commission avait fictivement augmenté la part de marché de Cewal en ne prenant pas en compte le trafic au départ et à destination de ports français (19).

(26) Ces conclusions du Tribunal n'ont pas été contestées lors du pourvoi devant la Cour.

4.2.3. Abus

Accord avec l'Ogefrem

(27) La Commission a établi qu'en participant activement à la mise en œuvre de l'accord Ogefrem et en demandant de manière réitérée son strict respect en vue d'évincer du marché l'unique armateur indépendant autorisé par l'Ogefrem, les membres de Cewal avaient enfreint l'article 82 du traité (20).

(28) Le TPI a estimé qu'une entreprise en position dominante qui bénéficie d'un droit exclusif, assorti d'une possibilité de dérogation soumise à son accord, est tenue de faire un usage raisonnable du droit de veto qui lui est reconnu par l'accord pour l'accès de tiers au marché. En l'espèce, le Tribunal a conclu que tel n'avait pas été le cas des membres de Cewal. Selon lui, la Commission avait pu, à juste titre, considérer que les membres de Cewal avaient enfreint l'article 82 du traité CE (21).

(29) La Cour a rejeté l'affirmation des requérantes selon laquelle le TPI avait substitué au grief concernant l'Ogefrem un nouveau grief tiré du fait que les requérantes n'avaient prétendument pas fait un usage raisonnable de leur droit de veto. Selon la Cour, le Tribunal n'avait pas non plus considéré que l'exclusivité accordée par l'accord Ogefrem constituait en elle-même un abus. Au lieu de cela, le TPI et la Commission avaient estimé que l'abus consistait dans le fait que Cewal avait réclamé avec insistance auprès des autorités zaïroises le strict respect de son droit exclusif.

(30) La Cour a conclu qu'il était constant, en l'espèce, que Cewal avait essayé de se prévaloir d'une exclusivité contractuelle prévue dans l'accord Ogefrem afin d'évincer son seul concurrent du marché. Elle a donc rejeté l'argument des parties selon lequel il existait une contradiction dans la motivation de l'arrêt du TPI (22). "Navires de combat" ("fighting ships")

(31) La Commission a établi que Cewal avait eu recours à une méthode consistant à désigner des navires dont le départ était le plus proche du départ des navires de son principal concurrent et à fixer des prix "de combat" spéciaux pour les navires désignés (pratique dite des "fighting ships") dans le but d'éliminer son principal concurrent. Elle a conclu que les membres de Cewal avaient ainsi abusé de leur position dominante (23).

(32) Le TPI a considéré que la Commission avait pu conclure, à bon droit, que la pratique des navires de combat, telle que définie dans la décision initiale, constituait un abus de position dominante au sens de l'article 82 du traité CE (24).

(33) La Cour a jugé que lorsqu'une conférence maritime en position dominante procède à une baisse sélective des prix afin de les aligner, d'une façon ciblée, sur ceux d'un concurrent, elle en profite à un double titre. D'une part, elle élimine le principal, voire le seul, moyen de concurrence ouvert à l'entreprise concurrente. D'autre part, elle peut continuer à demander aux utilisateurs des prix supérieurs pour les services qui ne sont pas menacés par cette concurrence.

(34) La Cour a jugé qu'il n'était pas nécessaire, en l'espèce, de prendre position, d'une manière générale, sur les circonstances dans lesquelles une conférence maritime peut légitimement adopter des prix inférieurs afin de faire face à un concurrent. Il suffisait de rappeler qu'il s'agissait, en l'occurrence, du comportement d'une conférence détenant plus de 90 % de parts du marché en cause et n'ayant qu'un seul concurrent. Les requérantes n'ont d'ailleurs jamais sérieusement contesté, mais ont au demeurant reconnu que l'objet du comportement était d'évincer le concurrent du marché. La Cour a conclu que le Tribunal n'avait commis aucune erreur de droit en constatant que les griefs de la Commission selon lesquels la pratique dite des "navires de combat", telle que pratiquée par Cewal, constituait un abus de position dominante étaient justifiés.

Contrats de fidélité et listes noires

(35) Dans la décision initiale, la Commission a conclu que le recours aux contrats de fidélité, aux termes desquels des ristournes n'étaient offertes aux chargeurs qu'à la condition qu'ils confient 100 % de leurs marchandises à la conférence, constituait un abus de position dominante. Puisque, au vu de la part de marché de Cewal, les chargeurs ne pouvaient qu'occasionnellement faire appel au seul armement hors conférence, cette pratique revenait en fait à imposer unilatéralement des accords de fidélité. La Commission a également établi qu'il en était de même s'agissant de l'utilisation par Cewal de listes noires de chargeurs utilisant la seule compagnie maritime indépendante, ce qui aggravait encore les conditions imposées dans le cadre des contrats de fidélité (25).

