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Décisions

CCE, 19 novembre 2008, n° NN 49-2008

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Aide d'urgence en faveur de Dexia en forme de garantie sur les obligations et liquidity assistance

CCE n° NN 49-2008

19 novembre 2008

Messieurs,

J'ai l'honneur de vous informer que la Commission européenne a décidé de ne pas soulever d'objections contre les aides d'État mentionnées en objet.

1. PROCEDURE

(1) Le 30 septembre 2008, les autorités de Belgique, France et Luxembourg (ci-après "les États membres concernés") ont annoncé publiquement la mise en œuvre de l'augmentation de capital décrite à la section 2.2 de la présente lettre (ci-après " l'augmentation de capital "). Le 9 octobre 2008, les États membres concernés ont annoncé la mise en œuvre de la garantie décrite à la section 2.3 (" la garantie ").

1.1. Communications des autorités belges

(2) Par courrier électronique en date du 2 octobre 2008, enregistré à la Commission le même jour, les autorités belges ont informé la Commission des mesures prises par elles dans le cadre de l'augmentation de capital, en priant la Commission de "bien vouloir considérer la présente comme la notification des éléments d'aide d'État qui sont inhérents à l'opération". Le 9 le 17 et 30 octobre et 3, 5, 6, 7 et du 12 au 19 novembre, la Belgique a transmis des informations concernant la garantie.

(3) Le 1er octobre 2008, la Belgique a transmis à la Commission une lettre motivée de la Banque Nationale de Belgique justifiant l'urgence des mesures prises par la Belgique dans le cadre de l'augmentation de capital. Par courrier électronique du 14 octobre 2008, la Belgique s'est engagée à présenter, dans un délai de six mois à compter du 3 octobre 2008, un plan relatif au groupe Dexia et dans lequel seront détaillées les mesures visant à assurer la viabilité de l'entreprise à long terme. Ce plan tiendra compte des mesures prises les 3 et 9 octobre 2008.

(4) Par courriers du 8 et du 13 octobre la Belgique a informé la Commission d'une opération de "Liquidity Assistance" (ci-après : LA) que la Banque Nationale de Belgique (ci-après : BNB) a lancé en raison des difficultés de liquidité temporaires de Dexia Banque Belgique. Elle a tenu la Commission informée des montants tirés sur cette opération.

1.2. Communication des autorités françaises

(5) Par communication du 1er octobre 2008, enregistrée le même jour, les autorités françaises ont soumis des informations à la Commission concernant l'augmentation de capital, en précisant toutefois qu'il s'agissait d'une description factuelle transmise aux services de la Commission pour leur information qui ne constituait pas la notification d'une aide d'État et ne préjugeait pas la qualification juridique que les autorités françaises donneraient aux faits en question. Par lettre du 13 octobre 2008, les autorités françaises ont informé la Commission de la mise en œuvre de la garantie. Elles ont fourni des informations supplémentaires le 10 novembre.

(6) Par communication en date du 2 octobre 2008, la France a transmis à la Commission une lettre motivée de la Banque de France justifiant de l'urgence des mesures prises par la France dans le cadre de l'augmentation de capital. Dans sa lettre du 13 octobre 2008, France s'est également engagée à transmettre à la Commission, au plus tard le 2 avril 2009, les éléments d'appréciation de la viabilité des activités du groupe Dexia ainsi que, le cas échéant, les mesures opérationnelles susceptibles de permettre un retour à la viabilité à long terme.

1.3. Communication des autorités luxembourgeoises

(7) Par courrier électronique du 1er octobre 2008, enregistré à la Commission le même jour, les autorités luxembourgeoises (utilisant le formulaire prévu pour les notifications d'aides d'État) ont informé la Commission des mesures prises par elles en faveur de Dexia Banque International Luxembourg SA, filiale contrôlée à 100 % par Dexia SA en liaison avec l'augmentation de capital. Les autorités luxembourgeoises ont précisé qu'elles considéraient que ces mesures ne constituaient pas des aides d'État et que par conséquent elles n'en informaient la Commission que par sécurité juridique. Par courrier électronique du 13 octobre 2008, les autorités luxembourgeoises ont informé la Commission de la garantie. Elles ont fourni des informations supplémentaires le 6 novembre.

(8) Par communication en date du 10 octobre 2008, le Luxembourg a transmis à la Commission une lettre motivée de sa Commission de surveillance du secteur financier justifiant de l'urgence des mesures prises par le Luxembourg en liaison avec l'augmentation de capital. Par lettre en date du 2 octobre 2008, le Luxembourg s'est engagé à communiquer, dans les six mois à compter de l'autorisation de l'aide, un plan de liquidation ou de restructuration de Dexia.

1.4. Réception d'une plainte par un concurrent de Dexia

(9) Un concurrent de Dexia actif sur le marché belge a déposé, le 4 novembre 2008, deux plaintes auprès de la Commission contre les aides reçues par Dexia. Ce concurrent considère que les aides ne sont pas compatibles avec le marché commun et allègue que Dexia en a profité pour fausser le marché financier, notamment pour les taux offerts aux déposants.

2. DESCRIPTION DES AIDES ET PORTEE DE LA PRESENTE DECISION

2.1. Le bénéficiaire

(10) Dexia est un groupe financier actif dans les secteurs de la banque et des assurances. La société mère, Dexia SA, est une société anonyme de droit belge cotée sur les bourses Euronext Paris et Euronext Bruxelles. Sa capitalisation boursière était de 11,7 milliards d'euro au 30 juin 2008.

(11) Née de la fusion en 1996 du Crédit Local de France et du Crédit communal de Belgique, Dexia est spécialisée dans les prêts aux collectivités locales (mais compte également 5,5 millions de clients privés).

(12) Avant la mise en œuvre des mesures visées par cette lettre, l'actionnariat de Dexia se répartissait de la manière suivante:

Société Part au capital

Arcofin 18,08 %

Holding Communal 17 %

Caisse des Dépôts et consignations 11,89 %

Ethias 6,37 %

CNP Assurances 2,00%

Salariés 3,92%

Free float 40,74%

2.2. L'augmentation de capital

(13) Le 28 septembre 2008, le conseil d'administration de Dexia a constaté la détérioration des conditions de marché et les difficultés financières rencontrées par certaines institutions financières. Compte tenu de leur impact sur Dexia le conseil d'administration a décidé, le 29 septembre 2008, de procéder rapidement à une augmentation de capital de 6,4 milliards d'euro.

