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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 26 février 2008, n° 06-00153

CAEN

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Meuniers Normands (GIE), Moulin d'Etouvy (SARL)

Défendeur :

Moulin des Osmeaux (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Boyer

Conseillers :

Mme Beuve, M. Vogt

Avoués :

SCP Mosquet Mialon d'Oliveira Leconte, SCP Grandsard Delcourt

Avocats :

Mes Greffe, Valery, Taieb

TGI Caen, du 14 déc. 2005

14 décembre 2005

Par jugement du 14 décembre 2005, le Tribunal de grande instance de Caen a statué ainsi :

"Déclare la société Moulin des Osmeaux recevable et partiellement bien fondée en ses demandes,

Déboute le GIE Meuniers Normands et la société Moulin d'Etouvy de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

En conséquence,

Dit que la marque dénominative " Terramie " déposée le 29décembre 1997 à l'INPI par la société Moulin des Osmeaux, en classe 30 pour les farines et préparations faites à base de céréales, pains, produits de boulangerie, pâtisserie et confiserie, sous le n° 97711 252, est contrefaite par la marque " Le Sarramie " déposée le 10 juin 2003 par le GIE Meuniers Normands sous le n° 03 3 231 041, pour les farines et préparations faites de céréales, pains, pâtisserie, levure, poudre pour faire lever, en classe 30. Dit que le GIE Meuniers Normands titulaire de la marque et la société Moulin d'Etouvy exploitante de la marque ont commis des actes de contrefaçon, Interdit au GIE Meunier Normands et à la société Moulin d'Etouvy d'utiliser la dénomination " Le Sarramie " sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit pour tous produits identiques ou similaires aux produits de la classes 30 comme les farines et préparations faites à base de céréales, pains, produits de boulangerie, pâtisserie et confiserie, et ce, sous astreinte de 1 000 euro par infraction constatée à compter de la signification du présent jugement, interdit au GIE Meunier Normands et à la société Moulin d'Etouvy de détenir et de vendre tous produits identiques ou similaires aux produits de la classe 30 comme les farines et préparations faites à base de céréales,

Ordonne la confiscation de l'intégralité des produits de la classe 30 comme les farines et préparations faites à base de céréales, pains, produits de boulangerie,

Ordonne la publication du jugement à intervenir dans trois quotidiens,

Condamne le GIE Meunier Normands et la société Moulin d'Etouvy à payer à la société Moulin des Osmeaux la somme de 40 000 euro (quarante mille euro) en réparation du préjudice subi par les actes de contrefaçon commis,

Dit que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

Dit que la société Moulin d'Etouvy a commis des actes de concurrence déloyale,

La condamne en conséquence à payer à la société Moulin des Osmeaux la somme de 30 000 euro (trente mille euro) avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire..."

Le tribunal relatait :

"La société Moulin des Osmeaux est inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés depuis le 5 février 1936 pour l'activité de l'industrie de la minoterie sous toutes ses formes, l'industrie du broyage de toutes céréales et de leur transformation en farines et issues, le commerce de l'achat et de la vente de tous grains, farines, issues et de toutes céréales panifiables tant en France que dans les pays de l'union française et à l'étranger. Elle a déposé le 29 décembre 1997 à l'INPI en classe 30 pour les farines et préparations faites à base de céréales, pains, produits de boulangerie, pâtisserie et confiserie, sous le n° 97 711 252, la marque dénominative "Terramie"

Elle a déposé le 25 juin 1998 à l'INPI en classe 30 pour les farines et préparations faites à base de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, sous le n° 98 739 224 la marque dénominative " il y a quelqu'un derrière mon pain ", le n° 98 739 225 une marque figurative, sous le n° 98 739 226 la marque complexe (dessin - dénomination) "Terramie".

Il relatait ensuite le développement économique et commercial en lien avec cette marque.

A propos de du GIE les Meuniers Normands, il indiquait :

"Le GIE Meuniers Normands a pour objet, selon ses statuts mis à jour au 15 septembre 2003, la création, le dépôt, le renouvellement, la défense, la promotion de toutes marques de publicité relatives à tous produits de panification, le contrôle du respect des modalités de fabrication et d'utilisation des produits vendus sous ces marques, toutes actions de communication de promotion, de la tradition de la meunerie, boulangerie, pâtisserie artisanale. La SARL Moulin d'Etouvy est membre de ce GIE.