(36) Dans son arrêt, le TPI a constaté le défaut de conformité des contrats de fidélité avec les dispositions du règlement n° 4056-86. Il a également considéré que, ainsi que la Commission l'avait souligné, le fait pour Cewal, détenant à l'époque des faits plus de 90 % du marché, de ne proposer aux chargeurs que des contrats de fidélité à 100 % revenait en fait à imposer de tels contrats. Il a constaté que les procès-verbaux des réunions du Zaïre Pool Committee montraient clairement que Cewal utilisait effectivement des listes noires. Le Tribunal a donc conclu que la Commission avait pu à bon droit conclure que cette pratique, prise dans son ensemble, avait pour effet de restreindre la liberté des usagers et, par conséquent, d'affecter la position concurrentielle de l'unique concurrent de Cewal sur le marché (26).

(37) La Cour de justice a rejeté le grief du pourvoi des requérantes selon lequel une pratique qui relève du règlement 4056-86 dans des conditions de concurrence normales ne peut constituer un abus de position dominante. Elle a également rejeté le moyen invoqué par les parties selon lequel, avant d'infliger des amendes pour une pratique relevant du règlement 4056-86, la Commission devait retirer le bénéfice de l'exemption de groupe.

4.2.4. Effets sur les échanges entre États

(38) Dans la décision initiale, la Commission a établi que les pratiques en question affectaient les échanges entre États membres, puisqu'une conférence maritime comme Cewal composée de compagnies établies dans divers États membres est susceptible d'affecter le commerce entre États membres. Cela s'applique d'autant plus aux pratiques en question qui avaient pour objet d'entraver les activités d'un concurrent formé d'une compagnie maritime belge et d'une compagnie maritime italienne opérant à partir de plusieurs ports communautaires (27).

(39) Dans son arrêt, le TPI a jugé que les pratiques par lesquelles un groupe d'entreprises cherche à éliminer du marché le principal concurrent établi dans le marché commun sont, par nature, susceptibles d'affecter la structure de la concurrence dans le marché commun et donc d'affecter le commerce entre États membres au sens de l'article 82 du traité (28).

(40) Cette conclusion n'a pas été contestée lors du pourvoi devant la Cour de justice.

V. APPRÉCIATION JURIDIQUE

5.1. État de la procédure; questions quant au fond

(41) La présente décision, qui a été adoptée après la publication d'une nouvelle communication des griefs, vise à corriger les vices de procédure relevés par la Cour de justice et à infliger une amende à CMB.

(42) Pour les besoins de la présente décision, la Commission considère que les conclusions de la décision initiale concernant l'existence, la nature et la portée des infractions à l'article 82 du traité commises par les membres de Cewal sont définitives, en ce sens qu'elles ne sont plus susceptibles de recours, pour les raisons suivantes:

(43) Les conclusions de la décision initiale et les éléments de procédure qui constituent les points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par l'arrêt de la Cour ont force de chose jugée (29).

(44) Il en va de même pour les éléments de l'affaire qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par l'arrêt du Tribunal et pour lesquels aucun pourvoi n'a été formé (30).

(45) Le principe de l'autorité de la chose jugée s'applique également aux points effectivement ou nécessairement tranchés par les arrêts de la Cour et/ou du Tribunal qui sont repris dans les considérants et le dispositif de la présente décision; une mesure adoptée par une institution a force de chose jugée dans la mesure où il s'agit de la simple répétition d'une partie non annulée d'une mesure précédente en partie annulée (31).

(46) Dans la mesure où la décision initiale contient également des éléments qui ne peuvent être considérés comme étant effectivement ou nécessairement tranchés par les arrêts du Tribunal et de la Cour, ces éléments ne peuvent être considérés comme ayant autorité de chose jugée. Ils ont toutefois acquis un caractère définitif après le rejet du pourvoi de CMB pour le surplus. Après l'expiration du délai de recours, les décisions et arrêts acquièrent un caractère définitif, conformément au principe de sécurité juridique (32). À cet égard, il convient de noter qu'au point 148 de l'arrêt, la Cour a décidé qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer l'affaire devant le Tribunal et qu'elle pouvait statuer elle-même. Ce faisant, elle a annulé uniquement les articles de la décision initiale relatifs aux amendes et rejeté le pourvoi pour le surplus. Par conséquent, toutes les parties de la décision initiale

- qui ne concernent pas les éléments des amendes contre lesquels les parties appelantes ont formé un pourvoi

- et qui ne peuvent être considérées comme ayant été effectivement et nécessairement tranchées par l'arrêt du Tribunal et/ou de la Cour ont acquis un caractère définitif.

(47) Dans un souci d'exhaustivité, il est fait observer que pour tous les éléments ayant trait au fond de la présente affaire, la présente décision ne placera pas CMB dans une position moins favorable que la décision initiale. C'est également pour cette raison que les conclusions relatives à l'existence, à la nature et à la portée des infractions à l'article 82 du traité commises par les membres de Cewal sont définitives, en ce sens qu'elles ne sont plus susceptibles de recours (33).