(14) Après avoir obtenu l'accord de différents investisseurs prêts à participer à l'augmentation de capital réservée, dont les autorités belges, françaises et luxembourgeoises, une nouvelle séance du conseil d'administration, organisée le 30 septembre 2008, a arrêté à l'unanimité le principe et les modalités d'une augmentation de capital réservée.

(15) L'augmentation de capital a eu lieu avec suppression du droit préférentiel de souscription des actionnaires existants conformément au code belge des sociétés et des statuts de Dexia (cette suppression serait dictée par la nécessité d'une intervention immédiate). De ce fait, conformément à la législation belge, le prix d'émission des actions nouvelles doit être au moins égal (au cas présent égal) à la moyenne des cours de clôture de l'action Dexia sur les 30 jours calendriers précédant le jour du début de l'émission, soit 9,90 euro. De cette manière, 606 millions d'actions nouvelles seront émises.

(16) Les autorités françaises soulignent que le prix de souscription reflète la valeur de Dexia sur les six derniers mois. Quelle que soit la période de référence utilisée sur cette période, l'augmentation de capital se fait à un cours qui se situe toujours dans l'intervalle constituée par la moyenne du cours +/- l'écart-type.

(17) Selon les informations des autorités belges, l'augmentation de capital de euro 6 milliards par les actionnaires belges et français, qui consiste à la souscription d'actions ordinaires de Dexia SA, est devenue définitive le 3 octobre 2008. La souscription à cette augmentation de capital réservée se répartit de la façon suivante :

(a) Belgique :

- l'État belge investit 1 milliard euro dans Dexia SA ;

- la Région flamande investit 500 millions d'euro dans Dexia SA ;

- la Région wallonne investit 350 millions d'euro dans Dexia SA ;

- la Région Bruxelles-Capitale investit 150 millions d'euro dans Dexia SA ;

- la Holding Communal SA investit 500 millions d'euro dans Dexia SA ;

- Arcofin SC investit 350 millions d'euro dans Dexia SA ;

- Ethias investit 150 millions d'euro dans Dexia SA ;

(b) France :

- l'État français investit 1 milliard euro dans Dexia SA. La gestion de cette participation sera confiée à l'Agence des participations de l'État.

- Le groupe de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) investit 1,71 milliards d'euro dans Dexia SA.

- CNP Assurances investit 288 millions d'euro dans Dexia SA.

Quant au Luxembourg, l'État luxembourgeois s'est engagé d'investir 376 millions d'euro dans Dexia Banque Internationale à Luxembourg SA sous la forme d'obligations convertibles avec échéance de trois ans, des intérêts de 10% par an et une conversion en actions ordinaires selon des conditions à convenir.

2.3. La garantie

(18) Par accord conclu le 9 octobre 2008, les États membres concernés ont décidé de mettre en place un mécanisme de garantie au bénéfice de Dexia (1). La garantie est conjointe et non solidaire à hauteur de 60,5 % pour la Belgique, 36,5 % pour la France et 3 % pour le Luxembourg. La garantie vise l'intégralité des financements levés par Dexia SA et par ses filiales Dexia Banque Belgique, Dexia Banque Internationale à Luxembourg, société anonyme et Dexia Crédit Local auprès d'établissements de crédit et des déposants institutionnels, ainsi que les obligations et les titres de créances que Dexia émet à destination d'investisseurs institutionnels, dès lors que ces financements, obligations ou titres arrivent à échéance avant le 31 octobre 2011. La garantie couvre la dette émise pendant six mois à compter de l'entrée en vigueur de la convention de garantie mentionnée ci-dessous. Elle est renouvelable d'un commun accord pour une durée d'un an.

(19) En outre, les financements pouvant bénéficier de la garantie sont plafonnés à un montant de 150 milliards d'euro correspondant à l'ensemble des financements émis avant le 9 octobre 2008 et arrivant à échéance avant le 31 octobre 2009.

(20) La garantie fait aussi l'objet d'une convention entre Dexia et les trois États membres qui précise les conditions de la garantie et notamment sa rémunération (l'accord du 9 octobre prévoyait une rémunération " reflétant l'avantage ainsi obtenu par les entités concernées du groupe Dexia sur base de conditions normales du marché "). La rémunération de la garantie sera constituée par une commission que Dexia devra acquitter mensuellement sur les encours pro rata temporis calculés comme suit :

- pour les obligations ayant une échéance fixe inférieure à un mois, y compris les dépôts à préavis, cette commission sera égale à 25 points de base sur base annuelle, ce qui sera augmenté à 50 points de base après le 15.2.09;

- pour toutes les autres obligations garanties ayant une échéance jusqu'à douze mois inclus, ou ayant une échéance indéterminée, cette commission sera égale à 50 points de base sur base annuelle ;

- pour toutes les obligations garanties ayant une échéance strictement supérieure à un an, la rémunération de la garantie sera égale à 50 points de base sur base annuelle, augmentée de la plus basse des deux valeurs suivantes, appliquée à chaque obligation garantie: soit la médiane des CDS spreads de Dexia à 5 ans calculée sur la période débutant le 1er janvier 2007 et s'achevant le 31 août 2008 (à condition que ces spreads soient représentatifs), soit la médiane des CDS spreads à 5 ans de l'ensemble des établissements de crédit ayant une notation de crédit à long terme équivalente à celle de Dexia, calculée sur la même période.

Dans chaque cas, la commission est calculée sur le montant moyen de l'encours des obligations garanties ayant l'échéance en question et bénéficiant de la garantie au cours de la dernière période mensuelle.

2.4. L'opération de LA

(21) L'opération de LA est fourni par la BNB en coopération avec la Banque de France. [...]* Les crédits octroyés par la BNB bénéficient d'une garantie de l'Etat belge (avec effet rétroactif) en vertu de la loi du 15.10.2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie d'Etat relative aux crédits octroyés et autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière et de l'Arrêté royal du 16 octobre 2008 pris en exécution de l'article 117bis de la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers.

2.5. La vente de la filiale FSA

(22) Le 14 novembre 2008, Dexia a annoncé l'existence d'une nouvelle garantie des Etats belge et français de 16,9 milliards de dollars pour les produits financiers de la filiale FSA, suite à la décision de Dexia de vendre la partie assurances de FSA. FSA ne bénéficie pas de la garantie offerte par la convention telle que décrite à la section 2.3 ci-dessus.

