CA Paris, 5e ch. A, 26 septembre 2007, n° 05-07846
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Phone Pratique (SARL)
Défendeur :
SFR (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cabat
Conseillers :
MM. Roche, Byk
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Gaultier-Kistner
Avocats :
Mes Michel, Cledat
Reprochant à SFR de ne pas avoir respecté les dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce, la société Phone Pratique a, par acte du 12 mars 2004, assigné son cocontractant en réparation devant le Tribunal de commerce de Paris. Par jugement du 3 mars 2005, cette juridiction consulaire a débouté la société Phone Pratique de sa demande et l'a condamnée à payer 3 000 euro à la société SFR au titre de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu l'appel interjeté par la société Phone Pratique, de cette décision;
Vu les conclusions déposées le 6 juin 2007 par la société Phone Pratique, appelante;
Vu les écritures en réplique déposées le 13 juin 2007 par la société SFR, intimée ;
Vu l'ordonnance de clôture de l'instruction intervenue le 13 juin 2007;
Sur ce,
Sur la faute précontractuelle
Considérant que pour soutenir son appel sur ce point, la société Phone Pratique fait valoir que SFR aurait manqué à trois reprises (lors de la signature du contrat et de ses avenants) de lui communiquer le document prévu par l'article L. 330-3 du Code de commerce, que plus spécifiquement, SFR ne l'aurait informée ni de l'usage précaire de la marque (lors de la signature du contrat en avril 2001) ni de ce que l'avenant du 15 mars 2002 mettait fin à son exclusivité;
Considérant qu'en réplique, SFR, tout comme les premiers juges, estime que Phone Pratique ne démontre pas que le défaut allégué d'informations aurait vicié son consentement, qu'en particulier, elle n'aurait pas privé son cocontractant, à partir du 15 mars 2002, de l'usage de la marque ou d'une exclusivité territoriale qui n'existe pas;
Considérant qu'il suffit, pour déclarer ce moyen inopérant, de relever que Phone Pratique, qui soutient l'existence d'un dol constitutif d'un vice du consentement, sollicite en réparation uniquement l'octroi de dommages et intérêts alors que la sanction d'une convention contractée avec dol suppose nécessairement une demande en nullité des contrats litigieux, conformément à l'article 1117 du Code civil ;
Considérant qu'il convient donc de confirmer, pour ce motif, le jugement de ce chef;
Sur la concurrence déloyale
Considérant que l'appelante invoque la faute commise par SFR pour avoir agréé d'autres sociétés dans la zone géographique où elle exerce son activité alors qu'elle devait bénéficier d'une exclusivité ;
Considérant que SFR, qui estime la demande fondée sur la concurrence déloyale comme nouvelle et irrecevable, conteste tout comportement caractérisant la concurrence déloyale, le contrat ne prévoyant aucune clause d'exclusivité au profit de Phone Pratique et les contrats litigieux signés par SFR avec d'autres partenaires, étant en tous points identiques à celui de l'appelante;
Considérant, en premier lieu, que la demande ne doit pas être considérée comme nouvelle dès lors qu'elle vise aux mêmes fins, à savoir l'obtention de dommages et intérêts, peu important que le fondement de cette demande soit un acte de la concurrence déloyale et non le défaut de respect des dispositions de l'article L. 330-3 du Code de commerce;
Considérant, en second lieu, que, s'agissant de l'examen du bien-fondé de cette demande, il ne résulte aucunement des pièces au débat que la situation invoquée par l'appelante, à savoir le fait que SFR a autorisé le 24 avril 2001 l'installation de deux autres distributeurs à Courbevoie, constitue une distorsion au marché caractérisant une concurrence déloyale dès lors que l'appelante ne produit aucune pièce démontrant que les conditions contractuelles faites à ses concurrents lui seraient défavorables (les contrats de partenariat produits sont identiques au sien ainsi que les dispositions en matière de rémunération), que la différence d'enseigne concédée lui créerait un préjudice ou que le passage de ces autres distributeurs sous la nouvelle enseigne " espace SFR " se serait fait à des conditions plus avantageuses pour ces derniers dès lors qu'il n'est pas établi que les distributeurs concurrents ont été dispensés par SFR des investissements dont Phone Pratique fait état pour la réalisation de sa nouvelle vitrine;
Considérant, au surplus, qu'il est établi que Phone Pratique a été installée avec l'agrément de l'opérateur dans une zone contractuellement qualifiée de " stratégique " alors que les distributeurs mis en cause ont été installés en dehors de cette zone de grande chalandise;
Considérant, dès lors, qu'il convient de rejeter la demande de la société Phone Pratique de ce chef;
Considérant que le rejet des demandes de Phone Pratique tendant à voir constater l'existence d'une faute commise à son encontre par la société SFR rend sans objet la demande d'expertise visant à évaluer le préjudice de Phone Pratique; que cette dernière en sera donc déboutée;
Sur le solde des rémunérations versées en 2004
Considérant que Phone Pratique estime que le montant de ses rémunérations pour 2004 était de 499 496,23 euro alors qu'elle n'a touché à ce titre que 462 179,28 euro, soit un solde restant dû de 37 316,95 euro;
Considérant que SFR estime que cette somme, qui ne saurait être intégrée dans le relevé annuel de commissions, résulte du produit d'opérations ponctuelles et a bien été versée;
Considérant que SFR ne conteste pas que la somme due à sa cocontractante pour l'année 2004 s'élevait à 499 496,23 euro;
Considérant qu'il appartient à celui qui est tenu d'une obligation de démontrer qu'il s'en est acquitté;
Considérant que la pièce 17 produite par SFR ne saurait valoir preuve à cet égard dès lors que les virements mentionnés ne sont corroborés par la présentation d'aucune pièce bancaire ou comptable permettant d'en confirmer le paiement;
Considérant dès lors que, faute de l'établissement de cette preuve, la société SFR reste devoir à la société Phone Pratique le solde réclamé et sera donc, en conséquence, condamnée à lui payer 37 316,95 euro;
Considérant que l'équité commande de condamner la société Phone Pratique à payer 4 000 euro à la société SFR au titre de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions; Et y ajoutant, Déboute la société Phone Pratique de sa demande au titre de la concurrence déloyale et de sa demande d'expertise; Condamne la société SFR à payer 37 316,95 euro à la société Phone Pratique au titre du solde des rémunérations versées en 2004 ; Condamne la société Phone Pratique à payer 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la société SFR; La condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Gaultier Kistner, titulaire d'un office d'avoué.