(48) Par conséquent, les conclusions dans la décision initiale concernant l'existence, le caractère et l'étendue des infractions à l'article 82 du traité commises par les membres de Cewal ne sont plus susceptibles de recours. Dans sa réponse à la communication des griefs et pendant l'audition, CMB a soulevé plusieurs arguments sur le fond de cette affaire. Néanmoins, pour la raison susmentionnée, la Commission considère que ces arguments ne sont pas pertinents.

5.2. État de la procédure; questions relatives aux amendes

(49) Afin de se conformer à l'arrêt de la Cour, la Commission devra respecter non seulement le dispositif de l'arrêt, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire (34). CMB devrait donc être mis à même, en ce qui concerne l'imposition d'amendes, de faire utilement valoir sa défense (35). À cet égard, la Commission a transmis une communication des griefs à CMB le 16 avril 2003, offert à CMB l'accès au dossier -offre que CMB n'a pas utilisé- et donné suite à sa demande d'être entendu.

5.3. Prescription

(50) Pendant l'audition CMB a fait valoir que le délai de prescription pour imposer une amende est écoulé depuis longtemps. Cependant, sur la base du règlement (CEE) n° 2988-74 du Conseil relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté (36) (ci-après "le règlement 2988-74"), la Commission n'est pas frappée de prescription pour infliger des amendes en conséquence d'infractions constatées dans la décision initiale.

(51) À cet égard, il convient d'établir une distinction entre la capacité de la Commission de constater une infraction aux règles de concurrence, qui relève des règles relatives à un "délai excessif", et sa capacité d'infliger des amendes, qui relève du règlement 2988-74 (37).

(52) Conformément à l'article premier, paragraphe 1, point b, du règlement 2988-74, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ou sanctions pour infractions est soumis à un délai de prescription de cinq ans. Cette période peut être interrompue "par tout acte de la Commission (...) visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction".

(53) En vertu de l'article 3 du règlement 2988-74, la prescription est suspendue aussi longtemps que la décision initiale de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes.

(54) Aux termes de l'article 2, paragraphe 3, du règlement, la prescription est acquise au plus tard le jour où une période de dix ans arrive à expiration, sans que la Commission ait prononcé une amende ou sanction. L'article 2, paragraphe 3, prévoit que ce délai est également prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue en raison d'une procédure devant la Cour.

(55) En l'espèce, la prescription a commencé à courir aux dates auxquelles les infractions ont cessé. Conformément à l'arrêt du Tribunal, il s'agit du 1er octobre 1989 pour ce qui est de l'application de l'accord Ogefrem et du 1er décembre 1989 en ce qui concerne les pratiques des parties relatives aux navires de combat et aux remises de fidélité. La première prescription de cinq ans et la prescription générale de dix ans ont donc commencé à courir à ces dates pour les infractions correspondantes.

(56) La décision initiale elle-même doit être considérée comme le dernier "acte de la Commission visant à la poursuite de l'infraction". Elle a été notifiée aux parties le 5 janvier 1993; une nouvelle prescription de cinq ans a donc commencé à courir à cette date.

(57) Le premier pourvoi a été formé le 19 mars 1993. La Cour a rendu son arrêt définitif le 16 mars 2000. Cela signifie que la prescription de cinq ans, qui a couru entre le 5 janvier 1993 et le 19 mars 1993, et la prescription de dix ans, qui a couru entre le 1er octobre 1989 et le 1er décembre 1989 respectivement, ont été suspendues durant la période du 19 mars 1993 au 17 mars 2000, date à laquelle elles ont commencé à courir de nouveau.

(58) Dans le cas de CMB, la prescription de cinq ans arriverait donc à expiration le 3 janvier 2005. Cette période a été de nouveau interrompue par la publication de la communication des griefs le 16 avril 2003. La prescription de cinq ans qui court actuellement arrivera donc à expiration le 16 avril 2008. Les prescriptions totales de dix ans arriveront à expiration le 28 septembre 2006 et le 28 novembre 2006 respectivement. Par conséquent, puisque ni la prescription de cinq ans ni celle de dix ans ne sont arrivées à expiration, la Commission est en droit d'infliger de nouvelles amendes.

VI. AMENDES

6.1. Article 19, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 4056-86: amendes

(59) Aux termes de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056-86, la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes de mille euro au moins et d'un million d'euro au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires des entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions des articles 81 ou 82 du traité.

(60) Dans la décision initiale, la Commission n'a pas infligé d'amendes comme conséquence des infractions à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, à cause de l'éventualité d'une mauvaise appréciation par les parties de la situation juridique que la décision initiale avait notamment pour objet d'éclaircir. Elle n'inflige pas, pour la même raison, d'amendes pour les infractions à l'article 81, paragraphe 1, du traité CE, dans la présente décision. Elle inflige toutefois des amendes à CMB pour les infractions à l'article 82 du traité CE qui ont été constatées dans la décision initiale.

