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Décisions

Ministre de l’Économie, 11 août 2008, n° ECEC0823454S

MINISTRE DE L’ÉCONOMIE

Lettre

PARTIES

Demandeur :

MINISTRE DE L'ECONOMIE

Défendeur :

Conseils de la société S3G

Ministre de l’Économie n° ECEC0823454S

11 août 2008

MINISTRE DE L'ECONOMIE, DE L'INDUSTRIE ET DE L'EMPLOI

Maîtres,

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 7 juillet 2008, vous avez notifié l'acquisition par la société Adrexo, appartenant au groupe Spir Communication (ci-après " Spir "), auprès de la Société des Gratuits de Guyenne et Gasconne (ci-après " S3G "), de 35 % du capital et des droits de vote d'Adrexo Sud Ouest (ci-après " ASO "), l'une des deux sociétés constitutives d'une entreprise commune de plein exercice créée en 2006 par Spir et S3G (1). Cette acquisition a été formalisée par un protocole de cession signé le 2 avril 2008.

1. LES ENTREPRISES CONCERNÉES ET L'OPÉRATION

Le contexte dans lequel s'inscrit l'opération notifiée doit être rappelé à titre liminaire (1.1), préalablement à la qualification de l'opération et à l'identification des entreprises concernées (1.2).

1.1. Le contexte de l'opération

Spir (groupe SIPA/Ouest France) et S3G (groupe Sud Ouest) ont entamé en 2006 un rapprochement dans le sud Ouest de la France dans leurs principaux domaines d'activités, à savoir l'édition de titres de presse gratuite généraliste d'annonces, d'une part, et la distribution de ces titres ainsi que d'imprimés sans adresse (ISA), d'autre part. A cette fin, Spir et S3G ont décidé de créer deux sociétés communes : S3GCom, regroupant 50 titres de presse gratuite généraliste d'annonces (dont 43 titres apportés par S3G et 7 titres apportés par Spir) et ASO, regroupant 65 centres de distribution (dont 36 centres Adrexo apportés par Spir et 29 centres Kicible apportés par S3G). Dans le cadre de ce rapprochement, les sociétés fondatrices ont en outre convenu que S3GCom confierait la distribution de l'intégralité des titres de presse gratuite généraliste d'annonces à ASO, en vertu d'un contrat à durée indéterminée ne pouvant être résilié avant une période initiale de 5 ans.

Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 7 avril 2006, Spir et S3G ont notifié ce rapprochement au Ministre chargé de l'économie au titre du contrôle des concentrations (ci-après " l'opération Spir- S3G/JV").

Au vu des éléments de droit fournis, la création de S3GCom et ASO ne pouvait s'analyser comme la constitution de deux entreprises communes dont chacune serait conjointement contrôlée par Spir et S3G.

En effet, le ministre a constaté que le capital de S3GCom serait détenu à 75 % par S3G et à 25 % par Spir, et celui d'ASO à 65 % Spir (via sa filiale Adrexo) et à 35 % par S3G. Il a également relevé que, dans chacune des deux sociétés nouvelles, le conseil d'administration serait composé de 7 administrateurs, dont 5 nommés par le majoritaire et 2 par le minoritaire, les décisions ordinaires devant être prises à la majorité des membres présents ou représentés. Certaine décisions majeures ne pourraient certes être prises sans l'accord de l'actionnaire minoritaire (notamment l'approbation du plan d'affaires triennal et les décisions portant sur tout contrat comportant une clause d'exclusivité et d'une durée supérieure à trois ans). Toutefois, en l'absence de cet accord, ces décisions pourraient êtres prises au bout de 30 jours à la majorité des membres présents ou représentés sans que l'actionnaire minoritaire ne puisse s'y opposer. Dans cette hypothèse, l'actionnaire minoritaire bénéficierait d'une option de vente de sa participation. Le ministre a indiqué qu'au regard de ces seuls éléments de droit " S3GCom et ASO prises individuellement ne peuvent être considérées comme deux entreprises communes contrôlées conjointement par SPIR et S3G ".

Le ministre a toutefois constaté une interdépendance très forte de S3GCom et d'ASO, permettant d'appréhender l'opération comme la création d'une seule et même entité économique composée de ces deux sociétés : " S3GCom confiera la distribution de l'intégralité des titres de presse gratuite généraliste d'annonces à ASO, en vertu d'un contrat à durée indéterminée ne pouvant être résilié avant une période initiale de 5 ans. De son côté, ASO ne pourra trouver sa rentabilité s'agissant de son activité de distribution d'imprimés sans adresse en boîtes aux lettres qu'en s'appuyant sur une activité de distribution de journaux gratuits, celle-ci étant pour l'essentiel assurée par S3GCom.

Chacune des sociétés nouvellement créées sera ainsi indispensable au fonctionnement de l'ensemble ". Le ministre a considéré que cette entité commune serait de facto conjointement contrôlée par SPIR et S3G : " en effet, l'interdépendance très forte des activités des deux entités nouvelles crée entre les sociétés fondatrices une communauté d'intérêts telle qu'elles seront nécessairement contraintes de mener une politique commune dans la conduite des affaires de chacun des deux pôles de la nouvelle entité " (2).

A l'issue de l'instruction du dossier, le ministre a donc considéré que " l'entité économique constituée par S3GCom et ASO " serait contrôlée conjointement par Spir et S3G. Après avoir par ailleurs constaté que cette entité économique serait de plein exercice, et compte tenu des chiffres d'affaires attribuables aux sociétés fondatrices, le ministre a indiqué que la création de ces sociétés était une opération de concentration relevant des articles L. 430-1 et suivants du Code de commerce.

Par lettre en date du 31 mai 2006, le ministre a autorisé cette opération de concentration sous réserve d'engagements (ci-après " la décision Spir- S3G/JV ") (3).

Le 2 avril 2008 a été signé un protocole prévoyant la cession par S3G à Adrexo, filiale de Spir, de la participation de 35 % que S3G détenait au sein d'ASO (4).

De manière concomitante, le contrat de distribution exclusive de journaux gratuits d'annonces conclu en 2006 par ASO et S3GCom pour une durée indéterminée, avec une période ferme de cinq ans à compter du 21 août 2006, a fait l'objet d'un avenant signé le 2 avril 2008 par lequel ASO et S3GCom ont convenu de prolonger de cinq ans à compter du 1er janvier 2008 la période ferme précitée. Pendant cette période ferme, ASO et S3GCom ne peuvent dénoncer le contrat qu'à la date du 31 décembre 2012, sans indemnité de part et d'autre, en respectant un préavis d'un an.