2.6. Portée de la présente décision

(23) Cette décision ne porte que sur la garantie octroyée par l'accord du 9 octobre 2008 qui fait l'objet de la convention telle que décrite à la section 2.3 ci-dessus, et l'opération LA décrite au 2.4. Les autres mesures seront examinées séparément dans le cadre d'une décision ultérieure.

3. APPRÉCIATION DE LA COMMISSION

3.1. Existence d'aide au sens de l'article 87 (1) du traité

(24) La Commission est appelée à examiner les interventions selon les critères de l'article 87, paragraphe 1, du traité. La Commission considère que les mesures en cause sont sélectives étant donné qu'elles ne concernent qu'une seule entreprise, le groupe Dexia. Étant donné la taille de Dexia et son importance sur les marchés belge, français et luxembourgeois, et le fait que, sans les interventions, le groupe aurait pu se trouver en position d'insolvabilité, ce qui aurait changé la structure du marché bancaire sur les trois territoires de manière significative, la Commission considère que les mesures en cause affectent les échanges entre États membres et faussent ou menacent de fausser la concurrence. Les interventions comportent des ressources d'Etat et sont clairement imputables aux États membres concernés.

(25) En ce qui concerne le critère d'avantage la France considère que la garantie ne constitue pas une aide d'État. Elle note, en particulier, que la garantie fera l'objet d'une rémunération adéquate et conforme à ce qu'elle serait dans un fonctionnement normal du marché. Les autres États ne se sont pas exprimés à ce sujet.

(26) La Commission note que selon les informations qu'elle a reçues, le taux de rémunération de la garantie n'était pas en fait fixé au moment de son octroi, et qu'il a été fixé par la suite à un niveau qui s'aligne sur les recommandations de la Banque Centrale Européenne du 20 octobre 2008, comme dans d'autres cas ou régimes instruits par la Commission (2) qui sont néanmoins considérés des mesures d'aide. Elle note également que la raison de cette garantie était que Dexia n'avait plus accès au financement de court ou de long terme sur les marchés interbancaires ou des capitaux. Dans ces circonstances la Commission ne peut pas considérer que la garantie est rémunérée à un taux de marché. En ce qui concerne l'argument des autorités françaises, la Commission insiste sur le fait qu'une rémunération doit être appréciée par rapport non pas à un fonctionnement 'normal' du marché mais des circonstances qui existaient au moment de l'opération.

(27) La Commission considère donc que la garantie représente une aide d'État en faveur de Dexia.

3.1.1. L'opération LA

(28) En ce qui concerne l'opération LA, la Commission a déjà précisé que lorsqu'un État membre/une banque centrale, pour faire face à une crise bancaire, adopte des mesures générales s'adressant à tous les acteurs comparables du marché (c'est-à-dire en consentant des prêts à l'ensemble des acteurs du marché aux mêmes conditions), ce type de mesures générales, souvent, ne relève pas du champ d'application des règles sur les aides d'État et ne doit pas être notifié à la Commission. Elle peut également estimer, dans certaines circonstances bien particulières, que l'octroi d'un soutien spécial à une institution financière spécifique ne constitue pas une aide.

(29) Dans le cas présent, la Commission a noté que la BNB bénéficie d'une garantie de l'État belge pour l'opération en question (même si cette garantie n'est spécifique à celle-ci) en vertu de la loi du 15 octobre 2008 portant des mesures visant à promouvoir la stabilité financière et instituant en particulier une garantie d'Etat relative aux crédits octroyés et autres opérations effectuées dans le cadre de la stabilité financière et aussi que l'opération s'inscrit dans le cadre d'autres mesures et notamment l'augmentation de capital et la garantie. La Belgique a précisé que l'information concernant l'opération de LA "complétait" sa notification de l'augmentation du capital. L'opération était discrétionnaire de la part de la BNB.

(30) Dans ces circonstances, l'opération LA ne remplit pas les critères pour échapper à la qualification d'aide d'état, comme définis au paragraphe 51 de la Communication de la Commission sur l'application des règles en matière d'aides d'État aux mesures prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale (3). Par conséquent, et nonobstant les gages fournies par Dexia, la Commission considère que l'opération comporte des aides d'État.

3.2. Légalité de l'aide

(31) L'article 88(3) du traité prévoit que les États membres informent la Commission, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou modifier des aides d'État. En l'espèce, la Commission relève que les États membres concernés ont convenu le 9 octobre de la mise en œuvre de la garantie. Les informations présentées à la Commission à cet égard, quand bien même elles ont été qualifiées de notification (comme dans le cas de la Belgique) ou soumises au moyen des formulaires prévues pour les notifications, ont toutes été soumises après la mise en œuvre des aides et ne peuvent donc pas être considérées comme des notifications valables.

(32) La Commission constate donc que les aides ont été mises en œuvre en violation de l'article 88(3) du traité.

3.3. Base légale à l'analyse de la compatibilité

(33) Les autorités belges invoquent l'article 87 (3) b) du traité qui indique que "les aides destinées ...à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre" peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. Les autorités belges se fondent sur l'affirmation qu'une défaillance de Dexia entraînerait une perturbation grave de l'économie belge. La France a cité les paragraphes 87 (3) b) et 87 (3) c) pour le cas où la Commission considère qu'il s'agit d'aide. Le Luxembourg n'indique pas de base légale sur laquelle leurs interventions pourraient être compatibles avec le marché commun.

(34) Il convient en premier lieu d'analyser la pertinence de la base juridique invoquée par la Belgique. La Commission présentera d'abord les arguments des autorités belges relatifs aux difficultés de Dexia (section 3.4) et des conséquences d'une défaillance de la banque sur l'économie belge (section 3.5) avant d'en tirer ses conclusions quant à l'applicabilité de l'article 87 (3) b) du traité (section 3.6).

3.4. Difficultés de Dexia

(35) Les autorités belges ont formulé les observations suivantes.

(36) Les difficultés de Dexia doivent être mises en relation avec la crise financière internationale au moment de l'octroi de l'aide. Dexia présente des expositions importantes à des contreparties bancaires dont la solvabilité s'est dégradée au cours des journées précèdent l'octroi de l'aide. Ces positions entraînent un risque de pertes significatives qui affecteraient la notation de Dexia (dont l'importance est fondamentale en vue de l'obtention de lignes de crédit). À titre d'exemple, Dexia a estimé que les pertes encourues suite à la faillite de Lehman Brothers seraient de l'ordre de 350 millions d'euro. Dexia a par ailleurs des expositions importantes sur des banques ou des pays à risque, tels que des banques américaines, irlandaises, islandaises ou turques.

