CCE, 26 octobre 2004, n° 38.662
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
GDF - décision GDF/ENI
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu le règlement n° 1-2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (1), et notamment son article 7, vu la décision de la Commission du 26 février 2004 d'engager la procédure dans la présente affaire, après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (2) et à l'article 2 du règlement (CE) n° 2842-98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (3), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire (4), considérant ce qui suit :
1. INTRODUCTION - OBJET DE L'AFFAIRE
(1) La présente décision vise une clause imposant une restriction territoriale à la vente de gaz naturel présente dans un contrat de transit conclu par Gaz de France (ci-après " GDF ") avec SNAM Spa (ci-après " SNAM "), société du groupe ENI. Cette clause impose que le gaz objet du contrat de transit soit commercialisé en aval du point de relivraison situé à la frontière entre la France et la Suisse.
(2) Dans le cadre de la présente affaire, la Commission a également examiné une clause de restriction territoriale contenue dans un contrat de service conclu par GDF avec l'entreprise italienne ENEL Spa (ci-après " ENEL ") et transféré par cette dernière à ENEL Trade Spa (ci-après " ENEL Trade ") (5). Cette clause fait l'objet de la décision de la Commission du 26 octobre 2004 dans l'affaire GDF (notifiée sous le numéro C(2004)4100).
2. LES PARTIES
2.1. Gaz de France
(3) Gaz de France est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé par la loi n° 46-628 du 8 avril 1946, qui lui avait confié la gestion des activités nationalisées du secteur gazier (6). Aujourd'hui, GDF est à la tête d'un groupe actif dans l'exploration, la production, l'importation, le transport, la distribution et la vente du gaz naturel, ainsi que dans les services, et elle est présente dans 33 pays (7). Notamment en France, outre l'EPIC (8), une autre société du groupe GDF, la Compagnie Française du Méthane (CFM) (9), est également active dans le transport et la vente du gaz naturel.
(4) Le chiffre d'affaires du groupe GDF en 2003 s'élevait à 16 647 millions d'euro (10).
2.2. ENI Spa
(5) ENI Spa est une société de droit italien, chef de file du groupe ENI (ci-après " ENI "), qui est actif, au niveau international, dans les secteurs de la prospection, de l'extraction, du raffinage, du transport et de la commercialisation des hydrocarbures, dans la production d'énergie électrique, dans la pétrochimie et dans l'ingénierie et les services. En 2003, ENI avait un chiffre d'affaires de 51 487 millions d'euro (11).
(6) SNAM était une société de droit italien contrôlée par ENI qui, avec ses filiales, était active dans l'approvisionnement, le transport, la distribution et la vente du gaz naturel. En 2001, SNAM avait un chiffre d'affaires de 13 676 millions d'euro (12). SNAM a cessé d'exister le 1er février 2002, date à laquelle l'acte de fusion par incorporation de SNAM dans ENI Spa, adopté le 30 janvier 2002 en exécution d'une délibération de l'Assemblée des actionnaires du 2 juin 2001, a déployé ses effets juridiques. A cette date, les activités menées jusqu'alors par SNAM ont été confiées à la Division G & P (Gas and Power) de ENI Spa (13).
3. LE SECTEUR ET SON CONTEXTE LEGAL ET REGLEMENTAIRE
3.1. Le secteur
(7) La présente décision concerne le secteur du gaz naturel. Le gaz naturel est une source primaire d'énergie, composée en majorité de produits hydrocarbonés, et notamment de méthane. La consommation de gaz naturel constitue 24 % de la consommation d'énergie primaire par type de combustible dans la Communauté et 14 % en France (14).
(8) Extrait de gisements situés dans le sous-sol terrestre ou marin et traité pour éliminer certaines impuretés, le gaz naturel est communément transporté par des gazoducs souterrains, ce qui fait du secteur gazier une industrie en réseau (network industry). Compte tenu, inter alia, du fait que les réseaux sont caractérisés par des rendements d'échelle croissants (15) et par des coûts irréversibles et particulièrement importants, ainsi que par des temps de construction très longs, qui en rendent généralement la duplication non économiquement viable, les gazoducs sont considérés comme des monopoles naturels.
(9) En cas de longs trajets, il peut être économiquement intéressant de transporter le gaz naturel à l'état liquide dans des navires méthaniers ; il prend, dans ce cas, la dénomination de Gaz Naturel Liquéfié (GNL). A l'arrivée au port de destination, le gaz devra être à nouveau reconduit à l'état gazeux dans des installations appropriées, pour être transporté ensuite à travers des gazoducs (16).
(10) La consommation de gaz naturel dans la Communauté a été, en 2001, de 403 835 millions de m3, tandis qu'en France elle se chiffrait à 44 915 millions de m3 (17). En 2002, la consommation en France s'élevait à 44 600 millions de m3 (18). Le chiffre provisoire pour 2003 est de 46 600 millions de m3 (19) (20).
(11) 55,7 % du gaz naturel consommé dans la Communauté y est produit, notamment au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et au Danemark ainsi qu'en Italie et en Allemagne (21). Quant à la France, elle importe plus de 97 % du gaz naturel consommé (22).
(12) Les importations de gaz naturel dans la Communauté se font en large partie dans le cadre de contrats à long terme offrant une flexibilité limitée, ce qui rend le marché gazier peu fluide. En effet, les disponibilités en gaz de court et moyen terme pouvant contribuer à une concurrence plus active sur le marché gazier sont encore très limitées (de l'ordre de 5 à 10 % de la consommation européenne) (23).
(13) Le gaz naturel est utilisé principalement dans l'industrie (comme combustible ou, dans les industries chimiques et parachimiques, pour la fabrication notamment de gaz de synthèse, d'engrais azotés ou d'ammoniac), pour la production d'énergie électrique et par les usagers domestiques, pour la cuisine, le chauffage et la production d'eau chaude. Les tableaux 1 et 2 montrent les parts des différents types de consommation dans la Communauté et en France en 2001 (24).
<emplacement tableau>
3.2. La structure du secteur gazier et le cadre réglementaire dans la Communauté
(14) La structure du secteur gazier européen a été traditionnellement caractérisée par des démarcations horizontales, c'est-à-dire entre différents marchés géographiques, et, parfois, par des démarcations verticales, c'est-à-dire entre les différentes phases de la chaîne de production, qui limitent les activités des entreprises. Plusieurs Etats membres ont longtemps accordé à certaines entreprises des droits spéciaux ou exclusifs. Les entreprises du secteur sont souvent intégrées verticalement et sont présentes dans toutes les phases de la filière gazière en aval: importation, transport, stockage, distribution et vente aux consommateurs finals. Certaines entreprises européennes sont également présentes dans la production, dans leur pays ou à l'étranger.
(15) Actuellement, cette structure traditionnelle fait l'objet d'une profonde modification, suite au processus de libéralisation en cours dans la Communauté. L'objectif fondamental de ce processus est non seulement l'élimination des droits spéciaux ou exclusifs dans chaque Etat membre mais aussi la création d'un marché intégré du gaz naturel à l'échelle européenne. En effet, par l'ouverture de la demande, qui s'est faite de manière graduelle, le processus de libéralisation vise à offrir aux consommateurs européens, qui souvent ne pouvaient s'approvisionner qu'auprès du monopole actif au niveau national, régional ou local, la possibilité de choisir entre les offres de plusieurs entreprises, aussi bien nationales qu'étrangères. De même, par l'établissement du principe de l'accès des tiers aux réseaux, le processus de libéralisation entend permettre aux entreprises concurrentes d'accéder aux territoires de ventes traditionnellement desservis par les opérateurs verticalement intégrés.
(16) Ainsi, la directive 98-30-CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel (25), qui devait être transposée par les Etats membres avant le 10 août 2000, établissait trois principes fondamentaux: l'ouverture minimale de la demande, égale à 20 % au moins de la consommation annuelle nationale à la date limite fixée pour la transposition de la directive et s'élevant à 28 % de ladite consommation à partir du 10 août 2003; le principe de l'accès des tiers, négocié ou bien réglementé, aux réseaux de transport et distribution; le principe de séparation comptable (standard minimum) des activités de transport, distribution et stockage.
(17) Une nouvelle proposition de directive modifiant la directive 98-30-CE a été présentée par la Commission le 13 mars 2001 (26) et a abouti à l'adoption de la directive 2003-55-CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel et abrogeant la directive 98-30-EC. Elle vise à accélérer la libéralisation du marché gazier. Les modifications les plus importantes introduites par la nouvelle directive sont les suivantes: l'ouverture de la demande au 1er juillet 2004 pour les clients non domestiques et au 1er juillet 2007 pour les clients domestiques; l'accès des tiers réglementé aux réseaux de transport et de distribution et négocié ou réglementé aux installations de stockage; la séparation juridique (standard minimum) des activités de transport et de distribution par rapport aux activités de fourniture.
3.3. La structure du secteur gazier et le cadre réglementaire en France
(18) En France, la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 avait nationalisé les activités de production, transport, distribution, importation et exportation et les avait confiées à GDF. La loi de 1946 a été interprétée par le Conseil d'Etat comme conférant à GDF les monopoles d'importation et d'exportation du gaz en France. Les activités de production et de transport du gaz naturel avaient ensuite été exclues de la nationalisation en 1949 mais le transport devait être exercé en régime de concession, par un établissement public ou par une société nationale à capital majoritairement public (27). La participation publique imposée avait été ramenée à 30 % en 1993.
(19) Le transport était notamment exercé par trois concessionnaires: GDF, Gaz du Sud- Ouest (GSO) (28) et la Société Elf Aquitaine de réseau (SEAR), ainsi que par CFM (29) qui avait un contrat d'affermage avec GDF pour la gestion d'une partie de réseau dont GDF était concessionnaire. Chacun des quatre transporteurs exerçait le transport sur un territoire distinct: le Sud-Ouest pour GSO, le Centre-Ouest pour CFM, une partie limitée du Sud-Ouest pour SEAR et le reste du territoire français pour GDF (30). En 1996, les infrastructures de transport de GDF s'élevaient à 68 % du total, tandis que celles de CFM, GSO et SEAR représentaient respectivement 20 %, 12 % et 0,2 %. Enfin, GDF disposait de 12 des 15 installations de stockage existantes sur le territoire français (31).
(20) A la fin des années 1990, GDF importait de l'étranger (notamment de la Norvège, de la Russie, de l'Algérie et des Pays-Bas) approximativement 95 % du gaz consommé en France, tandis que l'entreprise Elf produisait les 5 % restants sur le gisement de Lacq (32).
(21) GSO et CFM couvraient respectivement 10 % et 22 % de la demande de gaz naturel en France. A l'exception des 3 % de la consommation de gaz naturel qui étaient fournis aux usagers domestiques et aux petits industriels par 17 distributeurs non nationalisés (33), le restant de la demande de gaz naturel était couvert par GDF (34).
