CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 18 septembre 2007, n° 06-04868
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Agfa Gevaert (SA)
Défendeur :
Sauvage Médical Service (SARL), DMC (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mandel
Conseillers :
M. Chapelle, Mme Valantin
Avoués :
SCP Boiteau-Pedroletti, SCP Lissarrague Dupuis Boccon Gibod
Avocats :
Mes Guérin, Paque
La SA Agfa Gevaert développe en France une activité de vente de matériels de traitement d'imagerie médicale de marque Agfa, dont elle assure en partie elle-même la maintenance préventive et curative, une autre partie des prestations de maintenance étant confiée à un réseau de sous-traitants dénommé "Mozaïc", dont fait partie la SARL Sauvage Medical Service (SMS), laquelle a conclu avec la SA Agfa Gevaert, le 10 novembre 2003, un contrat de sous-traitance pour douze départements de la région Ouest (22, 29, 35, 37, 44, 49, 53, 56, 72, 79, 85, 86) pour 24 mois, soit du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005.
Dans le cadre de cette sous-traitance, les pièces détachées étaient mises à disposition de la SARL SMS, sans que celle-ci soit obligée de les acheter.
Le 22 novembre 2004, la SA Agfa Gevaert a conclu un contrat de distribution de ses matériels avec la SARL Distribution Médico Chirurgicale (DMC), les SARL DMC et SMS ayant une direction commune en la personne de Monsieur Salle.
A la suite de diverses discussions entre les parties, la SA Agfa Gevaert a signé le 31 mai 2005 avec la SARL SMS un nouveau projet de contrat de sous-traitance avec effet au 1er janvier 2006, à des conditions différentes, notamment sur le plan financier, une clause de ce contrat interdisant en outre à la SARL SMS tout démarchage et prestations de maintenance sur des matériels Agfa neufs ou d'occasion.
La SA Agfa Gevaert reproche en substance aux SARL SMS et DMC d'avoir agi en concurrence directe, ce que leur interdisait leur contrat respectif, c'est à dire d'avoir démarché les clients de la SA Agfa Gevaert pour le compte desquels la SARL SMS effectuait des prestations de maintenance en sous-traitance, et de leur avoir proposé de signer directement avec eux des contrats de maintenance pour leur propre compte.
Une mise en demeure du 15 novembre 2005 adressée aux SARL SMS et DMC étant restée sans effets, la SA Agfa Gevaert a résilié le 19 décembre 2005 avec effet immédiat le contrat de sous-traitance de 2003 ainsi que le nouveau contrat qui devait prendre sa suite à compter du 1er janvier 2006.
Par lettre du 16 décembre 2005, la SA Agfa Gevaert a notifié à la SARL SMS qu'à compter du 21 décembre 2005, elle ne bénéficierait plus de la remise de 25 % avec laquelle elle achetait jusqu'alors ses pièces détachées, à l'occasion de prestations de maintenance qu'elle effectuait directement pour certains clients non concernés par le contrat de sous-traitance.
C'est dans ces conditions qu'après y avoir été judiciairement autorisée, la SA Agfa Gevaert a fait assigner à bref délai les SARL SMS et DMC aux fins d'obtenir leur condamnation, avec exécution provisoire, à lui payer la somme de 185 000 euro à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice résultant des violations contractuelles qu'elles avaient commises.
Elle demandait qu'il soit fait injonction aux sociétés défenderesses de s'abstenir pendant un an, à compter du jugement à intervenir, de démarcher les clients de la SA Agfa Gevaert existant à la fin de l'année 2005, et de s'abstenir, pendant la même durée, de conclure un contrat de maintenance avec ces mêmes clients.
Elle sollicitait la désignation d'un expert pour constater chez les SARL SMS et DMC l'existence de propositions de contrats de maintenance et de contrats effectivement conclus avec des clients de la SA Agfa Gevaert existant à la fin du mois de novembre 2005, et de lui donner acte de ce qu'elle se réservait de demander, après expertise, réparation complémentaire de son préjudice.
Elle sollicitait en outre une indemnité de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
En défense, les SARL SMS et DMC ont conclu au débouté de la SA Agfa Gevaert et à sa condamnation à honorer les commandes de la SARL SMS aux mêmes conditions de prix, de livraison et de délais que celles pratiquées jusqu'au 16 décembre 2005, et ce pendant une période de douze mois minimum.