(37) En outre, la chute des marchés boursiers a engendré des pertes importantes sur les portefeuilles-titres de Dexia, notamment au cours du 3e trimestre. Par ailleurs, 7 milliards d'euro de réserves dites AFS ("Available For Sale") négatives ont été actées en vue d'enregistrer des pertes latentes sur des actifs. De fortes craintes existaient que ces moins-values ne s'amplifient et doivent être réalisées avec un impact direct sur le capital. Ceci affecterait les fonds propres comptables (15,639 milliards d'euro au 30 juin 2008) de moitié.

(38) Dexia a été aussi fragilisée par la détention d'actifs à la valeur précaire détenus dans sa filiale américaine Financial Security Assurance (FSA), spécialisée dans le rehaussement de crédit. FSA a une exposition importante au marché immobilier américain qui connaît une crise sans précédent depuis l'été 2007. Depuis le 1er trimestre 2008, FSA a enregistré des pertes qui ont depuis lors été sans cesse revues à la hausse comme suite à la dégradation continue du marché immobilier américain. Le 30 juin 2008, FSA avait passé 1 milliard USD de provisions sur son exposition au marché immobilier américain (chiffrée à 18,2 milliards USD). Des provisions additionnelles seraient enregistrées dans les résultats du troisième trimestre. FSA a développé une activité de gestion d'actifs, qui consiste principalement à replacer les excédents de liquidité des collectivités locales sous la forme de contrats qui assurent aux déposants une garantie en capital ainsi que le paiement d'intérêts. Ces liquidités ont été investies en grande partie dans des actifs liés au marché immobilier américain, et notamment des actifs "sub prime" (7,6 milliards USD sur un total de portefeuille de 17,3 milliards USD au 30 juin 2008). La valeur de ce portefeuille a fortement diminué au cours de 2008, créant une différence substantielle par rapport aux "dépôts" (différence de 4,3 milliards USD au 30 juin). La dégradation du rating de FSA risquait d'entraîner la possibilité pour les déposants de retirer immédiatement leurs avoirs, et donc aurait pu obliger FSA à vendre ces actifs investis en réalisant une importante moins-value. Cette cristallisation de pertes aurait entraîné une forte dégradation de la solvabilité de Dexia, qui a mis en place en juin 2008 une ligne de liquidité de 5 milliards USD au profit de cette activité de gestion d'actifs, de manière à éviter des ventes forcées d'actifs dépréciés. En outre, une diminution de la notation de FSA par l'agence Moody's était probable. Ceci aurait accentué la pression sur Dexia. La situation extrêmement difficile de FSA obligeait Dexia à envisager des scénarios extrêmes (arrêt de l'activité ou, comme cela a été annoncé ultérieurement le 14 novembre, vente) de manière à limiter l'exposition du groupe. De tels scénarios engendreraient des pertes supplémentaires substantielles.

(39) De manière générale, la crise financière a engendré un manque de confiance majeur vis-à-vis des banques qui se traduit notamment par une raréfaction drastique des liquidités au sein du système bancaire. Or, Dexia se finance en grande partie à court terme sur les marchés financiers, en vendant des obligations aux investisseurs ou en empruntant de l'argent aux autres banques. Les craintes concernant le maintien de la solvabilité de Dexia ont accentué les problèmes de liquidité du groupe. Ces problèmes ont eu un impact direct sur l'activité de Dexia qui a rencontré des difficultés pour placer des émissions garanties par des prêts aux collectivités locales. Ainsi, au début du mois de septembre, Dexia s'est vue contrainte d'annuler [...]. De même, Dexia désirait recourir à [...]. Les conditions de marché ont empêché le recours à cette voie de financement.

(40) La perte de confiance s'est aussi traduite au niveau des particuliers qui ont commencé à retirer [...] leurs avoirs auprès de Dexia en Belgique et au Luxembourg dans le courant de la journée du lundi 29 septembre.

(41) Cette perte de confiance des marchés est devenue totale dans le courant du lundi 29 septembre 2008:

- Le funding unsecured interbancaire était quasi inexistant en début de journée.

- Dans le courant de la journée, le marché interbancaire non garanti était coupé à Dexia; la signature de Dexia n'était plus acceptée sur le marché des repos collatéraux, de sorte que Dexia a dû faire appel au " discount window " de la BCE à concurrence d'un montant de [100-400] millions d'euro afin de boucler sa situation de liquidité. Une démarche a également été faite auprès de la Banque Nationale de Belgique et de la Banque de France afin de souscrire à une ligne de liquidité collatéralisée à concurrence de [10-25] milliards d'euro.

- Un début de retraits anormaux de la clientèle au Luxembourg et en Belgique a également été constaté, créant un risque majeur pour la liquidité du groupe Dexia (les encours représentant [50-100] milliards d'euro, dont [20-60] pouvant être soldés sur demande).

- L'agence de notation financière Standard & Poor's a annoncé qu'elle abaissait la note de la dette long terme de Dexia de "AA" à "AA-".

(42) Ces différents éléments ont créé une perte énorme de confiance sur les marchés. Les actions cotées au niveau du groupe ont ainsi subies le 29 septembre 2008 en un jour une dépréciation de presque 30 %. Depuis janvier 2008, le titre côté au niveau du groupe a ainsi subi une dépréciation de presque 59 %. Dans ce contexte, Dexia ne pouvait survivre sans une recapitalisation massive de nature à redresser la situation critique de liquidité dans laquelle se trouvait le groupe, et à restaurer la confiance du marché et du système interbancaire. La recapitalisation en actions ordinaires par les actionnaires belges et français annoncée le 30 septembre 2008 a eu lieu le 3 octobre.

(43) Malgré l'augmentation de capital, Dexia a été confronté à un contexte de défiance généralisée sur les marchés financiers et à l'assèchement de ses possibilités de refinancement sur le marché interbancaire:

(i) Le cours du titre Dexia a poursuivi sa chute et perdu 27% en 5 jours, avec une valorisation boursière avoisinant alors les 6,4 milliards d'euro injectés lors de la recapitalisation.

