CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 29 mars 2007, n° 06-01417
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Rubie's Costume Company Inc. (Sté), Rubie's France (SAS)
Défendeur :
Verpiot (Consorts), Widmann (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laporte
Conseillers :
MM. Fedou, Coupin
Avoués :
SCP Jullien, Lecharny, Rol, Fertier, SCP Keime Guttin Jarry, SCP Bommart Minault
Avocats :
Mes Boissard, Duffour, Gaspar, SCP Debetz & Associés
Faits, procédure et moyens des parties
La société de droit américain Rubie's Costume Company est spécialisée dans les produits de déguisement que sa filiale Rubie's France commercialise en France, auprès des détaillants au moyen d'un catalogue de costumes conçus par la maison mère ou inspirés de personnages de fiction célèbres.
Estimant que sa concurrente directe, la société de droit italien Widmann, commercialisait dans les divers pays européens, avec le concours, pour la France, de deux agents commerciaux, messieurs Jean-François et Henri Verpiot, des costumes constituant des reproductions serviles ou quasi-serviles des modèles du catalogue Rubie's, la société Rubie's France a assigné la société Widmann et messieurs Jean-François et Henri Verpiot devant le Tribunal de commerce de Nanterre en concurrence déloyale et parasitisme, leur réclamant 50 000 euro de dommages et intérêts pour atteinte portée à son image, et pareille somme en réparation du préjudice résultant de la vulgarisation de ses produits et sollicitant la désignation d'un expert pour déterminer l'ampleur de la concurrence déloyale. Elle réclamait la condamnation des défendeurs à lui payer une provision de 200 000 euro sur son préjudice à fixer et que soit ordonnée la cessation, sous diverses astreintes, des actes de commercialisation incriminés ainsi que la publication de la décision.
La société Rubie's Costume Company est intervenue volontairement à l'instance pour s'associer aux demandes de sa filiale et voir dire que les agissements des défendeurs étaient aussi constitutifs de contrefaçon de ses costumes. Les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ont réclamé 600 000 euro de dommages et intérêts de ce chef.
Monsieur Jean-François Verpiot s'est opposé à ces prétentions en discutant la réalité d'une faute, subsidiairement en minimisant sa participation et en réclamant la garantie de la société Widmann.
Monsieur Henri Verpiot a conclu à sa mise hors de cause en déniant toute faute dans l'exécution de son mandat. Il réclamait subsidiairement la garantie de la société Widmann.
Cette dernière a soutenu que la société Rubie's Costume Company était irrecevable car elle ne pouvait revendiquer aucune protection en France de ses déguisements sur la base d'un prétendu droit d'auteur, alors que ces articles ne sont pas protégeables aux Etats-Unis.
Elle a subsidiairement discuté l'originalité des costumes et contesté que les siens reproduisaient les caractéristiques de ceux de la société Rubie's Costume Company.
Elle a dénié tout acte déloyal ou tout agissements parasitaires à l'encontre de la société Rubie's France en relevant qu'une idée ou un genre ne sont pas "appropriables".
Par un jugement rendu le 20 janvier 2006, le Tribunal de commerce de Nanterre a rejeté la demande de la société Rubie's Costume Company au titre de la contrefaçon, comme celle en concurrence déloyale en retenant qu'elle ne pouvait revendiquer la protection en France des costumes qui ne peuvent bénéficier, aux Etats-Unis, d'une protection, et en relevant que la société Widmann n'était pas le concurrent de la société Rubie's Costume Company qui ne déployait aucune activité commerciale directe en France.
Elle a analysé les 38 modèles de costumes incriminés, a écarté, pour certains, les actes de copies et considéré, pour d'autres, que, s'agissant de modèles non protégeables, la copie n'était pas suffisante pour établir un comportement fautif. Elle n'a pas davantage retenu une faute de la société Widmann dans sa politique de prix et a, ainsi, débouté la société Rubie's France de l'ensemble de ses demandes.
Elle a condamné solidairement les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France à payer, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 20 000 euro à la société Widmann et 2 500 euro à chacun de messieurs Jean-François et Henri Verpiot.
Les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France, qui ont interjeté appel de cette décision, précisent qu'elles limitent leurs demandes à la seule concurrence déloyale et parasitaire, à l'exclusion de celle en contrefaçon ainsi qu'à 14 costumes correspondant aux cas les plus topiques d'emprunts illicites.