(22) En France, la directive 98-30-CE a été transposée par la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003. Cette loi a fixé un seuil d'ouverture correspondant à 20 % du marché à la date limite fixée pour la transposition de la directive et s'élevant à 28 % à partir du 10 août 2003. La loi a en outre défini un accès réglementé des tiers aux réseaux de transport et de distribution. Elle a enfin prévu la séparation comptable des activités de transport, de distribution et de stockage. Quant à la directive 2003-55-CE, elle a été transposée par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 (35).
4. LA PROCEDURE
(23) Le 28 janvier 2003, la Commission a ouvert une enquête ex officio concernant la présence de clauses de restriction territoriale dans les contrats de transport conclus par GDF.
(24) Le 10 février 2003, conformément à l'article 11 du règlement n° 17, une demande de renseignements a été adressée à GDF. L'entreprise a été invitée à indiquer si elle autorisait la Commission à utiliser dans la présente affaire des informations qu'elle avait fournies dans le cadre d'enquêtes antérieures, notamment les enquêtes menées dans les affaires 37811/Restrictions territoriales-Italie et 37965/Restrictions territoriales-France.
(25) Le 14 février 2003, GDF a répondu positivement à l'invitation à autoriser l'utilisation des documents, précisant toutefois lesquelles, parmi les informations fournies par elle-même à la Commission à l'occasion des enquêtes antérieures, pouvaient être utilisées dans le cadre de la présente affaire. Le 12 mars 2003, GDF a répondu également aux autres questions posées dans la demande de renseignements du 10 février 2003.
(26) Des demandes de renseignements supplémentaires ont été adressées à GDF les 20 mars, 16 avril et 23 mai 2003. L'entreprise a répondu les 7 avril, 9 mai et 4 juin 2003.
(27) Suite à l'analyse des informations fournies par GDF, le 30 avril 2003, la Commission a envoyé une demande de renseignements à ENI qui y a répondu par courrier du 22 mai 2003. Le 23 mai 2003, une demande de renseignements supplémentaire a été transmise à ENI qui y a répondu le 30 mai 2003. ENI a ensuite envoyé, par courrier du 24 juin 2003, des informations qui avaient été omises dans la réponse du 22 mai et d'autres informations demandées par la Commission de manière informelle. D'autres documents ont également été transmis par courriers des 12 septembre 2003 et 15 janvier 2004.
(28) Dans le cadre de cette même enquête, le 6 février 2003, la Commission a adressé une demande de renseignements également à ENEL. ENEL aussi a été invitée à indiquer si elle autorisait la Commission à utiliser dans la présente affaire des informations qu'elle avait fournies dans le cadre des enquêtes menées dans les affaires 37811/Restrictions territoriales-Italie, 37965/Restrictions territoriales-France et 38257/Profit Splitting Mechanism. Le 10 février 2003, ENEL a donné une autorisation ayant une portée générale. La Commission a ensuite envoyé à ENEL, par courrier du 11 juin 2003, une liste des documents et parties de documents qui avaient été utilisés dans la présente affaire, suite à l'autorisation transmise par ENEL.
(29) Le 10 mars 2003, ENEL a répondu aux autres questions posées dans la demande de renseignements du 6 février 2003. Ensuite, elle a envoyé, par des courriers électroniques des 7 avril, 10 avril, 7 juillet et 8 juillet 2003, des informations qui avaient été omises dans la réponse du 10 mars ainsi que d'autres informations demandées par la Commission de manière informelle. D'autres informations et documents ont également été transmis par courrier électronique du 16 janvier 2004.
(30) Enfin, par courriers des 14, 17 et 18 novembre 2003, GDF, ENEL et ENI respectivement ont informé la Commission de la suppression des clauses restrictives objet de la présente enquête.
(31) Les entreprises ont également échangé avec la Commission une abondante correspondance concernant la préparation de l'accès au dossier.
(32) Des réunions entre la Commission et des représentants de GDF ont en outre eu lieu les 24 octobre et 25 novembre 2003 et le 26 janvier 2004.
(33) Le 26 février 2004, la Commission a engagé la procédure dans la présente affaire et a adopté une communication des griefs à l'égard des entreprises destinataires de la présente décision.
(34) Le même jour, toujours dans le cadre de cette affaire, la Commission a également adopté une communication des griefs à l'égard de GDF, ENEL et ENEL Trade visant la clause de restriction territoriale contenue dans le contrat de transport conclu par GDF avec ENEL et transféré par cette dernière à ENEL Trade (36).
(35) Le 17 mai 2004, GDF a transmis des observations écrites en réaction aux griefs formulés par la Commission (ci-après "Observations GDF-ENI").
(36) Le même jour, ENI Spa a remis les siennes (ci-après "Osservazioni").
(37) Aucune des parties n'ayant demandé la tenue d'une audition, la Commission n'en a pas organisé.
(38) Dans ses Observations GDF-ENI, GDF, se référant notamment aux observations écrites transmises à l'égard des griefs notifiés par la Commission à ENEL, à ENEL Trade et à elle-même, a soulevé des doutes quant à la régularité de la procédure suivie par la Commission et a notamment fait valoir que la Commission aurait violé les droits de la défense des entreprises concernées dans cette affaire. GDF en conclut que, "dans la mesure où l'analyse de la Commission sur le contrat ENI se fonde dans une large mesure sur les éléments relatifs au contrat ENEL, les griefs notifiés à ENI et à GDF seraient également inopérants" (37).
(39) Toutefois, comme la Commission l'a démontré dans sa décision du 26 octobre 2004 dans l'affaire GDF, les arguments de GDF ne sauraient être retenus.
(40) Ainsi, il peut être conclu que l'argument de GDF selon lequel la Commission aurait violé les droits de la défense des entreprises concernées dans le dossier ENEL et que cette violation présumée rendrait également inopérants les griefs notifiés à GDF et à ENI doit être écarté.
5. LE CONTRAT DE TRANSIT CONCLU PAR GDF ET SNAM
(41) Le 13 octobre 1997, GDF et SNAM ont conclu un contrat de transit (ci-après " Contrat de Transit ") portant sur des quantités de gaz naturel provenant de Norvège, dont SNAM est le propriétaire.
(42) En effet, le 20 janvier 1997, SNAM a conclu un contrat d'achat (ci-après " Contrat d'Achat ") de gaz naturel avec [CONFIDENTIEL]. Ce contrat porte sur des quantités annuelles de l'ordre de [CONFIDENTIEL - 5 700 à 6 300] millions de m³ et a une durée de [CONFIDENTIEL - 15 à 25] ans à compter de la fin de la période de Build-up, c'est-à-dire jusqu'à [CONFIDENTIEL]. Le Contrat d'Achat a été modifié à maintes reprises et a été notamment scindé en plusieurs contrats avec les différents fournisseurs. Selon les informations fournies par ENI, l'exécution du Contrat d'Achat a débuté le 1er octobre 200138. Les quantités achetées au cours des années 2001 et 2002 ont été respectivement de [CONFIDENTIEL - 1 144 à 1 265] millions de m3 et de [CONFIDENTIEL - 4 745 à 5 244] millions de m3 (39). Une partie du gaz norvégien a été revendue à Oltingue, à la frontière entre la France et la Suisse, par ENI à d'autres opérateurs ([CONFIDENTIEL]) actifs sur le marché italien (il s'agit approximativement de [CONFIDENTIEL - 455 à 503] millions de m3 en 2001, de [CONFIDENTIEL - 2 349 à 2 596] millions de m3 en 2002 et de [CONFIDENTIEL - 915 à 1 012] millions de m3 en 2003) tandis que des ventes intra-groupe, notamment à [CONFIDENTIEL], ont été effectuées respectivement à [CONFIDENTIEL] ([CONFIDENTIEL - 14.5 à 16] millions de m3 en 2003) et à [CONFIDENTIEL] ([CONFIDENTIEL - 50 à 55] millions de m3 en 2002 et [CONFIDENTIEL - 160 à 177] millions de m3 en 2003); selon les informations fournies par ENI, les quantités vendues à [CONFIDENTIEL] à [CONFIDENTIEL] sont ensuite destinées à la fourniture à [CONFIDENTIEL] (40).
(43) Le Contrat de Transit prévoit que GDF enlève le gaz naturel aux Points de Livraison de [CONFIDENTIEL] et de [CONFIDENTIEL] et qu'elle mette à la disposition de SNAM des quantités de gaz contenant la même quantité d'énergie au Point de Relivraison d'Oltingue (41). Aux termes de l'article 14 du Contrat de Transit, ledit contrat est entré en vigueur le jour de sa signature et produira ses effets jusqu'au [CONFIDENTIEL]. Selon les informations fournies par GDF, l'exécution du Contrat de Transit a débuté le 1er février 2001 (42), tandis qu'ENI fixe la date du début des activités de transport effectuées par GDF en exécution du Contrat de Transit au 1er octobre 2001 (43). Les quantités de gaz naturel que GDF s'est engagée à transporter par année contractuelle peuvent atteindre [CONFIDENTIEL - 6 365 à 7 035] millions de m3 (44). Les quantités effectivement transportées au cours des années 2001 et 2002 ont été respectivement de [CONFIDENTIEL - 1 055 à 1 166] millions de m3 et de [CONFIDENTIEL - 4 370 à 4 830] millions de m3 (45).
(44) Aux termes de l'article 5 du Contrat de Transit, le tarif que SNAM s'est engagée à payer est fonction de la Capacité de Transit.
(45) L'article 2 (" Objet ") du Contrat de Transit se lit comme suit : "L'objet du présent Contrat de Transit est le transit effectué par GDF depuis les Points de Livraison jusqu'au Point de Relivraison des quantités de Gaz Naturel achetées par SNAM au titre du Contrat d'Achat et destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison, [...]" (46).
(46) Par avenant du 14 novembre 2003, GDF et ENI ont agréé de remplacer le libellé dudit l'article 2 par le texte suivant :
"L'objet du présent Contrat de Transit est le transit effectué par GDF depuis les Points de Livraison jusqu'au Point de Relivraison des quantités de Gaz Naturel achetées par SNAM au titre du Contrat d'Achat [...]". Le préambule de l'avenant expose également que les mots "et destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" contenus dans la version initiale du contrat "ne constituent pas une contrainte contractuelle vis-à-vis de Gaz de France pour l'utilisation du gaz naturel par ENI", tandis que l'article 2 de l'avenant précise que l'avenant prend effet rétroactivement, à la date de la signature du Contrat de Transit. A cet égard, ledit préambule indique que la suppression des termes avec effet rétroactif vise à "éviter tout risque d'interprétation contraire entre les Parties".