(ii) Le 8 octobre 2008, l'agence de notation [...] .

(iii) Dexia n'avait plus accès ni au refinancement " unsecured " court terme sur le marché interbancaire, ni au financement long terme par appel aux marchés des capitaux.

(iv) Dexia a fait face à des tirages importants sur les lignes de liquidités ouvertes aux municipalités américaines et au secteur public ; dans le même temps, le mouvement de retraits bancaires dans les réseaux " retail " s'est poursuivi.

(v) Dexia a contracté des lignes de liquidité auprès de la BNB et de la Banque de France.

(44) La conjugaison de ces éléments a créé une crise majeure de liquidité, de nature à compromettre la capacité de Dexia à continuer à opérer. Il s'imposait donc de prendre d'urgence des mesures significatives destinées à rouvrir à Dexia l'accès aux mécanismes de financement institutionnel. C'est dans ce contexte que la garantie a été annoncée le 9 octobre et mise en place, visant à rassurer les clients de l'établissement sur la protection de leur dépôt et sur la liquidité de la banque.

3.5. Risques pour l'économie belge

(45) Dexia est un acteur majeur sur le marché - fortement concentré - bancaire belge. En raison de ses origines, Dexia est la banque de référence du secteur public. Sa position est prééminente dans le secteur de la gestion des fonds des collectivités locales et régionales belges, dans lequel Dexia détient une part de marché de [30-50]% (fin août 2008). Dexia est aussi et de loin le premier fournisseur de crédits aux collectivités locales et régionales avec une part de marché de [50-70] %.

(46) À la même époque, Dexia détenait [10-20]% des dépôts des ménages belges auprès de banques belges, ce qui fait de Dexia un des 3 leaders belges en matière de services aux particuliers avec près de [1-5] millions de clients en Belgique. Ses parts de marché dans les crédits aux ménages étaient de [10-25] % pour les prêts hypothécaires et [10-25] % des crédits à la consommation. Concernant les prêts aux entreprises autres que financières, Dexia détenait [10-25] % des dépôts et [10-25]% des crédits. Finalement, en ce qui concerne les établissements financiers autres que les banques, Dexia représentait [5-12] % des dépôts et [20- 30] % des crédits. Fin juin 2008, le solde des dépôts de l'ensemble des ménages belges auprès de Dexia s'élevait à un montant total de [25-40] milliards d'euro.

(47) Les autorités belges ont aussi fait valoir que Dexia a une position importante dans le marché interbancaire international. Fin juin 2008, la somme des emprunts interbancaires du groupe Dexia correspondait à environ [2-5] % du "due to banks" pour le secteur bancaire de l'UE. Les autres banques belges représentaient la plus grande partie de ses prêts interbancaires ([15-20] %) mais ce secteur d'activité avait aussi une forte composante internationale (ainsi, les crédits interbancaires avec la Royaume-Uni et la France représentaient respectivement [15-20] % et [10-15] %).

(48) La Belgique considère que la position de Dexia sur le marché belge et le marché interbancaire ne laisse subsister aucun doute sur les conséquences dramatiques qu'aurait eu un dépôt de bilan dans les circonstances au moment de l'octroi de l'aide. Selon elle, il en aurait résulté une grave perte de confiance du public (risque réel mouvement de panique avec retraits massifs, ou "bank run"), qui à son tour aurait déclenché une grave crise de confiance dans le système bancaire dans sa totalité (tant au niveau belge qu'au niveau international) notamment en raison de l'enchevêtrement des liens financiers entre les établissements bancaires et financiers. Ce risque était encore aggravé par la grande volatilité des marchés financiers.

(49) La Belgique souligne aussi que la mise en difficulté de Dexia aurait mis certains actionnaires de Dexia avec un rôle important dans l'économie belge dans une situation dramatique, en particulier:

- le Holding Communal (17 % du capital au 30 juin 2008), ayant les communes belges comme actionnaires, et véhicule essentiel du financement des pouvoirs locaux ;

- le Groupe ARCO (18 % du capital au 30 juin 2008), holding coopératif comptant plus de 800 000 actionnaires particuliers recrutés dans de larges couches de la population ;

- Ethias (6 % du capital au 30 juin 2008), troisième assureur du pays toutes branches confondues avec 13,1 % de part de marché (plus d'un million d'assurés).

3.6. Appréciation de la Commission

3.6.1. Applicabilité de l'article 87 (3) b) du traité

(50) L'article 87 (3) b) du traité prévoit que "les aides destinées ...à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre" peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. Il ressort d'une jurisprudence constante que cet article est d'interprétation stricte et que l'aide en question doit viser à remédier à une perturbation grave qui concerne l'ensemble de l'économie de l'État membre.

(51) La Commission constate, au vu de l'ensemble des éléments qui ressortent des paragraphes 36 à 44, que Dexia rencontrait, au moment de l'octroi de l'aide en cause, de très sérieuses difficultés qui permettaient de craindre pour la survie de Dexia à court terme.

(52) Il s'agit dès lors d'apprécier si la cessation d'activité de Dexia aurait engendré une perturbation grave de l'économie belge dans son ensemble. À cet égard, la Commission relève que Dexia occupait une position prééminente dans le secteur du financement des collectivités locales. En outre, Dexia est une banque très importante sur le marché des particuliers avec [10-20]% des dépôts des ménages belges. Dans le contexte économique au moment de l'octroi des aides, marqué par une crise des secteurs bancaires américain et européen d'une extrême gravité (arrêt presque complet du marché du prêt interbancaire et multiplication des banques en grave difficulté, menant soit au rachat par un concurrent, soit à l'intervention de l'Etat, soit à la faillite), il était raisonnable de supposer que la cessation des activités de Dexia aurait été susceptible de paralyser largement toute activité dépendant des collectivités locales belges, mais aussi de créer une crise de confiance des ménages belges envers le secteur bancaire en général qui se traduirait par un "bank run" auprès d'autres banques installées en Belgique. Dans le contexte de crise bancaire international, la soudaine cessation d'activité d'une banque de l'importance de Dexia renforcerait également et de manière aiguë la méfiance des banques étrangères envers les banques belges, ce qui aurait pour effet de leur couper toute possibilité d'emprunt - même à très court terme - sur le marché interbancaire. Ce dernier effet, combiné au "bank run", signifierait que les banques belges seraient dans l'impossibilité de se financer, ce qui entraînerait le dépôt de bilan de plusieurs d'entre elles. L'activité bancaire en Belgique serait dès lors durablement paralysée.