La société Rubie's Costume Company s'affirme parfaitement recevable à agir en concurrence déloyale et parasitaire aux côtés de sa filiale française et invoque, à cet égard, des jurisprudences. Elle soutient que l'absence de situation de concurrence avérée n'interdit pas d'évoquer le parasitisme qui peut constituer une faute. Elle considère aussi qu'une victime par ricochet peut agir sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil.
Les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France rappellent ensemble que le comportement consistant à profiter sans bourse déliée des efforts d'un concurrent est constitutif de concurrence déloyale ou parasitaire.
Elles soutiennent que les modèles incriminés de la société Widmann constituent incontestablement des copies serviles ou quasi-serviles de leurs propres déguisements qu'elles examinent et décrivent l'un après l'autre en soulignant les actes de copie, sur ces articles, qu'elles qualifient de produits phares de leurs catalogues.
Elles ajoutent que, ayant évité d'importants frais de recherche et de développement, messieurs Jean-François et Henri Verpiot et la société Widmann se permettent de vendre les costumes copiés à des tarifs très inférieurs à ceux de la société Rubie's France. Elles procèdent à une analyse comparative des prix sur chacun des modèles qui établit, selon elles, que huit d'entre eux sont vendus plus de la moitié moins cher que les originaux.
Elfes critiquent en conséquence le tribunal d'avoir retenu que les prix pratiqués par la société Widmann auraient été du même ordre de grandeur que ceux de la société Rubie's France et d'avoir pris en considération l'argument d'une antériorité, seulement limitée au territoire français. Elles soulignent, en outre, que le critère de risque de confusion, retenu par les premiers juges, est inopérant en matière de parasitisme.
Estimant que le mandataire est responsable des délits ou quasi-délits qu'il commet dans l'exercice de sa mission, elles affirment que messieurs Jean-François et Henri Verpiot se sont rendus complices des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à leur préjudice et qu'il convient donc de retenir leur responsabilité.
Elles calculent leur préjudice au regard du chiffre d'affaires réalisé illicitement par la société Widmann et sollicitent à cet égard la désignation d'un expert, tout en réclamant une provision de 100 000 euro. Elles y ajoutent une grave atteinte à leur image et à leur crédit qui justifie, selon elles, l'octroi d'une somme de 50 000 euro de dommages et intérêts et la publication de la décision à intervenir dans cinq revues ou journaux.
Elles considèrent que les agissements des intimés ont eu pour effet de banaliser leurs produits et réclament de ce chef 50 000 euro à titre indemnitaire.
Elles demandent enfin qu'il soit mis un terme aux actes parasitaires en faisant défense à la société Widmann et à ses agents, sous astreinte de 1 000 euro par infraction, de poursuivre la commercialisation des déguisements incriminés et d'effectuer quelque publicité que ce soit et en ordonnant, sous astreinte de 10 000 euro par jour de retard, le rapatriement de tous les déguisements offerts à la vente et leur destruction sous contrôle d'un huissier.
Elles s'opposent aux demandes reconventionnelles de la société Widmann, de monsieur Henri Verpiot et de monsieur Jean François Verpiot dont elles sollicitent la condamnation in solidum à leur payer 15 000 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Widmann réplique que la société Rubie's Costume Company qui n'exploite pas par elle-même les déguisements incriminés en France et qui n'a aucune présence dans ce pays, est tout à fait irrecevable à invoquer des actes de concurrence déloyale qui y sont commis.
Soulignant que l'action doit se limiter à une prétendue concurrence déloyale déployée sur le marché français, elle rappelle le principe de la liberté de l'exploitation non contrefaisante. Elle affirme ainsi que la copie, même servile, d'un modèle non protégeable n'est pas un fait de concurrence déloyale, qu'une exploitation non contrefaisante ne peut être sanctionnée au titre du parasitisme sans que soit apportée la preuve d'un fait ne portant pas sur la forme du produit, d'une faute et d'un risque de confusion.
Elle rappelle les conditions de la concurrence déloyale et relève que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ne démontrent aucune faute, autre que la simple similitude licite avec un produit non protégeable et ajoute que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France n'ont pas apporté la preuve d'une exploitation, en France, de chacun des déguisements, antérieure à la sienne.