Les participations croisées de Spir et de S3G dans les deux sociétés communes constituant l'un des éléments du faisceau d'indices sur lesquels le ministre s'est fondé pour qualifier l'opération notifiée en 2006 de création d'une entreprise commune de plein exercice, il convient d'analyser l'incidence de la cession par S3G de sa participation au capital d'ASO sur la nature d'entreprise commune de plein exercice de l'entité économique constituée par S3GCom et ASO, et de manière générale ses conséquences au regard des articles L. 430-1 et suivants de Code de commerce.

1.2. La nature de l'opération et les entreprises concernées

1.2.1. La nature de l'opération notifiée

Il résulte de l'instruction que l'opération notifiée rompt l'équilibre préexistant ayant permis de qualifier le contrôle conjoint de Spir et de S3G sur l'entité économique constituée par S3GCom et ASO, et qu'à son issue ASO sera sous le contrôle exclusif de son actionnaire unique, Spir, et S3GCom sous le contrôle exclusif de son actionnaire majoritaire, S3G.

i) Conséquences de l'opération notifiée sur l'entité économique constituée par S3GCom et ASO

Une fois que S3G aura cédé sa participation minoritaire dans ASO, ce groupe ne disposera plus de représentants au conseil d'administration de cette société et perdra notamment son droit de blocage temporaire de décisions majeures telles que l'approbation du plan d'affaires triennal (5), mais également la possibilité d'obtenir une information détaillée sur les activités de cette entreprise (6). La symétrie entre, d'une part, les droits de Spir en tant qu'actionnaire majoritaire d'ASO et actionnaire minoritaire de S3GCom et, d'autre part, les droits de S3G en tant qu'actionnaire majoritaire de S3GCom et actionnaire minoritaire d'ASO, constatée par le ministre lors de l'examen de l'opération Spir - S3G/JV, sera rompue de manière pérenne. Ainsi, les sociétés fondatrices ne seront plus contraintes de mener une politique commune dans la conduite des deux sociétés crées en 2006.

De plus, il résulte des éléments fournis que S3G souhaite se désengager de l'activité de distribution de journaux gratuits généralistes de petites annonces et " recentrer ses ressources financières sur son coeur de métier, qui est la presse " et que Spir acquiert l'intégralité du capital d'ASO dans la perspective " de mieux organiser ses économies d'échelle par des arbitrages nationaux, en en faisant une partie intégrante d'Adrexo ". Les fondatrices ne paraissent donc plus désireuses de maintenir l'entreprise commune de plein exercice créée en 2006.

Ainsi, bien que des relations contractuelles continuent à lier les deux sociétés (7), la communauté d'intérêts relevée par le ministre dans la décision Spir/S3G ne sera plus suffisamment forte pour caractériser un contrôle conjoint. Par ailleurs, l'entité économique composée de S3GCom et d'ASO perdra de fait son unité.

Dès lors, S3GCom et ASO ne constitueront plus une entité économique commune conjointement contrôlée par ses fondatrices, et il convient d'analyser la nature du contrôle exercé sur chacune de ces sociétés prises isolément.

ii. Conséquences de l'opération notifiée sur la nature du contrôle exercé par Spir et S3G sur ASO et S3GCom

L'article L. 430-1 du Code de commerce dispose que " le contrôle découle des droits, contrats ou autres moyens qui confèrent, seuls ou conjointement et compte tenu des circonstances de fait ou de droit, la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité d'une entreprise [...] ". Les lignes directrices de la DGCCRF relatives au contrôle des concentrations indiquent que des participations faibles " voire nulles, dans des cas extrêmement rares " peuvent néanmoins être considérées comme conduisant à une influence déterminante (permettant l'exercice d'un contrôle exclusif ou conjoint selon les cas), et précisent que fait partie des principaux éléments constituant un faisceau d'indices convergents de nature à caractériser une influence déterminante " le fait d'avoir avec l'entreprise des relations commerciales très privilégiées (par exemple des contrats commerciaux exclusifs, des droits d'usage ou de partage de marques, de réseaux de distribution, d'unités de production) ou d'être le principal partenaire économique de l'entreprise " (§10). De plus, d'après la communication juridictionnelle consolidée de la Commission européenne (8), " les liens purement économiques peuvent jouer un rôle décisif dès lors qu'il s'agit de prendre le contrôle d'une entreprise. Dans des circonstances exceptionnelles, une situation de dépendance économique peut conduire à un contrôle de fait lorsque, par exemple, de très importants contrats de livraison à long terme ou des crédits octroyés par des fournisseurs ou des clients, conjugués à des liens structurels, confèrent une influence décisive ". Cette communication précise que " dans ces cas de figure, la Commission analysera soigneusement dans quelle mesure ces liens économiques, combinés à d'autres liens, suffisent pour entraîner une modification durable du contrôle ".

• Nature du contrôle exercé sur ASO à l'issue de l'opération

Postérieurement à l'opération notifiée, le capital d'ASO sera intégralement détenu par Spir. Comme l'indiquent les lignes directrices précitées, la qualification d'une influence déterminante sur une entreprise en dehors de toute participation au capital et de toute représentation dans les organes délibérants, est " extrêmement rare ", et requiert en toute hypothèse qu'un faisceau d'indices convergents soit réuni ; de même, la Commission indique qu'une situation de dépendance économique ne peut conduire à un contrôle de fait que dans des " circonstances exceptionnelles " et lorsque les liens purement économiques constatés sont " conjugués à des liens structurels " ; ces éléments ne sont pas vérifiés au cas d'espèce.

Certes, Spir conservera une participation minoritaire dans S3GCom ; à supposer que cette participation puisse être qualifiée de " lien structurel " en tant que lien entre Spir et S3GCom sur un marché situé en amont de celui sur lequel ASO est actif, son importance doit être relativisée dans la mesure où il résulte de l'instruction, comme cela sera explicité plus loin, que cette participation ne sera pas de nature à lui conférer une influence déterminante sur cette société.

Par ailleurs, le ministre relevait dans la décision Spir- S3G/JV qu'ASO ne pouvait trouver sa rentabilité s'agissant de son activité de distribution d'imprimés sans adresse en boîtes aux lettres " qu'en s'appuyant sur une activité de distribution de journaux gratuits, celle-ci étant pour l'essentiel assurée par S3GCom ". D'après les données fournies, en 2007, la distribution des journaux édités par S3GCom a ainsi représenté près de deux tiers du chiffre d'affaires d'ASO en matière de distribution de Journaux (9).