(53) Sur la base des éléments qui ressortent des arguments présentés aux points 45 à 49 ci-dessus et de l'analyse précédente, qui repose sur la combinaison de la taille de Dexia, de sa présence prédominante dans certains secteurs d'activité et du contexte exceptionnel sur le marché financier au moment de l'octroi de l'aide, la Commission considère que l'aide visant à éviter un dépôt de bilan de Dexia était de nature à remédier à une perturbation grave visant l'économie belge dans son ensemble. Elle a ainsi déjà considéré, dans sa communication du 13 octobre 2008 (ci-après: la Communication) (4) que les circonstances actuelles sur les marchés financiers, et leurs conséquences possibles pour les économies des États Membres, font que l'article 87 (3) (b) peut servir de base juridique pour l'approbation de mesures d'aide destinées à résoudre cette crise systémique. Elle considère donc que la compatibilité de cette aide doit être analysée sur la base de l'article 87 (3) (b) du traité.

(54) Il en va de même pour l'intervention de la France qui a eu pour objet la même entité que l'intervention de la Belgique, à savoir Dexia. Quant à l'intervention du Luxembourg, la Commission relève qu'elle a été coordonnée avec la Belgique et la France et qu'elle a eu pour motif de sauver Dexia dans son ensemble et non uniquement sa filiale luxembourgeoise. Elle est donc également de nature à remédier une perturbation grave dans l'économie belge. Dès lors, les aides accordées par la France et le Luxembourg peuvent également être analysées sur base de l'article 87 (3) (b) du traité. Il n'est par conséquent pas nécessaire d'établir si la cessation des activités de Dexia engendrerait une perturbation grave dans l'économie française ou luxembourgeoise.

3.6.2. Conditions de compatibilité sous l'article 87(3)(b) du traité

(55) Conformément à la Communication, il convient de souligner qu'une aide individuelle ou un régime d'aide, afin d'être compatible sur la base de l'article 87 (3) (b) du traité, doit respecter les critères généraux de compatibilité sous l'article 87 (3) (c) du traité lu à la lumière des objectifs généraux du traité et en particulier des articles 3 (1) (g) CE et 4 (2) du traité, ce qui implique le respect des conditions suivantes.

(56) L'aide doit d'abord être un moyen approprié à la réalisation du but poursuivi, c'est-à-dire remédier à une perturbation grave dans l'ensemble de l'économie d'un État membre.

(57) L'aide doit ensuite être nécessaire, c'est-à-dire que son montant doit être limité au minimum nécessaire pour atteindre le but poursuivi et qu'elle doit adopter la forme la plus appropriée pour remédier à la perturbation identifiée de l'économie. Toute aide excédant ce minimum n'est pas nécessaire pour remédier à la perturbation grave et ne peut donc être autorisée sur base de l'article 87(3)(b) du traité. Autrement dit, si une autre mesure d'aide d'un montant moindre ou moins susceptible de distorsion de concurrence (par exemple une garantie temporaire et limitée plutôt qu'une injection de capital) aurait été suffisante pour remédier à la perturbation de l'économie, la mesure n'est pas nécessaire. Ceci est confirmé par une jurisprudence constante (5).

(58) Finalement, l'aide doit être proportionnée, ce qui signifie que la distorsion de concurrence qu'elle engendre ou menace d'engendrer doit être mise en balance avec ses effets positifs. Cette distorsion de concurrence doit donc être limitée au minimum nécessaire pour atteindre l'effet poursuivi. En effet, comme indiqué aux articles 3 (1) (g) et 4 (1) et (2) du traité, la Communauté comporte un régime assurant que la concurrence est libre et non faussée dans le marché intérieur. Conformément à ce principe, l'article 87(1) du traité interdit, en tant que principe général, toute mesure sélective de nature à faire entrave aux échanges entre les État membres. Toute aide autorisée par dérogation à ce principe général sur la base de l'article 87 (3) (b) du traité doit donc être limitée au minimum nécessaire pour la réalisation de son objectif.

(59) Les trois points précédents sont des principes généraux des règles communautaires en matière d'aides d'État qui s'appliquent à l'ensemble des aides approuvées sous l'article 87(3). La Commission observe que, dans le cas présent, le remède à la perturbation grave s'opère au moyen d'une aide apportée à une entreprise, qui, en l'absence de telles mesures, aurait pu se trouver en manque de liquidité et obligée de cesser ses activités. Dans les Lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (6) (ci-après "les lignes directrices"), qui sont évoquées dans la Communication, la Commission a expliqué comment elle applique les principes généraux précités dans le cas des aides visant à sauver ou restructurer une entreprise en difficulté. La Communication s'inspire des principes formulés par les lignes directrices, et précise certains critères pour l'appréciation des mesures qui sont prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale, et notamment les régimes de recapitalisation et de garantie.

3.7. Appréciation de la Commission des mesures en faveur de Dexia

3.7.1. L'aide est-elle appropriée?

(60) La Belgique a indiqué que, dès le 29 septembre 2008, Dexia a entamé des discussions intenses avec les pouvoirs publics, les actionnaires de référence et les régulateurs, afin d'élaborer des solutions qui permettent d'assurer le redressement du groupe. Dexia s'était initialement interrogé sur la possibilité d'offrir aux actionnaires minoritaires de participer à une augmentation de son capital. Cependant, une opération d'appel au marché du type de celle qu'implique une opération avec droits de préférence était devenue inconcevable eu égard, d'une part, aux attaques subies par son titre en bourse et, d'autre part, au fait que les actionnaires de référence ont indiqué n'être pas financièrement en mesure de s'engager à prendre une part proportionnelle d'une augmentation de capital du niveau de ce qui était nécessaire pour sauver le groupe. C'est dans ce contexte très volatile que l'intervention des États membres concernés a été décidée. En effet, seule une intervention des pouvoirs publics pouvait apporter une solution d'une ampleur et d'une rapidité suffisante pour assurer la survie de Dexia.