(61) La Commission juge nécessaire d'infliger à CMB une amende en application de l'article 19, paragraphe 2, du règlement n° 4056-86 pour les infractions à l'article 82 constatées à l'article 2 de la décision initiale (considérants 20 à 27 de la décision initiale: accord avec l'Ogefrem; considérants 28 et 29: listes noires et contrats de fidélité; considérant 32: navires de combat).

(62) Les infractions constatées revêtent un caractère grave. Comme l'indique la décision initiale, elles ont permis à Cewal de maintenir un quasi-monopole dans les routes qu'elle dessert à destination et en provenance du Zaïre. Elles ont également eu pour effet d'entraver la création d'un marché unique, dans la mesure où elles ont cloisonné les routes maritimes considérées et favorisé les compagnies maritimes de certains États membres par rapport à leurs concurrentes établies dans d'autres (38). Leur caractère grave a été confirmé par le Tribunal (39).

(63) Dans un souci d'efficacité et de cohérence de la politique de concurrence, les infractions aux règles de concurrence doivent être sanctionnées par des amendes adéquates.

(64) Afin d'infliger l'amende à CMB pour les infractions constatées dans la décision initiale, la Commission se fondera largement sur ses observations relatives à l'application des amendes prévue dans la décision initiale ainsi que sur les remarques du TPI à cet égard. Comme l'a fait observer l'avocat général Fennelly, le Tribunal a soigneusement exercé son contrôle en ce qui concerne l'application, le niveau et la répartition des amendes (40).

(65) Dans sa réponse à la communication des griefs et pendant l'audience, CMB a soulevé plusieurs arguments concernant l'amende qui lui était imposée ainsi que l'attribution des amendes en général. Ces arguments, qui concernent particulièrement l'attribution de la plus grande partie de l'amende à CMB, la violation du principe d'égalité de traitement, le caractère des infractions, la nature et la valeur des services concernés, la nouveauté des infractions et leur durée sont traités ci-dessous dans le cadre des références aux considérations du TPI concernant les amendes.

(66) Pour fixer le montant de l'amende, la Commission tiendra compte de la gravité et de la durée de l'infraction:

6.2. Montant de départ de l'amende

6.2.1 Gravité

6.2.1.1. Nature des infractions

(67) Les infractions à l'article 82 du traité CE commises par CMB et les autres membres de Cewal revêtent un caractère grave, puisqu'elles ont permis à Cewal de maintenir un quasi-monopole dans les routes qu'elle dessert à destination et en provenance du Zaïre.

(68) Les pratiques des membres de Cewal, dont CMB, ont été mises en œuvre en vue d'évincer l'unique concurrent présent sur le marché. Il n'est donc pas fondé de nier le caractère délibéré et la gravité des infractions (41).

(69) De plus, il y a lieu de rappeler, ainsi qu'explicité aux considérants 67, 77, 78 et 79 de la décision initiale, que:

- pour les pratiques liées à l'accord Cewal-Ogefrem, l'OCDE les avait qualifiées d'abus de position dominante d'une conférence;

- pour les fighting ships, cette pratique est prohibée par les législations internationales traitant des conférences maritimes, et particulièrement par le code de conduite de la CNUCED applicable dans le trafic en cause.

Il y a donc lieu, dans ces conditions, de considérer que ces infractions ont été commises de propos délibéré.

(70) Par conséquent, aux fins de l'imposition d'une amende dans la présente affaire, la Commission conclut que les infractions constatées revêtent un caractère grave.

6.2.1.2. Effet des infractions sur le marché

(71) Les infractions mentionnées dans la décision initiale ont exercé un effet sur l'ensemble du trafic maritime de ligne concerné. Elles concernaient la conférence Cewal elle-même, ses membres et l'unique concurrent présent sur le marché. Elles ont donc directement affecté les conditions dans lesquelles étaient échangées l'ensemble des marchandises (à l'exception des produits de base transportés par tramps) entre la mer du Nord et le Zaïre.

(72) Au moment de l'adoption de la décision initiale, l'incidence des taux de fret sur les échanges de marchandises transportées par navires de ligne était généralement estimée entre 4 et 12 %; cette incidence pouvait être même plus élevée s'agissant de produits à valeur ajoutée faible ou moyenne qui constituent une part importante des échanges entre l'Europe et l'Afrique.

(73) Il ressort de la décision initiale qu'en 1987, les cargaisons transportées par les membres de Cewal représentaient environ 90 %, en volume, de l'ensemble des cargaisons transportées sur le marché concerné, contre 89,7 % en 1989 (42). Lors de l'adoption de la décision initiale, il n'était pas possible de porter une appréciation précise sur ce qu'aurait été la part de marché de la conférence Cewal et de ses membres en l'absence de ces accords et pratiques. Toutefois, il était clair que leurs parts de marché résultaient en partie des pratiques visées par cette décision-là et non de leur seule capacité concurrentielle propre.