Toutefois, il résulte des éléments fournis, dont l'avenant au contrat de distribution précité, que les centres de distribution constitutifs d'ASO seront intégrés à terme à Adrexo, filiale à 100 % de Spir active en matière de distribution d'imprimés sans adresse dans le reste de la France. Adrexo bénéficiera ainsi à nouveau d'un maillage national. Or, d'après les données fournies, le chiffre d'affaires apporté par la distribution des journaux de S3GCom représente moins de 15 % du chiffre d'affaires d'Adrexo en matière de distribution de journaux et moins de 2 % de son chiffre d'affaires total actuel.

De plus, le contrat de distribution, tel que modifié par l'avenant précité, ne peut être résilié ni par S3GCom, ni par ASO, avant le 31 décembre 2012 ; ASO pourra ainsi continuer à s'appuyer sur la distribution des journaux de S3GCom au moins jusqu'à cette date dans des conditions similaires à celles qui étaient appliquées depuis la création de l'entreprise commune.

En l'absence de tout élément de droit ou de fait susceptible de caractériser une influence déterminante de S3G à l'issue de l'opération sur les actifs constituant actuellement ASO, il est donc possible d'exclure un éventuel contrôle conjoint de cet opérateur sur ces actifs.

En ce qui concerne ASO, l'opération notifiée se traduit donc par le passage d'un contrôle conjoint exercé par Spir et S3G sur cette société, en tant qu'elle faisait partie d'une entité économique constitutive d'une entreprise commune de plein exercice, à un contrôle exclusif de Spir.

Cette opération de concentration (10) est toutefois sous les seuils de notification précisés à l'article L. 430-2 du Code de commerce, ASO ayant réalisé en 2007 un chiffre d'affaires total de 34,7 millions d'euro.

• Nature du contrôle exercé sur S3GCom à l'issue de l'opération

S3GCom, dont le capital demeurera détenu par Spir à hauteur de 25 %, continuera à dépendre d'ASO, désormais filiale à 100 % de Spir, pour la distribution des titres qu'elle édite. Ainsi, à l'occasion de l'avenant du 2 avril 2008 modifiant le contrat de distribution exclusive de journaux gratuits d'annonces conclu par ASO et S3GCom, ces deux sociétés ont souhaité " réaffirmer l'importance stratégique pour S3GCom, de la distribution hebdomadaire en boîtes aux lettres de ses journaux gratuits de petites annonces (...) " par ASO. Il convient de relever en outre que, compte tenu de la nature duo-polistique de la plupart des marchés de la distribution d'ISA, notamment dans le Sud Ouest de la France (11), la seule alternative pour S3GCom en matière de distribution de journaux gratuits est Médiapost. Or il résulte des éléments fournis qu'un seul titre S3GCom est actuellement distribué par cet opérateur (Le P'tit Voisin, à Ussel), tous les autres étant distribués par ASO.

Toutefois, comme cela a déjà été souligné, le contrat de distribution, tel que modifié par l'avenant précité, ne peut être résilié avant le 31 décembre 2012, ce qui assure à S3GCom une distribution de ses journaux jusqu'à cette date dans des conditions similaires à celles qui étaient appliquées depuis la création de l'entreprise commune. En tout état de cause, Spir, en tant qu'actionnaire minoritaire de S3GCom, aura un intérêt financier à poursuivre la distribution des journaux édités par cette société dans des conditions satisfaisantes. Ainsi, S3GCom ne sera pas placé dans une " situation de dépendance économique [pouvant] conduire à un contrôle de fait " au sens de la communication juridictionnelle consolidée de la Commission. De plus, il convient d'observer que S3G est resté un opérateur actif dans le domaine de la distribution d'ISA via S3G Diffusion. S3G pourrait donc, si la situation l'exige, entrer sur certains marchés locaux de la distribution d'imprimés sans adresse ; en effet, s'il existe de fortes barrières à l'entrée en matière d'offre nationale de distribution d'ISA, tel n'est pas le cas au niveau local (12).

Par ailleurs, S3GCom et ASO demeureront liées par des relations commerciales au titre d'autres contrats, directement ou via leur sociétés-mères.

Ainsi, un contrat de régie publicitaire croisée a été conclu le 30 juin 2006 entre Spir et Régicom, d'une part, et S3GCom, d'autre part (13). Postérieurement à l'opération notifiée, ce contrat se poursuivra selon les mêmes termes et conditions. Par ce contrat, Spir/Régicom et S3GCom se sont confiés à titre réciproque et non exclusif la régie publicitaire relative à la vente d'espaces publicitaires aux annonceurs situés en dehors de leurs zones respectives d'activité (14). Toutefois, comme l'a relevé le ministre dans la décision Spir/S3G, ce type de contrat, assimilable à de la sous-traitance, est fréquent dans ce secteur, Régicom délivre les mêmes prestations à d'autres opérateurs, et un accord du même ordre liait Spir et S3G depuis 1993.

En outre, un " contrat Internet " en date du 18 janvier 2008 a été conclu par Spir, sa filiale Régicom, S3G et S3GCom, pour un an renouvelable par tacite reconduction. Ce contrat prévoit notamment le basculement des annonces du site Internet kitrouve.com (S3G) sur le site Internet topannonces.fr (Spir), la commercialisation par S3GCom des espaces sur le site Internet topannonces.fr auprès des annonceurs intéressés de sa zone d'activité (sud-ouest de la France), et la commercialisation auprès des annonceurs particuliers par Régicom, via le site topannaonces.fr, d'espaces sur ce même site couplés avec des espaces sur les titres papier de S3GCom (15). Toutefois, le chiffre d'affaires apporté à S3GCom via ce contrat ne représente, d'après les éléments fournis, que [...] % du chiffre d'affaires total de cette société. Par ailleurs, en cas de non-renouvellement de cet accord, S3GCom pourrait éventuellement trouver une solution alternative dans la réactivation de son site Internet kitrouve.fr, qui reprend actuellement les annonces publiées sur topannonces.fr (16).

En ce qui concerne S3GCom, l'opération notifiée se traduit donc par le passage d'un contrôle conjoint exercé par Spir et S3G sur cette société, en tant qu'elle faisait partie d'une entité économique constitutive d'une entreprise commune de plein exercice, à un contrôle exclusif de S3G.

S3GCom a réalisé en 2007 un chiffre d'affaires total d'environ 56 millions d'euro. Compte tenu du chiffre d'affaires réalisé par ailleurs par le groupe Sud Ouest, groupe dont S3G fait partie (voir ci-après), cette opération de concentration dépasse les seuils de notification précisés à l'article L. 430-2 du Code de commerce.