Elles ont sollicité la condamnation de la SA Agfa Gevaert à payer à la SARL SMS la somme mensuelle de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts depuis le 16 décembre 2005 jusqu'au jugement à intervenir en raison des conditions de fonctionnement anormales imposées par la SA Agfa Gevaert à la SARL SMS, outre une somme globale et forfaitaire de 200 000 euro en réparation du préjudice subi, ainsi qu'une indemnité de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Dans d'ultimes écritures, la SA Agfa Gevaert a conclu au rejet de la demande de maintien des conditions anciennes de remise, et à titre subsidiaire, a demandé au tribunal de juger que le maintien des conditions antérieures soit soumis à la condition de l'indication par la SARL SMS, pour toute commande de pièces détachées, du type et du numéro du matériel concerné par la commande de pièce détachée, et de son adresse d'installation.
Par jugement du 13 juin 2006, le Tribunal de commerce de Nanterre a rappelé que les SARL SMS et DMC bénéficiaient, par les contrats qui leur avaient été consentis, d'un double régime de partenariat (contrat de sous-traitance) et de concurrence libre, la SARL SMS pouvant démarcher librement les clients de la SA Agfa Gevaert non visés par un contrat de sous-traitance pour leur proposer son propre contrat.
Le tribunal a jugé qu'en imposant à la SARL SMS, à l'occasion du nouveau contrat proposé pour 2006, de nouvelles conditions financières et une clause lui interdisant tout démarchage et toutes prestations de maintenance sur matériels Agfa neufs ou d'occasion, la SA Agfa Gevaert l'avait privée de la possibilité d'exploiter librement son fonds de commerce, et que c'est à tort, sous le prétexte d'un démarchage illégal, lequel n'était pas établi, que la SA Agfa Gevaert avait supprimé le tarif réduit pour les pièces de rechange dont bénéficiait la SARL SMS depuis 1993, qu'elle avait suspendu les paiements de novembre 2005 jusqu'à l'apurement des comptes, et résilié l'ancien et le nouveau contrat.
Le tribunal a jugé que la SA Agfa Gevaert "en dénonçant brutalement avec une motivation mensongère une relation commerciale régulièrement établie depuis 1993 pour les pièces de rechange et depuis deux ans pour les contrats de sous-traitance vis à vis d'une société en état de dépendance économique" ( 70 % de son chiffre d'affaires étant réalisé du fait des contrats de maintenance), "avait contrevenu, pour sortir d'une situation dont elle n'avait plus le profit, à l'article L. 442-4, 5 et 6 du Code de commerce et justifié les demandes d'indemnisations présentées".
Le tribunal a en conséquence:
- dit que les SARL SMS et DMC n'avaient commis aucune faute vis à vis de la SA Agfa Gevaert,
- débouté la SA Agfa Gevaert de sa demande en nomination d'expert,
- condamné la SA Agfa Gevaert au maintien de ses conditions contractuelles de ses pièces de rechange vis-à-vis des SARL SMS et DMC pendant une année à compter du 1er janvier 2006, sous astreinte de 1 000 euro par infraction constatée,
- prononcé l'exécution provisoire de cette décision,
- condamné la SA Agfa Gevaert au paiement des factures pouvant être dues aux SARL SMS et DMC, et notamment de la facture n° 2005-217 de novembre 2005 pour un montant de 26 459,76 euro due à la SARL SMS,
- condamné la SA Agfa Gevaert à verser à la SARL SMS une indemnité de 200 000 euro à titre de dommages et intérêts, en ce compris la demande d'indemnité mensuelle pour fonctionnement anormal, ainsi qu'une indemnité de 15 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Appelante, la SA Agfa Gevaert demande à la cour, en substance, de réformer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, et de :
- condamner les SARL SMS et DMC in solidum à payer à la SA Agfa Gevaert la somme de 425 742 euro en réparation du préjudice subi du fait des violations contractuelles commises par la SARL SMS et dont la SARL DMC s'est rendue complice,
- débouter les SARL SMS et DMC de toutes leurs demandes,
- débouter la SARL SMS de sa demande en paiement de la facture n° 2005-217, de dire que celle-ci n'est pas due, et qu'il n'est dû par la SA Agfa Gevaert que la somme de 5 392,01 euro HT, soit 6 448,85 euro TTC, et d'ordonner la compensation avec les sommes dues par la SARL SMS,
- condamner la SARL SMS à payer à la SA Agfa Gevaert la somme de 11 996,26 euro au titre du remboursement de la remise de 25 % sur les achats de pièces faits par la SARL SMS en 2006 avec cette remise, ainsi que la somme de 3 781,95 euro TTC en paiement des factures FR00207066, FR00207065, FR00207296, et 7100014622,
- ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 1er et 17 juillet 2006 au détriment de la SA Agfa Gevaert,
- condamner in solidum les SARL SMS et DMC à payer à la SA Agfa Gevaert une indemnité de 40 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de mainlevée des saisies conservatoires.