6. LA STRUCTURE DU MARCHE
(47) La Commission a déjà identifié, dans des décisions antérieures (47), le gaz naturel comme un produit différent des autres sources d'énergie. En effet, il existe d'autres produits qui peuvent parfois être employés pour les mêmes utilisations que le gaz, notamment l'électricité et le fuel pour les usages domestiques, ainsi que le fuel et le gasoil pour certains usages industriels. Cependant, cette substituabilité n'est que partielle et imparfaite en raison des différents coûts d'utilisation et des rigidités structurelles au changement de source d'énergie, liées à la nécessité d'équipements différents selon la source d'énergie choisie, aussi bien pour le transport et pour l'éventuel stockage que pour l'utilisation.
(48) Il y a lieu, avant tout, de décrire brièvement le secteur du transport du gaz naturel en France.
(49) Le réseau de transport du gaz naturel s'étend en France sur 34 870 km (48). Il est approvisionné grâce aux terminaux méthaniers de Fos-sur-Mer et de Montoir-de-Bretagne, qui disposent d'installations de regazéification et permettent d'accueillir le gaz algérien et nigérian, ainsi que par une liaison avec le réseau belge, entre Blaregnies et Taisnières-sur-Hon (département du Nord), par laquelle parviennent le gaz néerlandais et le gaz norvégien, par une liaison avec le réseau allemand entre Medelsheim et Obergailbach (Moselle), d'où arrive le gaz russe, et par le gazoduc sous-marin Norfra, qui arrive à Dunkerque et permet la livraison du gaz norvégien. Le réseau français est également raccordé au réseau suisse, à Oltingue (Haut-Rhin) et à Ferney-Voltaire (Ain), et au réseau espagnol, à Port-de-Larrau (Pyrénées-Atlantiques) (49).
(50) Aujourd'hui, GDF détient une partie du réseau français égale à 30 500 km, qui représentent approximativement 87 % du total du réseau français. GDF gère directement un réseau de transport de 23 500 km (67 % du total du réseau français) tandis que les 7 000 km restants (20 % du total du réseau français) ont été confiés à CFM, société qui fait partie du groupe GDF (50) (51).
(51) Dès le 10 août 2000, date limite fixée pour la transposition de la directive 98-30-CE, GDF a donné accès à son réseau de transport (52).
(52) En 2001, GDF a transporté sur le réseau qu'elle gère directement [CONFIDENTIEL - 45 000 à 55 000] millions de m³ de gaz naturel, tandis que CFM en a transporté [CONFIDENTIEL - 11 300 à 13 800] millions de m³ (53).
(53) Le troisième opérateur de taille actif dans le transport du gaz naturel en France est GSO (54), qui gère un réseau de 4 291 km, correspondant approximativement à 12 % du total (55).
(54) Il y a lieu également de décrire brièvement les autres secteurs de la chaîne gazière en France.
(55) Aujourd'hui, le gaz naturel consommé en France est importé principalement de Norvège, de Russie, d'Algérie et des Pays-Bas, mais aussi du Nigeria, du Royaume- Uni et du Qatar (56). En 2001, selon les informations fournies par GDF, le total des importations de gaz naturel en France est de 37 800 millions de m³ (57). Les quantités importées par GDF se chiffrent quant à elles à [CONFIDENTIEL - 33 500 à 40 900] millions de m³ (58), ce qui représente [CONFIDENTIEL - 88 à >100] % du total.
(56) En 2001, GDF a vendu en France [CONFIDENTIEL - 33 100 à 40 500] millions de m³ de gaz naturel tandis que CFM en a vendu [CONFIDENTIEL - 2 100 à 2 500] millions de m³, les ventes globales du groupe GDF s'élevant donc à [CONFIDENTIEL - 35 200 à 43 000] millions de m³ (59). Ces chiffres représentent respectivement [CONFIDENTIEL - 74 à 90] %, [CONFIDENTIEL - 4,5 à 5,5] % et [CONFIDENTIEL - 78,5 à 95,5] % du total du gaz consommé en France (60).
(57) Comme, depuis la date limite fixée pour la transposition de la directive 98-30-CE, les transporteurs français ont ouvert aux tiers l'accès à leurs réseaux de transports, les clients qui sont éligibles aux termes de ladite directive ont pu depuis lors s'approvisionner également auprès de fournisseurs autres que celui qui assurait traditionnellement le transport ou la distribution et la vente dans leur zone géographique. Quant aux quantités de gaz naturel vendues aux clients éligibles, en 2001, GDF leur en a fourni [CONFIDENTIEL - 5 800 à 7 000] millions de m³ et CFM [CONFIDENTIEL - 900 à 1 200] millions de m³, le total pour le groupe GDF étant de [CONFIDENTIEL - 6 700 à 8 200] millions de m³ (61).
(58) Compte tenu du fait que la consommation des clients éligibles devrait représenter, aux termes de la directive 98-30-CE, 20 % de la consommation de gaz naturel en France, elle pourrait se chiffrer approximativement à 8 900 millions de m³ (62). Les ventes de GDF représenteraient donc [CONFIDENTIEL - 65 à 78] % du total. Ce pourcentage s'élèverait à [CONFIDENTIEL - 75 à 92] %, en y ajoutant également les ventes de CFM.
(59) Pour ce qui est des clients captifs, c'est-à-dire ceux qui ne bénéficient pas de la liberté de choisir un fournisseur aux termes de la directive 98-30-CE, ils ont été approvisionnés par GDF, GSO et CFM et par 17 distributeurs non nationalisés. En 2001, GDF a vendu aux clients captifs [CONFIDENTIEL - 27 300 à 33 500] millions de m³ de gaz naturel tandis que CFM leur en a vendu [CONFIDENTIEL - 1 200 à 1 300] millions de m³, les ventes globales du groupe GDF s'élevant donc à [CONFIDENTIEL - 28 500 à 34 800] millions de m³ (63). GDF et CFM auraient donc couvert approximativement [CONFIDENTIEL - 76 à 93] % et [CONFIDENTIEL - 3,3 à 3,6] % de la consommation des clients captifs français, le pourcentage pour le groupe GDF s'élevant à [CONFIDENTIEL - 79,3 à 96,6] %.
(60) Enfin, il y a lieu de préciser qu'ENI, au cours de l'année 2001 a vendu en Italie des quantités de gaz égales à [CONFIDENTIEL - 56 430 à 62 370] millions de m³ (64), ce qui correspond à [CONFIDENTIEL - 81 à 89] % de la consommation italienne. ENI a également vendu du gaz naturel dans d'autres Etats membres, en particulier au Royaume-Uni ([CONFIDENTIEL - 3 300 à 3 650] millions de m³ en 2001 et [CONFIDENTIEL - 4 100 à 4 500] millions de m³ en 2002), en Autriche ([CONFIDENTIEL - 1 700 à 1 900] millions de m³ en 2001 et [CONFIDENTIEL - 1 600 à 1 750] millions de m³ en 2002), en Allemagne ([CONFIDENTIEL - 1 400 à 1 550] millions de m³ en 2001 et [CONFIDENTIEL - 3 700 à 4 100] millions de m³ en 2002) et en France ([CONFIDENTIEL - 660 à 730] millions de m³ en 2001 et [CONFIDENTIEL - 2 450 à 2 700] millions de m³ en 2002). Toutefois, la quasi-totalité des quantités vendues en France et une très large partie des quantités vendues en Allemagne ont en réalité été cédées, respectivement à la frontière entre la France et la Suisse et à celle entre l'Allemagne et la Suisse, à d'autres opérateurs actifs eux aussi sur le marché italien (65).
7. L'APPLICATION DE L'ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITE
7.1. Accord entre entreprises
(61) Aussi bien GDF qu.ENI sont des entreprises au sens de l'article 81 du traité.
(62) De même, la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" contenue à l'article 2 du Contrat de Transit relève de la notion d'accord au sens de l'article 81 du traité.
(63) Cette appréciation ne saurait être mise en cause par le fait que la clause en question a été introduite sur proposition de l.une seule des parties66. En effet, pour établir si une clause relève du champ d'application de l'article 81 du traité, il est dénué de pertinence qu'elle ait été adoptée sur l'initiative d'une seule des parties ou dans son seul intérêt, et même qu'elle ait été imposée par cette partie en raison d'un lien de dépendance que l'autre partie aurait à son égard (67).
7.2. La restriction de concurrence
7.2.1.
Objet restrictif de la clause
(64) La clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" impose à ENI, si elle souhaite commercialiser le gaz objet du Contrat de Transit, de le revendre seulement en aval du Point de Relivraison.
(65) Dans l'"Accord entre Gaz de France et SNAM au sujet de l'équipement de mesurage de l'installation de relivraison et de la localisation du point de relivraison du Contrat de Transit"68, les parties ont convenu que ledit point de relivraison soit situé à Oltingue, à la frontière entre la France et la Suisse, et plus précisément à la jonction entre le réseau de GDF et le réseau de transport de TRANSITGAZ, qui traverse le territoire suisse jusqu'à la frontière italienne, approximativement à la hauteur de Domodossola. En outre, l'article 1 - Définitions - du Contrat de Transit définit les termes "Système en Aval du Point de Relivraison" comme signifiant "les canalisations, les stations de compression, ainsi que toutes les installations nécessaires au transport du Gaz Naturel depuis le Point de Relivraison jusqu'à la station de comptage de Masera en sortie du système de transport TRANSITGAZ". Ainsi toute commercialisation en aval dudit Point de Relivraison doit s'entendre comme se référant au territoire traversé par les gazoducs de transport installés après Oltingue et, donc, après la frontière entre la France et la Suisse.
(66) La clause en question, en imposant à ENI une commercialisation après la frontière franco-suisse, lui interdit donc de revendre le gaz naturel objet du Contrat de Transit en amont du Point de Relivraison, en d'autres termes en France. Cette interdiction de commercialiser le gaz en France concernerait également l'hypothèse d'éventuelles réexportations vers la France du gaz qui aurait déjà quitté le territoire français. Par cela, la clause en question restreint le territoire sur lequel ENI peut utiliser le gaz objet du Contrat de Transit.
(67) Or, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes, des clauses qui restreignent la liberté de l'une des parties d'utiliser la marchandise livrée en fonction de ses propres intérêts économiques constituent des restrictions de la concurrence au sens de l'article 81 du traité (69). En particulier, se prononçant sur les interdictions d'exportation, la Cour a dit pour droit qu.une clause de ce type "par sa nature même, [...] constitue une restriction de la concurrence [...], l'objectif sur lequel les contractants sont tombés d'accord étant d'essayer d'isoler une partie du marché" (70).
(68) Ainsi, la clause qui oblige ENI à commercialiser en aval d'Oltingue le gaz transporté et l'empêche donc de le revendre en France est une clause qui a pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun, au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité.