Elle affirme que les déguisements incriminés sont inspirés d'éléments du domaine public et que ceux qu'elle propose présentent des différences sensibles avec les articles commercialisés par la société Rubie's France.
Elle développe une analyse comparative des déguisements et de l'antériorité de leur exploitation.
Elle admet que cette dernière n'a commercialisé, antérieurement à elle, que trois ou quatre déguisements parmi les quatorze invoqués, à savoir ceux dénommés "Diabla", "Hippie Man", "Flower Power" et, éventuellement, "Witch", et ne peut former de demandes que sur ces articles.
Elle observe qu'aucun de ces quatre déguisements n'a fait l'objet, de sa part, d'une copie servile et qu'ils n'ont en commun que le thème et des caractéristiques banales et usuelles.
Elle estime que la présentation de trois ou quatre déguisements, antérieurement commercialisés par la société Rubie's France, parmi les centaines de son catalogue et ses milliers d'articles de fête, est insuffisante à caractériser une faute de sa part qui pourrait justifier une concurrence déloyale.
Elle souligne qu'il n'existe aucun risque de confusion sur l'origine respective des produits concurrents qui sont présentés à des professionnels qui consultent deux catalogues différents et parfaitement identifiés.
Elle écarte l'argument d'un prix de vente bas en soulignant qu'elle était présente sur le marché français avant la société Rubie's France et qu'elle n'a pas modifié, depuis l'arrivée de celle-ci, sa politique de prix qui ne peut constituer un comportement incorrect ou caractériser une faute.
A titre subsidiaire, elle discute la réalité et le quantum des préjudices allégués par les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France et qualifie de tout à fait excessives les demandes d'interdiction, de rapatriement et de destruction des déguisements déjà vendus, alors que ces éléments ne sont pas protégés par le droit d'auteur et ne constituent pas des copies serviles.
Elle demande en conséquence à la cour de confirmer le jugement sauf à condamner solidairement les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France à lui payer 100 000 euro pour procédure abusive et atteinte à son image et à sa crédibilité.
Elle sollicite en outre la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues de son choix et réclame une somme complémentaire de 30 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Monsieur Henri Verpiot observe qu'aucun fait personnel fautif ne lui est imputé alors qu'il s'est borné à distribuer, en tant qu'agent commercial, des produits Widmann sur le territoire français.
Il qualifie d'abusif son maintien dans la cause qui était manifestement et seulement destiné à justifier la compétence de la juridiction française, plutôt que celle des tribunaux italiens.
Il demande en conséquence sa mise hors de cause et 50 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi que 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Subsidiairement, il réclame la garantie de son mandant en relevant l'absence d'une faute personnelle distincte de celles reprochées à la société Widmann.
Monsieur Jean-François Verpiot rappelle que le mandataire n'est pas responsable des fautes de son mandant et relève qu'aucune faute personnelle ne lui est imputée, ni n'est démontrée.
Il ajoute que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ne démontrent pas la concurrence déloyale et le parasitisme qu'elles allèguent à l'encontre de la société Widmann. Il expose que, même à les supposer avérés, ces agissements ne sont pas de nature à retenir sa responsabilité.
Il conclut ainsi à la confirmation du jugement et à la condamnation in solidum des sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France à lui payer 5 000 euro de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3 500 euro en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Subsidiairement, il réclame la limitation des condamnations au regard de sa participation plus que modeste et la garantie de la société Widmann.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 janvier 2007 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 13 février 2007.