Le 10 juin 2003, le GIE Meuniers Normands déposait à l'INPI sous le n° 03 3231 041, la marque dénominative "Le Sarramie" pour les farines et préparations faites de céréales, pains, pâtisserie, levure, poudre pour faire lever, en classe 30" et ensuite procédait à l'analyse comparative des deux.

A propos de la concurrence déloyale, le tribunal a retenu les activités de M. Rivière, employé de la société Moulin des Osmeaux licencié pour insuffisance de résultats puis embauché par la société Moulin d'Etouvy, activités qu'il détaille.

Le GIE Les Moulins Normands conclut à la réformation du jugement avec condamnation de la société Moulin des Osmeaux à lui payer 100 000 euro de dommages-intérêts et la publication de la décision.

Elle développe une analyse comparative des deux marques d'un point de vue visuel, phonétique et intellectuel et fait valoir les efforts mis en œuvre pour promouvoir cette marque, efforts anéantis par l'action en contrefaçon.

La SARL Moulin d'Etouvy conclut également à l'infirmation du jugement et au débouté de la société Moulin des Osmeaux.

Il estime que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants et qu'en l'espèce, la confusion n'est pas possible, l'emploi du mot "mie" en boulangerie étant nécessairement banal et la présence des deux "r" répondant à l'emploi de blé de sarrasin.

Subsidiairement, elle décline sa responsabilité, la marque ayant été conçue et déposée par le GIE et conteste le préjudice.

Elle conteste également avoir commis des actes de concurrence déloyale, affirme n'avoir commis aucune pratique anormale et conteste au cas par cas les affirmations adverses qui reposeraient sur des attestations comprenant des affirmations fausses.

La société Moulins d'Etouvy conclut à la confirmation du jugement, mais demande le prononcé de quelques interdictions supplémentaires et la confiscation des produits relevant de la marque contrefaisante outre la condamnation à des dommages-intérêts supérieurs ainsi qu'à des publications plus importantes.

Sur la contrefaçon elle fait valoir que le simple fait de déposer une marque imitant une marque antérieure est un acte de contrefaçon et considère qu'il faut en l'espèce comparer la marque verbale Le Sarramie avec la marque verbale et semi-figurative Le Terramie.

Elle fait valoir que le terme prétendument banal "mie" doit être considéré comme se fondant dans un tout dont l'ensemble doit être pris en considération, et qu'il n'est d'ailleurs pas banal eu égard à l'infime partie des marques déposées qui l'emploie, 0,055 % selon elle.

Elle souligne l'architecture commune des mots Terramie et Serramie et le risque de confusion phonétique, l'adjonction de l'article étant selon elle sans influence dans la mesure où le consommateur peut faire précéder chacune des dénominations de cet article.

Elle soutient que la communauté des "rr" résulte d'une intention délibérée du contrefacteur.

Elle conteste à ses adversaires le droit d'évoquer les éléments graphiques dans la mesure où la marque Le Sarramie a été déposée exclusivement sous forme nominative et que d'un point de vue intellectuel, le consommateur sera amené à penser que le Sarramie est une déclinaison de Terramie.

Elle insiste sur les efforts commerciaux qu'elle a engagés pour la promotion de la marque Terramie et la notoriété acquise sur un marché identique.

Elle rappelle qu'il n'est pas nécessaire de démontrer que la confusion ait été commise, mais seulement qu'il y ait un risque de confusion.

Elle estime irrecevable la prétention de la société Moulin d'Etouvy d'être mise hors de cause, formulée pour la première fois en appel alors que l'usage d'une marque contrefaite est aussi interdit ce qui justifie selon elle une condamnation in solidum.

Elle développe la description de son préjudice.

A propos de la concurrence déloyale, elle forme une série de griefs précis à l'encontre des activités de M. Rivière, griefs qui seront développés au fur et à mesure de la motivation.

Par ordonnance du 9 janvier 2008, le juge de la mise en état en a ordonné la clôture.

Il a dit son rapport avant les plaidoiries.