Il convient de relever que le fait générateur de cette opération est la cession par S3G de sa participation minoritaire dans ASO, qui n'affecte pas la composition du capital de S3GCom. La Commission indique toutefois dans sa communication juridictionnelle consolidée précitée qu'il peut y avoir prise de contrôle " même si les parties n'en manifestent pas l'intention ou si l'acquéreur n'est que passif et que la prise de contrôle résulte d'une action déclenchée par des tiers " et que " c'est notamment le cas lorsque l'actionnaire bénéficie d'un héritage pouvant conduire à une modification du contrôle ou lorsque la sortie d'un actionnaire se traduit par une modification du contrôle, en particulier par la transformation d'un contrôle en commun en un contrôle exclusif " (§21). Au cas d'espèce, la transformation d'un contrôle en commun en un contrôle exclusif est certes constatée sans qu'il y ait sortie d'un actionnaire de S3GCom. Néanmoins, quelle que soit l'intention de S3G, et bien que le protocole de cession notifié concerne la sortie de S3G du capital ASO et non sa montée au capital de S3GCom, il résulte de l'instruction qu'au cas d'espèce, et compte tenu du contexte atypique de l'opération rappelé supra, l'opération notifiée entraîne indirectement une modification de la nature du contrôle exercé sur S3GCom par ses actionnaires.

1.2.2. Les entreprises concernées

S3G est principalement actif dans les secteurs suivants :

- presse gratuite généraliste d'annonces, via la société Editions de l'Eléphant ou Ediele (13 titres en Ile-de-France) ;

- presse gratuite d'annonces thématiques, en France, via Reflex Immobilier et H3S (magazines immobiliers distribués dans 55 départements), et à l'étranger (Espagne, Slovaquie, Suisse, et République Tchèque) ;

- petites annonces sur Internet (reflex-immo.com) (17) ;

- distribution d'imprimés sans adresse en boîte aux lettres, via S3G Diffusion (18) ; S3G dispose également d'une filiale d'impression (S3G Print) et d'une régie publicitaire intégrée. Le capital de S3G est intégralement détenu par Groupe Sud-Ouest SA, société de tête du groupe Sud-Ouest (ci-après " GSO "), elle-même contrôlée par un actionnariat familial. GSO est actif dans le domaine des médias. Il édite des titres :

- de presse quotidienne régionale : Sud Ouest, La Charente libre, La République des Pyrénées, la Dordogne libre, l'Eclair des Pyrénées-Pays de l'Adour et, depuis l'acquisition du groupe Les Journaux du Midi (ci-après " JDM ") (19), Midi Libre, l'Indépendant et Centre Presse ;

- de presse hebdomadaire régionale : Le Journal du Médoc, Le Résistant, La Haute-Gironde, La Dépêche du Bassin, L'Hebdo, Haute-Saintonge, La Semaine du Pays Basque et, depuis l'acquisition de JDM, Le Journal de Millau et La Semaine du Roussillon ;

- de presse magazine : Surf Session, Surfer's Journal, Surfeuses, Trip Surf, Thrasher, Bodyboard, et, depuis l'acquisition de JDM, Terres de Vins et Terres Catalanes ;

- de presse spécialisée : Le Catalan Judiciaire, Dans l'Air du Temps (20) ;

- de presse gratuite d'information (Bordeaux 7, Montpellier Plus (21)).

GSO est également présent dans le domaine de l'édition et de la diffusion de livres (Editions Sud Ouest, société Rando), dans l'audiovisuel (chaîne de Télévision locale diffusée en Gironde TV 7 Bordeaux, société de production de programmes télévisés Phaestos Presse (22), stations de radio locales et régies publicitaires de radio (23)), ainsi que dans le domaine de l'édition et de l'exploitation de sites Internet d'annonces (24).

GSO a réalisé en 2007 un chiffre d'affaires consolidé d'environ 353 millions d'euro, quasi-exclusivement en France.

S3GCom édite 48 titres de presse gratuite généraliste d'annonces dans le sud-ouest de la France. Son capital est détenu à hauteur de 75 % par S3G et à hauteur de 25 % par Spir.

En tant qu'elle se traduit par le passage d'un contrôle conjoint de Spir et de S3G à un contrôle exclusif de S3G sur S3GCom, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire et est soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

2. MARCHÉS CONCERNÉS

Dans le secteur de la presse écrite, les autorités de concurrence distinguent de manière constante la presse nationale, la presse régionale, la presse magazine, la presse spécialisée et la presse gratuite. En matière de presse régionale, une segmentation est par ailleurs opérée selon la périodicité des titres, entre presse régionale quotidienne et presse régionale.

Au sein du secteur de la presse gratuite, les autorités de concurrence distinguent la presse gratuite à contenu rédactionnel ou d'information de la presse gratuite d'annonces (25). Au sein de la presse gratuite d'annonces, des marchés spécifiques ont été définis pour les annonces immobilières et les offres d'emploi (26).

Par ailleurs, de même que pour chaque catégorie de titre de presse, les autorités de concurrence ont défini trois marchés : celui du lectorat, celui de la publicité commerciale et celui des petites annonces.

La dimension géographique de ces marchés correspond à la zone de diffusion des titres concernés.

Par définition, l'opération ne se traduit par aucun chevauchement d'activités entre les parties sur ces marchés, dans la mesure où, préalablement à l'opération, GSO/S3G n'était active dans le sud ouest de la France en matière de presse gratuite généraliste d'annonces qu'à travers le contrôle conjoint qu'elle exerçait sur S3GCom.

Les marchés concernés par la présente opération sont ceux sur lesquels S3GCom est présente, mais également les marchés situés en amont, en aval ou connexes à ceux-ci dès lors que GSO y est actif. En effet, comme le précisent les Lignes directrices de la DGCCRF relatives au contrôle des concentrations, " un marché concerné est un marché pertinent, défini en termes de produits et en termes géographiques, sur lequel l'opération notifiée a une incidence " (27). Le point 3 de l'annexe 4-3 du Titre III du Livre IV relatif à la liberté des prix et de la concurrence du Code de commerce précise que cette incidence peut être " directe ou indirecte ".

Compte tenu de l'activité de S3GCom, l'opération notifiée concerne donc à titre principal les marchés de la presse gratuite généraliste d'annonces (ci-après " PGA "). Toutefois, sont également concernés par l'opération, en raison de leur lien de connexité avec les marchés de la presse gratuite d'annonces et compte tenu de la présence sur ces marchés de GSO, les marchés du lectorat, de la publicité commerciale et des petites annonces dans la presse quotidienne régionale (ci-après " PQR "), dans la presse hebdomadaire régionale (ci-après " PHR "), dans la presse gratuite d'annonces thématiques (journaux gratuits immobiliers, ci-après " PGT "), et dans la presse gratuite d'information (ci-après " PGI) , dont la dimension géographique correspond à la zone de diffusion des titres (28).