Motifs de la décision
Sur la recevabilité de la société Rubie's Costume Company
Considérant que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France, abandonnent en cause d'appel leurs demandes fondées sur la contrefaçon et se limitent à une prétention indemnitaire pour des actes de concurrence déloyale et parasitaire qu'auraient commis la société Widmann et messieurs Verpiot;
Considérant qu'une telle demande est fondée sur les dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil;
Considérant que le parasitisme, comportement fautif qui consiste à se placer dans le sillage d'un agent économique pour récupérer, à bon compte et sans son consentement, les fruits des efforts que ce dernier a pu déployer antérieurement, ne nécessite pas nécessairement que cet agent économique se situe dans une relation de concurrence directe avec celui qu'il qualifie de parasite;
Considérant ainsi que la seule constatation que la société Rubie's Costume Company ne commercialise pas directement ses productions en France, mais en confie le soin à sa filiale Rubie's France, ne saurait être érigée en justification d'une absence d'intérêt de cette société de droit américain à agir;
Que la fin de non-recevoir soulevée par la société Widmann doit en conséquence être rejetée;
Sur la concurrence parasitaire alléguée
Considérant que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France font à la société Widmann le grief d'avoir copié, par une simple imitation servile, quatorze de leurs modèles de déguisement et estiment que ce comportement qu'elles qualifient de fautif justifie leur demande indemnitaire ;
Considérant qu'elles demandent la condamnation in solidum de la société Widmann et de messieurs Jean-François et Henri Verpiot en considérant qu'ils se sont rendus coupables de concurrence déloyale et parasitaire;
Considérant que la société Widmann est une société de droit italien dépourvue d'établissement permanent en France dont la responsabilité a été recherchée, non pas devant les juridictions italiennes, mais d'emblée devant celles françaises en qualité de co-défendeur avec messieurs Jean-François et Henri Verpiot, qui sont ses agents commerciaux pour la France et qui affirment, sans être contredits sur ce point, n'exercer leur activité que sur le seul territoire français;
Considérant que l'action a été initialement introduite par la seule société Rubie's France qui, selon les indications des appelantes, commercialise, de manière exclusive, tous les modèles des catalogues de sa maison mère auprès des détaillants français;
Considérant qu'il résulte de ces circonstances que les actes de concurrence déloyale par parasitisme incriminés ne peuvent, implicitement mais nécessairement, comme le soutiennent la société Widmann et messieurs Verpiot, que concerner le marché français;
Considérant ainsi que, pour invoquer que la société Widmann se serait rendue coupable de copie de ses modèles, il convient d'examiner l'antériorité relative, sur le marché français, de chacun des 14 déguisements allégués de copie;
Considérant à cet égard que la société Widmann admet que la société Rubie's France a exploité avant elle, sur ce marché, les modèles de déguisement dénommés "Diabla" et "Hippie" ; qu'il convient de relever que le nom "Hippie" regroupe, en réalité, deux costumes, l'un féminin, l'autre masculin;
Considérant que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France admettent en leurs écritures que les modèles "Démonia", "Mortimer", "Perfida", "Gladiator" "Little Balerina", "Clé opatra", " Samurai" et "Geisha" figurent sur le catalogue Widmann de 1999 ; qu'elles datent de 2000 la commercialisation par la société Widmann des déguisement "Werewolf", "Little Witch" et "Clown";
Considérant qu'elles exposent, dans leurs écritures, que "en 1998, les costumes de la société Rubie's Costume Company étaient distribués dans de nombreux pays (...) mais pas en France, aucune société n'étant chargée de la commercialisation des produits Rubie's sur ce territoire" ; qu'elles expliquent que la société Rubie's Costume Company a racheté la société française Editions Visions, devenue depuis Rubie's France, en octobre 1998;
Considérant qu'il résulte de ces seules indications émanant des sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France, que la commercialisation, sur le territoire français, des déguisements Rubie's n'a débuté, au plus tôt, que pour l'exercice 1999 ; qu'ainsi les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ne peuvent se prévaloir, sur ce marché, d'aucune antériorité pour les neuf modèles qu'elles reconnaissent figurer sur le catalogue la société Widmann de 1999 ; qu'à défaut d'une commercialisation antérieure démontrée, les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ne peuvent invoquer un quelconque parasitisme de la société Widmann en affirmant que les modèles "Démonia", "Mortimer", "Perfida", "Gladiator" "Little Balerina", "Cléopatra", " Samurai" et "Geisha" constitueraient des copies;