Sur quoi

1) Sur la contrefaçon

Attendu que les défendeurs font valoir que la clientèle est une clientèle de boulangers, c'est-à-dire une clientèle avertie composée de professionnels ; qu'ils estiment que les marques doivent être comparées en fonction de cette clientèle spéciale et avertie ;

Que ce n'est pas certain dans la mesure où à travers les boulangers, c'est le grand public des consommateurs qui est recherché ;

Attendu que les produits ne sont pas identiques ; que le Terramie concerne concrètement une gamme de produits tandis que le Serramie ne concerne qu'un type de pain ;

Mais que si cette application concrète est limitée, la protection concerne toute une série dans un cas comme dans l'autre ;

Attendu en outre que, si ces considérations présentent un intérêt, c'est l'étude des marques proprement dites qui est déterminante ;

Attendu que la société Moulin des Osmeaux fait valoir avec raison que le grief de contrefaçon ne doit s'apprécier qu'au regard des marques déposées et que la marque le Sarramie n'a fait l'objet que d'un dépôt sous forme nominative ;

Attendu que la société Moulin des Osmeaux a déposé deux marques, une marque nominative et une marque figurative comprenant également le mot Terramie ;

Attendu que, dans les deux cas le mot Terramie est dépourvu d'article ;

Attendu que le tribunal a estimé pouvoir écarter l'article "Le" de la marque "le Sarramie", ce qui a pour effet de reconnaître aux deux marques le même nombre de lettres, dont six identiques sur huit ;

Mais que rien ne permet d'écarter cet article qui figure dans la marque ;

Que si la marque était employée sans cet article, une telle pratique mériterait l'attention, mais qu'une telle pratique n'est pas établie ;

Attendu que la société Moulin des Osmeaux soutient que le consommateur peut ajouter l'article, de telle sorte que cette différence, ne serait pas à prendre en compte ;

Que l'ajout de cet article peut se concevoir pour le pain, mais qu'il est plus difficile pour la farine qui appelle plutôt l'article "la" ; que c'est d'ailleurs la solution retenue dans un article du n° 107 du journal la Filière gourmande "Lors de l'édition 2003 déjà, le Moulin des Osmeaux présente la "Terramie de Bretagne" ;

Que, de même l'évocation de la terre dans l'ensemble Terramie appelle plutôt le féminin, tandis que l'évocation du sarrasin dans l'appellation Sarramie appelle plutôt le masculin

Que si les documents publicitaires font apparaître des pains accompagnés de l'appellation Terramie, c'est toujours en noms composés Terramie Campagnard, Terramie Paysan, Terramie Son et Complet Terramie Seigle et Seigle noir, ou le Terramie de Seigle et le Seigle noir peut-être pour "et de Seigle noir" ;

Attendu qu'il reste que l'adjonction de l'article "le" au mot "Terramie" ne se conçoit que dans un mot composé à propos duquel le risque de confusion avec Sarramie n'apparaît pas ;

Attendu que le rapprochement des deux marques a été réalisé dans un cas en supprimant l'article de l'une et en l'ajoutant dans l'autre ;

Qu'aucune de ces deux démarches n'est convaincante ; qu'il reste qu'une marque comprend l'article l'autre pas ;

Qu'il faut donc comparer "le Sarramie" et" Terramie" ;

Attendu que, même en retenant que l'article servant le nom a une portée moindre que le nom, l'architecture d'ensemble en est sensiblement modifiée ;

Attendu que les deux termes utilisent le calembour "amie" pour la mie ou ses déclinaisons sur l'ancien mot "mie" dans le sens de "ma mie" ;

Que la société Moulin des Osmeaux l'explicite dans un fascicule publicitaire "le nom que je porte a été trouvé par une agence spécialisée qui a tout d'abord recherché un nom évocateur de tradition et d'amitié. Et ce ne fut pas chose aisée car il y a des milliers de noms déposés et protégés dans notre domaine à l'INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). Autour de la Terre, base nourricière du grain, et de l'ami, mon nom a vu le jour. Facilement mémorisable, il évoque à la fois l'ami et "la mie" de pain."