(69) Cette clause vise en effet à cloisonner le marché européen et empêche des consommateurs de gaz naturel établis en France de s'approvisionner auprès d.ENI en achetant le gaz objet du Contrat de Transit. En cela, cette clause contribue à isoler le marché français, ce qui est incompatible avec la création d'un marché du gaz intégré à l'échelle européenne.
(70) Enfin, il y a lieu de noter qu'il est parfaitement imaginable qu'un transporteur introduise dans un contrat de transport de gaz une clause de restriction de la revente dudit gaz, notamment dans l'hypothèse où le transporteur exerce également une activité de vente de gaz dans le territoire dans lequel il effectue le transport pour le compte d'un tiers et qu'il souhaite que le gaz transporté ne soit pas vendu par ce tiers à l'intérieur dudit territoire.
(71) A cet égard, il y a lieu de rappeler que GDF a également conclu avec ENEL un contrat de transport/service qui contenait lui aussi une clause visant à restreindre le territoire dans lequel le propriétaire du gaz transporté peut commercialiser son gaz et à exclure toute hypothèse de revente, notamment sur le territoire français (71).
(72) Or, GDF a affirmé que la clause en question "ne peut pas être interprétée comme une clause limitant la revente du gaz visé par le contrat de transit conclu entre Gaz de France et SNAM" et ceci en raison du fait que "les contrats de transit ne comportent pas, par leur objet même, de disposition relative à la fourniture de gaz" (72).
(73) Selon GDF, "la mention relative à la commercialisation du gaz en aval du Point de Relivraison atteste simplement le fait qu'une commercialisation du gaz transporté en vertu du contrat peut intervenir uniquement à partir du moment où le gaz est remis à disposition de SNAM, c'est-à-dire à un point géographique déterminé [...]. Elle ne préjuge donc pas de la possibilité pour les parties de conclure un autre contrat, pour une livraison de gaz en France, par exemple pour l'alimentation de clients éligibles" (73).
(74) Dans ses Observations GDF-ENI (74), GDF a observé que la Commission aurait attribué de manière erronée au mot "aval" employé à l'article 2 du Contrat de Transit la même signification que ce terme reçoit, conformément à l'article 1 dudit contrat, dans l'expression "Système en Aval du Point de Relivraison" (75). Selon GDF, "si le terme figurant à l'article 1 du Contrat de Transit correspond à des infrastructures et installations précises, géographiquement situées en aval du Point de Relivraison, le terme "aval" de l'article 2 dudit contrat fait, quant à lui, seulement référence à la possibilité pour ENI de commercialiser auprès de clients, à partir de ce point, sans aucune contrainte géographique liée à un réseau particulier, le gaz objet du Contrat de Transit" (76). "Loin de constituer une restriction territoriale", la clause litigieuse décrirait donc un "état de fait" (77) et "ne contient aucune interdiction formelle de vendre le gaz objet du contrat ailleurs qu'en aval du point de livraison" (78).
(75) GDF fait également valoir que la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" contenue dans le Contrat de Transit ainsi que la clause "destinées au marché italien" qui se trouvait dans le projet dudit contrat (79) visaient simplement à "prendre en compte les besoins de SNAM, qui étaient de disposer du gaz lui appartenant là où elle le souhaitait" (80). GDF, à l'appui de sa thèse, analyse en détail les besoins en gaz naturel d'ENI à l'origine de la conclusion du Contrat de Transit, qui concernaient la satisfaction de la demande de gaz sur le marché italien, et mentionne les investissements qu'elle-même et ENI avaient effectués pour assurer les conditions techniques du transport du gaz jusqu'en Italie (81).
(76) En outre, GDF observe que la "clause litigieuse, en quantifiant le besoin de transport d'ENI, visait [...] à permettre à Gaz de France de dimensionner ses ouvrages et, partant, de déterminer les investissements correspondants, jusqu'au point de Relivraison [...] " (82).
(77) GDF en conclut que la Commission aurait interprété la clause de manière erronée comme l'expression de la volonté de GDF de restreindre la liberté d'ENI ou du concours des volontés des parties de restreindre la concurrence (83).
(78) Enfin, GDF fait valoir qu'ENI aurait pu diminuer les quantités de gaz naturel norvégien livrées à GDF au titre du Contrat de Transit et les commercialiser notamment en France, en les acheminant à des clients éligibles français au moyen de contrats d'ATR (accès des tiers au réseau) et en revendant en même temps les capacités de transport contractées sur la liaison [CONFIDENTIEL] et sur le réseau Transitgaz (84).
(79) ENI, quant à elle, a argumenté que la clause en question n'est qu'un simple "statement of fact" et qu'elle ne constitue pas une restriction de nature concurrentielle ou une "obligation contractuelle-juridique". En particulier, selon ENI, la clause n'empêche pas la commercialisation du gaz norvégien en France: ENI est convaincue qu'elle pourrait même revendre le gaz sur le territoire français en amont d'Oltingue en demandant à GDF une "sortie" du gaz avant l'arrivée au Point de Relivraison (85).
(80) Selon ENI, la clause viserait plutôt à fixer le moment auquel se terminerait le service de transit assuré par GDF (86).
(81) La Commission aurait donc délibérément ignoré quelle était la commune intention des parties traduite par la clause (87).
(82) Par ailleurs, ENI relève que la clause en question ne saurait avoir d'objet restrictif de la concurrence. Dans ses "Osservazioni", ENI cite les conclusions de l'Avocat général Tesauro dans l'affaire Gottrup-Klim (88), qui considérait "interdits, de par leur objet, les accords qui, envisagés en termes objectifs et abstraits, ont pour seule fonction de restreindre le libre jeu de la concurrence entre les parties, ou entre les parties et les tiers concurrents, d'une façon jugée incompatible avec le marché commun. [...] Par contre, les accords susceptibles de remplir une fonction plus complexe seront regardés comme n'ayant pas un objet anticoncurrentiel. Cela vaut pour les clauses qui font partie intégrante du contenu d'un contrat déterminé et qui contribuent de cette manière à déterminer la base et l'équilibre des rapports juridiques entre les parties". En l'espèce, de l'avis d'ENI, la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" ferait partie intégrante du Contrat de Transit et contribuerait à déterminer la base et l'équilibre des rapports juridiques entre les parties, au sens des conclusions citées. Elle ne saurait donc avoir un objet restrictif de la concurrence (89).
(83) Toutefois, la Commission estime que ces arguments visant à nier le caractère restrictif de la clause en question ne sont pas pertinents en l'espèce.
(84) En effet, pour ce qui est, au premier chef, de la présumée interprétation erronée du mot "aval" par la Commission, s'il est vrai que l'article 1 du Contrat de Transit définit l'expression "Système en Aval du Point de Relivraison" dans son entièreté, indiquant un ensemble de canalisations, stations de compression et installations de transport sises dans un territoire identifié, il ne paraît pas pour autant contestable que cette définition fournit une indication très précise quant à l'espace géographique "en aval" dudit point de relivraison. Ainsi, la définition de l'article 1 peut utilement être employée pour interpréter également l'expression "en aval du Point de Relivraison" à l'article 2 du Contrat de Transit et identifier l'espace géographique dans lequel la commercialisation est possible aux termes de la clause.
(85) Quant aux arguments de GDF et d'ENI selon lesquels la Commission aurait interprété à tort la clause litigieuse comme l'expression de la volonté de GDF de restreindre la liberté d'ENI ou du concours des volontés des parties de restreindre la concurrence, en ignorant délibérément quelle était la commune intention des parties traduite par la clause, il y a lieu de rappeler que même s'il était possible pour les parties d'établir que leur intention subjective n'était pas d'imposer une restriction territoriale à la commercialisation du gaz objet du contrat, ce qui est de toute manière contredit par les faits de l'espèce (90), la constatation par la Commission qu.une clause a pour objet de restreindre la concurrence ne saurait dépendre d'une telle intention des parties (91).
(86) S'agissant de la fonction objective de la clause, les parties suggèrent plusieurs arguments visant à démontrer que la clause n'aurait pas l'objet restrictif que la Commission lui prête.
(87) Les parties avancent en premier lieu que la clause se trouve dans un contrat de transit et que des contrats de ce type ne comporteraient pas, par leur objet même, de clauses concernant la commercialisation du gaz transporté. Cependant, le fait que le contrat conclu par GDF et SNAM soit défini comme étant un contrat de transit ne signifie pas en soi que les parties soient empêchées d'y introduire des clauses qui concerneraient d'autres aspects que le transport et notamment la commercialisation du gaz.
(88) Or, telle que formulée, la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" se réfère bel et bien expressis verbis à la commercialisation du gaz acheté auprès des fournisseurs norvégiens, et non pas au transport de gaz par GDF. Qui plus est, la clause établit une obligation explicite dans le chef d'ENI concernant ladite commercialisation en imposant que le gaz soit commercialisé en aval d'Oltingue et en excluant ainsi toute possibilité que le gaz soit vendu par ENI, si elle le souhaitait, en partie sur le territoire français, ainsi que toute possibilité de réexportation vers la France. Toute commercialisation par ENI en amont, sur le territoire français, ainsi que toute réexportation vers la France constitueraient donc une violation du contrat.
(89) Par ailleurs, la qualification juridique du contrat comme un contrat de transport n'empêche pas de considérer la clause litigieuse comme restrictive de la revente du gaz naturel et donc contraire à l'article 81 du traité. Ni l'effet restrictif sur le comportement d'ENI, ni les effets consécutifs sur le marché concerné par la clause, celui de la fourniture de gaz en France, ne sont affectés par cette qualification. Enfin, il y a lieu de rappeler que le transporteur de gaz pourrait avoir un intérêt économique certain à l'introduction dans un contrat de transport d'une clause restreignant la revente dudit gaz (92).
(90) En deuxième lieu, l'argument de GDF selon lequel la clause devait refléter les intérêts économiques d'ENI à utiliser le gaz en Italie n'affecte pas davantage l'analyse de la Commission. La mention du lieu de commercialisation ne reflète pas un "intérêt" dont la connaissance serait nécessaire pour l'exécution du contrat de transit lui-même, qui se limite au transport du gaz entre deux points, mais uniquement un intérêt dans la commercialisation du gaz, activité qui n'est pas inhérente à l'échange organisé par ce contrat. Selon l'interprétation donnée par GDF, ENI aurait ainsi exprimé les limites de ses intérêts en matière de commercialisation. Or, il n'y a normalement aucune raison pour une partie à un accord commercial de faire part de telles limites qui sont dépourvues de rapport avec l'objet même du contrat, sauf à vouloir s'engager vis-à-vis de l'autre partie en vue de respecter de telles limites. L'explication de GDF est d'ailleurs contredite par le fait que le projet de contrat a été rédigé par GDF et non pas par ENI. Ce fait, rappelé à la note de bas de page n° 35 ainsi qu'aux points 43 et 52 de la communication des griefs adressée aux parties en février 2004, n'a pas été contesté par GDF.
