CCE, 30 octobre 2008, n° N 548-08
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
République Française. Mesures de refinancement en faveur des institutions financières
Monsieur le Ministre,
1. PROCEDURE
(1) Le 28 octobre 2008, les autorités françaises ont notifié un régime d'aides en faveur du refinancement des institutions financières en France. Ce régime a pour base légale l'article 6 de la loi nº 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.
(2) Le même jour, les autorités françaises ont adressé une série d'emails afin de clarifier certains points techniques.
2. DESCRIPTION DU REGIME
A. Objectifs du régime
(3) Le régime notifié prévoit des interventions étatiques ayant pour objet d'instaurer un mécanisme de refinancement destiné aux établissements de crédit, dans le but d'assurer le refinancement de l'économie et à restaurer la confiance.
(4) La société de refinancement des activités des établissements de crédits (ci-après dénommée "SRAEC") a été créée par la loi (1) pour apporter des financements de moyen-long terme aux banques qui la solliciteront. Elle permet de répondre, dans le contexte actuel de fermeture des marchés financiers, à un besoin de refinancement qui n'est pas satisfait par les mécanismes de court terme mis en place par la Banque Centrale Européenne et par l'Eurosystème.
(5) La SRAEC, dont le capital est détenu à hauteur de 34 % par l'Etat et 66 % par certaines banques (2), émettra des titres garantis par l'Etat et utilisera cette ressource pour refinancer les établissements de crédits agréés en France. Ceux-ci devront en contrepartie payer une rémunération et prendre des engagements comportementaux dans une convention passée avec l'Etat.
(6) Environ 265 milliards d'euro sont prévus pour le dispositif SRAEC.
B. Bénéficiaires du régime
(7) Tout établissement de crédit, y compris les filiales de groupes étrangers, pourra bénéficier de ce refinancement à condition :
- d'être agréé en France et contrôlé dans les conditions définies par le code monétaire et financier (ci-après "CMF");
- de satisfaire aux exigences de fonds propres définies par le CMF;
- d'avoir au préalable passé avec l'Etat une convention fixant les contreparties prévues par la loi (3).
(8) Les montants résultant de la souscription des titres de créance émis par la SRAEC seront répartis entre les différents établissements de crédit éligibles qui souhaiteraient en bénéficier, selon la règle suivante:
- [une large proportion]* du produit des émissions de la SRAEC sera affecté au financement des prêts aux établissements de crédit selon une clef de répartition déterminée par leur taille de bilan en France et le montant de leurs encours de crédit clientèle en France.
- Par exception, le commissaire du Gouvernement pourra demander au conseil d'administration de la SRAEC, sur demande motivée et à condition que des circonstances spécifiques rendent cette décision nécessaire eu égard notamment à l'intérêt général ou aux conséquences qu'aurait pour l'établissement de crédit demandeur le non accès au crédit requis, qu'un ou plusieurs prêts soient consentis en priorité à cet établissement de crédit, dans la limite maximale de [...]*du montant levé par l'émission de titres de la SRAEC. Cependant, s'il n'est pas fait usage de cette faculté exceptionnelle, 100 % des montants levés sont affectés selon la clé de répartition présentée ci-dessus.
(9) Le montant total des refinancements dont une banque pourra bénéficier ne pourra pas dépasser le plus élevé des deux montants suivants : 5 % du total de son bilan ou 500 millions d'euro. Dans l'éventualité où ce seuil serait dépassé, les autorités françaises se sont engagées à le signaler à la Commission et à lui notifier une aide individuelle.
C. Description du régime
1) Fonctionnement de la procédure de refinancement
(10) La SRAEC n'émettra des titres pour lever des ressources sur les marchés financiers qu'au fur et à mesure des besoins nés de ses opérations de refinancement. Les prêts consentis ou les titres acquis ou souscrits par la SRAEC auprès des banques ne pourront avoir une échéance postérieure à celle du titre de créance émis par elle pour assurer le financement de cette opération.
(11) La garantie de l'Etat est accordée à des titres de créances émis par la SRAEC avant le 31 décembre 2009 et d'une durée maximale de 5 ans. Les prêts que la SRAEC pourra consentir et les titres qu'elle pourra souscrire ou acquérir auront une maturité maximale de 5 ans.
(12) Les autorités françaises se sont engagées à ce que le volume total des prêts consentis ou des titres auxquels la SRAEC aura souscrit ou qu'elle aura acquis d'une maturité supérieure à trois ans ne peut dépasser [une faible proportion]* de l'encours total sans l'accord préalable de la Commission. Dans le cas ou les autorités françaises considèrent nécessaire de dépasser ce seuil, elles demanderont l'autorisation préalable de la Commission. Dans l'attente de cette autorisation le régime continuera à fonctionner sans dépasser le seuil des [...]*.