(61) Malgré l'augmentation de capital annoncée le 30 septembre, la conjugaison des éléments cités au paragraphe 43 a créé une crise majeure de liquidité, de nature à compromettre la capacité du groupe à continuer à opérer. Il s'imposait donc de prendre d'urgence des mesures significatives destinées à rouvrir à Dexia l'accès aux mécanismes de financement institutionnel. La Commission a déjà noté dans sa Communication que l'assèchement des prêts interbancaires dû à une érosion de la confiance entre les institutions financières peut justifier une garantie de certains types de dépôts interbancaires, voire d'instruments de créance à court et moyen terme, dès lors que de telles dettes ne sont pas déjà garanties adéquatement par des accords existants entre investisseurs ou d'autres instruments. La garantie s'inscrit dans cette même logique dans le cas particulier de Dexia. En ce qui concerne l'opération LA, la Commission a également reconnu qu'il se peut que les États membres souhaitent compléter les plans de garantie ou de recapitalisation par d'autres formes d'aides de trésorerie.

(62) Vu ce qui précède, la Commission estime que les aides en cause étaient des moyens appropriés pour assurer la survie de Dexia.

3.7.2. Nécessité de l'aide

(63) La garantie résulte d'une évaluation par Dexia de l'évolution de son besoin de liquidités endéans un horizon compris entre 1 jour et 24 mois, sous l'hypothèse de scénarios de crise tels qu'expérimentés depuis début octobre, en particulier:

- Absence de refinancement unsecured, tant sur le court terme (pas de prêts interbancaires) que sur le long terme (impossibilité d'émettre des obligations) ;

- Tirage des lignes de liquidités ouvertes aux municipalités américaines et au secteur public français ;

- Utilisation des lignes d'urgence auprès des banques centrales pour des montants significatifs ;

- Attrition progressive des dépôts de la clientèle retail, dans un climat de défiance généralisée, accroissant encore les besoins de liquidité du groupe;

- Absence de production commerciale (nouveaux prêts aux collectivités locales gelés).

(64) Il est ressorti des scénarios envisagés que la survenance de ces hypothèses de crise mettrait immanquablement Dexia dans l'impossibilité de faire face au besoin additionnel de financement non sécurisé, et ce malgré l'utilisation des lignes de liquidité auprès des banques centrales.

(65) Seul le bénéfice pour Dexia d'une garantie d'Etat sur ses opérations de financement à court terme wholesale et de financement moyen terme obligataire pouvait lui permettre de retrouver suffisamment rapidement une couverture suffisante de ses besoins de financement. La portée de la garantie couvre dès lors un volume de financements de maturité maximale de trois ans équivalent à celui de l'ensemble des financements contractés ou émis par Dexia avant la date d'octroi de la garantie et arrivant à échéance avant le 31 octobre 2009. La garantie est donc limitée aux besoins de refinancement de Dexia. Dexia s'est engagé à diminuer sa dépendance sur les financements à très court terme une fois la convention de garantie signée, notamment en s'engageant:

- dans la mesure où les conditions de marché le permettent, à fournir tous les efforts nécessaires en vue de modifier la structure de son financement couvert par les Obligations Garanties afin que les Obligations Garanties ayant une échéance inférieure à 1 mois ne représentent pas plus de 50 % des obligations ayant une échéance inférieure à 1 mois au moment de la signature de la convention;

- à assurer qu'en tout état de cause les Obligations Garanties ayant une échéance inférieure à 1 mois ne représentent pas plus de 75 % des obligations ayant une échéance inférieure à 1 mois au moment de la signature de la convention.

(66) La Commission considère donc que la garantie est limitée à ce qui est nécessaire pour la continuation de ses activités.

(67) Concernant l'opération de LA, le taux pénalisant fait que cette source de liquidité n'est utilisée qu'en cas de besoin. En outre, son utilisation a diminué significativement depuis l'octroi de la garantie. La Commission peut donc accepter que pour autant qu'il y ait présence d'aide d'État dans cette mesure, elle est limitée à ce qui est nécessaire pour la continuation des activités de Dexia.

3.7.3. Proportionnalité de l'aide

(68) La limitation de la garantie à un volume de financements de maturité maximale de trois ans équivalent à celui de l'ensemble des financements contractés ou émis par Dexia avant la date d'octroi de la garantie et arrivant à échéance avant le 31 octobre 2009 fait que la mesure couvre les besoins de refinancement de Dexia pendant une période spécifique à venir et peut donc difficilement servir à augmenter la position de Dexia sur les marchés où il opère.

(69) En ce qui concerne la durée des instruments couverts par la garantie, la mesure en faveur de Dexia est alignée sur la Communication en se limitant à des instruments venant à échéance le 31 octobre 2011 au plus tard, donc avec un maximum légèrement dépassant 3 ans. Les contrats à durée indéterminée sont couverts jusqu'à 31.10.2009.

(70) En ce qui concerne la période pendant laquelle la garantie peut être octroyée, la mesure prévoit que peut être couvert tout instrument ou contrat émis entre le 9 octobre et une date de six mois à compter de la signature de la convention de garantie. Par hypothèse, les Contrats à échéance indéterminée, tels par exemple les dépôts à vue, existant au 9 octobre 2008 sont supposés avoir été conclus à cette date et bénéficient de la Garantie. La Commission note également que comme décrit aux paragraphes 3, 6 and 8 les États Membres se sont engagés à envoyer un plan pour l'entreprise dans les six mois. Dans ces circonstances la Commission se limite à statuer sur les mesures pour cette période (7).

(71) La rémunération de la garantie a été fixée largement en alignement avec la recommandation de la Banque Centrale Européenne. Pour autant que cette rémunération est fixée en dessous des 50 points de base (pour les obligations ayant une échéance fixe inférieure à un mois, y compris les dépôts à préavis, et ceci pour une période jusqu'à 15.2.09) les Etats Membres ont fourni une justification de ce taux réduit, en termes à la fois d'une valeur réduite pour Dexia et d'une nécessité commerciale étant donné le profil de financement existant au moment d'entrée en vigueur de la convention. La Commission accepte donc que le taux représente une contribution adéquate du bénéficiaire.