(91) Le raisonnement exposé ci-dessus s'applique à plus forte raison du fait que les intérêts d'ENI étaient susceptibles d'évoluer dans le temps, et ceci en particulier dans le cas d'espèce où la clause en question était censée demeurer en vigueur jusqu'en [CONFIDENTIEL] (93).
(92) Au surplus, il y a lieu de constater que les besoins d'ENI ont probablement déjà effectivement évolué depuis la signature du Contrat de Transit car la libéralisation du secteur gazier en Europe, d'un côté, a ouvert à la concurrence le marché traditionnel d'ENI et, de l'autre côté, a créé des perspectives de développement à l'étranger qui peuvent engendrer des besoins en gaz dans d'autres Etats membres, et notamment en France. Cette analyse de l'évolution des besoins d'ENI, en particulier pour ce qui est de ses ambitions dans le marché français, semblerait d'ailleurs confirmée par les déclarations de l'entreprise concernant ses négociations en cours avec GDF afin de pouvoir approvisionner des clients éligibles français (94). Une analyse de l'évolution des besoins réels d'ENI n'est toutefois pas nécessaire pour établir l'infraction.
(93) De même, la Commission ne saurait partager la thèse que la clause fixerait simplement le moment auquel se termine le service de transit assuré par GDF ou attesterait le fait qu'une commercialisation du gaz transporté en vertu du contrat peut intervenir uniquement à partir du moment où le gaz est remis à disposition d'ENI. Il a été en effet établi au considérant (66) et réitéré au considérant (88) que la clause restreint le territoire sur lequel ENI peut commercialiser le gaz transporté. Par ailleurs, la clause a été formulée non pas en termes de "prélèvement", mais de "commercialisation", moment qui ne doit pas nécessairement suivre immédiatement la fin du service de transit prêté par GDF. La clause ne se bornait donc pas à illustrer le fonctionnement d'un contrat de transit ou les conséquences inhérentes à un tel contrat.
(94) Enfin la clause ne saurait non plus avoir comme but, comme le prétend GDF, de permettre à GDF de "dimensionner ses ouvrages et, partant, de déterminer les investissements correspondants, jusqu'au point de Relivraison". En effet, l'article 3 du contrat portant sur les quantités contractuelles et définissant notamment les capacités du transit et de livraison à Dunkerque et à Blaregnies aurait été largement suffisant dans ce but. Ceci est d'autant plus vrai que, de toute manière, le tarif de transit n'est pas formulé en fonction des quantités effectivement transportées mais de la capacité de transit (95). Ainsi, il n'aurait pas été nécessaire pour GDF de s'assurer du remboursement de ses investissements par le biais d'une clause qui devrait prétendument garantir l'utilisation des canalisations jusqu'à Oltingue.
(95) Pour toutes ces raisons, la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" ne saurait donc être interprétée comme étant un simple "statement of fact", neutre au regard de l'article 81 du traité. Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par l'historique de la clause.
(96) En effet, la volonté de GDF d'assurer que le gaz qu'elle transporterait pour le compte d'ENI soit commercialisé ailleurs qu'en France avait déjà été reflétée dans la première proposition de contrat que GDF avait présentée à SNAM. Cette proposition prévoyait que les quantités de gaz objet du contrat soient "destinées au marché italien" (96).
(97) A l'égard de cette dernière clause, il y a lieu de noter que les parties en donnent deux interprétations divergentes. Si, selon GDF, cette clause, tout comme la clause contenue dans la version finale du contrat, visait à "prendre en compte dès le stade des négociations, comme plus tard lors de la conclusion du contrat, les besoins de SNAM qui étaient de disposer de quantités de gaz lui appartenant, là où il le souhaitait" (97), ENI déclare par contre que cette formulation aurait pu prêter à malentendu quant à la possibilité pour l'entreprise "de pouvoir disposer librement du gaz norvégien". Pour cette raison, la formulation "était modifiée pendant les négociations en faveur d'un libellé qui ne laissât pas de marge d'ambiguïté" (98).
(98) Il est intéressant de noter que ce souci d'éviter toute "ambiguïté" n'a pas conduit à l'élimination pure et simple de la clause. Ceci aurait pourtant été très simple, étant donné que les parties ont procédé par la suite à une telle suppression par l'avenant du 14 novembre 2003, sans que cela ait entraîné d'autres modifications du Contrat de Transit et donc sans qu'elles puissent prétendre que la suppression de la clause ait affecté le fonctionnement du contrat de transit. Par ailleurs, lorsque la clause a été supprimée, les parties ont perçu la nécessité de conférer à cette suppression un caractère rétroactif, et ceci, selon les termes de l'avenant, "pour éviter tout risque d'interprétation contraire - dans le sens d'une restriction de l'utilisation du gaz dans le chef d'ENI - entre les Parties".
(99) Compte tenu du fait déjà évoqué que la suppression de la clause n'a pas entraîné d'autres modifications du Contrat de Transit, l'argument d'ENI selon lequel la clause litigieuse ferait partie intégrante dudit contrat et contribuerait à déterminer la base et l'équilibre des rapports juridiques entre les parties doit également être rejeté.
(100) Le caractère restrictif de la clause ne saurait être remis en question par l'argument de GDF selon lequel la clause ne préjuge pas de la possibilité pour les parties de conclure un autre contrat, pour une livraison de gaz en France, ni par celui d'ENI selon lequel elle pourrait revendre le gaz sur le territoire français en amont d'Oltingue en demandant à GDF une "sortie" du gaz avant l'arrivée au Point de Relivraison. En effet, la simple possibilité de modifier un accord pour en éliminer, en tout ou en partie, la restriction qu'il contient ne fait pas échapper celle-ci à l'article 81 du traité.
(101) La Commission ne saurait retenir davantage l'argument de GDF selon lequel la clause contenue dans le Contrat de Transit ne restreint pas la concurrence au motif qu'ENI aurait pu diminuer les quantités de gaz naturel norvégien livrées à GDF au titre du Contrat de Transit et les commercialiser notamment en France, en les acheminant à des clients éligibles français au moyen de contrats d'ATR (accès des tiers au réseau) et en revendant en même temps les capacités de transport contractées sur la liaison [CONFIDENTIEL] et sur le réseau Transitgaz.
(102) En effet, comme la clause se réfère à la commercialisation "des quantités de gaz achetées par SNAM au titre du Contrat d'Achat", et non pas exclusivement à celles relivrées à Oltingue, l'obligation de revente en aval porte sur l'ensemble des quantités achetées par SNAM en Norvège et elle ne permettrait donc pas l'opération évoquée par GDF. Et même si cette lecture de la clause était inexacte, il n'en resterait pas moins que la commercialisation en France à partir d'Oltingue est exclue.
(103) A cet égard, il y a lieu de noter que par cet argument, GDF confirme, du moins implicitement, l'objet restrictif de la clause. L'entreprise affirme en effet que pour pouvoir vendre le gaz norvégien à des clients éligibles français, ENI ne devrait pas le livrer à GDF au titre du Contrat de Transit. Qui plus est, au paragraphe 89 de ses Observations GDF-ENI, en évoquant les hypothèses de commercialisation du gaz relivré à Oltingue, GDF se limite à mentionner la possibilité qu'ENI vende ce gaz à des clients éligibles en Italie, en Allemagne et en Suisse, et non pas en France.
7.2.2. Caractère sensible de la restriction
(104) La restriction de la concurrence dans le marché commun, qui dérive de la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison", peut être appréciée comme étant sensible. En effet, les volumes de gaz naturel objet du Contrat de Transit représentent une part non négligeable de la consommation de gaz naturel en France, où le gaz pourrait être vendu en l'absence de la clause restrictive. Les quantités transportées en 2001 en exécution du Contrat de Transit équivalent approximativement à [CONFIDENTIEL - 2,38 à 2,62] % de la consommation française tandis que celles transportées en 2002 couvriraient [CONFIDENTIEL - 10 à 11] % de la consommation française. Il y a également lieu de souligner que les quantités échangées en 2001 et en 2002 représentent environ [CONFIDENTIEL - 12 à 13,5] % et [CONFIDENTIEL - 50 à 55] % de la consommation éligible en France (99). Enfin, les quantités de gaz correspondant au maximum que GDF s'est engagée à transporter aux termes du Contrat de Transit, c'est-à-dire [CONFIDENTIEL - 6 365 à 7 035] millions de m³ (100), représentent quant à elles environ [CONFIDENTIEL - 14,5 à 16] % de la consommation française. Le pourcentage concernant la consommation éligible française s'élève approximativement à [CONFIDENTIEL - 73 à 80] % (101).
(105) La restriction de la concurrence peut être appréciée comme étant d'autant plus sensible si l'on tient compte du fait que le marché gazier est aujourd'hui peu fluide et que même des quantités marginales peuvent contribuer fortement à augmenter la concurrence (102).
(106) Bien que les éléments repris aux considérants (104) et (105) permettent d'établir à suffisance de droit que la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" restreint en elle-même de manière sensible la concurrence à l'intérieur du marché commun, il semble utile de rappeler que GDF a conclu également un autre contrat de transport contenant lui aussi une clause ayant le même objet que ladite clause du Contrat de Transit (103). En effet, pour déterminer si un accord présente un objet restrictif de concurrence, il y a lieu de tenir compte non seulement de sa nature et de son but mais également du contexte économique dans lequel il doit être appliqué (104). Ainsi, le caractère restrictif de la clause contenue dans le contrat conclu entre GDF et ENI peut être apprécié non seulement isolément mais aussi à la lumière de l'ensemble des activités des entreprises concernées (105).
(107) Or, à propos du caractère sensible de la restriction, GDF fait valoir que la Commission, pour apprécier la sensibilité de la restriction, aurait dû comparer les volumes de gaz objet du Contrat de Transit à la consommation globale d'un ensemble de pays incluant la France, l'Italie, la Suisse, l'Allemagne et l'Autriche. Les volumes transportés en 2002 au titre du Contrat de Transit - observe GDF - n'auraient représenté que [CONFIDENTIEL - 2,5 à 3] % de cette consommation totale et [CONFIDENTIEL - 2,6 à 3] % de la consommation des seuls clients éligibles dans ces pays (106).
(108) ENI, quant à elle, dans ses "Osservazioni" (107), conteste le calcul des dimensions du marché éligible français effectué par la Commission dans la communication des griefs, et ceci car la Commission se serait basée sur un seuil d'ouverture de 20 % du marché français, purement hypothétique. Elle fait également valoir qu'en raison des retards dans le processus de libéralisation du secteur gazier français, il n'y avait pas les conditions nécessaires pour garantir avec une probabilité raisonnable la possibilité qu'ENI commercialise en France le gaz objet du Contrat de Service.