2) Les opérations de refinancement
(13) Pour les besoins de son activité de refinancement des établissements éligibles, la SRAEC peut:
- consentir des prêts à des établissements de crédit éligibles;
- souscrire des billets à ordre régis par les dispositions des articles L. 313-43 et suivants du CMF;
- souscrire des parts ou titres de créances émis par des organismes visés par les articles L. 214-42-1 et suivants du CMF.
(14) En ce qui concerne les prêts consentis par la SRAEC, ils seront garantis par une garantie financière (4). Cette garantie financière prendra la forme d'une affectation en nantissement de créances répondant aux critères d'éligibilité de la loi. En cas de défaut de l'établissement de crédit bénéficiaire, la SRAEC réalise la garantie financière et devient propriétaire des créances, même en cas d'ouverture d'une procédure de faillite. Elle notifie les débiteurs du changement de gestionnaire des créances. Des garanties prises sur base du CMF sont opposables sans formalité, réalisables par compensation, appropriation ou vente sans mise en demeure préalable.
(15) En ce qui concerne les billets à ordre (5) auxquels pourront souscrire la SRAEC, la situation de la SRAEC sera équivalente au paragraphe précédent. Le prêt étant remplacé par le billet à ordre et la garantie financière par le mécanisme de mise sous dossier prévu par le CMF, qui prévoit que, simultanément à l'émission du billet un gage est créé au profit du souscripteur sur un portefeuille de créances hypothécaires appartenant au banquier émetteur du billet. L'article L. 313-43 du CMF oblige le banquier émetteur du billet à mettre à la disposition du détenteur du billet, à sa demande, les contrats constituant les créances refinancées avec leurs garanties, dont le banquier émetteur conserve la garde et dont il continue à effectuer le recouvrement. Le banquier émetteur est dans l'obligation de conserver une liste au nom du porteur du billet à ordre et qui recense l'ensemble des contrats constituant les créances refinancées avec leurs garanties. La mise à la disposition au profit du prêteur à ordre emporte sans autre formalité, constitution de gage sur ces créances et sur les garanties hypothécaires et autres assortissant les prêts. Sur défaut de l'établissement émetteur, le créancier gagiste peut obtenir la liste nominative et cette remise lui confère sans autre formalité, la propriété des créances.
(16) Enfin, la souscription ou acquisition par la SRAEC de parts ou titres de créances émis par des organismes visés par les articles L. 214-42-1 et suivants du CMF aboutirait au même résultat que pour les deux précédents dispositifs compte tenu des exigences imposées par les autorités françaises. En effet, pour ce type de refinancement la SRAEC sera le seul et unique détenteur des parts de l'organisme de titrisation dont le règlement prévoira, conformément à l'article L. 214-43 du CMF la possibilité pour la SRAEC de demander le transfert à son bénéfice des actifs détenus par l'organisme de titrisation dès la survenance d'une défaillance d'un établissement bénéficiaire. Par ailleurs, les actifs de cet organisme de titrisation seront composés exclusivement des créances sur les établissements bénéficiaires et de leurs accessoires respectivement souscrites et remis en garantie dans les mêmes conditions que celles décrites au point 14 de sorte que la SRAEC sera placée dans la même position et dans les mêmes droits que pour les mécanismes de prêts décrits précédemment. Le transfert du prêt dans la structure de titrisation et sa création sont réalisés de manière concomitante afin d'éviter toute libération de capital au niveau de l'institution cédant la créance.
(17) Par conséquent, quel que soit le schéma qui sera mis en place, les recours de la SRAEC sur les établissements de crédit en cas de défaut sont des recours pleins et entiers et ne sont en aucune manière limités aux actifs sous-jacents remis en garantie. Selon les autorités françaises, les établissements de crédit bénéficiaires ne tirent donc aucun bénéfice de cette opération de financement en matière d'économie de fonds propres. Les fruits et produits des créances remises en garantie, tout comme les créances elles-mêmes, restent la propriété de la banque emprunteuse. Celle-ci en conserve la libre disposition. Ces fruits et produits font toutefois partie de l'assiette de la garantie et, en cas de défaut de paiement, il y aura transfert de la propriété des créances avec les intérêts, avantages et garanties qui y sont attachés au jour du défaut de paiement (dans la limite du montant garanti). Le mécanisme est identique pour le billet à ordre et le même résultat peut être mis en place dans le cadre d'une structure de titrisation.