Considérant que le déguisement de "Clown" adapté aux bébés figure dans les nouveautés pour l'année 1996 du catalogue international Rubie's qu'il s'ensuit qu'il comptait au nombre des produits distribués par la société Rubie's France à partir de 1999 ; que le catalogue 2000-2001 continue de le présenter;
Considérant qu'à partir de 2001, la société Widmann a proposé sur son catalogue la vente d'un costume de clown pour bébés qui constitue une copie servile de celui de Rubie's même configuration générale du vêtement en sac, sans jambes mais avec deux manches, mêmes couleurs et dessins des pièces, une manche jaune, une manche rouge, la moitié verticale du costume principal jaune, l'autre moitié rouge, même présence de deux pompons verts évoquant un boutonnage, même frise au cou en tissu jaune imprimé de fruits de diverses couleurs identiques, même capuche de ce tissu imprimé terminée en bonnet allongé muni d'un pompon vert à son extrémité ; que la société Widmann ne distingue son costume que par la dimension légèrement plus grande des pompons verts et l'inversion verticale des couleurs rouge et jaune;
Considérant que ce costume "clown" constitue une copie servile du modèle antérieur dénommé "Clown bunting" de Rubie's;
Considérant que le déguisement "Werewolf" de la société Widmann, figure sous la dénomination "the wolf man" dans les catalogues Rubie's des années 1997, 1998 et 1999-2000 ; qu'il s'ensuit qu'il comptait au nombre des produits distribués par la société Rubie's France à partir de 1999 ; que le catalogue 2000-2001 continue de le proposer;
Considérant que l'un et l'autre de ces deux déguisements comportent un pantalon sombre dont les extrémités sont découpées en pointes irrégulières, un élément haut constitué d'un maillot ras du cou à manches longues en peluche beige recouvert d'une chemise de couleur verte à manches longues, très échancrée et dont les extrémités et le décolleté sont découpés en pointes irrégulières;
Considérant que le déguisement "Werewolf" de la société Widmann constitue une copie servile du modèle Rubie's antérieur ; que la seule différence notable est constituée de la présence de deux poches de poitrine à rabat et boutonnage dont est dotée la chemise du modèle Rubie's et dont celle de la société Widmann est dépourvue ; que la couleur du pantalon est noire alors que celle du modèle copié est brun foncé;
Considérant que le déguisement commercialisé par la société Widmann, en 2000 sous la dénomination "Little Witch - Steghetta" présente une ressemblance avec celui figurant sous le nom "Witch" au catalogue international de Rubie's en 1999 ; que c'est sans le démontrer que la société Widmann affirme que cet article aurait été commercialisé par elle en 1999;
Considérant que le déguisement de la société Widmann ne constitue pas une copie servile de celui de Rubie's ; que le dessin de toiles d'araignées sur la robe est nettement plus accentué ; que les manches noires sont longues ; que l'encolure est garnie d'une frange totalement différente ; que la forme générale de la robe et du chapeau pointu, les deux couleurs noir et orangé et le décor de toile d'araignée constituent des éléments communs du domaine public et présentent un caractère banal au regard des déguisements généralement utilisés à l'occasion de la fête nord-américaine d'Halloween ;
Considérant ainsi que la commercialisation de ce costume "Little Witch - Steghetta" ne peut constituer un acte de parasitisme de la part de la société Widmann ;
Considérant que le déguisement porté au catalogue de la société Widmann à partir de 2001 sous le nom "Luciferia" présente une certaine ressemblance avec celui de Rubie's intitulé "Diabla" ; qu'il consiste en une robe rouge fendue sur la cuisse, mais présente un nombre significatif de différences que le froncé présent sur le devant de la robe est plus long pour le modèle la société Widmann qui comporte des manches longues recouvertes d'un tulle beaucoup plus étroit;
Considérant surtout que ce dessin de robe avait été largement commercialisé, antérieurement à 1999, par de nombreux fabricants, ainsi qu'en justifie la société Widmann en produisant aux débats les catalogues des sociétés Carnavalissimo, Disguise, Caranvale, Delight Halloween et Jupel;
Considérant ainsi que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ne sont pas fondées à soutenir que la commercialisation de ce déguisement constituerait un acte de parasitisme dès lors que ce modèle de robe rouge était parfaitement banal et largement répandu;
Considérant que les modèles de déguisements "Hippie Man" et "Hippie Woman", commercialisés en France par la société Widmann en 2001 constituent des copies serviles des déguisements "Hippie" et "Flower Power" antérieurement vendus par la société Rubie's France sur ce marché à partir de 1999 ainsi que le démontre le catalogue international;