Que la recherche dans l'élaboration d'une accroche envers le grand public réside donc dans l'association terre-amitié ;

Que l'on peut retenir que ce but a été atteint ;

Attendu que le sarramie lui relie "mie" au sarrasin, ce qui est moins ambitieux et ne concerne concrètement que les produits panifiés comprenant cette céréale en tout ou partie ;

Attendu que le résultat de cette analyse permet de retenir que :

* l'utilisation du calembour "mie-amie - ma mie" ne singularise aucune des deux marques,

* la prise en compte de l'article et de son emploi met en évidence des architectures globales relativement différentes des deux marques,

* les évocations du lien avec le pain présent par la mie qui signifie en même temps le lien sensible sont différentes, dans un cas la terre, dans un autre le sarrasin ;

Que ne sont communs que le jeu sur "ami" et l'emploi de la lettre " r " ;

Que le caractère courant du calembour ne permet pas de lui reconnaître une prééminence suffisante susceptible d'attirer l'attention par elle-même que l'emploi de la lettre "r", même jointe à ce calembour, n'y suffit pas non plus ;

Attendu en conséquence que si une ressemblance existe, elle n'est pas suffisante pour créer un risque de confusion

2) sur les activités de M. Rivière

Attendu que la société Moulin des Osmeaux reproche les activités de cet ancien salarié, attaché commercial qu'elle avait licencié ;

Qu'elle n'invoque aucune clause de non concurrence ;

Attendu qu'elle lui reproche d'abord d'avoir conservé son ancien fichier client, d'avoir visité d'anciens clients avec son nouvel employeur et d'avoir proposé des prix plus bas ;

Qu'elle verse au dossier deux attestations de boulangers relatant que M. Rivière s'est présenté chez eux accompagné de son nouveau patron et leur a proposé des prix inférieurs, l'obligeant à s'aligner, c'est-à-dire à renoncer à sa marge bénéficiaire ;

Attendu que, dans un arrêt que la société Moulin des Osmeaux verse au dossier, la présente cour statuant en matière prud'homale sur le licenciement de M. Rivière et les reproches de déloyauté post-contractuelle a estimé :

"Considérant que la SA Moulin des Osmeaux fait grief à Jacky Rivière de s'être approprié les fichiers de son ancienne clientèle et d'avoir prospecté celle-ci au profit de son nouvel employeur et ainsi manqué à son devoir de loyauté ; qu'elle réclame de ce chef une indemnité de 10 000 euro ;

Que le démarchage de deux anciens clients ne suffit pas à établir l'appropriation des fichiers par le salarié qui la dément formellement, que la SA Moulin des Osmeaux indique d'ailleurs ne pas savoir si Jacky Rivière avait emporté lesdits fichiers ou les avait simplement copiés alors que dans une lettre antérieure à la procédure prud'homale, Jacky Rivière avait expliqué dans le détail les circonstances exactes de la restitution des fichiers, documents, clés et matériels divers, à son ancien employeur ;

Que, pour le surplus, il s'agit de faits, qui, postérieurs à la rupture du contrat de travail et non rattachables directement à celui-ci consistent à démarcher d'anciens clients pour le compte du nouvel employeur afin de leur proposer des prix plus bas ; qu'en l'absence de toute clause de non concurrence, et de tout procédé fautif, l'offre de prix moins élevés faite à deux anciens clients, au sein d'une clientèle professionnelle spécialisée et par suite avertie et restreinte, ne saurait caractériser en elle-même une concurrence déloyale ;"

Attendu que la société Moulin des Osmeaux fait valoir avec raison que cet arrêt n'a pas autorité de chose jugée dans la présente espèce ;

Que cependant, dans la présente espèce, la cour peut reprendre cette motivation à son compte et qu'elle le fait ;

Attendu que les défendeurs font valoir avec raison que le nombre de boulangers exerçant dans la région est relativement limité, de telle sorte que les employés de chaque meunerie sont amenés à visiter les mêmes personnes ;

Que la société Moulin des Osmeaux affirme avoir confié à cet employé la clientèle du Calvados ;

Qu'elle affirme qu'il a systématiquement visité tous les clients de son ancien employeur ; mais qu'à l'appui de cette affirmation, elle vers un (sic) listing sur lequel sont surlignés les noms de certains boulangers, ce qui est insuffisant à étayer une telle affirmation ;

Attendu que la société Moulin des Osmeaux fait encore valoir que ce démarchage aurait été accompagné de manœuvres caractérisant la concurrence déloyale ;

Qu'elle fait état de traditions selon lesquelles dans le milieu de la boulangerie, on ne peut pas prendre contact avec les boulangers sans être agréés ou introduits ;

