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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 16 octobre 2008, n° 07-04339

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Tests (SAS)

Défendeur :

SCC (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mandel

Conseillers :

Mmes Valantin, Lonne

Avoués :

SCP Jullien-Lecharny-Rol, Fertier, SCP Debray-Chemin

Avocats :

Mes Bellanger, Ronzeau

T. com. Nanterre, 2e ch., du 4 mai 2007

4 mai 2007

Par acte du 2 avril 2003, la société Allium devenue SCC, qui a une activité de services liée à l'informatique, a donné mandat, en application de la loi du 29 janvier 1993, à la société Stork Communication, agence de conseil en communication et publicité, d'accomplir un certain nombre de prestations énumérées par l'article 3 du contrat :

* négocier avec les supports de presse,

* réserver les emplacements et lancer les ordres selon les bons de commande,

* être destinataire de la facturation correspondante établie au nom de l'agence pour le compte du mandant dont le double sera adressé par le support à Allium,

* régler les supports et les fournisseurs pour le compte du mandant.

La société Stork Communication a émis 4 avril 2003 à destination de la société Groupe Tests, qui édite et distribue notamment la revue 01 Informatique, un ordre de publicité pour le compte de la société Allium (SCC) d'un montant de 20 349 euro, pour une publicité à paraître le 18 avril 2003 dans cette revue.

La société Groupe Tests a adressé à la société Stork Communication une facture N° 0351856 en date du 18 avril 2003 d'un montant de 20 349 euro HT soit 24 337,40 euro TTC, à échéance du 10 juin 2003.

Antérieurement, la société Stork Communication avait adressé à la société Allium (SCC) :

* un devis n° 4077 en date du 2 avril 2003 au titre d'une annonce de presse pour un montant de 21 546 euro HT, soit 25 769,02 euro TTC,

* une facture de ce même montant du 9 avril 2003 à échéance du 30 juin 2003, facture qui a été réglée par la société Allium (SCC) le 19 mai 2003.

Faute d'être réglée par la société Stork, la société Groupe Tests a réclamé le paiement à la société Allium de sa facture 0351856 du 18 avril 2003, et ce par une lettre recommandée avec avis de réception du 22 juillet 2003, puis par une mise en demeure du 3 novembre 2003.

La société Stork Communication a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire le 30 septembre 2003, clôturée le 28 décembre 2004 pour insuffisance d'actif.

La société SCC a déclaré sa créance le 17 novembre 2003.

La société Groupe Tests a également effectué une déclaration de créance pour des factures qui ne comprennent pas la facture litigieuse du 18 avril 2003.

Par exploit d'huissier du 23 avril 2004, la société Groupe Tests a assigné la société SCC devant le Tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 24 337,40 euro TTC, montant de la facture litigieuse du 18 avril 2003, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 novembre 2003, outre dommages-intérêts et indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société SCC a soulevé l'incompétence ratione loci du tribunal et sur le fond la société SCC, qui avait réglé entre les mains de la société Stork Communication la somme de 25 769,02 euro pour l'espace publicitaire dans la revue 01 Informatique, a opposé que la société Groupe Tests ne lui avait pas communiqué sa facture et qu'elle n'avait donc pas respecté les dispositions de l'article 20 alinéa 3 de la loi du 29 janvier 1993, qui prévoit que, même si les achats d'espace ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur, et elle a demandé reconventionnellement la condamnation de la société Groupe Tests au paiement de la somme de 25 769,02 euro à titre de dommages-intérêts, ainsi que la compensation judiciaire.

Par jugement du 1er février 2006, le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre. Un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 31 mai 2006 a confirmé cette compétence.

Par jugement dont appel du 4 mai 2007, le Tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société Groupe Tests de sa demande en paiement, débouté la société SCC de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts et il a condamné la société Groupe Tests à payer à la société SCC la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les premiers juges ont notamment retenu que la société Groupe Tests ne démontrait pas formellement avoir envoyé directement une copie de la facture du 18 avril 2003 à l'annonceur, la société SCC, ce qui aurait permis à cette dernière de ne pas procéder au paiement de la facture émise par la société Stork à échéance du 30 juin 2003.