Intimées, les SARL SMS et DMC concluent au débouté de la SA Agfa Gevaert de toutes ses demandes et à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, et y ajoutant, demandent la condamnation de la SA Agfa Gevaert à leur verser la somme complémentaire de 40 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 60 000 euro à titre de dommages et intérêts en raison des conditions de fonctionnement anormales imposées par la SA Agfa Gevaert, outre 100 000 euro à titre de dommages et intérêts au titre du dénigrement commis par la SA Agfa Gevaert et de l'atteinte portée à leur image.
Pour l'essentiel, les SARL SMS et DMC reprennent leur argumentation développée en première instance, tendant à établir qu'elles n'ont commis aucune faute et qu'elles ont régulièrement respecté leurs obligations contractuelles, aucune des pièces communiquées n'établissant les manquements qui leur sont reprochés.
Elles renouvellent leurs reproches à l'encontre de la SA Agfa Gevaert, laquelle s'est rendue coupable, selon elles, d'une rupture brutale et abusive de relations contractuelles, au sens de l'article L. 442-6 I.5° du Code de commerce, aggravée par la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvait la SARL SMS.
Elles ajoutent que la SA Agfa Gevaert les a dénigrées auprès de leur clientèle et qu'elle a refusé d'exécuter les dispositions du jugement du tribunal de commerce de Nanterre, pourtant assorti de l'exécution provisoire, ce qui les a placées dans une situation particulièrement délicate.
Sur quoi,
1 - Sur les demandes de la SA Agfa Gevaert:
Considérant que depuis 1993, Monsieur Salle, ancien salarié de la SA Agfa Gevaert, a créé une entreprise de maintenance de matériels de radiologie Agfa Gevaert, ses commandes de pièces détachées bénéficiant alors d'une remise de 25 % ;
Considérant qu'en 2000, Monsieur Salle a confié son fonds de commerce en location gérance à la société JS Maintenance qu'il a créée à cette fin, cette société continuant alors à développer une activité de maintenance de matériels Agfa Gevaert ;
Considérant que dans le courant de l'année 2003, Monsieur Salle et Monsieur Sauvage, ancien salarié de la SA Agfa Gevaert, ont créé la SARL "Sauvage Medical Service", ci-après SMS, laquelle a conclu avec la SA Agfa Gevaert, le 10 novembre 2003, un contrat de sous-traitance pour la maintenance de matériels Agfa ;
Que ce contrat, signé pour une durée de deux ans, était limité à certains types de matériels pour les départements suivants 22, 29, 35, 44, 49, 53, 56, 79, 85 et 86, les pièces détachées étant fournies gratuitement pour l'exécution des prestations de maintenance en sous-traitance ;
Considérant que pendant la durée d'exécution de ce contrat, la société JS Maintenance continuait à accomplir librement des prestations de maintenance, avec le bénéfice de la remise de 25 % sur les pièces détachées qu'elle commandait à cet effet ;
Considérant que le 28 novembre 2004, la SA Agfa Gevaert a consenti à la SARL Distribution Médico Chirurgicale, ci-après "DMC", un contrat de distribution non exclusif pour une durée d'une année, pour les départements 22, 29, 35, 44 et 56, la société DMC étant libre de proposer un dispositif de maintenance de son choix pour les autres départements ;
Considérant enfin qu'au mois de mai 2005, la SARL SMS a absorbé le fonds de commerce de la société JS Maintenance, laquelle a cessé de développer toute activité de maintenance ;
Considérant que contrairement à ce que soutient, non sans véhémence, la SA Agfa Gevaert, les premiers juges ont parfaitement analysé la nature, la teneur et l'étendue des relations contractuelles que la SA Agfa Gevaert a entretenu avec les SARL SMS et DMC, chacune de ces sociétés bénéficiant contractuellement, d'un double régime de partenariat et de concurrence libre, et ceci en application de conventions librement négociées et signées en toute connaissance de cause, la SA Agfa Gevaert, dont la compétence ne peut être sérieusement contestée, y compris sur le plan juridique, ne pouvant manifestement pas soutenir que sa bonne foi aurait été surprise par les SARL SMS et DMC ;