Qu'elle n'en tire pas de conclusion vraiment explicite, mais que si elle avait permis cette connaissance à M. Rivière, elle ne pouvait pas lui interdire de continuer à l'utiliser ;

Attendu que les prix bas, réciproquement reprochés, sont un autre argument inopérant dans la mesure où aucune étude économique ne permet de qualifier les prix de fautifs ;

Que la possession d'une facture, reprochée par la société Moulin des Osmeaux, ne prouve pas d'élément de concurrence déloyale ;

Que, dans une attestation, un boulanger fait état d'une pratique plus curieuse de chèque de prime remis en retour par la société Moulin d'Etouvy, ce qui aurait abouti à une baisse de prix ; mais que ce fait, isolé, ne permet pas d'établir une concurrence déloyale ;

Qu'elle fait état de documents publicitaires détenus par M. Rivière et qu'il aurait emportés alors qu'il se serait agi de documents à usage interne ;

Mais que la notion de document publicitaire à usage interne est difficile à comprendre, la publicité étant destinée aux clients potentiels qui ne peuvent se limiter aux employés de l'entreprise ;

Attendu que la société Moulin des Osmeaux fait encore état d'actes de dénigrement ;

Qu'elle cite des attestations

- de M. Mingot : " M. Rivière représentant de cette entreprise, m'a démarché par téléphone et m'a proposé des prix de farine inférieur à celui de mon meunier (Moulin des Osmeaux) Il m'a dit que la farine n'était pas bonne, très chère et que le pain serait dégueulasse. Je n'ai pas apprécié cette démarche commerciale déloyale. "

- de Monsieur Jean-Marie Brebant qui écrit : " Suite au licenciement de M. Rivière celui-ci est venu nous reprospecter nous faisant des offres très alléchantes avec un prix de farine plus bas que le nôtre, que la farine qu'il vendait avant, du temps du moulin des Osmeaux, était " dé gueulasse ", que le pain n'était pas bon. Il m'a conseillé de me méfier du poids des sacs à farine = ces derniers, pour M. Rivière ne faisant pas 50 kg. Nous avons été surpris par ses démarches déloyales ".

Que M. Leborgne délivre également une attestation, il et vrai dactylographiée, selon laquelle : "Je suis un fidèle client du Moulin des Osmeaux. Jusqu'en 2003, c'est Monsieur François Levy qui m'avait présenté Monsieur Jacky Rivière pour que celui-ci soit mon représentant.

C'est pourquoi j'ai été très surpris, après la fin de l'année 2003, d'avoir vu Monsieur Rivière venir dans ma boulangerie avec Monsieur Le Cam, dirigeant du Moulin d'Etouvy, pour m'expliquer que maintenant, il fallait lui prendre la farine et que la farine du Moulin des Osmeaux n'était pas bonne, qu'elle était trop chère et que le pain était dégueulasse " ;

Attendu que les parties échangent également des attestations de bonne moralité ;

Que M. Rivière verse une attestation contestant cas affirmations ;

Que parmi ces documents figure une attestation de M. Tabouret, affirmant que M. Levy est venu lui demander de signer une attestation de moralité déjà dactylographiée, et une autre ajoutant qu'il n'avait reçu aucune menace mais agi de bon cœur ;

Qu'en effet, la société Moulin des Osmeaux affirme que M. Tabouret aurait reçu des menaces ; mais que la seule pièce versée au dossier sur ce point est la lettre officielle de son avocat relatant ce que sa cliente lui avait elle-même relatée ;

Que cela ne prouve qu'une attitude assez curieuse dans l'établissement de moyens de preuve par celui qui fournit une telle pièce ;

Que, par ailleurs, un exemplaire de ce type d'attestation pré-dactylographiée par la société Moulin des Osmeaux est versé au dossier par la société Moulin d'Etouvy, notamment celle de M. David qui y a écrit : "Etant client du Moulin des Osmeaux et du Moulin d'Etouvy, je ne prends partie ni pour l'un ni pour l'autre" ;

Attendu que l'ensemble de ces attestations et de ces moyens de preuve ne permet d'établir aucune certitude ;