Considérant que le tissu employé est exactement le même, que la coupe est identique pantalon taille basse et veste sans manche, que les franges sont de mêmes couleurs, bleu pour le modèle masculin et rouge pour celui féminin et de même longueur; que le costume pour homme comporte la même chemise blanche à manches longues, à encolure échancrée et ouverte; que le modèle pour femme présente le même "haut" noir sans manche et s'arrêtant très au-dessus de la taille, que les bas du pantalon féminin présentent la même garniture de tissus rouge évasée des genoux aux chevilles;
Considérant ainsi que l'examen comparatif des modèles discutés, en tenant compte des dates de début de commercialisation en France, des formes et des caractéristiques des costumes, détermine que les quatre déguisements "clown" pour bébés, "Werewolf", "Hippie Man" et "Hippie Woman", constituent des copies serviles de ceux antérieurement distribués sur ce territoire par la société Rubie's France ; que cette commercialisation constitue des actes de parasitisme dès lors qu'en copiant les modèles, la société Widmann a profité, sans bourse délier, des efforts de création de la société Rubie's Costume Company et de distribution de la société Rubie's France;
Considérant que la circonstance que la société Widmann a vendu les articles copiés à des prix inférieurs à ceux pratiqués par la société Rubie's France ne saurait constituer un élément de la concurrence déloyale par parasitisme mais en est seulement, pour partie, la conséquence et la confirmation ; qu'en effet la politique tarifaire des articles vendus est un élément essentiel de la concurrence et la seule constatation d'un écart de prix, même significatif, ne peut être érigée en preuve d'une déloyauté;
Considérant, en revanche, que l'économie de création et de conception des modèles résultant de la copie servile pratiquée, a nécessairement eu pour résultat de permettre à la société Widmann de minorer le prix de revient de ses fabrications ce qui lui offrait la possibilité de diminuer ses prix de vente ;
Considérant que cette incidence n'est pas négligeable, même sur des déguisements dont la création est moins sensible aux effets de mode et n'exige pas les impératifs de précision des vêtements ; qu'il convient en effet de prendre en considération que les frais de conception s'amortissent sur le nombre d'articles produits et commercialisés;
Considérant toutefois que l'écart de prix peut aussi résulter, comme le fait valoir la société Widmann à bon droit, d'une qualité moindre, de finitions plus grossières, de coûts de fabrication inférieurs, de frais généraux ou structurels différents ou d'une politique de marge moins exigeante ; qu'à cet égard la société Widmann relève qu'elle était présente sur le marché français avant la société Rubie's France et qu'elle n'a pas modifié sa politique de prix depuis l'arrivée de son concurrent ;
Considérant qu'en copiant les quatre modèles de déguisements, en fabriquant des produits imitant et en les commercialisant à des prix nettement inférieurs, la société Widmann s'est placée dans le sillage des sociétés Rubie's et a profité de leurs investissements de création, de conception et de commercialisation ; qu'un tel comportement constitue un acte de concurrence parasitaire qui ouvre, à celui qui en a été victime, droit à l'indemnisation du préjudice qui en est résulté;
Sur le préjudice
Considérant que les actes de concurrence déloyale par parasitisme sur les quatre déguisements commercialisés par la société Widmann et ses agents commerciaux messieurs Jean-François et Henri Verpiot sont de nature à avoir causé aux sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France un préjudice financier tenant à la perte de chance d'augmenter leurs ventes de ces quatre modèles en raison de prix inférieurs pratiqués par la société Widmann et des clients captés;
Considérant que cette réalité est indépendante de la prétendue distinction de clientèle, au demeurant non démontrée, selon laquelle la société Widmann s'adresserait plus particulièrement aux commerçants détaillants indépendants et que la société Rubie's France, bien que pratiquant des tarifs plus élevés, travaillerait principalement avec les grandes surfaces ; que chaque vente d'un modèle copié a privé la société Rubie's France, d'une chance de vendre son modèle original;
Considérant que la perte pécuniaire qu'ont pu subir les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France en raison des pratiques déloyales de la société Widmann, ne pourra être évaluée qu'en déterminant le nombre des ventes réalisées sur chacun des quatre déguisements copiées servilement ; qu'il convient en conséquence et comme le demandent les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France de recourir à un expert, en la personne de monsieur Bernard Charrin avec la mission précisée au dispositif, pour déterminer précisément l'ampleur des ventes de ces modèles, depuis qu'ils sont commercialisés, en France, par la société Widmann par l'intermédiaire de ses deux agents commerciaux;