Considérant en particulier que s'agissant des relations SA Agfa Gevaert/SARL SMS, il était prévu, à l'article 8 du contrat du 10 novembre 2003, que "la SARL SMS s'engage dans le cadre d'une vente d'équipements Agfa réalisée par son intermédiaire en dehors des départements définis à l'article 2 et incluant le service après-vente, à limiter sa prestation de SAV à l'installation du matériel. Les parties préventives et curatives du contrat de service après-vente seront assurées par la société ayant le contrat de sous-traitance SAV sur ces départements." ;
Considérant que contrairement à ce que soutient la SA Agfa Gevaert, les dispositions précitées n'interdisaient pas à la SARL SMS tout service après-vente en dehors des départements visés à l'article 2, mais contenaient une interdiction limitée à l'hypothèse dans laquelle la SARL SMS aurait réalisé une vente d'équipements Agfa, la SARL SMS restant libre d'effectuer des prestations de maintenance en dehors du champ d'application de son contrat de sous-traitance, et alors qu'aucune vente n'aurait été réalisée par son intermédiaire ;
Considérant qu'aucune interdiction générale n'étant spécifiée dans le contrat, la SA Agfa Gevaert n'est donc pas fondée à soutenir que tout service après vente aurait été interdit à la SARL SMS en dehors des départements concernés par le contrat de sous-traitance ;
Considérant que s'agissant des relations de la SA Agfa Gevaert et de la SARL DMC, le contrat de distribution non exclusif conclu avec cette société le 22 novembre 2004 pour les départements 22, 29, 35, 44 et 56, ne contenait aucune obligation de non concurrence et n'interdisait pas à la SARL DMC, dont le dirigeant était également Monsieur Salle, ce que n'ignorait pas la SA Agfa Gevaert, de proposer le dispositif de maintenance de son choix ;
Considérant que le 31 mai 2005, la SA Agfa Gevaert et la SARL SMS ont conclu un nouveau contrat, destiné à se substituer au contrat du 10 novembre 2003, et dont l'entrée en vigueur était fixée au terme de l'exécution de ce dernier, soit le 1er janvier 2006 ;
Considérant que ce contrat, plus restrictif que le précédent, prévoyait expressément, en son article 17-3, que "en contrepartie de l'introduction auprès des clients de la SA Agfa Gevaert et de la connaissance de leur équipement et de leurs besoins dont la SARL SMS bénéficie du fait du présent contrat et en raison des transferts de connaissances spécifiques qu'il génère à son profit, la SARL SMS s'interdit tout acte de concurrence déloyale ou de démarchage des clients de la SA Agfa Gevaert et plus généralement, toute utilisation de ces connaissances autrement que pour l'utilisation du présent contrat. La SARL SMS s'interdit notamment de vendre pour son propre compte des prestations de maintenance sur des matériels Agfa, neufs ou d'occasion, et ce même à la demande du client lui-même, pendant la durée du présent contrat, sauf accord préalable et écrit de la SA Agfa Gevaert. Un avenant dans ce cas sera alors établi" ;
Considérant que c'est dans ces conditions que, le 19 décembre 2005, alors que le nouveau contrat du 31 mai 2005 n'était pas encore entré en application, la SA Agfa Gevaert, qui reprochait à la SARL SMS divers manquements à ses obligations, à résilié l'un et l'autre des contrats du 10novembre 2003 et 31 mai 2005 ;
Considérant que compte tenu du double régime de "partenariat et concurrence libre" dont bénéficiait la SARL SMS, il ne peut être reproché à cette dernière d'avoir développé l'activité de maintenance libre que lui reconnaissait le contrat du 10 novembre 2003, la SA Agfa Gevaert ayant d'ailleurs continué à facturer à ce titre les pièces détachées avec une remise 25 % ;
Considérant par ailleurs qu'aucune restriction n'ayant été imposée à la SARL DMC, cette dernière restait libre de préconiser le système de maintenance de son choix, ce dont ne peut s'offusquer la SA Agfa Gevaert, laquelle connaissait parfaitement l'identité de dirigeant de ces deux sociétés, la SARL SMS intervenant sur le plan technique, et la SARL DMC sur le plan commercial ;
Considérant qu'aucune conséquence ne peut être tirée du courrier adressé le 16 mars 2006 par la SARL SMS à la SA Agfa Gevaert dans lequel la SARL SMS fait état de nombreuses résiliations de contrats de maintenance par des clients de la SA Agfa Gevaert, et vante la qualité de ses prestations pour lesquels ces clients ont contracté avec elle ;