(72) Pour éviter des distorsions indues de la concurrence, Dexia s'est interdit, d'abord, d'utiliser son statut de banque bénéficiant d'une garantie des États pour certains de ses engagements à des fins de publicité commerciale envers des tiers autres que les Tiers Bénéficiaires, et d'utiliser la garantie pour de pures opérations d'arbitrage ou dans toute campagne de publicité mettant en avant l'existence de la garantie. Les États membres concernés ont confirmé que Dexia s'est également engagé à limiter la croissance de son bilan (par rapport à la situation au 30 juin 2008) au plus haut de (i) la moyenne de la croissance du PIB belge, français et luxembourgeois pendant l'année 2007, (ii) la moyenne de la croissance bilantaire annuelle du secteur financier belge, français et luxembourgeois dans la période 1988-2007 et (iii) la croissance bilantaire du secteur financier européen dans la période avril-septembre 2008. Dexia s'est également engagé ne pas offrir des conditions de rémunération des dépôts de particuliers qui se situeraient parmi les trois rémunérations les plus attractives offertes par les dix banques ayant la part de marché la plus importante sur les dépôts aux particuliers dans chacun des trois Etats individuellement. En ce qui concerne les dépôts à préavis, pour lesquels un taux réduit de rémunération de la garantie de 25bps est exceptionnellement convenu, Dexia s'engage à ce que le niveau moyen de ces dépôts ne dépasse pas euro4milliards étant le niveau moyen en euros constants observé entre 1.1.07 et 31.8.08. La Commission estime que ces engagements répondent aux allégations formulées dans les deux plaintes citées en section 1.4 ci-dessus, sans préjudice aux possibilités pour le plaignant de faire valoir ses droits pour la période où l'aide en question n'était pas autorisée.

(73) Le taux pénalisant de l'opération LA fait de cette mesure une source chère de liquidité qui n'est pas donc susceptible d'octroyer un avantage indu à Dexia pour ses opérations.

(74) La Commission estime donc que l'aide est proportionnée.

(75) Il est à noter que la Commission reverra la proportionnalité des mesures en faveur de Dexia une fois reçu le(s) plan(s) que les États se sont engagés à fournir dans un délai de six mois. La Commission prend note en particulier que la convention de garantie prévoit que si des modifications devraient être nécessaire afin d'assurer la conformité de la présente Convention avec les règles européennes relatives aux aides d'État, les États se réservent le droit de modifier la présente Convention et/ou d'adapter leur Garantie conjointe en fonction.

3.8. Conclusion quant à la compatibilité

(76) La Commission considère que l'aide, en tant que mesure de sauvetage d'urgence, satisfait aux conditions définies précédemment et qu'elle est compatible avec le marché commun sur base de l'article 87 (3) (b) du traité. La Commission autorise donc l'aide pour une période de six mois.

(77) La Commission devra, au-delà de cette période initiale durant laquelle l'aide est autorisée comme mesure de sauvetage d'urgence, la réévaluer, cette fois en tant que mesure structurelle. Elle vérifiera alors la conformité de l'aide avec les trois principes généraux précédemment définis, tout en s'inspirant dans leur application des conditions des lignes directrices. À ce propos, la Commission observe notamment que, afin de pouvoir continuer à bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87 (3) (b) du traité, cette aide de sauvetage d'urgence devra être suivie:

- Soit d'un plan de restructuration qui assure le retour à la viabilité à long terme de l'entreprise. En effet, si la mesure n'est pas efficace à long terme, elle va nécessiter des aides supplémentaires et ne permettra pas d'atteindre l'effet souhaité, c'est-à-dire remédier à la perturbation grave de l'économie belge;

- Soit d'un plan organisant une liquidation ordonnée de l'entièreté ou d'une partie des actifs de l'institution financière, permettant ainsi d'éviter les effets négatifs décrits précédemment.

(78) La présente autorisation de l'aide en tant qu'aide au sauvetage d'urgence pourra être renouvelée à la demande dûment justifiée des États membres concernés si la crise dans le secteur bancaire persiste.

4. CONCLUSION

La Commission a décidé de ne pas soulever d'objections contre les aides d'État mises en œuvre par la Belgique, la France et le Luxembourg en faveur de Dexia. Cette décision est d'application pour une période de six mois à compter du 3 octobre 2008 (date de mise en œuvre de la première intervention). Cette période peut être renouvelée à la demande dûment justifiée des États membres concernés si la crise dans le secteur bancaire persiste. En cas de soumission d'un plan de restructuration ou de liquidation du bénéficiaire selon les engagements fournis par les trois États Membres, cette période sera automatiquement prolongée jusqu'à ce que la Commission arrête sa décision concernant le plan. Dans le cas où cette lettre contiendrait des éléments confidentiels qui ne doivent pas être divulgués à des tiers, vous êtes invités à en informer la Commission, dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de réception de la présente. Si la Commission ne reçoit pas une demande motivée à cet effet dans le délai prescrit, elle considérera que vous êtes d'accord avec la communication à des tiers et avec la publication du texte intégral de la lettre, dans la langue faisant foi, sur le site Internet http://ec.europa.eu/community_law/state_aids/index.htm.

Cette demande devra être envoyée par lettre recommandée ou par télécopie à :

Commission européenne Direction générale de la Concurrence Greffe des aides d'État SPA 3 6/5 B-1049 BRUXELLES [email protected]

Veuillez croire, Messieurs les Ministres, à l'assurance de ma haute considération

Pour la Commission Neelie KROES Membre de la Commission

Notes :

1 Plus précisément au bénéfice de Dexia SA, Dexia Banque Internationale Luxembourg, Dexia Banque Belgique et Dexia Crédit Local France, ou leurs véhicules d'émission.

* Secret d'affaires

2 Voir par exemple aide N 512/2008 - Allemagne - Rettungspaket für Kreditinstitute in Deutschland

3 OJ C 270 du 25.10.2008.

4 Idem.

5 Arrêt dans l'affaire 730-79, Philip Morris, Rec 1980 p. 2671. Cette jurisprudence a récemment été confirmée par la Cour dans l'affaire C-390-06, Nuova Agricast v Ministero delle Attività Produttive, du 15 avril 2008 : " Ainsi qu'il ressort de l'arrêt du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730-79, Rec. p. 2671, point 17), une aide qui apporte une amélioration de la situation financière de l'entreprise bénéficiaire sans être nécessaire pour atteindre les buts prévus à l'article 87, paragraphe 3, CE ne saurait être considérée comme compatible avec le marché commun...."

6 JO C 244, 1.10.2004, p.2

7 Pour les régimes de garantie, la Commission demande à ce qu'un Etat Membre s'engage à fournir un plan de restructuration pour tout bénéficiaire pour lequel la garantie est invoquée. Etant donné que de tels engagements sont déjà donnés pour Dexia, une telle demande serait sans objet dans le cas présent.