Que les propos identiques de MM. Mingot, Rivière et Leborgne sont à remarquer ; qu'ils peuvent soit s'interpréter comme le témoignage d'habitudes de langage de M. Rivière, soit comme le signe d'une certaine communauté dans la rédaction des attestations ; qu'en ayant diffusé un type d'attestation de moralité pré-dactylographié, la société Moulin des Osmeaux affaiblit la crédibilité de tels documents ;

Mais attendu que l'ensemble de ces attestations ne permet de retenir qu'une course aux attestations de la part des deux parties, sans permettre une conviction suffisant à une condamnation pour concurrence déloyale ;

3) Sur le parasitisme

Attendu que, en le situant dans le cadre du parasitisme, la société Moulin des Osmeaux reproche :

" ...ramené à la présente espèce, la cour ne manquera pas de considérer que la société Moulin des Osmeaux a été victime des agissements parasitaires de la société Moulin d'Etouvy à la simple comparaison des dates ci-après énoncées. En effet la marque Terramie a été déposée par la société Moulin des Osmeaux le 29 décembre 1997.

...

Le GIE Les Meuniers Normands, groupement dont dépend la société Moulin d'Etouvy, a déposé la marque Sarramie le 10 juin 2003.

Monsieur Rivière avant été licencié en novembre 2003, a été pris au service de la société Moulin d'Etouvy quelques jours après son licenciement, et que bien évidemment, non content de prospecter dans la clientèle de la concluante, en pratiquant des prix inférieurs, il n'a pas non plus hésité à proposer à la clientèle la marque Sarramie, alors que quelques semaines avant, il commercialisait pour le compte d'un concurrent, des produits sous la marque Terramie.

...Il ne peut être contesté que, ainsi que l'on relevé les Premiers Juges, la marque Terramie jouissait d'une excellente réputation sur le plan professionnel, qu'elle commercialisait des produits d'excellente qualité, et qu'il était donc aisé pour la société Moulin d'Etouvy, tout en envoyant son nouveau commercial démarcher son ancienne clientèle, de proposer des produits de même nature, revêtue d'une marque contrefaite qui jouissait d'une excellente notoriété concernant la qualité de ses produits.

...ainsi la société Moulin d'Etouvy s'est rendue coupable en l'espèce d'agissements parasitaires caractérisés."

Attendu que si on exclut de cette relation les données qui ont déjà été analysées au titre de la concurrence déloyale, il reste seulement que la société Moulin d'Etouvy a déposé une marque après la société Moulin des Osmeaux et que celle-là a engagé le salarié commercial licencié par celle-ci en profitant de l'expérience qu'il avait acquise ;

Que le reproche de démarcher la même clientèle a déjà été analyse ci-avant ;

Attendu que le dépôt successif des marques ne constitue par lui-même aucun acte de parasitisme ; qu'il faudrait démontrer que la première ait servi à la seconde et que ça n'est pas démontré ;

Attendu que, sur l'emploi de M. Rivière, il est possible que celui-ci ait bénéficié de l'expérience acquise auprès de la société Moulin des Osmeaux qui l'a licencié ; qu'on ne pouvait lui interdire de s'en servir pour un employeur concurrent ;

Que le parasitisme n'est pas établi ;

4) Sur les dommages-intérêts

Attendu que la société Moulin des Osmeaux n'établit pas de circonstance pouvant générer des dommages-intérêts à son profit ;

Attendu que, en employant le calembour déjà usité " mie-amie " l'auteur de cet emploi encourait le risque de la réaction de ceux qui l'avaient inscrit dans leur marque ;

Que la procédure de ce chef n'était pas abusive, et ne peut donner lieu à dommages-intérêts ; que l'affaire ne mérite pas les publications sollicitées ; qu'il sera cependant loisible à une partie de le faire à ses frais si elle l'estime utile ;

Attendu que les échanges d'attestation montrent une concurrence intense ; que, si le caractère déloyal n'est pas établi, il pouvait être soupçonné et donner lieu à une action en justice légitime qui ne justifie pas de dommages-intérêts ;

Attendu qu'eu égard à la présente décision et aux situations respectives des parties, l'équité ne commande aucune indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, statuant contradictoirement, Infirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Caen le 14 décembre 2005, Déboute les parties de leurs demandes, Dit qu'elles pourront faire publier la présente décision à leur frais si elles l'estiment utile, Condamne la société Moulin des Osmeaux aux dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.