Qu'il ne résulte pas de cette lettre que la SARL SMS reconnaîtrait avoir démarché de manière déloyale ou illicite les clients de la SA Agfa Gevaert, ainsi que l'affirme cette dernière ;
Considérant qu'aucun acte de détournement de clientèle n'est établi, pas plus qu'un acte de démarchage "systématique" ou "substantiel" de cette clientèle, présentant un caractère "intensif, ciblé et organisé", ainsi que le prétend la SA Agfa Gevaert ;
Considérant qu'aucune des lettres de résiliation, versées aux débats par la SA Agfa Gevaert, que ce soit en première instance, ou en appel (pièces 74 à 78), ne donne d'explications sur les motifs de la résiliation, lesquels ne peuvent être présumés par la SA Agfa Gevaert, qui affirme, sans le démontrer, que ces résiliations seraient la conséquence d'un démarchage illicite et préjudiciable de la SARL SMS ;
Considérant qu'il n'est pas établi que la SARL SMS aurait proposé des contrats de maintenance à des tarifs délibérément et substantiellement inférieurs ;
Qu'il ne peut lui être davantage reproché d'avoir effectué des visites gratuites de fins de garantie, dès lors que ces visites étaient effectuées à la demande de la SA Agfa Gevaert, selon une procédure spécifique et détaillée, et rémunérée par cette dernière ;
Considérant enfin qu'en l'état de ces éléments, et en l'absence de tout commencement de preuve, il n'y a pas lieu pour la cour d'ordonner une mesure d'expertise de la comptabilité des SARL SMS et DMC, la cour ne pouvant, par une mesure d'instruction, pallier la carence de la SA Agfa Gevaert dans l'administration de la preuve ;
Considérant que le jugement entrepris, qui a débouté la SA Agfa Gevaert de ses demandes, sera donc confirmé ;
2 - Sur les demandes des SARL SMS et DMC :
Considérant que s'agissant des pièces détachées, la SA Agfa Gevaert a entretenu depuis 1993 avec l'entreprise personnelle Joël Salle Maintenance, puis avec la société JS Maintenance et enfin avec la SARL SMS des relations commerciales stables et continues, les conditions contractuelles de vente de pièces détachées avec remise de 25 % étant identiques, et les interlocuteurs de la SA Agfa Gevaert étant les mêmes ;
Que peu importe que la dénomination et la forme des entités juridiques aient varié dans le temps dès lors qu'il s'agissait bien de la même prestation de maintenance de matériel Agfa, avec fournitures de pièces détachées aux mêmes conditions contractuelles ;
Considérant que s'agissant des activités de maintenance en sous-traitance pour le compte de la SA Agfa Gevaert, ces relations ont commencé le 10 novembre 2003 avec la SARL SMS ;
Considérant que par lettre du 16 décembre 2005, la SA Agfa Gevaert, qui a résilié les contrats de sous-traitance de maintenance des 10 novembre 2003 et 31 mai 2005, a exigé sans préavis de la SARL SMS que cette dernière paie les pièces détachées des matériels Agfa, non plus avec remise de 25 % et aux conditions en vigueur depuis 1993, mais au comptant, au prix public sans remise et avec un encours limité, condition habituellement réservée aux clients douteux ;
Considérant que la SARL SMS était fondée à prétendre au maintien des mêmes conditions tarifaires en ce qui concerne les pièces détachées commandées hors contrat de sous-traitance, dans le secteur de la maintenance libre, et ceci quelles que soient les manœuvres de la SA Agfa Gevaert pour tenter de dissimuler les pratiques de prix discriminatoires dont elle a été victime, les autres sociétés intervenant sur le secteur de la maintenance bénéficiant, directement ou indirectement, de la remise de 25 % ;
Considérant enfin que les manquements des SARL SMS et DMC à leurs obligations ne sont pas établis, ainsi qu'il vient d'être jugé ;
Considérant que les premiers juges ont donc à juste titre estimé que la résiliation des contrats intervenue le 19 décembre 2005 ainsi que la suppression des conditions tarifaires antérieures pour la fourniture des pièces détachées constituaient une rupture brutale d'une relation établie depuis 1993 en ce qui concerne les pièces détachées, et depuis 2003 pour les contrats de sous-traitance ;
