CA Metz, ch. des urgences, 23 septembre 2008, n° 07-01515
METZ
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Finke
Défendeur :
Beck
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Lebrou
Conseillers :
Mmes Soulard, Knaff
Avocats :
Mes Bettenfeld, Chauve-Gray
A une date non précisée, M. Jean-René Beck a passé un contrat de franchise avec la SARL France Acheminement portant sur une tournée de distribution et ramassage de colis dans le secteur de Sarreguemines.
Selon convention de cession en date du 28 octobre 1999, M. Jean-René Beck a cédé à M. Jean-Claude Finke cette tournée de distribution "conformément aux clauses et conditions du contrat de franchise signé avec France Acheminement", moyennant le prix de 132 600 F, soit 20 224,10 euro.
Par convention signée deux jours auparavant, soit le 26 octobre 1999, M. Finke a conclu avec la SARL France Acheminement un contrat de franchise fixant les conditions d'entrée et d'appartenance du cessionnaire au réseau de franchisés.
Par acte d'huissier en date du 21 février 2000, M. Beck a fait citer M. Finke devant la chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Sarreguemines en paiement avec exécution provisoire des sommes suivantes :
- 132 660 F, avec intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2000 ;
- 50 000 F à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;
- 20 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 13 février 2005, le Tribunal de grande instance de Sarreguemines a :
- condamné M. Jean-Claude Finke à payer à M. Jean-René Beck la somme de 20 224,10 euro, avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2000 ;
- ordonné l'exécution provisoire de sa décision ;
- condamné M. Jean-Claude Finke à payer à M. Jean-René Beck la somme de 1 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamné M. Finke aux dépens ;
- débouté M. Beck du surplus de ses demandes.
Pour statuer ainsi, le tribunal de grande instance a tout d'abord repris la chronologie des faits, constatant que les parties ne lui soumettaient pas tous les éléments.
Il a écarté un à un les chefs d'inexécution contractuelle invoqués par M. Finke à l'encontre de M. Beck, les estimant mal fondés. Il a donc constaté qu'aucun manquement contractuel n'était démontré à l'encontre de M. Beck, à l'inverse de M. Finke qui n'avait pas acquitté le prix convenu au contrat.
En revanche il a estimé que M. Beck ne justifiait d'aucun préjudice distinct de celui réparé par l'octroi des intérêts au taux légal.
Par déclaration du 10 mai 2007, M. Jean-Claude Finke a interjeté appel de ce jugement et par conclusions récapitulatives déposées le 7 avril 2008, il demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau ;
- au vu de l'article L. 330-3 du Code de commerce, prononcer la nullité du contrat de cession de franchise signé le 28 octobre 1999 ;
- débouter M. Beck de l'intégralité de ses demandes, tant irrecevables que mal fondées ;
- condamner M. Beck en tous les dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions récapitulatives déposées le 8 février 2008, M. Beck conclut à voir :
- déclarer l'appel non fondé ;
- en conséquence, confirmer le jugement entrepris ;
- y ajoutant,
- condamner M. Finke aux dépens des deux instances, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euro en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 juin 2008.
Motifs de la décision
Vu les conclusions récapitulatives déposées pour l'appelant le 7 avril 2008 et celles déposées pour l'intimé le 8 février 2008, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties ;
Sur le moyen tiré la nullité du contrat de cession de franchise
Au soutien de son appel M. Finke soulève en premier lieu la nullité du contrat de cession pour violation des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, au motif qu'aucun document d'information ni projet de contrat ne lui a été remis vingt jours au moins avant la conclusion du contrat.
Les dispositions invoquées prévoient en effet que :
"toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature du tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause...
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat... "
L'article R. 330-1 du même Code, tel qu'il résulte du décret d'application n° 91-337 du 4 avril 1991, ajoute in fine de son 4° : "doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ...
Or l'intimé ne justifie aucunement de l'exécution de cette obligation prévue par les textes, que ce soit par le franchiseur ou par ses propres soins. Or si l'article L. 330-3 susvisé s'applique au premier chef au franchiseur, il s'applique également au cédant, en cas de cession du contrat de franchise, en ce qui concerne les caractéristiques et documents comptables propres à l'activité qu'il cède. En l'espèce M. Finke se plaint de n'avoir pu prendre conscience du caractère déficitaire de l'activité cédée qu'après avoir exercé celle-ci pendant une quinzaine de jours, faute d'une information préalable et sincère, lui ayant permis de s'engager en connaissance de cause. La cour constate en effet que l'inobservation de l'obligation d'information a vicié le consentement du nouveau franchisé, dès lors que celui-ci n'a pas disposé des éléments d'information comptables sur le chiffre d'affaires et le bénéfice réalisé sur le secteur, et ce dans le délai de réflexion minimal de vingt jours prévu par la loi. La production a posteriori d'une attestation des revenus des années 1998 et 1999 par le Groupement de Service des Métiers de Lorraine en date du 8 mars 2001 et d'une attestation délivrée par le comptable de l'entreprise, N. Diehl, en date du 16 avril 2003, pour l'exercice 1999 ne suffisent nullement à justifier d'une information préalable de 20 jours au moins à la signature du contrat.
De même le stage de formation de trois jours puis l'accompagnement par M. Beck lors des premières tournées effectuées par M. Finke, dont la réalité n'est pas sérieusement contestée par l'appelant, ne répondent nullement aux exigences posées par les textes susvisés.
A ce motif suffisant pour voir prononcer la nullité, s'ajoutent de manière surabondante plusieurs irrégularités de forme entachant le contrat, le numéro d'inscription au registre du commerce, la délimitation du secteur d'activité, la date du contrat de franchise initial liant le franchiseur au cédant et la date de prise d'effet entre les parties n'étant pas renseignés, étant relevé en outre que M. Beck n'a jamais été en mesure de produire, ni en première instance ni à hauteur d'appel, le contrat initial de franchise conclu entre lui-même et France Acheminement.
En conséquence et par application des dispositions des articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de cession signé par les parties le 28 octobre 1999.
Ensuite de la nullité ainsi prononcée, il y a lieu de remettre les parties en leur état antérieur au contrat et de débouter M. Beck de sa demande en paiement du prix convenu au contrat.
Par suite il y a lieu de faire droit à l'appel et d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
L'intimé, qui succombe en ses prétentions, sera condamné aux dépens en application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du même Code.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel bien fondé ; Infirme le jugement entrepris ; Et statuant à nouveau, Déboute M. Jean-René Beck de l'ensemble de ses demandes ; Déboute M. Jean-René Beck de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamne M. Jean-René Beck aux dépens d'appel et de première instance.