(109) A cet égard, quant à l'observation selon laquelle ENI n'aurait de toute manière pas pu commercialiser en France le gaz contractuel à cause des retards dans la libéralisation du secteur gazier de ce pays, il y a lieu de remarquer qu'ENI, tout en considérant les conditions d'accès au marché français comme "incertaines et totalement aléatoires", ne conteste pas le fait que, nonobstant le fait que la directive 98-30-CE n'a été transposée que le 3 janvier 2003 (108), déjà depuis août 2000, date limite fixée pour la transposition de la directive 98-30-CE, les transporteurs français, et notamment GDF, ont donné accès à leur réseau de transport (109).
(110) Or, quoiqu.il soit clair que cette pratique des transporteurs n'est pas équivalente à une transposition de la directive en ce qu'elle ne comporte pas les mêmes garanties (110), il n'en reste pas moins, et ENI ne le conteste pas, qu'une certaine concurrence restait possible. Dans les limites de ces possibilités, la clause en question pouvait avoir un effet important (111).
(111) Enfin, quand bien même, pour apprécier le caractère sensible de la restriction, il serait tenu compte, comme l'indique GDF sans par ailleurs en donner des justifications, du total de la consommation dans l'ensemble des pays évoqués par GDF, les volumes objet du Contrat de Transit auraient eu de toute manière un impact sensible en raison des spécificités du secteur gazier européen (112), notamment en France (113), et plus particulièrement du manque de fluidité déjà évoqué.
7.2.3. Effets de la restriction
(112) Il est de jurisprudence constante qu'aux fins de l'application de l'article 81 du traité, "la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il apparaît que celui-ci a pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun. Par conséquent, la démonstration d'effets anticoncurrentiels réels n'est pas requise, alors même que l'objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi" (114).
7.3. Affectation du commerce entre Etats membres
(113) Des mesures visant au cloisonnement des marchés nationaux sont, par nature, susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres (115).
(114) L'analyse déjà effectuée quant à l'importance des volumes de gaz objet du Contrat de Transit en Italie et en France permet de conclure que, dans le cas d'espèce, la clause restrictive affecte sensiblement le commerce entre les Etats membres.
8. L'APPLICATION DE L'ARTICLE 81, PARAGRAPHE 3
(115) En vertu de l'article 81, paragraphe 3, du traité, les dispositions du paragraphe 1 dudit article peuvent être déclarées inapplicables dans certaines conditions.
(116) Notamment, aux termes de l'article 2 du règlement (CE) n° 2790-1999 de la Commission du 22 décembre 1999 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées (116), l'article 81, paragraphe 1, du traité est déclaré inapplicable aux accords et pratiques concertées, conclus entre deux ou plus de deux entreprises dont chacune opère, aux fins de l'accord, à un niveau différent de la chaîne de production ou de distribution et qui concernent les conditions dans lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre certains biens ou services, communément appelés les produits (biens ou services) contractuels.
(117) Or, comme la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" concerne les conditions de revente du gaz naturel, il est possible que le règlement (CE) n° 2790-1999 ne soit pas applicable ratione materiae à ladite clause car le produit contractuel dont il est question dans le Contrat de Transit serait le service de transport du gaz naturel sur le territoire français et non pas le gaz naturel.
(118) Toutefois, cette question n'a pas à être tranchée en l'espèce. En effet, même en émettant l'hypothèse que le règlement (CE) n° 2790-1999 soit applicable, il est de toute manière à exclure que l'accord en question puisse bénéficier dudit règlement: conformément à l'article 4, point b), dudit règlement, l'exemption "ne s'applique pas aux accords verticaux qui [...] ont pour objet [...] la restriction concernant le territoire dans lequel [...] l'acheteur peut vendre les biens ou services contractuels". Or, la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" restreint précisément le territoire dans lequel ENI peut vendre le gaz (117). La clause ne correspond, par ailleurs, à aucune des exceptions prévues à l'article 4, point b), du règlement (CE) n° 2790-1999.
(119) Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire non plus de se prononcer sur l'éventuelle applicabilité de l'article 2, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 2790-1999 concernant les accords verticaux conclus entre entreprises concurrentes.
(120) Par ailleurs, un examen des conditions pour l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité au cas individuel en cause révèle que ces conditions - cumulatives - ne sont pas toutes remplies. En effet, l'article 81, paragraphe 3, du traité exige entre autres que l'accord en cause contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte. En outre, l'accord ne doit pas imposer des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs et ne doit pas donner la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause.
(121) Or, ni GDF, ni ENI n'ont fourni d'argument probant indiquant que les conditions énumérées au considérant (120) aient été remplies. En tout état de cause, rien ne permet de déduire qu.une partie équitable du profit est réservée aux utilisateurs.
(122) Il découle de tout ce qui précède que le Contrat de Transit conclu par GDF et SNAM et contenant la clause "destinées à être commercialisées en aval du Point de Relivraison" constitue un accord entre entreprises qui relève du champ d'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité, et ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 81, paragraphe 3, du traité.
9. DUREE DE L'INFRACTION
(123) Comme le Contrat de Transit a été conclu le 13 octobre 1997, l'infraction pourrait être considérée comme ayant débuté à cette date.
(124) Compte tenu des spécificités du secteur gazier et des circonstances particulières de l'espèce, il serait possible également de prendre en considération, afin d'établir le début de l'infraction, le moment à partir duquel la clause contestée pouvait entraver les exportations de gaz naturel vers d'autres Etats membres, et notamment le fait que l'exécution du Contrat de Transit n'a pu débuter au plus tard que le 1er octobre 2001118.
(125) Depuis lors, GDF a notamment relivré à ENI des volumes de gaz naturel à Oltingue. A partir de ce moment, comme depuis août 2000, date limite fixée pour la transposition de la directive 98-30-CE, les transporteurs français, et notamment GDF, avaient donné accès à leurs réseaux de transport119, ENI aurait pu, en l'absence de la clause contestée, utiliser librement le gaz objet du Contrat de Transit et le revendre en France.
(126) En l'espèce, la question de savoir si la restriction a débuté déjà au moment de la signature du Contrat de Transit ne doit pas être examinée. Il peut être donc conclu que l'infraction a débuté au plus tard le 1er octobre 2001.
(127) Comme la clause litigieuse a été supprimée par l'avenant du 14 novembre 2003, l'infraction a pris fin à cette date.
(128) L'appréciation de la Commission concernant la durée de l'infraction ne saurait être modifiée par le fait que les parties ont stipulé dans l'avenant du 14 novembre 2003 que celui-ci prendrait effet rétroactivement, à la date de la signature du Contrat de Transit. En effet, le caractère "rétroactif" de cette modification n'affecte pas le fait que, pendant toute la durée infractionnelle retenue, l'acheteur devait tenir compte de la clause litigieuse pour déterminer son comportement sur le marché.
10. DESTINATAIRES
(129) Les destinataires de la présente décision sont GDF et ENI Spa En effet, GDF est partie au Contrat de Transit contenant la clause contestée. ENI Spa, quant à elle, est tenue pour responsable des actions de SNAM, l'autre partie audit Contrat de Transit, en raison du fait que SNAM a cessé d'exister suite à sa fusion par incorporation dans ENI Spa, qui a pris effet le 1er février 2002 (120). Ladite opération a entraîné le transfert dans le chef d'ENI Spa de tous les droits et obligation de SNAM. A partir du 1er février 2002, ENI Spa était elle-même partie au contrat contenant la clause contestée et donc responsable à ce titre de l'infraction.
11. MESURES CORRECTIVES
(130) Conformément à l'article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1-2003, "si la Commission, agissant d'office ou saisie d'une plainte, constate l'existence d'une infraction aux dispositions de l'article 81 ou de l'article 82 du traité, elle peut obliger par voie de décision les entreprises [...] intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. [...] Lorsque la Commission y a un intérêt légitime, elle peut également constater qu'une infraction a été commise dans le passé" (121).
(131) Or, l'infraction a pris fin le 14 novembre 2003.
(132) Toutefois, la Commission a un intérêt légitime, au sens de l'article 7, paragraphe 1, in fine du règlement (CE) n° 1-2003, à constater que GDF et ENI Spa ont contrevenu aux dispositions de l'article 81 du traité, compte tenu de la gravité122 et des circonstances de l'infraction. Depuis que le secteur gazier a été ouvert à la concurrence, assurer le respect des règles de concurrence du traité est devenu plus important encore qu'auparavant. Il faut éviter que GDF et ENI en particulier, ainsi que les autres entreprises actives dans ce secteur, considèrent, ou continuent à considérer, à tort, que des pratiques telles que celles observées en l'espèce sont conformes au droit communautaire. L.intérêt à constater l'infraction est en l'espèce d'autant plus évident que GDF et ENI ont contesté le caractère anticoncurrentiel de la clause litigieuse et qu.il existe donc un risque que le comportement infractionnel soit répété.
(133) La Commission ne considère pas qu'il soit approprié en l'espèce d'infliger des amendes aux destinataires de la présente décision en vertu de l'article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1-2003. En effet, la Commission tient compte des spécificités du secteur gazier européen et des circonstances propres au cas d'espèce. En particulier, le secteur gazier est l'objet d'un processus de libéralisation qui implique une évolution profonde dans les pratiques commerciales des acteurs qu'y sont présents, notamment celles liées à la commercialisation du gaz naturel dans des Etats membres autres que celui où chaque opérateur a été traditionnellement établi. Dans ce secteur, la présente décision est la première concernant des restrictions territoriales.
12. CONCLUSIONS
(134) Par conséquent, et compte tenu des arguments exposés, la Commission est parvenue à la conclusion que Gaz de France et ENI Spa ont conclu un accord qui avait pour objet de restreindre le territoire dans lequel ENI pouvait revendre le gaz objet du Contrat de Transit et de cloisonner le marché européen du gaz.
(135) Elles ont ainsi contrevenu aux dispositions de l'article 81 du traité,
A arrêté la présente décision:
Article premier
Par le contrat de transit du 13 octobre 1997, Gaz de France et ENI Spa ont contrevenu aux dispositions de l'article 81 du traité en concluant un accord qui avait pour objet de restreindre le territoire dans lequel ENI pouvait revendre le gaz objet du contrat de transit et de cloisonner le marché européen du gaz.
L'infraction a duré du 1er octobre 2001, au plus tard, au 14 novembre 2003.
Article 2
Sont destinataires de la présente décision:
1) Gaz de France 23, rue Philibert Delorme F-75840 Paris Cedex 17 France
2) ENI Spa Piazzale Enrico Mattei, 1, I-00144 Roma, Italie.