3. ANALYSE CONCURRENTIELLE

Le ministre a déjà eu l'occasion de rappeler que le passage d'un contrôle conjoint sur une entreprise commune à un contrôle exclusif de l'un de ses co-contrôlants peut entraîner un changement dans la structure concurrentielle des marchés concernés (29).

Le changement dans la structure concurrentielle est " direct " concernant les marchés sur lesquels l'entreprise commune est active. Celle-ci devient une filiale contrôlée à 100 % par l'entreprise qui en acquiert le contrôle exclusif (ci-après " l'acquéreur "), auquel il convient dès lors, si elle était auparavant de plein exercice, d'attribuer la totalité de la part de marché de l'entreprise commune. Le changement dans la structure concurrentielle est " indirect " concernant les marchés amont, aval ou connexes à ceux sur lesquels l'entreprise commune est active. Sur ces marchés, le changement dans la structure concurrentielle peut se traduire par un renforcement de l'intégration verticale des activités entre l'acquéreur et l'entreprise commune. En effet, le partage de l'influence déterminante sur l'entreprise commune et le caractère autonome et de plein exercice de cette dernière rendaient auparavant moins crédible cette intégration verticale. De la même manière, sur ces marchés, le changement dans la structure concurrentielle peut se traduire par un renforcement des effets congloméraux entre les activités des parties à l'opération (30).

Au cas d'espèce, en l'absence d'effets verticaux potentiels, l'analyse portera sur un éventuel renforcement des effets congloméraux entre les activités de GSO/S3G et celles de S3GCom.

3.1. Situation concurrentielle sur les marchés concernés

Dans l'ensemble des zones dans lesquelles sont édités des titres de presse gratuite d'annonces de S3GCom, plusieurs cas de figure se présentent.

Sur certains des marchés locaux où S3GCom est active, l'opération n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets congloméraux, faute de présence de S3G/GSO sur les marchés connexes identifiés (31).

Sur d'autres marchés locaux où S3GCom est présente, GSO/S3G est actif via l'édition de titres de PQR, de titre de PHR, de titres de PGT ou de titres de PGI (parfois sur deux de ces marchés connexes à la fois voire davantage). L'impact de l'opération sera donc analysé sur ces marchés.

Il convient de relever que la plupart des marchés concernés par l'opération sont oligopolistiques, voire, pour certains, monopolistiques.

• PGA

Sur les marchés locaux de la PGA dans le sud ouest de la France, seuls concernés par l'opération, les opérateurs en présence sont la plupart du temps Paru-Vendu (Groupe Hersant Media), Top'Annonces (Spir/groupe SIPA - Ouest France) et les titres édités par S3GCom (GSO) ; il existe peu d'opérateurs indépendants de ces trois groupes sur ces marchés. La position de S3GCom varie ainsi de 30 % ([...]) à 100 % ([...]), en nombre d'exemplaires (32).

• PQR

La PQR se caractérise quant à elle, comme l'a relevé le ministre à plusieurs reprises, " par une tendance à la disparition plutôt qu'à la création de titres, ce qui favorise la concentration sectorielle " (33). Ces marchés locaux se caractérisent en outre par la présence de fortes barrières à l'entrée du fait des coûts fixes importants requis pour la production et la distribution de journaux. GSO est ainsi en monopole avec un ou plusieurs de ses titres de PQR dans quatre départements concernés par l'opération : la Charente (avec Sud Ouest et La Charente Libre), la Charente-Maritime (Sud Ouest), la Gironde (Sud Ouest), les Pyrénées-Atlantiques (Sud Ouest, La République des Pyrénées, l'Eclair des Pyrénées), les Landes (Sud Ouest). De plus, GSO est position très forte dans le département de la Dordogne (avec Sud Ouest et La Dordogne Libre, dont la position est évaluée à [80-90] % face à L'Echo (34)). Il occupe enfin une position significative dans deux départements concernés ([40-50]49 % en Lot-et-Garonne, devant Le Petit Bleu, [20-30] %, et La Dépêche du Midi, [20-30] % ; [10-20] % dans le Gers, derrière La Dépêche du Midi, [80-90] %)

• PHR

Sur les marchés locaux de la PHR (départementaux ou infra-départementaux, selon la zone de diffusion des titres concernés), GSO est en position de monopole sur une zone concernée par l'opération (Pyrénées-Atlantiques, avec La Semaine du Pays Basque) et occupe la deuxième position dans deux zones (près de [30-40] % en Charente-Maritime, avec Haute-Saintonge et L'Angérien Libre, face à trois concurrents, dont Le Phare de Ré, leader ; [30-40] % en Gironde avec Le Résistant, La Dépêche du Bassin, la Haute-Gironde, Le Journal du Médoc, derrière Le Courrier Français, [50- 60] %, et devant Le Républicain Sud-Gironde, [10-20] % (35)).

• PGT

En matière de PGT, S3G est également en position de monopole dans trois zones concernées par l'opération (Dordogne ; Gers et Lot-et-Garonne ; Tarn-et-Garonne et Lot), en position forte dans deux zones ([50-60] % en Gironde, devant Spir, [40-50] % ; [60-70] % en Haute Garonne, devant Spir, [30- 40] %), et en position significative dans autres deux zones ([20-30] % en Charente-Maritime, derrière Spir, [30-40] %, et un troisième opérateur, [30-40] % ; [35-45] % dans les Landes/Pyrénées- Atlantiques, derrière Spir, [50-60] %).

• PGI

Enfin, en matière de PGI, GSO est présent sur un marché concerné par l'opération, via Bordeaux 7 ; toutefois, d'après les données fournies par la partie notifiante, la position de ce titre se limite à [30- 40] % (36), face à Métro ( [30-40] %) et 20 Minutes ( [30-40] %). Par ailleurs, comme la plupart des titres d'information gratuite du marché, Bordeaux 7 ne contient pas de cahier de petites annonces ; seul le marché local, limité à Bordeaux et sa région, de la publicité dans la presse gratuite d'information, est donc concerné par l'opération.

3.2. Analyse de l'impact de l'opération sur les marchés concernés

A titre liminaire, il résulte de l'instruction que l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d'effets coordonnés, que ce soit sur le marché de la PGA ou sur les marchés qui lui sont connexes. En effet, d'une part, elle n'induit par définition pas de changement de structure sur les marchés concernés. D'autre part, elle conduit à réduire la communauté d'intérêt de S3G et SPIR dans le domaine de la presse gratuite, permettant d'écarter en tout état de cause un effet de l'opération en termes d'effets coordonnés même au delà de changements de structure.

