CA Nancy, 2e ch. com., 18 mars 2009, n° 08-03053
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
ICD (SA)
Défendeur :
Axa France IARD (SA), Axa France (GIE), Axa Assurances IARD Mutuelle (Sté), Axa Courtage Assurance Mutuelle (Sté), Natio Assurance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Moureu
Conseillers :
Mmes Pomonti, Deltort
Avocats :
SCP Wisniewski-Vaissier Catarame, Yver, Bourgeon, Romas, Galistin
Bases contractuelles du litige
Faits constants et procédure
Le 8 mars 2004, le GIE Axa France, la SA Axa France IARD, la société Axa Assurances IARD Mutuelle, la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et la SA Natio Assurance, d'une part, et la SA ICD, d'autre part, ont conclu une convention dite " récupérateur automobile " organisant la cession par les premiers à la seconde de véhicules épaves visés à l'annexe 2 de la convention.
Le 21 juin 2006, les assureurs ont résilié la convention avec un préavis de 6 mois.
La SA ICD estime que cette rupture est brutale et abusive.
Vu la demande de la SA ICD du 13 septembre 2008 tendant, dans le dernier état de se conclusions, à la compétence du Tribunal de commerce de Nancy, à la condamnation solidaire du GIE Axa France, de la SA Axa France IARD, de la société Axa Assurances IARD Mutuelle, de la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et de la SA Natio Assurance à lui payer une somme de 456 350 euro à titre de dommages et intérêts en compensation du préavis dont elle aurait dû bénéficier, outre une indemnité de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu les conclusions du GIE Axa France, de la SA Axa France IARD, de la société Axa Assurances IARD Mutuelle, de la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et de la SA Natio Assurance tendant à l'incompétence du Tribunal de commerce de Nancy au profit du Tribunal de commerce de Paris et à la condamnation de la SA ICD à lui payer une indemnité de 2 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 18 novembre 2008 qui s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris.
Vu le contredit formé par la SA ICD contre ce jugement le 27 novembre 2008 tendant à l'information du jugement entrepris, au rejet de l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le GIE Axa France, la SA Axa France IARD, la société Axa Assurances IARD Mutuelle, la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et la SA Natio Assurance, à ce que soit reconnue la compétence du Tribunal de commerce de Nancy et à la condamnation des défendeurs à lui payer la somme de 2 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Vu les conclusions en date du 14 janvier 2009 du GIE Axa France, de la SA Axa France IARD, de la société Axa Assurances IARD Mutuelle, de la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et de la SA Natio Assurance, défendeurs au contredit, tendant à ce qu'il soit constaté qu'ils s'en rapportent à prudence de justice quant à la recevabilité et au bien-fondé du contredit de compétence formé par la SA ICD et, en conséquence à ce qu'il soit statué ce que de droit sur le contredit de compétence formé par cette société.
Moyens des parties
Au soutien de son contredit, la SA ICD fait valoir que:
- il n'y avait pas lieu d'écarter l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qui avait vocation à s'appliquer en l'espèce,
- la clause attributive de juridiction invoquée par le Groupe Axa est inapplicable en l'espèce, l'action engagée par la SA ICD n'étant pas fondée sur la rupture du dernier contrat ayant encadré les relations commerciales entre les parties mais sur la rupture brutale de ces relations,
- elle n'a jamais fondé son action sur la responsabilité contractuelle mais sur les dispositions de l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce qui permettent de mettre en jeu la responsabilité délictuelle de l'auteur d'une rupture brutale des relations commerciales,
- l'article L. 442-6-1-5° du Code de commerce a un champ d'application particulièrement large et l'obligation de ne rompre brutalement des relations commerciales est une obligation d'ordre public,
- même en présence d'un contrat écrit signé, il a été considéré que la demande tendant à la réparation d'une rupture de relation commerciale au sens de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce était de nature délictuelle,
- dès lors, il n'y a pas lieu application de la clause attributive de juridiction stipulée à l'article 18 de la convention du 8 mars 2004 et c'est la compétence du tribunal du lieu du dommage qui doit prévaloir.
Le GIE Axa France, la SA Axa France IARD, la société Axa Assurances IARD Mutuelle, la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et la SA Natio Assurance, défendeurs au contredit, répliquent que:
- dans le cadre d'une procédure similaire opposant le Groupe Axa à un autre " épaviste " la Cour d'appel de Paris a, par arrêt du 8 octobre 2008 rejeté l'exception d'incompétence soulevée par le Groupe Axa, en retenant la nature délictuelle de l'action de cet " épaviste ",
- en raison de cette évolution du contexte jurisprudentiel, le Groupe Axa souhaite donc s'en remettre à l'appréciation de la cour quant à la recevabilité et au bien fondé du contredit formé par la SA ICD.
Motifs
Le contredit formé le 27 novembre 2008 par la SA ICD contre le jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 18 novembre 2008 est recevable comme ayant été motivé et remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les quinze jours de celle-ci, conformément aux dispositions de l'article 82 du Code de procédure civile.
C'est à tort que le Tribunal de commerce de Nancy s'est déclaré incompétent pour connaître du litige objet de la présente procédure et a renvoyé l'affaire devant le Tribunal de commerce de Paris.
En effet, il n'y avait pas lieu d'écarter l'application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qui avaient vocation à s'appliquer en l'espèce, car le fait que les parties aient prévu contractuellement la durée du préavis n'empêche pas le juge de rechercher si le préavis contractuel était suffisant ou raisonnable au regard de cet article.
En outre, la SA ICD n'a jamais fondé son action sur la responsabilité contractuelle mais sur les dispositions de l'article L. 442-6-I-5° du Code de commerce qui permettent de mettre en jeu la responsabilité délictuelle de l'auteur d'une rupture brutale des relations commerciales.
L'action engagée par la SA ICD n'était pas fondée sur la rupture du dernier contrat ayant encadré les relations commerciales entre les parties mais sur la rupture brutale de ces relations qui, même dans le cas où les relations commerciales entre les parties ont été formalisées par un contrat écrit signé, peut engager la responsabilité délictuelle de son auteur.
Dès lors que l'action est de nature délictuelle, la clause attributive de juridiction ne peut faire obstacle à la compétence du tribunal du lieu du dommage prévue à l'article 46 alinéa 3 du Code de procédure civile qui prévoit la possibilité pour le demandeur de saisir, à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi.
En l'espèce, le dommage dont la réparation est demandée a été subi au lieu du siège social de la SA ICD qui se trouve dans le ressort du Tribunal de commerce de Nancy, de sorte que cette juridiction est bien compétente pour connaître du litige opposant la SA ICD au GIE Axa France, à la SA Axa France IARD, à la société Axa Assurances IARD Mutuelle, à la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et à la SA Natio Assurance.
L'affaire doit être renvoyée devant le Tribunal de commerce de Nancy pour qu'il statue au fond.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par ces motifs, et adoptant ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infirme le jugement déféré, Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par le GIE Axa France, la SA Axa France IARD, la société Axa Assurances IARD Mutuelle, la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et la SA Natio Assurance, Dit que le Tribunal de commerce de Nancy est compétent pour statuer sur le litige opposant la SA ICD au GIE Axa France, à la SA Axa France IARD, à la société Axa Assurances IARD Mutuelle, à la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et à la SA Natio Assurance, Ordonne le renvoi de l'affaire devant le Tribunal de commerce de Nancy, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, Condamne le GIE Axa France, la SA Axa France IARD, la société Axa Assurances IARD Mutuelle, la société Axa Courtage Assurance Mutuelle et la SA Natio Assurance aux dépens du contredit.