Notes :
1 JO L 1 du 4.1.2003, p. 1. Règlement modifié par le règlement (CE) n° 411-2004 (JO L 68 du 6.3.2004, p. 1).
2 JO 13 du 21.2.1962, p. 204/1962. Règlement abrogé par le règlement (CE) n° 1-2003.
3 JO L 354 du 30.12.1998, p. 18. Règlement abrogé par le règlement (CE) n° 773-2004 (JO L 123 du 27.4.2004, p. 18).
4 JO C
5 Voir, sur cette clause et sur le contrat qui la contient, le considérant (71) et la note de bas de page n° 71.
6 Avant la fin de l'année 2004, GDF cessera d'être un EPIC et deviendra une société anonyme, comme prévu par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 (JORF n° 185 du 11 août 2004).
7 Voir Gaz de France, "Rapport annuel 2001", p. 1.
8 Sauf précision contraire, toute mention des activités de GDF dans la présente décision doit s'entendre comme se référant exclusivement aux activités de l'EPIC.
9 Conformément aux informations fournies dans Gaz de France, "Rapport annuel 2001", p. 4, et sur le site Internet de CFM (http://www.cfm-gaz.fr/fr), GDF détient 55 % du capital de CFM, les 45 % restants étant détenus par Total SA. Selon un communiqué de presse de la Commission de régulation de l'énergie, dans le passé Commission de régulation de l'électricité, du 17 décembre 2003, GDF aurait signé avec Total un protocole d'accord aux termes duquel GDF devrait devenir le seul actionnaire de CFM.
10 Voir Gaz de France, "Comptes consolidés 2003", p. 14.
11 Voir ENI, "Bilancio 2003., p. 6.
12 Voir SNAM, "Bilancio al 31 dicembre 2001", p. 4.
13 Voir ENI, "Bilancio al 31 dicembre 2001", p. 22, ainsi que l'acte de fusion, daté du 30 janvier 2002, transmis par ENI à la Commission le 22 mai 2003.
14 Données se référant à l'année 2001 et figurant dans "Eurogas Annual Report 2001", p. 15.
15 On se réfère au terme de "rendements d'échelle croissants" ou bien de "coûts sous-additifs" quand la somme des quantités d'un bien produit par plusieurs entreprises a des coûts de production plus élevés par rapport au coût de la même quantité totale dans l'hypothèse où cette quantité aurait été produite par une seule entreprise.
16 Les terminaux méthaniers avec installations de regazéification existants en Europe sont les suivants: Montoir-de-Bretagne et Fos-sur-Mer en France, Zeebrugge en Belgique, Huelva, Cartagena et Barcelone en Espagne, Panigaglia en Italie et Revithoussa en Grèce.
17 Données figurant dans "Eurogas Annual Report 2001", p. 17.
18 Données figurant sur le site Internet d'Eurogas (www.eurogas.org).
19 Données figurant sur le site Internet d'Eurogas (www.eurogas.org).
20 Le chiffre concernant la consommation de gaz naturel en 2002 qui figurait dans la communication des griefs adoptée le 26 février 2004 et transmise aux parties était le chiffre provisoire fourni par Eurogas. La différence entre le chiffre définitif et le chiffre provisoire (44 600 millions vs. 44 400 millions) est cependant peu significative. La communication des griefs ne mentionnait pas le chiffre provisoire de l'année 2003.
21 Données se référant à l'année 2001 et figurant dans "Eurogas Annual Report 2001", p. 18.
22 Voir Commission de régulation de l'électricité, "Rapport sur l'ouverture du marché gazier français,
24 octobre 2002", p. 7.
23 Voir Commission de régulation de l'électricité, "Rapport sur l'ouverture du marché gazier français, 24 octobre 2002", p. 8.
24 Données figurant dans "Eurogas Annual Report 2001", p. 17.
25 JO L 204 du 21.7.1998, p. 1. Directive abrogée par la directive 2003-55-CE (JO L 176 du 15.7.2003, p. 57).
26 COM (2001) 125 final.
27 Voir OCDE, "Promoting competition in the national gas industry", p. 184-185, et Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, "Vers la future organisation gazière française", p. 18 et 27.
28 Selon les informations fournies sur le site Internet de GSO (http://www.gso.fr), son capital est détenu par Total SA à hauteur de 70 % et par GDF à hauteur de 30 %. Aux termes du protocole d'accord signé par GDF et Total et évoqué à la note de bas de page n° 9, Total devrait devenir le seul actionnaire de GSO. 29 Voir le considérant (3) et la note de bas de page n° 9.
30 Voir Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, "Vers la future organisation gazière française", p. 16.
31 Voir Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, "Vers la future organisation gazière française", p. 10.
32 Voir OCDE, "Promoting competition in the national gas industry", p. 185.
33 GDF détient également une partie du capital de certains distributeurs non nationalisés. A cet égard, voir Gaz de France, "Rapport annuel 2001", p. 5.
34 Données se référant à l'année 1998, publiées dans OCDE, "Promoting competition in the national gas industry", p. 185. Le Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie fournit, dans "Vers la future organisation gazière française", à la page 17, les chiffres suivants, concernant la fourniture aux clients finaux au cours de l'année 1998, quelque peu différents de ceux fournis par l'OCDE: 88 % pour GDF, 6 % pour CFM, 3 % pour GSO et 3 % pour les distributeurs non nationalisés.
35 Citée à la note de bas de page n° 6.
36 Voir, sur cette clause et sur le contrat qui la contient, le considérant (71) et la note de bas de page n° 71.
37 Voir les paragraphes 10 à 35 des Observations GDF-ENI.
38 Voir la réponse 3 (c) dans la lettre envoyée par ENI en date du 22 mai 2003.
39 Chiffres calculés sur la base des informations fournies par ENI à l'annexe 7 de la lettre envoyée le 22 mai 2003. ENI a fourni à la Commission les données concernant les quantités achetées par année thermique, d'octobre à septembre: ces quantités s'élèvent à [CONFIDENTIEL - 4 185 à 4 626] millions de m3 pour l'année 2001/2002 et à [CONFIDENTIEL - 3 651 à 4 035] millions de m3 pour la période entre octobre 2002 et avril 2003.
40 Voir l'annexe 2 de la lettre envoyée par ENI le 30 mai 2003.
41 Le Point de Relivraison a été convenu dans l'"Accord entre Gaz de France et SNAM au sujet de l'équipement de mesurage de l'installation de relivraison et de la localisation du point de relivraison du Contrat de Transit", conclu le 6 décembre 2000.
42 Voir la réponse 8 dans la lettre envoyée par GDF en date du 4 juin 2003.
43 Voir la réponse 3 (c) dans la lettre envoyée par ENI en date du 22 mai 2003.
44 Voir la réponse 6 dans la lettre envoyée par GDF en date du 12 mars 2003, concernant i.a. les quantités contractuelles annuelles.
45 Voir la réponse 4 dans la lettre envoyée par GDF en date du 7 avril 2003. ENI, quant à elle, a fourni à la Commission, à l'annexe 8 de la lettre envoyée le 22 mai 2003, les données concernant les quantités transportées par année thermique: ces quantités s'élèvent à [CONFIDENTIEL - 4 185 à 4 626] millions de m3 pour l'année 2001/2002 et à [CONFIDENTIEL - 3 026 à 3 345] millions de m3 pour la période entre octobre 2002 et mars 2003. Les chiffres concernant les années civiles, calculés sur la base de ces données, sont légèrement supérieurs à ceux fournis par GDF, s'élevant à [CONFIDENTIEL - 1 144 à 1 265] millions de m3 pour 2001, et à [CONFIDENTIEL - 4 693 à 5 187] millions de m3 pour 2002.
46 Il y a lieu de préciser que, selon les informations fournies par ENI dans la réponse 4 (a) de la lettre du 22 mai 2003 et confirmées dans la réponse 1 (a) de la lettre du 30 mai 2003, la clause en question aurait été proposée par GDF depuis le début des négociations pour la conclusion du Contrat de Transit. En outre, le texte de la clause, dans la première proposition de contrat que GDF aurait présentée à SNAM, était rédigé comme suit: "L'objet du présent Contrat de Transit est le transit effectué par GDF depuis les Points de Livraison jusqu'au Point de Relivraison des quantités de Gaz Naturel achetées par SNAM au GFU au titre du Contrat d'Achat et destinées au marché italien, [...]". De même, le premier attendu du projet de contrat était formulé comme suit: "attendu que SNAM est liée avec GFU par un contrat d'Achat suivant lequel elle s'engage à acheter au GFU des quantités de gaz naturel en vue de les commercialiser sur le marché italien".
47 Voir notamment la décision de la Commission du 1er septembre 1994 dans l'affaire IV/M.493, Tractebel/Distrigaz (II) (JO C 249 du 7.9.1994, p. 3), la décision de la Commission du 12 février 1996 dans l'affaire IV/M.672, BP/Sonatrach (JO C 72 du 13.3.1996, p. 5) et la décision de la Commission du 2 juin 1998 dans l'affaire IV/M.931, Neste/Ivo (JO C 218 du 14.7.1998, p. 4).
48 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 11 dans la lettre du 7 avril 2003.
49 Voir ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, "Vers la future organisation gazière française", p. 48.
50 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 11 dans la lettre du 7 avril 2003.
51 Sur la société CFM, voir le considérant (3) et la note de bas de page n° 9.
52 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 9 dans la lettre du 7 avril 2003.
53 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 1 dans la lettre du 7 avril 2003.
54 Pour des informations sur la structure propriétaire de GSO voir la note de bas de page n° 28.
55 Voir les informations fournies par GSO sur son site Internet (http://www.gso.fr).
56 Voir les informations qui figurent sur le site Internet du ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (http://www.industrie.gouv.fr).
57 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 1 dans la lettre du 7 avril 2003.
58 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 1 dans la lettre du 7 avril 2003.
59 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 1 dans la lettre du 7 avril 2003.
60 Voir le chiffre concernant la consommation de gaz naturel en France fourni au considérant (10).
61 Voir les informations fournies par GDF à la réponse 1 dans la lettre du 7 avril 2003.
62 Voir le chiffre concernant la consommation de gaz naturel en France fourni au considérant (10).
63 Chiffres calculés sur base des informations fournies par GDF à la réponse 1 dans la lettre du 7 avril 2003.
64 Voir l'annexe 9 à la lettre envoyée par ENI en date du 22 mai 2003.
65 Voir l'annexe 10 à la lettre envoyée par ENI en date du 22 mai 2003.
66 Voir la note de bas de page n° 46.
67 Voir notamment l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 1er février 1978, Miller International Schallplatten GmbH contre Commission, 19-77, Rec. p. 131, point 7, et la décision 2001-146-CE de la Commission du 20 septembre 2000 dans l'affaire COMP/36653, OPEL, point 117 (JO L 59 du 28.2.2001, p. 1).