Dans ses lignes directrices sur l'appréciation des concentrations non horizontales (37), la Commission indique que le principal motif de préoccupation lié aux concentrations conglomérales, s'agissant des effets non-coordonnées, concerne le verrouillage du marché (38). La Commission précise que " la combinaison de produits sur des marchés liés peut conférer à l'entité issue de la concentration la capacité et la motivation d'exploiter, par un effet de levier, la forte position qu'elle occupe sur un marché " (39). Cette exploitation peut passer en pratique par le recours à des ventes liées (40) ou groupées (41), ou encore à d'autres pratiques d'exclusion.

Comme le précise la Commission, les pratiques de vente liée et groupée sont courantes et n'ont que rarement des effets anticoncurrentiels ; elles peuvent ainsi permettre aux opérateurs de " mettre de manière rentable à la disposition de leurs clients de meilleurs produits ou offres ".

Toutefois, ces pratiques peuvent néanmoins provoquer, dans certains cas, une réduction de la capacité ou de la motivation des concurrents existants ou potentiels à faire face à la concurrence : " elles peuvent réduire la pression concurrentielle qui pèse sur l'entité issue de la concentration en lui permettant d'augmenter ses prix ". La Commission indique que, lors de l'évaluation de la probabilité d'un tel scénario, elle examine (i) si l'entité issue de la concentration aurait la capacité d'évincer ses concurrents, (ii) si elle aurait un intérêt économique à le faire et, (iii) si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence, portant ainsi préjudice aux consommateurs. Elle précise toutefois que " dans la pratique, ces facteurs sont souvent examinés ensemble car ils sont étroitement imbriqués ".

Il convient donc d'examiner le risque que l'opération ne renforce la capacité ou l'incitation de GSO/S3G à verrouiller certains marchés locaux (notamment en décourageant l'entrée de concurrents potentiels sur ces marchés). Dans le secteur considéré, ce risque pourrait essentiellement se matérialiser par la " vente groupée mixte " d'espaces de petites annonces ou de publicité sur deux supports (voire davantage) correspondant à des marchés distincts, à des conditions avantageuses pour l'acheteur. De telles pratiques ne sont susceptibles de se produire que si un nombre suffisant d'annonceurs achète simultanément les espaces en question, et ne sont susceptibles de produire des effets anticoncurrentiels que si les concurrents de S3G/GSO ne disposent pas d'une gamme de supports équivalente ou de la capacité de contrer l'effet de verrouillage en appliquant une politique commerciale plus agressive, et si cette stratégie de verrouillage peut être suffisamment rentable à la nouvelle entité pour qu'elle soit incitée à y recourir (42).

Toutefois, au cas d'espèce, l'opération étant constituée du passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif, l'analyse consiste essentiellement à évaluer l'impact de la disparition du contrôle conjoint exercé par le groupe SIPA/Spir, opérateur actif sur les mêmes marchés de produits et parfois sur les mêmes marchés géographiques que GSO/S3G, sur la capacité et l'incitation de ce dernier à recourir aux pratiques précitées. Ainsi, l'impact de l'opération diffère si le groupe SIPA/Spir est actif préalablement à l'opération notifiée sur le marché considéré.

Il convient de relever que, postérieurement à l'opération Spir - S3G/JV, Spir n'était demeuré actif en matière de PGA, sur les marchés géographiques où S3GCom est active (et donc concernés par l'opération), que dans la zone " Brive/Tulle " et dans la zone " Guéret ", les autres titres ayant été apportés à l'entreprise commune en 2006. Spir aurait pu avoir un intérêt à bloquer d'éventuelles ventes groupées mixtes sur ces zones. Toutefois, GSO/S3G n'y édite aucun autre titre, qu'il s'agisse de PQR, de PHR, de PGT ou de PGI. L'opération notifiée est donc par définition sans incidence sur ces zones au titre d'éventuels effets congloméraux, et les marchés locaux correspondants sont donc exclus de l'analyse qui suit.

3.2.1. Evaluation des risques d'effet de levier à partir des marchés connexes vers ceux de la PGA

Par hypothèse, un éventuel effet de levier de ce type profiterait à S3GCom.

Avant l'opération, Spir, détenant le contrôle conjoint de S3GCom, n'avait aucun intérêt à contrer un tel effet de levier, sauf, éventuellement, s'il souhaitait à terme entrer sur les marchés en cause de la PGA. Toutefois, Spir s'était au contraire retiré de ces marchés en apportant ses titres édités dans le sud-ouest de la France à S3GCom (à de rares exceptions près, voir plus haut), contrairement à quelques zones déjà évoquées sur lesquelles il avait conservé ses titres. En outre, aucun élément n'est apparu au cours de l'instruction qui indique une intention d'entrer sur ces marchés de la part de SPIR. Nonobstant, après l'opération, Spir pourrait éventuellement souhaiter à nouveau entrer sur ces marchés en créant de nouveaux titres. Or le ministre a déjà eu l'occasion de constater la présence de barrières à l'entrée sur les marchés locaux de la PGA (43). Un éventuel effet de levier exercé par GSO/S3G à partir des marchés connexes sur lesquels il détient un pouvoir de marché significatif pourrait relever les barrières à l'entrée déjà constatées sur les marchés de la PGA et diminuer la capacité et l'incitation de Spir à entrer à nouveau sur ces marchés. Toutefois, ce risque potentiel ne peut être relié à l'opération notifiée que sur les marchés locaux sur lesquels S3G n'était pas déjà en mesure, avant cette opération, d'exercer un tel effet de levier. Il s'agit donc uniquement des zones concernées par les engagements comportementaux (44) déposés conjointement par S3G et Spir à l'occasion de l'opération Spir - S3G/JV soit, s'agissant de S3G, (i) de la Charente et de la Charente-Maritime en raison du monopole de GSO sur les marchés de la PQR et de la PHR dans ces départements et (ii) des zones concernés par l'opération Spir - S3G/JV sur lesquelles S3G était active en matière de PGT.

Pour autant, l'existence de ces engagements conduit en tout état de cause à écarter tout risque d'effets anticoncurrentiels liés à des pratiques de couplage sur ces marchés.. Dès lors, l'opération notifiée n'est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur les marchés concernés de la PGA, via un relèvement des barrières à l'entrée préexistantes.

3.2.2. Evaluation des risques d'effet de levier à partir des marchés de la PGA vers les marchés connexes

S3GCom détient une position forte voire dominante sur de nombreux marchés locaux de petites annonces et de publicité dans la PGA. GSO/S3G pourrait en théorie donc être tenté, à l'issue de l'opération, de faire jouer un effet de levier à partir de ces marchés de la PGA vers les marchés connexes sur lesquels il est actif (marchés locaux de la PQR, de la PHR, de la PGT, de la PGI). Néanmoins, cette situation préexiste à la concentration examinée et l'opération notifiée ne serait susceptible de renforcer ce type d'effets congloméraux que si le groupe SIPA/Spir, auparavant en contrôle conjoint sur S3GCom, était incité à s'opposer à un tel effet de levier avant l'opération, et que cette incitation disparaît avec l'opération.