Considérant, en revanche, qu'en l'absence de toute indication sur les économies dont a illicitement profité la société Widmann sur ses frais de création comme sur l'ampleur des ventes réalisées, il ne convient pas d'allouer à les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France une somme à valoir sur leur indemnisation alors qu'aucun élément financier ne justifie leur demande de paiement de 100 000 euro de ce chef ; qu'il sera sursis à statuer sur cette demande jusqu'à examen du rapport d'expertise;
Considérant que la commercialisation de quatre modèles servilement copiés n'est pas de nature, comme le soutiennent les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France, à porter une grave atteinte à leur crédit et à leur image ; que la publication du présent arrêt suffira à réparer la confusion pouvant éventuellement subsister dans l'esprit de leurs clients ;
Considérant que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France n'apportent aucun élément de nature à établir que la copie servile de quatre de leurs déguisements, au milieu des centaines d'articles que compte leur catalogue international, aurait causé une banalisation de leurs produits et que ceux-ci auraient perdu une partie de leur pouvoir attractif;
Qu'elles seront en conséquence déboutées de leur demande en paiement de la somme de 50 000 euro dont, par ailleurs, elles ne justifient en aucune manière du quantum;
Considérant en revanche qu'elles sont bien fondées à réclamer la cessation de la commercialisation des articles servilement copiés ; qu'il sera fait défense à la société Widmann et à messieurs Jean-François et Henri Verpiot, ses agents commerciaux, sous astreinte de 500 euro par infraction constatée, de poursuivre directement ou indirectement la vente des quatre déguisements dénommés "Clown" pour bébés, "Werewolf", "Hippie Man" et "Hippie Woman" comme d'effectuer quelque publicité en leur faveur;
Considérant que la cour ne se réservera pas la liquidation de ladite astreinte, comme le demandent les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ;
Considérant qu'il ne convient pas d'ordonner sous astreinte le rapatriement de tous les déguisements actuellement offerts à la vente et leur destruction, comme le sollicitent les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France ; que les déguisements incriminés ne constituent pas des contrefaçons ; que le grief de concurrence déloyale parasitaire par copie servile de quatre modèles sera réparé par l'octroi de dommages et intérêts, après dépôt du rapport d'expertise;
Sur les demandes dirigées contre messieurs Henri Verpiot et Jean-François Verpiot
Considérant qu'il n'est pas discuté que messieurs Jean-François et Henri Verpiot sont les agents commerciaux, pour la France, de la société Widmann ; que la responsabilité d'un tel mandataire ne peut être mise en cause qu'à la condition d'établir qu'il a commis une faute personnelle, au delà de la simple exécution de son mandat
Considérant en l'espèce que les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France affirment que messieurs Jean-François et Henri Verpiot se sont rendus complice des actes de concurrence déloyale et parasitaire à leur préjudice;
Considérant toutefois que messieurs Jean-François et Henri Verpiot ont assuré leur prospection commerciale en France sur la base du catalogue des produits fabriqués par la société Widmann ; qu'il n'est ni allégué, ni démontré qu'ils auraient un quelconque contrôle, ou même seulement qu'ils auraient à donner un avis sur la création des articles et, notamment, sur les modèles de déguisements;
Qu'il convient en conséquence de débouter les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France de leur demande de condamnation à paiement de dommages et intérêts dirigées contre messieurs Jean-François et Henri Verpiot, in solidum avec la société Widmann;
Considérant, en revanche, qu'il n'y a pas lieu de prononcer la mise hors de cause de Monsieur Henri Verpiot qui est visé par la mesure d'interdiction de la commercialisation et qui sera concerné par les travaux de l'expert;
Sur les appels incidents
Considérant que le présent arrêt retient la réalité d'actes de concurrence déloyale par parasitisme commis par la société Widmann au préjudice des sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France; qu'il s'ensuit que la société Widmann ne peut soutenir que la procédure engagée contre elle présenterait un caractère abusif ; qu'elle doit en conséquence être déboutée de son appel incident et de sa demande en paiement d'une indemnité de 100 000 euro pour procédure abusive et atteinte à son image et à sa crédibilité;
Considérant que ni monsieur Jean-François Verpiot, ni monsieur Henri Verpiot ne démontrent que la procédure engagée à leur encontre et l'exercice par les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France d'une voie de recours que la loi leur réservait, aurait dégénéré en abus ; qu'ils ne justifient pas, au surplus, du préjudice qu'ils allèguent ; qu'ils seront ainsi déboutés, l'un et l'autre, de leur demande en paiement de 5 000 euro de dommages et intérêts;