(74) Les accords et pratiques visés ont donc permis à la conférence de maintenir une part de marché très élevée, qui contrastait avec d'autres trafics euro-africains où la part de marché des conférences était parfois inférieure à 60 %. Un même écart existait en ce qui concerne les prix. Le pouvoir des membres de Cewal a permis le maintien d'un niveau de taux de fret artificiel, qui semblait être largement au-dessus des coûts de ses membres, comme il paraissait se déduire des affirmations de la conférence à propos de ses fighting rates (43).

(75) Le Tribunal a considéré que les pratiques avaient nécessairement eu pour effet de ralentir la pénétration sur le marché de l'unique concurrent. Dans la mesure où Cewal et ce concurrent étaient les seuls intervenants sur le trafic entre l'Europe du Nord et le Zaïre, c'est l'ensemble du marché qui s'en est trouvé affecté (44).

(76) Bien que les parties aient fait valoir lors de la procédure devant le TPI que la part de marché de Cewal avait fortement baissé et que celle du concurrent indépendant s'était accrue, elles n'ont pas contesté l'incidence des taux de fret sur les échanges de marchandises transportées par navires de ligne. Le Tribunal a donc estimé qu'il n'y avait pas lieu de réduire l'amende infligée dans la décision initiale.

(77) Par conséquent, la Commission tiendra compte de ses observations initiales concernant l'impact sur le marché, telles qu'elles sont décrites ci-dessus, pour fixer le montant de départ de l'amende à infliger dans la présente procédure.

6.2.1.3. Étendue du marché géographique en cause

(78) La présente affaire concerne le marché des services de ligne entre le Zaïre et des ports de l'Europe du Nord.

6.2.1.4. Impact des pratiques de CMB

(79) Pour déterminer le montant de l'amende en fonction de la gravité de l'infraction, la Commission tiendra compte de l'incidence réelle du comportement illicite de chaque entreprise concernée sur le marché. Elle prendra donc en considération l'incidence réelle du comportement illicite de CMB par rapport à la participation des autres membres de Cewal.

(80) La mise en vigueur des pratiques illicites a eu comme principal effet d'asseoir la suprématie du groupe CMB (qui comprenait aussi, outre CMB, les armements Dafra-Lines et Woermann Linie depuis le 1er janvier 1988 et le 1er avril 1990, respectivement) sur ce marché.

(81) Le président et le secrétaire général de la conférence Cewal étaient en outre, pendant la période où les infractions ont été commises, des cadres de CMB.

(82) Le Secrétariat de la conférence était situé dans des locaux occupés également par CMB.

(83) En outre, en ce qui concerne la participation des autres parties, il y a lieu de considérer que Nedlloyd n'avait qu'un rôle limité dans Cewal par rapport à celui joué par CMB et détenait une part de trafic beaucoup plus faible que celle détenue par les armements de CMB. De plus, les deux compagnies maritimes Angonave (Angola) et Portline (Portugal) opéraient uniquement entre l'Angola et le Portugal. Enfin, Swal n'était pas intervenu de manière active dans le transport maritime entre l'Europe et le Zaïre depuis 1984.

(84) Le degré de participation des différentes parties a également été pris en considération lors de la fixation des amendes dans la décision initiale. Les parties ont, en vain, contesté cette approche devant le Tribunal, indiquant qu'elle était contraire au principe de l'égalité de traitement. Les parties ont estimé qu'il était discriminatoire que CMB supporte 95 % du montant de l'amende, alors que sa part dans le "pool" de recettes de la conférence ne représentait que 30 à 35 %.

(85) Le Tribunal a toutefois rejeté cet argument. Il a estimé que ces critiques étaient essentiellement fondées sur le fait que, selon les parties, les amendes auraient dû être fixées conformément à la part de chacune dans le pool des recettes de Cewal. Toutefois, le TPI a jugé que, lorsqu'il apparaît que des entreprises n'ont pas participé à un même degré à une infraction, la référence à la part fixe de chacune d'elles dans le pool des recettes aurait pour effet d'avantager celles qui ont largement participé à cette infraction et de pénaliser celles dont la participation est moindre. En conséquence, le Tribunal a conclu que du seul fait qu'elle avait retenu le degré de participation des entreprises plutôt que leur part dans le pool de recettes, la Commission n'avait pas enfreint le principe d'égalité de traitement (45).

(86) Le Tribunal a également estimé que la Commission avait tenu compte, à juste titre, de ce que CMB contrôlait une part de trafic prépondérante, si bien que l'impact de ses actes sur le marché était sensible, et qu'elle occupait une place déterminante au sein de Cewal. Dans ces conditions, le Tribunal a jugé que, en infligeant à CMB une amende substantiellement supérieure à celle infligée aux autres entreprises, la Commission n'avait pas enfreint le principe d'égalité de traitement (46).