Qu'ils ont également souligné de manière pertinente que la SARL SMS était dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de la SA Agfa Gevaert, avec laquelle elle réalisait plus de 70 % de son chiffre d'affaires ;
Considérant que le jugement entrepris a donc à bon droit jugé que les conditions de l'article L. 442-4, 5 et 6 du Code de commerce étaient réunies et que la SARL SMS était fondée à demander réparation de son préjudice ;
Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a imposé à la SA Agfa Gevaert de maintenir les conditions contractuelles de vente de pièces détachées pour une durée d'une année sans constitution de garantie ;
Considérant que la SA Agfa Gevaert n'ayant pas exécuté ce jugement pourtant assorti de l'exécution provisoire, il devra être tenu compte de cette condamnation dans l'établissement des comptes entre les parties ;
Considérant que le tribunal a justement estimé le préjudice subi par la SARL SMS du fait des fautes commises par la SA Agfa Gevaert ;
Qu'il sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SA Agfa Gevaert à payer à la SARL SMS la somme de 200 000 euro en réparation de son préjudice, cette somme réparant également le préjudice causé par le fonctionnement anormal de la SARL SMS, laquelle a dû faire face à de multiples contraintes compte tenu du comportement de la SA Agfa Gevaert, contraire à la bonne foi et à une bonne pratique commerciale ;
Considérant que le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la SA Agfa Gevaert à payer à la société SMS une facture FC-2005-217 de novembre 2005, cette facture n'ayant pas été réglée ;
Considérant en revanche que la demande de la SARL SMS en réparation du préjudice résultant d'actes de dénigrement, lesquels ne sont pas établis, et d'atteinte portée à son image, sera rejetée, la SARL SMS n'établissant pas les fautes qu'elle reproche à la société de ces deux chefs ;
3 - Sur les demandes de la SA Agfa Gevaert :
Considérant que la SA Agfa Gevaert étant déboutée, ses demandes indemnitaires seront rejetées ;
Qu'il n'y a lieu d'ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées les 12 et 17 juillet 2006 ;
Considérant que s'agissant des factures de la SA Agfa Gevaert n° FR00207066, FR00207065, FR00207296 et 7100014622, pour un montant total de 3 781,95 euro correspondant à des commandes de pièces détachées, la SARL SMS ne développe aucune argumentation sur ce point mais ne conteste pas devoir ces sommes, ainsi qu'il résulte d'une lettre qu'elle a adressée à la SA Agfa Gevaert le 25 février 2006 ;
Considérant qu'il devra être tenu compte de cette créance de la SA Agfa Gevaert lors de l'établissement des comptes entre les deux sociétés, ces comptes incluant la remise de 25 % sur les pièces détachées que la SA Agfa Gevaert a refusé d'accorder à la SARL SMS, en dépit du jugement frappé d'appel et assorti de l'exécution provisoire ;
4 - Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :
Considérant qu'il sera alloué à la SARL SMS, qui a du subir les conséquences d'un refus d'exécution par la SA Agfa Gevaert du jugement frappé d'appel, lequel était pourtant assorti de l'exécution provisoire, et a été contrainte de se défendre dans des conditions particulièrement délicates, une indemnité complémentaire de 20 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Dit que la SARL Sauvage Medical Service est débitrice de la somme totale de 3 781,95 euro TTC (trois mille sept cent quatre-vingt un euro et quatre vingt quinze centimes) au titre de quatre factures impayées, et qu'il devra être tenu compte de cette dette lors de l'établissement des comptes entre les parties, ces comptes incluant la remise de 25 % sur les pièces détachées que la SA Agfa Gevaert a refusé d'accorder à la SARL Sauvage Medical Service, Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne la SA Agfa Gevaert à payer à la SARL Sauvage Medical Service une indemnité complémentaire de 20 000 euro (vingt mille euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la SA Agfa Gevaert aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement par la SCP Boiteau et Pedroletti, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.