Le groupe SIPA/Spir n'aurait eu intérêt à s'opposer à ce type de pratiques que dans deux cas de figure :

i. Si le groupe SIPA/Spir était un concurrent de GSO/S3G sur les marchés locaux connexes considérés

Il ressort des éléments fournis par la partie notifiante que cette condition est remplie pour les marchés locaux de la PGT en Charente/Charente-Maritime, en Haute Garonne, en Gironde et dans les Landes/Pyrénées-Atlantiques, où Spir fait face à la concurrence de S3G (45).

En tout état de cause, ces zones de diffusion sont concernées par les engagements comportementaux précités déposés par S3G, et ce groupe ne pourra donc exploiter un éventuel effet de levier vers ces marchés de la PGT à partir des marchés de la PGA qui leur sont connexes. Il n'est donc pas nécessaire de s'interroger plus avant sur les risques d'atteinte à la concurrence résultant de cet éventuel effet de levier.

Cette condition est également remplie pour le marché de la publicité commerciale dans la PGI à Bordeaux. Spir est certes actif à Bordeaux (à travers 20 minutes, dont il détient le contrôle conjoint), alors que S3G édite le titre de PGI Bordeaux 7 sur le même marché géographique. Il ressort toutefois des éléments fournis par la partie notifiante que celle-ci n'est pas susceptible d'exercer un effet de levier à partir du marché bordelais de la publicité commerciale dans la PGA vers le marché connexe bordelais de la publicité commerciale dans la PGI, compte tenu des positions faibles à la fois sur la PGA et la PGI la position modérée du titre de PGA édité par S3GCom à Bordeaux.

ii. Si le groupe SIPA/Spir souhaitait à terme entrer sur les marchés locaux connexes considérés

S'agissant de la PQR, le groupe SIPA est actif sur plusieurs marchés locaux dans l'ouest de la France. L'opération pourrait en théorie le dissuader d'entrer sur les marchés locaux de la PQR concernés par l'opération (ceux du sud-ouest de la France) dès lors que des couplages pourraient être mis en œuvre. Toutefois, il n'apparaît pas que le groupe SIPA ait pu souhaiter avant l'opération ou même n'entende postérieurement à celle-ci tenter d'entrer sur ces marchés. En effet, le ministre a déjà relevé à plusieurs reprises que les incitations à entrer sur les marchés de la PQR sont faibles, en présence de barrières à l'entrée très élevées, sur des marchés par ailleurs en déclin. L'opération est donc sans incidence sur l'incitation du groupe SIPA/Spir à entrer sur les marchés locaux de la PQR concernés par l'opération.

S'agissant de la PHR, GSO/S3G n'est présent que sur les marchés locaux constitués par les zones de diffusion suivantes : Charente/Charente-Maritime, Gironde, Pyrénées-Atlantiques. Dans la première de ces zones, les engagements comportementaux précités déposés par S3G empêcheront ce groupe d'exploiter un éventuel effet de levier vers les marchés de la PHR à partir des marchés de la PGA qui leur sont connexes.

Dans la zone des Pyrénées Atlantiques, le titre de PHR détenu par GSO (La Semaine du Pays Basque) est déjà en monopole, et l'opération n'apparaît pas susceptible de modifier l'incitation du groupe SIPA à entrer sur ces marchés locaux ; rien ne laisse apparaître en effet que le groupe SIPA puisse envisager d'entrer sur ces marchés locaux de la PHR, face à un titre de GSO en situation de monopole et bénéficiant d'une forte notoriété, et alors que ces marchés sont éloignés géographiquement des marchés locaux sur lesquels le groupe SIPA est présent en matière de presse régionale, qu'il s'agisse de PQR ou de PHR.

Dans la zone de la Gironde, plusieurs opérateurs sont actifs sur les marchés de la PHR, dont GSO qui, avec 4 titres, ne détient qu'une position de 34 % derrière Le Courrier Français, 52 %. Compte tenu de la situation concurrentielle sur ces marchés locaux de la PHR, il n'est pas nécessaire de s'interroger sur l'incidence de l'opération notifiée sur l'incitation de Spir à entrer sur ce marché, qui ne peut au demeurant qu'être modérée compte tenu de son éloignement par rapport aux marchés locaux sur lesquels le groupe SIPA est présent en matière de presse régionale.

S'agissant de la PGT, en tout état de cause, les engagements comportementaux précités déposés par S3G empêcheront ce groupe d'exploiter un éventuel effet de levier vers les marchés de la PGT à partir des marchés de la PGA qui leur sont connexes. Il n'est donc pas nécessaire de s'interroger plus avant sur les risques d'atteinte à la concurrence résultant de cet éventuel effet de levier.

En conclusion, il ressort de l'instruction du dossier que l'opération notifiée n'est pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que j'autorise cette opération. Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.

NOTA : Des informations relatives au secret des affaires ont été occultées à la demande des parties notifiantes. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article R. 430-7 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.

Notes

1 Voir la décision du ministre C2006-11 Spir - S3G/JV du 31 mai 2006, publiée au BOCCRF n°7 bis du 15 septembre 2006.

2 Voir également la décision de la Commission européenne M. 2478 Italia/Business Solutions/JV du 29 juin 2001.

3 Décision C2006-11 précitée.

4 L'autorisation du ministre pour réaliser cette opération fait partie des conditions suspensives stipulées dans le protocole de cession.

5 Voir la décision Spir - S3G.

6 Cette possibilité est citée par les Lignes directrices précitées comme l'un des principaux éléments constituant un faisceau d'indices convergents de nature à caractériser une influence déterminante.

7 Ces relations contractuelles seront examinées plus loin, au titre de l'éventuelle influence déterminante de S3G sur ASO et de Spir sur S3GCom à l'issue de l'opération.

8 Communication juridictionnelle consolidée de la Commission en vertu du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (§20).

9 Il convient de relever toutefois que cette activité liée à S3GCom a représenté moins de 10 % du chiffre d'affaires total d'ASO. En effet, d'après les données fournies, l'activité " distribution de journaux " d'ASO ne représente que 14,5 % de son chiffre d'affaires total, le solde correspondant essentiellement à la distribution d'autres imprimés sans adresse.

10 Le passage d'un contrôle conjoint à un contrôle exclusif sur une entreprise constitue une opération de concentration, comme l'a notamment rappelé le ministre dans sa décision C2007-20 VIS/ETF du 6 juillet 2007.