Sur les autres demandes
Considérant qu'il convient de surseoir à statuer sur les demandes des sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France et de la société Widmann sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dans l'attente de l'accomplissement de la mission d'expertise;
Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à messieurs Jean-François et Henri Verpiot la charge des frais qu'ils ont été contraints d'engager; que le jugement sera confirmé en sa disposition allouant à chacun d'eux une somme de 2 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que les dépens de première instance et d'appel seront réservés;
Par ces motifs, Statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort, Rejette la fin de non-recevoir et déclare la société Rubie's Costume Company recevable, Infirme le jugement entrepris, hormis en sa disposition condamnant, in solidum, les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France à payer à chacun de monsieur Jean-François Verpiot et de monsieur Henri Verpiot, la somme de 2 500 euro par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et statuant à nouveau, Dit que la société Widmann a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice des sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France en copiant servilement, en France, quatre de leurs modèles de déguisements, Déboute les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France de leurs demandes indemnitaires au titre d'une atteinte portée à leur image et à leur crédibilité ainsi que de la prétendue banalisation de leurs produits, Dit n'y avoir lieu à mettre Monsieur Henri Verpiot hors de cause, Désigne monsieur Bernard Charrin, 65 avenue Kléber 75016 Paris (01 44 34 08 53) en qualité d'expert avec pour mission : - de déterminer le nombre de déguisements dénommés "Clown" pour bébés, "Werewolf", "Hippie Man" et "Hippie Woman", vendus en France par la société Widmann, directement ou par l'intermédiaire de messieurs Jean-François et Henri Verpiot, à partir du 1er janvier 2000 et jusqu'à la date la plus tardive qu'il se pourra, - de déterminer le chiffre d'affaires réalisé par la société Widmann grâce à ces ventes, Dit que, pour ce faire, l'expert pourra se faire communiquer, de manière confidentielle afin de préserver le secret des affaires, les éléments comptables et commerciaux de la société Widmann, ainsi que ceux de messieurs Jean-François et Henri Verpiot, Dit qu'il devra soumettre ceux qu'il aura retenus à un examen contradictoire des parties, Fixe à la somme de 3 000 euro la provision à valoir sur les honoraires et frais de l'expert que la société Rubie's France devra consigner au greffe de la cour (service des expertises) dans les deux mois du présent arrêt, à peine de caducité de la désignation, Dit qu'à défaut de consignation dans le délai, la désignation de l'expert sera caduque sauf prorogation du délai ou relevé de forclusion conformément aux dispositions de l'article 271 du nouveau Code de procédure civile, Dit que l'expert devra dresser rapport de ses opérations qui sera déposé au greffe dans les six mois de sa saisine, sauf prorogation accordée, sur demande motivée, par le conseiller chargé du contrôle, Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera remplacé sur simple requête, Désigne le conseiller de la mise en état pour suivre l'expertise, Sursoit à statuer sur la demande d'indemnisation formulées par les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France au titre du préjudice résultant des ventes manquées, jusqu'au dépôt du rapport d'expertise à intervenir, Fait Défense à la société Widmann et à messieurs Jean-François et Henri Verpiot, ses agents commerciaux, sous astreinte de 500 euro par infraction constatée, dont la cour ne se réserve pas la liquidation, de poursuivre directement ou indirectement, passé le délai d'un mois de la signification du présent arrêt, la vente des quatre déguisements dénommés "Clown" pour bébés, "Werewolf', "Hippie Man" et "Hippie Woman" comme d'effectuer quelque publicité en leur faveur, Ordonne la publication du présent arrêt, aux frais de la société Widmann, dans trois journaux ou revues du choix des sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder le prix de 3 000 euro HT; Déboute les sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France de leurs demandes de rapatriement sous astreinte et de destruction des déguisements actuellement offerts à la vente, Déboute la société Widmann et messieurs Jean-François et Henri Verpiot de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive, Sursoit à statuer sur les demandes des sociétés Rubie's Costume Company et Rubie's France et de la société Widmann au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que l'affaire sera rappelée pour nouvel examen à l'audience du conseiller de la mise en état du 21 février 2008 à 9h30, Réserve les dépens de première instance et d'appel.