68 Voir la note de bas de page n° 41.
69 Voir notamment l'arrêt de la Cour de justice du 14 décembre 1983, Société de Vente de Ciments et Béton de l'Est SA contre Kerpen & Kerpen GmbH und Co. KG., 319-82, Rec. p. 4173, point 6, et la décision 98-273-CE de la Commission du 28 janvier 1998 dans l'affaire COMP/35733, VW, point 143 (JO L 124 du 25.4.1998, p. 60).
70 Voir notamment l'arrêt de la Cour précité Miller International Schallplatten GmbH contre Commission, point 7.
71 Il s'agit du contrat de service conclu par GDF avec ENEL en date du 17 décembre 1997 et transféré par la suite à ENEL Trade. Il contient une clause qui se lit comme suit "L'objet du présent Contrat de Service est exclusivement: [...] (ii) la mise à disposition par GDF et l'enlèvement par ENEL aux Points de Relivraison d'une quantité d'énergie correspondante, sous la forme de GNL et/ou de Gaz Naturel, pour une utilisation du gaz en Italie [...]". La Commission considère que cette clause, qui oblige ENEL à utiliser le gaz en Italie et l'empêche donc de le revendre dans un autre Etat membre, et notamment en France, est une clause qui a pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun, au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité. La clause en question fait elle aussi l'objet d'une décision dans le cadre de la présente affaire.
72 Voir la réponse de GDF à la question 3 dans la lettre du 4 juin 2003. Il s'agit d'une réitération de ce que GDF avait déjà affirmé dans la réponse à la question 7 dans la lettre du 7 avril 2003. A cette occasion, GDF avait précisé ce qui suit: "L'article 2 du contrat conclu entre Gaz de France et SNAM détermine son champ d'application: il vise ainsi la prestation 'de transit effectué[e] par GDF depuis les Points de Livraison jusqu'au Point de Relivraison des quantités de Gaz Naturel achetées par SNAM' au titre d'un autre contrat [...]. Même lié à un contrat d'achat intervenant en amont, il ne traite en rien d'une éventuelle commercialisation des quantités de gaz en cause. En effet, une opération de transit a pour seul objet un transport de gaz entre grands réseaux de gazoducs à haute pression [...]. En conséquence un contrat de transit de gaz ne comporte pas d'éléments relatifs à la commercialisation du gaz car il ne vise pas, par définition, la fourniture de gaz à un client, qu'il soit final ou non".
73 Voir la réponse de GDF à la question 7 dans la lettre du 7 avril 2003.
74 Voir les paragraphes 40 à 48 des Observations GDF-ENI.
75 Voir, sur ce point, le considérant (65).
76 Voir le paragraphe 45 des Observations GDF-ENI.
77 Voir le paragraphe 46 des Observations GDF-ENI.
78 Voir le paragraphe 47 des Observations GDF-ENI.
79 Voir, sur ce point, la note de bas de page n° 46.
80 Voir le paragraphe 52 des Observations GDF-ENI.
81 Voir les paragraphes 56 à 83 des Observations GDF-ENI.
82 Voir le paragraphe 81 des Observations GDF-ENI.
83 Voir le paragraphe 53 des Observations GDF-ENI.
84 Voir les paragraphes 84 à 94 des Observations GDF-ENI.
85 Voir la réponse à la question 3 dans la lettre d.ENI du 30 mai 2003. Le texte italien de la réponse se lit comme suit: "La nostra interpretazione è che la clausola costituisca un semplice 'statement of fact' ma non costituisca di per sé una restrizione di natura concorrenziale o un vincolo contrattuale-giuridico. In particolare ENI Spa ritiene che la precisazione all'article 2 del contratto non costituisca impedimento (i) all'utilizzo del gas di cui ai contratti norvegesi per la vendita in territorio francese (ossia ENI potrebbe chiedere alla Gaz de France l'uscita del gas trasportato nell'ambito del Contrat de Transit anche prima del punto di riconsegna) [...]; (ii) [...]". ENI avait déjà fait état de sa conviction que la clause en question n'empêchait pas de vendre en France le gaz objet du Contrat de Transit dans sa réponse à la question 4 (b) dans la lettre du 22 mai 2003. Le texte italien de la réponse est le suivant: .ENI non ritiene che la precisazione di cui all'article 2 del Contrat de Transit costituisca impedimento alla commercializzazione in Francia del predetto gas norvegese".
86 Voir le paragraphe 45 in fine des "Osservazioni". Le texte italien de ce passage se lit comme suit: "In realtà, l'espressione è diretta esclusivamente a fissare il momento conclusivo del servizio di transito assicurato da GDF".
87 Voir le paragraphe 47 des "Osservazioni". Le texte italien de ce passage se lit comme suit: "Emerge di tutta evidenza - come il significato da attribuire all'espressione non possa essere quello sostenuto nella CdA, anche in quanto prescinde dalla considerazione di quale sia statala comune intenzione della parti tradottasi nella suddetta clausola".
88 Conclusions de l'avocat général Tesauro du 16 juin 1994 dans l'affaire C-250-92, Gøttrup-Klim e.a. Grovvareforeninger contre Dansk Landbrugs Grovvareselskab AmbA., Rec. p. I-5641.
89 Voir les paragraphes 49 et 50 des "Osservazioni".
90 Voir les considérants (87) à (98).
91 Voir l'arrêt de la Cour de justice du 8 novembre 1983, NV IAZ International Belgium et autres contre Commission, affaires jointes 96 à 102, 104, 105, 108 et 110-82, Rec. p. 3369, points 23-25, ainsi que l'arrêt de la Cour de justice du 28 mars 1984, Compagnie Royale asturienne des mines (CRAM) et Rheinzink contre Commission, affaires jointes 29 et 30-83, Rec. p. 1679, point 26.
92 Sur ce point, voir le considérant (70).
93 Voir notamment l'arrêt de la Cour précité Miller International Schallplatten GmbH contre Commission, point 14. Dans cette affaire, se prononçant à l'égard d'arguments tirés de la situation du moment, qui visaient à contester que les clauses en objet étaient susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres, la Cour a dit pour droit que de tels arguments "ne sauraient suffire pour établir que des clauses d'interdiction d'exportation ne sont pas susceptibles d'affecter le commerce entre les Etats membres, même si l'exactitude de telles affirmations générales pouvait être vérifiée à suffisance de droit, cette situation pouvant changer d'année en année en fonction de modifications dans les conditions ou la composition du marché tant dans le marché commun dans son ensemble que dans les différents marchés nationaux".
94 Voir, notamment, le paragraphe 68 des "Osservazioni", ainsi que les échanges de correspondance entre GDF et ENI qu'ENI a transmis à la Commission par courriers des 18 novembre 2003 et 15 janvier 2004.
95 Voir, sur ce point, le considérant (44).
96 Voir la note de bas de page n° 46.
97 Voir les paragraphes 51 et 52 des Observations GDF-ENI.
98 Voir le paragraphe 48 des "Osservazioni". Le texte italien de ce passage se lit comme suit: "Una tale formulazione - nella misura in cui potesse eventualmente dare adito a fraintendimenti in merito alla possibilità per ENI di poter disporre liberamente del gas norvegese acquistato - veniva modificata nel corso dei negoziati a favore di una redazione che non lasciasse spazio ad alcuna ambiguità al riguardo".
99 En effet, il semble pertinent en l'espèce de calculer également le pourcentage que les quantités échangées représentent par rapport à la seule consommation éligible. Or, comme le degré d'ouverture du marché français aux termes de la directive 98-30-CE s'élève à 20 %, la consommation éligible peut être évaluée approximativement à 8 900 millions de m³ en 2001 et 8 800 millions de m³ en 2002.
100 Voir le considérant (43).
101 Les pourcentages concernant 2002 ont été calculés sur la base du chiffre provisoire concernant la consommation française en 2002 qui figurait dans la communication des griefs adoptée le 26 février 2004. Voir, sur ce point, la note de bas de page n° 20.
102 Voir le considérant (12).
103 Il s'agit du Contrat de Service conclu par GDF avec ENEL mentionné à la note de bas de page n° 71.
104 Voir notamment, sur cette question, l'arrêt de la Cour précité Miller International Schallplatten GmbH contre Commission, point 7, l'arrêt de la Cour précité NV IAZ International Belgium et autres contre Commission, points 23-25, ainsi que l'arrêt de la Cour précité Compagnie Royale asturienne des mines (CRAM) et Rheinzink contre Commission, point 26.
105 Voir notamment, sur cette question, l'arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1979, Greenwich Film Production contre SACEM et Labrador, 22-79, Rec. p. 3275, point 12 in fine. Voir également, mutatis mutandis, l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 8 juin 1995, Langnese Iglo GmbH c. Commission, T-7-93, Rec. p. II-1533, point 129, où, se prononçant sur l'appréciation des effets restrictif d'un contrat, le Tribunal a indiqué qu'en présence d'un réseau d'accords similaires conclus par un seul producteur, l'appréciation portée sur les effets de ce réseau sur le jeu de la concurrence s'applique à l'ensemble des contrats individuels constituant le réseau.
106 Voir les paragraphes 95 à 104 des Observations GDF-ENI.
107 Voir le paragraphe 60 desdites "Osservazioni".
108 Voir, à cet égard, le considérant (22).
109 Voir, à cet égard, le considérant (51).
110 Voir l'arrêt de la Cour de justice du 28 novembre 2002, Commission c. France, C-259-01, Rec. p. I- 11093.
111 Voir la jurisprudence selon laquelle, lorsque la concurrence est déjà limitée par le cadre réglementaire applicable, il est d'autant plus important de préserver la concurrence résiduelle : arrêt du Tribunal de première instance du 11 mars 1999, Thyssen Stahl c. Commission, T-141-94, Rec. p. II-347, point 302.
112 Voir les considérants (14) et (15).
113 Voir les considérants (19) à (21) et (49) à (59).
114 Voir, inter alia, l'arrêt du Tribunal de première instance du 6 juillet 2000, Volkswagen AG c. Commission, T-62-98, Rec. p. II-2707, point 178.
115 Voir notamment l'arrêt du Tribunal précité Volkswagen AG c. Commission, point 179.
116 JO L 336 du 29.12.1999, p. 21. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de 2003.
117 Voir à cet égard le considérant (64).
118 Voir le considérant (43).
119 Voir sur ce point le considérant (51), (109) et (110).
120 Voir le considérant (6).
121 Cette dernière faculté correspond à celle reconnue par la jurisprudence de la Cour sur la base du règlement n° 17: voir l'arrêt de la Cour de Justice du 2 mars 1983, Gesellschaft zur Verwertung von Leistungsschutzrechten mbH (GVL) contre Commission, 7-82, Rec. p. 483.
122 Voir notamment, l'arrêt du Tribunal précité Volkswagen AG c. Commission, point 336.