La société Groupe Tests a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 8 octobre 2007, la société Groupe Tests poursuit l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner la société SCC à lui payer les sommes suivantes :

* 24 337,40 euro avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 juillet 2003, avec capitalisation des intérêts,

* 5 000 euro à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

* 6 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société Groupe Tests soutient qu'il existe un lien de droit entre elle et la société SCC, qui est son unique débitrice, puisque la société Stork Communication n'a agi qu'en qualité de mandataire dans le cadre du contrat écrit de mandat entre annonceur et agence de publicité, contrat imposé par la loi Sapin pour l'achat d'espaces publicitaires.

Elle conteste donc tout effet libératoire à son égard du payement qui a été effectué par la société SCC entre les mains de son mandataire. Elle conclut que l'agence de publicité étant le mandataire de l'annonceur, le paiement des insertions publicitaires entre les mains de l'agence expose l'annonceur au risque de payer deux fois si l'agence n'acquitte pas la dette.

Elle relève que la facture qu'elle a émise précise le nom de Stork Communication comme "agissant au nom et pour le compte de Allium" et également à gauche le nom de l'annonceur à qui elle a transmis la facture litigieuse.

Elle soutient qu'elle a respecté ses obligations telles qu'elles résultent de la loi du 29 janvier 1993 en transmettant sa facture à l'annonceur (Allium) et verse aux débats un constat d'huissier établi dans ses locaux le 20 septembre 2007 pour démontrer son processus informatique de facturation, avec émission de deux factures dont un exemplaire est adressé à l'annonceur et un autre au mandataire, soit l'agence.

Aux termes de ses dernières conclusions du 4 avril 2008, la société SCC (anciennement Allium) demande à la cour de :

- déclarer la société Groupe Tests mal fondée en son appel, l'en débouter,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en dommages-intérêts,

- condamner la société Groupe Tests à lui verser la somme de 25 769,02 euro à titre de dommages-intérêts,

- si la cour considérait qu'elle est tenue au paiement de la facture de la société Groupe Tests, ordonner la compensation judiciaire,

- confirmer la décision pour le surplus,

- débouter la société Groupe Tests de l'ensemble de ses prétentions et la condamner au paiement de la somme de 3 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société SCC conteste être contractuellement liée à la société Groupe Tests et fait valoir :

- qu'elle a rempli ses obligations en procédant au règlement de l'intégralité du prix de l'insertion entre les mains de la société Stork Communication, laquelle avait reçu mandat notamment de régler les supports pour le compte du mandat,

- que la société Groupe Tests n'a pas respecté l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993,

- qu'elle ne démontre pas un envoi effectif de la facture litigieuse à la société SCC ; que le procès-verbal de constat produit par l'appelante n'apporte pas la preuve que la facture a bien été adressée en son temps à la société SCC,

- qu'avant le courrier du 22 juillet 2003, la société Groupe Tests ne l'a pas non plus informée des difficultés dans le recouvrement de la créance auprès de l'agence de publicité,

- que la société Groupe Tests a pour ces deux raisons engagé sa responsabilité, et le préjudice subi par la société SCC correspond à la somme qu'elle a réglée entre les mains de la société Stork Communication, soit 25 769,02 euro.