(87) Le Tribunal a également constaté que la Commission avait pu conclure à bon droit que Swal n'avait pas joué de rôle actif dans les infractions et décider, sans enfreindre le principe d'égalité de traitement, qu'aucune amende ne devait en conséquence lui être infligée.

(88) Il a également constaté que la Commission avait pu à juste titre décider de ne pas imposer d'amendes à CMZ, sans enfreindre le principe d'égalité de traitement, dès lors qu'aucune des requérantes ne pouvait prétendre se trouver dans une situation identique à celle de CMZ: CMZ avait en effet dû se dessaisir de ses navires et n'exerçait plus par elle-même d'activité de transport maritime (47).

(89) Par conséquent, pour fixer le montant de l'amende en fonction de la gravité, la Commission se fondera sur ses observations initiales concernant la participation de CMB, comme décrit ci-dessus.

6.2.1.5 Circonstances à prendre en considération en ce qui concerne l'effet dissuasif de l'amende

(90) Le TPI a jugé que l'amende ayant également pour vocation de dissuader les entreprises de commettre de nouveau les infractions reprochées, la Commission a pu légitimement prendre en compte la circonstance que les armements du groupe CMB transportaient, à l'époque de l'adoption de la décision initiale, la quasi-totalité des cargaisons de la conférence (48).

(91) Étant donné que, au moment de l'adoption de la présente décision, aucune de ces circonstances spécifiques ne s'applique - CMB n'est plus membre de Cewal, qui a cessé ses activités en 1995 et CMB s'est même entièrement retiré du marché des services de ligne en 1998 - la Commission n'en tiendra pas compte pour fixer le montant de départ de l'amende en fonction de la gravité.

(92) Compte tenu de ce qui précède quant à

- la nature des infractions;

- l'incidence des infractions sur le marché;

- l'étendue du marché géographique en cause;

- l'impact des pratiques de CMB;

- le fait que le groupe CMB ne transportait pas 98 % des cargaisons de Cewal au moment des infractions, le montant, en fonction de la gravité, à utiliser pour le calcul de l'amende à infliger à CMB est fixé à 1 millions d'euro pour chacune des infractions.

6.2.2. Durée des infractions

(93) Conformément à l'arrêt du Tribunal, la Commission considérera que la période à prendre en compte au regard de l'infraction concernant l'accord avec l'Ogefrem court du 1er juillet 1987, date de l'entrée en vigueur du règlement 4056-86, à septembre 1989.

(94) Quant aux "fighting ships", conformément à l'arrêt du TPI, il y a lieu de prendre en compte, pour le calcul des amendes, les comportements des entreprises pendant la période de mai 1988 à novembre 1989.

(95) Pour les contrats de fidélité irréguliers et abusifs et les listes noires, la période à prendre en considération sera celle du 1er juillet 1987 au mois de novembre 1989.

(96) Il ressort de ce qui précède que les infractions étaient d'une durée moyenne (entre 18 et 28 mois et en moyenne deux ans).

(97) Des majorations du montant fondé sur la gravité de 20 % pour l'accord Ogefrem, de 15 % pour les navires de combat et de 20 % pour les accords de fidélité sont donc justifiées, aboutissant à des montants de 200.000 euro, 150.000 euro et 200.000 euro respectivement.

6.2.3. Circonstances aggravantes ou atténuantes

6.2.3.1 Circonstances aggravantes

Comportement des entreprises

(98) Contrairement à la décision initiale, la Commission ne tiendra pas compte de sa conclusion selon laquelle les membres de Cewal n'ont pas modifié leurs pratiques après le dépôt des plaintes ou les demandes d'informations envoyées par la Commission.

(99) Dans son arrêt, le Tribunal a jugé qu'en raison du caractère général des plaintes, il ne pouvait être fait grief aux membres de Cewal de n'avoir pas mis fin aux pratiques dès le dépôt de ces plaintes.

(100) Conformément à l'arrêt du TPI, le fait de ne pas avoir cessé les pratiques incriminées ne sera pas considéré comme une circonstance aggravante.

6.2.3.2. Circonstances atténuantes

Nouveauté de l'application du règlement (CEE) n° 4056-86 à des cas d'infraction

(101) La décision initiale constituait un des premiers cas d'application du règlement 4056-86 comportant l'imposition d'une amende pour infraction à l'article 82. En de telles circonstances, il est d'usage que la Commission fasse preuve de modération dans la fixation du montant de l'amende, afin de tenir compte de la possibilité que les parties visées par la décision pourraient ne pas avoir été pleinement informées des obligations résultant pour elles des règles du droit communautaire de la concurrence ou seraient susceptibles d'avoir sous-estimé la gravité des infractions qu'elles ont commises.