11 Voir la décision C2006-11 Spir - S3G/JV précitée.

12 Voir les décisions C2001-107 Médiapost/Delta Diffusion du 14 août 2001 et C2006-11 Spir - S3G/JV, précitée.

13 Ce contrat fait partie de ceux que le ministre a examinés à l'occasion de l'instruction de l'opération Spir - S3G/JV.

14 Les petites annonces émanant de particulier ne sont pas concernées ; en revanche, Spir et S3GCom peuvent convenir d'offres commerciales couplées pour ces annonces.

15 [...] .

16 Voir infra, dans la présentation des entreprises concernées.

17 L'activité d'édition de sites généralistes d'annonces de S3G a été transférée à Spir ; le site Kitrouve.com sert aujourd'hui de " site miroir " au site de Spir, topannonces.fr.

18 Comme indiqué supra, S3G ne détiendra plus postérieurement à l'opération le contrôle conjoint d'ASO, qui passera sous le contrôle exclusif de Spir.

19 Cette acquisition a été autorisée par le ministre le 14 décembre 2007 (décision C2007-146 GSO/JDM).

20 Ces deux titres acquis à l'occasion de l'opération GSO/JDM.

21 Montpellier Plus a été acquis à l'occasion de l'opération GSO/JDM.

22 Société acquise à l'occasion de l'opération GSO/JDM.

23 Activités acquises à l'occasion de l'opération GSO/JDM. Dans le cadre d'un contrôle conjoint avec le groupe NRJ, JDM exploite en effet une radio locale sous licence NRJ à Montpellier, Sète, Perpignan, Nîmes et Béziers, ainsi qu'une radio locale sous licence Chérie FM.

24 Par ailleurs, GSO est présent de manière marginale dans les secteurs suivants : distribution de cartes téléphoniques, piles et produits dérivés ; conseil en communication et conception graphique pour la publicité ; impression de titres de presse pour le compte de tiers et de prospectus pour les grandes surfaces. A travers JDM, GSO est également présent dans les secteurs des agences de voyage.

25 Voir la décision du ministre et l'avis du Conseil de la concurrence relatifs à l'acquisition de la société Comareg par la société France Antilles, précités.

26 Voir notamment la décision du ministre C2002-94 Socpresse/Express Expansion du 31 décembre 2002 et la décision du Conseil de la concurrence n° 89-D-05 du 24 janvier 1989.

27 Point 143 des Lignes directrices de la DGCCRF relatives au contrôle des concentrations.

28 Voir notamment la décision du ministre C2005-18, précitée.

29 Voir la décision C2007-20 VIS/ETF du 6 juillet 2007.

30 Voir notamment l'analyse opérée dans la décision C2006-30 McCormick/DPI du 31 mars 2006.

31 Zones " Vierzon " et " Bourges " dans le Cher, zones " Brives " et " Ussel " en Corrèze, zone " Guéret " dans la Creuse, zones " Vendôme ", " Blois " et " Romorantin " dans le Loir-et-Cher, zone " Beaugency " dans le Loiret, zone " Niort " dans les Deux-Sèvres. GSO/S3G n'y est pas actif en matière de PQR, de PHR, de PGT ni de PGI.

32 Source : tirage annuel 2007 tel que constaté par l'OJD (Office de Justification de la Diffusion ; www.ojd.com).

33 Décision C2005-18 SIPA/Pôle Ouest de la Socpresse du 28 octobre 2005.

34 Source : site du Syndicat de la presse quotidienne régionale (www.pqr.org).

35 Source : site du Syndicat de la presse hebdomadaire régionale (www.sphr.fr).

36 En tirages. Source : OJD

37 Lignes directrices sur l'appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, § 91 et suivants.

38 Cette notion désigne " tous les cas où la concentration entrave ou ferme l'accès des entreprises rivales existantes ou potentielles aux sources d'approvisionnement ou aux débouchés, réduisant ainsi leur capacité et/ou leur incitation à animer la concurrence. Un tel verrouillage du marché peut permettre aux parties à la concentration - ainsi que, le cas échéant, à certains de leurs concurrents - d'augmenter profitablement le prix facturé aux clients ".

39 La Commission précise dans le même texte que, s'il n'existe pas de définition traditionnelle de la notion d' " exploitation par effet de levier " " celle-ci implique, dans un sens neutre, la capacité pour une entreprise d'augmenter les ventes d'un produit sur un marché (le " marché lié " ou " marché groupé ") en exploitant la forte position sur le marché d'un autre produit auquel le premier produit est lié ou groupé (le " marché liant " ou " marché exerçant un effet de levier ") ".

40 Il y a vente liée lorsque le fournisseur subordonne la vente d'un produit donné (le produit liant) à l'achat d'un autre produit (le produit lié). En l'occurrence, seul le produit lié peut être acheté séparément. La vente liée peut résulter de raisons techniques ou de dispositions contractuelles.

41 La vente groupée renvoie à la façon dont les produits sont offerts et leurs prix fixés par la nouvelle entité : dans le cas de vente groupée pure, les produits sont vendus ensemble dans une proportion fixe. Dans le cas de la vente groupée mixte, les produits sont également disponibles séparément, mais la somme des prix de chacun des produits est supérieure au prix total résultant de la vente groupée. Les remises de prix, lorsqu'elles sont conditionnées à l'achat d'autres biens, peuvent être considérées comme une forme de vente groupée mixte.

42 Il faut relever que la capacité à mettre en œuvre les pratiques précitées est présumée, s'agissant de la simple vente groupée d'espaces de petites annonces et de publicité. De même, s'agissant de la proportion d'annonceurs achetant simultanément les espaces en question, en l'absence de données détaillées sur la composition de la clientèle pour chacun des marchés de produits et chacun des marchés géographiques concernés, il est fréquemment présumé que cette proportion est significative sur des marchés locaux.

43 Voir notamment la décision Spir - S3G/JV.

44 Spir et S3G s'étaient notamment engagées, au nom des groupes auxquels elles appartiennent, pour une durée de cinq années, à maintenir séparées les équipes commerciales chargées d'assurer la commercialisation de l'espace publicitaire et de l'espace des petites annonces pour les titres de la presse gratuite d'annonces, et celles en charge de la même activité s'agissant des titres de la PQR et de la PHR de leurs sociétés mères, dans les départements de la Charente, de la Charente Maritime, et des Deux-Sèvres. Elles se sont également engagées, pour la même durée, à ne pas proposer d'offres coordonnées sur les petites annonces ou sur les espaces publicitaires des titres de la presse gratuite d'annonces et sur ceux de la presse quotidienne régionale dans ces départements, et notamment à ne pas offrir de remises de couplage entre les deux supports. S'agissant des Deux- Sèvres, ces engagements ne concernaient que le groupe SIPA.