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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 20 novembre 2007, n° 06-03130

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Charlet

Défendeur :

Tecno Plastic (Sté), Alprene (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Fossier

Conseillers :

M. Deleneuville, Mme Neve de Mevergnies

Avoués :

SCP Thery-Laurent, SCP Deleforge Franchi

Avocats :

Mes Desurmont, Beauseigneur

T. com. Roubaix-Tourcoing, du 6 avr. 200…

6 avril 2006

Par contrats respectifs des 18 décembre 1991 et 21 octobre 2002, les sociétés de droit italien Techno Plastic et Alprene ont confié à M. Joël Binauld, tiers aux présentes, un mandat de représentation exclusive pour la France.

Il a été prévu que M. Binauld cesserait son activité en 2005. Son décès est d'ailleurs survenu le 30 novembre 2005.

A partir d'octobre 2002, M. Charlet s'est proposé pour prospecter au service des deux sociétés susdites, avec leur accord et celui de M. Binauld, malade. Entre mai et décembre 2003, le lien entre M. Charlet et les sociétés italiennes a fait l'objet de réunions et d'échéances écrits et verbaux. Mais ces négociations n'ont pas abouti, M. Binauld demeurant selon certains documents l'agent commercial en titre et percevant tout ou partie des commissions générées par M. Charlet. Le 30 juin 2004, celui-ci a estimé qu'il ne pouvait plus se consacrer à ces sociétés.

Par acte du 22 septembre 2004, M. Charlet a saisi le Tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing pour voir constater l'existence d'un contrat direct d'agent commercial entre lui et les sociétés italiennes, et pour obtenir paiement de commissions en conséquence. Suivant la thèse des défenderesses, le tribunal de commerce a débouté M. Charlet au motif qu'il était sous-agent de M. Binauld. M. Charlet ayant par ailleurs et subsidiairement invoqué une rupture abusive de relations commerciales établies, le tribunal de commerce l'a également débouté de ce chef. Enfin, les défenderesses ont été déboutées de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts.

M. Charlet a interjeté appel. Il formule les mêmes demandes qu'en première instance. Les sociétés italiennes Tecno Plastic et Alprene ont fait de même. Par application de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, il est renvoyé à leurs écritures sur les moyens et prétentions des parties.

Sur quoi, LA COUR

1) Sur le contrat d'agent ou de sous-agent

Attendu que M. Binauld bénéficiait d'un contrat d'agent commercial exclusif, pour l'une comme pour l'autre des deux sociétés;

Que pour prétendre qu'il était non pas sous-agent de M. Binauld, mais agent en titre s'étant substitué à M. Binauld, Laurent Charlet doit démontrer d'abord que M. Binauld avait été dessaisi de son exclusivité ou même écarté de ses fonctions, soit en droit soit en fait, qu'il y eût consenti ou pas;

Que cette preuve fait défaut;

Attendu en effet que M. Binauld a présenté lui-même M. Charlet aux italiens, tout en revendiquant son droit de déléguer ses fonctions et son intention de ne partir qu'en 2005;

Que les sociétés italiennes ont respecté les termes de ces exigences, en adressant des courriers et des commissions à M. Binauld jusqu'à l'orée de l'année 2005;

Que le fait qu'elles aient pris l'attache aussi de M. Charlet dans la même période, l'aient occasionnellement baptisé " agent " et aient largement profité de ses prospections fructueuses, ne modifie pas l'application de la règle sus-énoncée, application particulière de l'adage Nemo Plus Juris;

Que M. Charlet connaissait parfaitement les droits de M. Binauld, incompatibles avec ses propres prétentions, puisqu'il recherchait lui aussi, et comme il est normal, un poste d'agent commercial exclusif;

Qu'enfin, la négociation précontractuelle de l'année 2003 n'a jamais laissé apparaitre que M. Charlet était d'emblée agent des sociétés italiennes et a au contraire signifié implicitement qu'il ne l'était pas encore;

Attendu que la confirmation s'impose par conséquent sur ce point;

2) Sur les dommages et intérêts

Attendu qu'il n'est contesté ni que M. Charlet ait œuvré avec succès pour les sociétés Tecno Plastic et Alprene pendant 17 mois, ni qu'il était en droit, conformément à ce qui a été dit plus haut, d'espérer une situation juridiquement et financièrement normale;

Attendu qu'il en résulte que d'une part, loin d'être abusive et de causer un préjudice commercial à ses adversaires, sa procédure était légitime, d'autre part que M. Charlet peut prétendre à une réparation sur le fondement de l'article L. 442-6-I (5°) du Code de commerce;

Attendu que le montant de cette réparation dépend de la brutalité de la rupture, dans sa forme, sa motivation apparente et ses délais, car cette brutalité empêche le commerçant ou, ici, le sous-agent, de se réorganiser;

Qu'en l'espèce, la cour dispose des éléments pour fixer à 3 000 euro par mois la perte de M. Charlet, d'abord pendant la période de vaine attente d'une régularisation de sa situation (17 mois) puis pendant un temps, évalué à trois mois, de réorganisation personnelle, le total ainsi atteint étant à partager entre les deux intimées selon leur importance respective pour M. Charlet;

3) Sur les accessoires

Attendu que M. Charlet sera indemnisé de ses frais et dépens;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement rendu à Roubaix le 6 avril 2006 en ce qu'il a refusé à M. Charlet la qualité d'agent commercial et débouté les sociétés Tecno Plastic et Alprene; Reforme pour le surplus; Condamne les sociétés Tecno Plastic et Alprene à payer respectivement à M. Charlet les sommes de 40 000 et 20 000 euro, outre chacune celle de 3 500 euro pour frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.