(102) Dans la décision initiale, la Commission a toutefois décidé de ne pas appliquer cette politique dans le cas d'espèce, puisque les membres de Cewal étaient parfaitement au fait des dispositions s'appliquant à eux en matière de concurrence. En outre, le code de conduite CNUCED, que toute conférence dans un trafic codiste est censée connaître et qui est cité dans le troisième considérant du règlement 4056-86, condamnait expressément certaines des pratiques abusives de Cewal.

(103) Les membres de Cewal étaient pleinement informés du fait que l'exemption de groupe octroyée sur la base du règlement 4056-86 aux conférences maritimes (après d'amples consultations des parties concernées) exclut que ces dernières suppriment toute concurrence à l'extérieur de celles-ci, et étendent les effets de leurs accords à la totalité des trafics de ligne sur lesquels elles opèrent.

(104) Dans ces conditions, la Commission a estimé, dans la décision initiale, qu'il n'y avait pas lieu de faire bénéficier les membres de la conférence Cewal d'un avantage particulier au motif de la nouveauté de l'application du règlement (CEE) n° 4056-86 à un cas d'infraction.

(105) Le Tribunal a rejeté les objections des parties à l'égard de ces conclusions, jugeant que l'objectif des pratiques abusives reprochées, à savoir évincer l'unique concurrent du marché, ne présentait aucun caractère nouveau en droit de la concurrence (49).

(106) Compte tenu de ce qui précède, la Commission n'accordera aucune réduction sur le montant de départ à ce titre.

6.2.3.3. Laps de temps

(107) Compte tenu du temps écoulé depuis la cessation des pratiques et le temps écoulé entre le jugement de la Cour de justice et la publication de la communication de griefs en avril 2003, la Commission a examiné l'effet que ce laps de temps devrait éventuellement avoir sur le montant de l'amende.

(108) Elle considère que le temps écoulé n'est pas une raison pour ne pas infliger d'amende, pour autant qu'il n'excède pas la prescription fixée pour les procédures de concurrence dans le règlement 2988-74. Comme il est indiqué ci-dessus, la Commission estime que la présente décision visant à infliger une amende est adoptée dans le cadre de la prescription prévue par le règlement n° 2988-74.

(109) La Commission est également tenue par le principe général de droit communautaire de respect d'un délai raisonnable lors de l'adoption de décisions à l'issue des procédures administratives en matière de concurrence (50).

(110) La Commission considère qu'en l'espèce, le laps de temps n'a en aucune façon affecté l'issue de l'affaire. Elle estime toutefois que la durée de la procédure justifie une réduction du montant total de l'amende de 50 000 euro pour chacune des infractions.

6.2.4. Application de la limite de 10 % du chiffre d'affaires

(111) Selon son dernier rapport annuel, le groupe CMB affichait un chiffre d'affaires global pour 2002 de 839 millions d'euro (51). L'amende maximale qui peut être infligée par la Commission correspond donc à 10 % de cette somme, soit 83,9 millions d'euro (52). L'amende infligée demeure nettement en deçà de ce plafond.

6.2.5. Montant de l'amende infligée

(112) Compte tenu de ce qui précède, la Commission inflige une amende de 3 400 000 d'euro à CMB.

A arrêté la présente décision:

Article premier

Une amende de 3.400.000 d'euro est infligée à la Compagnie Maritime Belge NV/SA pour les infractions visées à l'article 2 de la décision 93-82-CEE.

Article 2

L'amende est à payer, dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision, au compte de la Commission des Communautés européennes n° 001-3953713-69, Fortis Bank SA, Rue Montagne du Parc 3, B-1000 Bruxelles (Code SWIFT: GEBABEBB- code IBAN BE71 0013 9537 1369). Le montant de cette amende porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de trois points et demi, soit 5,5%.

Article 3

La Compagnie Maritime Belge NV/SA De Gerlachekaai 20 2000 Anvers, Belgique, est destinataire de la présente décision.

La présente décision forme titre exécutoire au sens de l'article 256 du traité.

Notes :

1 JO L 378 du 31.12.1986, p. 4 (ci-après dénommé " Règlement 4056-86).

2 JO L 34 du 10.2.1993, p. 20.

3

4 Voir l'article premier de la décision initiale.

5 Voir l'article 2 de la décision initiale.

6 Voir l'article 3 de la décision initiale.

7 L'accord a été signé le 7 mai 1991, avec effet rétroactif au 1er janvier 1991.

8 Affaires jointes T-24-93, T-25-93, T-26-93 et T-28-93 CMB, CMBT et Dafra-Lines contre Commission, Rec. 1996, page II-1201.