Sur ce,

Considérant que l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 dispose en son alinéa 1 que tout achat d'espace publicitaire ou de prestation ayant pour objet l'édition ou la distribution d'imprimés publicitaires ne peut être réalisé par un intermédiaire que pour le compte d'un annonceur et dans le cadre d'un contrat écrit de mandat;

Que dans ce cadre. par contrat du 2 avril 2003, la société Allium (SCC) a donné mandat à la société Stork Communication de négocier avec les supports de presse, de négocier les emplacements et de lancer les ordres selon les bons de commande ; que ce mandat permettait à l'agence en communication de régler les supports et les fournisseurs pour le compte du mandant; qu'il était prévu que la société Stork était destinataire de la facturation correspondante établie au nom de l'agence pour le compte du mandant, " dont le double sera adressé par le support à Allium ";

Considérant que l'alinéa 3 de l'article 20 sus-visé édicte : "Même si les achats mentionnés au premier alinéa ne sont pas payés directement par l'annonceur au vendeur, la facture est communiquée directement par ce dernier à l'annonceur";

Considérant que la société Groupe Tests ne peut pas valablement prétendre faire la preuve de ce qu'elle a communiqué directement à la société SCC, annonceur, la facture litigieuse du 18 avril 2003 d'un montant de 24 337,40 euro TTC par la production d'un constat d'huissier établi le 20 septembre 2007 par Maître Avalle, huissier de justice à Paris, lequel décrit un processus d'édition informatique de la facturation par un logiciel d'émission et de diffusion dont rien ne permet d'établir qu'il était en place, selon les mêmes modalités, au jour où la facture litigieuse a été éditée ; que ce procès-verbal de constat ne permet pas d'établir avec certitude que la facture litigieuse du 18 avril 2003 a été communiquée directement, au moment où elle a été établie, par la société Groupe Tests à la société SCC, annonceur, conformément à l'alinéa 3 de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 ;

Considérant qu'en l'espèce, l'agence de communication mandataire, la société Stork, ayant elle-même adressé, dans le cadre de son mandat, à la société SCC une facture du 9 avril 2003 d'un montant de 25 769,02 euro TTC, la société SCC a réglé le 19 mai 2003 cette facture à sa mandataire, en restant dans l'ignorance de l'émission de la facture litigieuse de la société Groupe Tests du 18 avril 2003 ; que c'est seulement aux termes d' une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception du 22 juillet 2003 que la société SCC a été informée pour la première fois par la société Groupe Tests de l'existence de la facture du 18 avril 2003 et de son défaut de paiement par la mandataire, et ce alors que ladite mise en demeure du 22 juillet 2003 fait état de nombreuses relances déjà adressées à la société mandataire Stork Communication ; que dans ces conditions, la société Groupe Tests ne saurait sérieusement reprocher à la société SCC d'avoir payé trop tôt la facture du 9 avril 2003 émise par sa mandataire au prétexte que celle-ci était à échéance seulement du 30 juin 2003 alors que la facture litigieuse émise par la société Groupe Tests était à échéance du 10 juin 2003 ;

Considérant qu'il convient de relever que la jurisprudence invoqué par la société Groupe Tests concerne des espèces où le non respect de l'alinéa 3 de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 n'était pas invoqué ;

Considérant que dès lors le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société Groupe Tests de sa demande en paiement de la somme de 24 337,40 euro TTC outre intérêts ; qu'elle doit être également déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Considérant que le non respect de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 par la société Groupe Tests ayant pour conséquence le rejet de la demande principale en paiement de sa facture du 18 avril 2003, il ne saurait justifier en plus le remboursement par la société Groupe Tests à la société SCC de la somme de 25 769,02 euro que cette dernière a réglée à la société Stork Communication, sous peine de réparer au delà du préjudice subi par la société SCC ; que le jugement entrepris doit être donc également confirmé en ce qui concerne la demande endommages-intérêts formée par la société SCC ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société SCC la somme de 2 000 euro au titre des frais non compris dans les dépens d'appel, les premiers juges ayant exactement apprécié les demandes formées devant eux au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Considérant que la société Groupe Tests, partie perdante, doit supporter les dépens d'appel ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, - Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant, - Condamne la société Groupe Tests à payer à la société SCC anciennement dénommée Allium, la somme de 2 000 euro (deux mille euro) au titre des frais non compris dans les dépens d'appel, - Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties, - Condamne la société Groupe Tests aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la SCP Debray-Chemin, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.