9 Affaires jointes C-395-96 P et C-396-96 P CMB, CMBT et Dafra-Lines contre Commission, Rec. 2000, page I-1365.

10 Points 141-149 de l'arrêt de la Cour de justice.

11 Étant donné qu'aucune amende n'a été infligée à CMBT, l'arrêt n'a eu aucune conséquence sur cette société.

12 S'agissant du remboursement de l'amende, un différend s'est fait jour entre la Commission et les parties concernant le paiement d'intérêts sur le montant de l'amende. Ce différend a été réglé le 11 décembre 2001. Le 15 octobre 2002, la Commission a effectué le dernier paiement sur la base de ce règlement aux parties.

13 Considérants 33 à 40 de la décision initiale.

14 Points 47 à 52 de l'arrêt du TPI.

15 Considérants 49 à 51 de la décision initiale.

16 Point 67 de l'arrêt du TPI.

17 Points 27 à 48 de l'arrêt de la Cour.

18 Considérants 57 à 61 de la décision initiale.

19 Points 69 à 82 de l'arrêt du TPI.

20 Considérants 63 à 67 de la décision initiale.

21 Point 108 de l'arrêt du TPI.

22 Points 72 à 88 de l'arrêt de la Cour.

23 Considérants 73 à 83 de la décision initiale.

24 Point 153 de l'arrêt du TPI.

25 Considérants 84 à 86 de la décision initiale.

26 Points 173 à 186 de l'arrêt du TPI.

27 Considérants 92 à 96 de la décision initiale.

28 Points 201 à 203 de l'arrêt du TPI.

29 Voir affaires jointes C-238-99 P, C-244-99 P, C-245-99 P, C-247-99 P, C-250-99 P à C- 252-99 P et C-254-99 P LVM et al. contre Commission, Rec. 2002, page I-8375.

30 Voir affaire T-308-94 Cascades contre Commission, Rec. 2002, page II-813. Un élément de cette affaire (responsabilité de deux filiales) a été renvoyé par la Cour au Tribunal. Lors de la deuxième procédure devant le Tribunal, les requérants ont réitéré une action contestant leur domination de l'entente. Le Tribunal a rejeté l'action, car ses conclusions lors de la première procédure étaient définitives, puisqu'elles avaient été arrêtées lors de ces procédures et qu'elles n'avaient pas été contestées par les requérants en appel.

31 Voir affaire 14-64, Emilia Gualco contre Haute Autorité CECA, Rec. 1965, p. 51.

32 Voir affaire C-188-92 TWD Textilwerke Deggendorf contre Allemagne, Rec. 1994, page I-833, et affaire C-239-99, Nachi Europe contre Hauptzollamt Krefeld, Rec. 2001, page I-1197.

33 Voir affaire T-251-00, Lagardère contre Commission, Rec. 2002, page II-4825, points 111-114, de laquelle il ressort que seul un recours contre une nouvelle (partie d'une) décision qui place le destinataire dans une position moins favorable que la première décision est admissible.

34 Voir affaires jointes 97-86, 99-86, 193-86 et 215-86 Asteris et autres contre Commission, Rec. 1998, page 2181, point 27.

35 Voir affaire T-310-01 Schneider Electric contre Commission, Rec. 2002, page II-4071, point 465.

36 JO L 319 du 29.11.1974, p. 1.

37 Pour l'accord FETTCSA (affaire T-213-00 CMA CGM et al. contre Commission, non encore publiée au Recueil), le TPI a conclu que le règlement n° 2988-74 avait institué une réglementation complète régissant en détail les délais dans lesquels la Commission est en droit, sans porter atteinte à l'exigence fondamentale de la sécurité juridique, d'infliger des amendes aux entreprises faisant l'objet de procédures d'application des règles communautaires de la concurrence (point 324).

38 Considérant 102 de la décision initiale.

39 Point 231 de l'arrêt du TPI.

40 Conclusions de l'avocat général Fenelly présentées le 29 octobre 1998, affaires jointes C-395-96 P et C-396-96 P CMB, CMBT et Dafra-Lines contre Commission, Rec. 2000, page I-1365, point 184.

41 Point 231 de l'arrêt du TPI.

42 Voir considérant 57 de la décision initiale.

43 Considérant 82 de la décision initiale.

44 Point 247 de l'arrêt du TPI.

45 Point 234 de l'arrêt du TPI.

46 Point 235 de l'arrêt du TPI.

47 Points 235 et 237 de l'arrêt du TPI.

48 Point 235 de l'arrêt du TPI.

49 Point 248 de l'arrêt du TPI.

50 Voir affaire C-185-95 P Baustahlgewebe contre Commission, Rec. 1998, page I-8417, dans laquelle la Cour de justice a réduit de 50 000 écus l'amende de 3 millions d'écus infligée au requérant en tant que satisfaction équitable en raison de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal de première instance (points 47 et 141 de l'arrêt).

51. Il était de 1 175 millions d'euro en 1991.

52 Article 19, par. 2, a) du Règlement 4056-86.