3) Actifs garantissant les opérations de la SRAEC
(18) En garantie de ces opérations de refinancement, la SRAEC recevra des actifs financiers dont la liste est définie dans la loi susmentionnée (6). Pour chaque opération de refinancement d'un établissement éligible, la SRAEC devra valoriser les créances apportées en garanties par application des taux de décote ("haircut") prévus par un arrêté du ministre chargé de l'Economie (7). Le montant total des valeurs ainsi obtenues après décote pour les créances apportées en collatéral doit être au moins égal à l'encours du crédit sur l'établissement bénéficiaire. L'établissement qui a apporté les garanties a l'obligation de procéder au remplacement des créances dont la qualité de crédit de l'actif se serait dégradée postérieurement à sa mobilisation.
(19) La décote varie de 10 à 40% selon la catégorie des actifs remis en garantie conformément aux dispositions prévues dans un arrêté.
(20) Les autorités françaises ont indiqué qu'afin de s'assurer de la qualité des créances apportées en collatéral des contrôles auront lieu au niveau du bénéficiaire, par un agent de calcul indépendant, au niveau de la SRAEC et dans le cadre du contrôle effectué par la Commission bancaire.
(21) En cas de non respect de la règle de substitution et d'ajustement des garanties, de sorte que le niveau de garanties, dûment valorisées et après application de la décote, ne couvre plus le montant du financement obtenu auprès de la SRAEC, l'emprunteur est tenu de procéder au remboursement anticipé de la partie du crédit non couverte par les garanties afin de revenir au niveau de couverture adéquat; ce remboursement anticipé obligatoire donne lieu à un indemnité correspondant au surcoût engendré pour la SRAEC par ce remboursement anticipé. Dans le cas d'une opération sur la base d'un billet à ordre, si le montant des garanties se révèle insuffisant il y a restitution du billet à ordre et émission d'un nouveau billet à ordre pour un montant ajusté exactement à celui des garanties (en tenant compte du haircut), l'émetteur du billet à ordre doit alors payer le solde à la SRAEC. Autrement dit avec un mécanisme techniquement différent pour tenir compte du fonctionnement d'un billet à ordre, la situation de la SRAEC est la même.
4) Coût des opérations de refinancement
(22) La garantie accordée par l'Etat à la SRAEC le sera à titre onéreux et son coût sera intégralement répercuté sur les banques pour les facilités de refinancement qui leur seront consenties. De surcroît, la SRAEC répercutera intégralement le coût de la ressource aux établissements de crédits bénéficiaires du régime selon le principe "back to back financing".
(23) En ce qui concerne le coût de la ressource, les autorités françaises estiment que le taux d'intérêt ne sera pas égal à celui de la dette souveraine de même échéance mais augmenté d'un spread [...]* par rapport à la dette souveraine. Ce spread découle du constat fait par les autorités françaises du coût de la ressource de [...]*.
(24) En ce qui concerne la garantie, les autorités françaises ont suivi les recommandations établies par le Conseil des Gouverneurs de la BCE sur les garanties de l'Etat aux émissions bancaires. S'agissant de dettes à plus d'un an, elles doivent ainsi respecter un pricing par rapport au spread des CDS 5 ans, conforme à celui retenu par la France, auquel doit être ajouté une prime réduite égale à 20 bps par an du fait de la collatéralisation des opérations.
(25) La composante CDS sera déterminée selon les règles suivantes :
- si l'établissement bénéficiaire a un CDS disponible, la valeur médiane du CDS 5 ans sur la période 1er janvier 2007 au 31 août 2008;
- si l'établissement bénéficiaire n'a pas de CDS représentatif mais dispose d'une notation, le CDS 5 ans médian de la catégorie de notation à laquelle appartient l'établissement bénéficiaire, sur la période 1er janvier 2007 au 31 août 2008;
- si l'établissement bénéficiaire n'a ni CDS représentatif ni notation, le CDS 5 ans médian de la catégorie de notation la plus basse pour laquelle des CDS représentatifs existent, sur la période 1er janvier 2007 au 31 août 2008.
(26) La rémunération devra être payée par les banques en une seule fois en valeur actualisée au taux des emprunts d'Etat correspondant à la maturité de l'émission à la date de mise à disposition du prêt concerné.
5) Engagements comportementaux
(27) Tous les établissements bénéficiaires s'engagent au préalable dans une première convention passée avec l'Etat qu'ils vont adopter des règles d'éthiques conformes à l'intérêt général, ce qui comporte notamment les restrictions apportées aux rémunérations des dirigeants et le plafonnement du montant des indemnités de départ à deux ans de rémunération (fixe et variable).
(28) D'autre part, les banques qui souhaiteront bénéficier du refinancement devront s'engager à assurer que les liquidités fournies dans le cadre du régime notifié seront utilisées pour le financement de " l'économie réelle " et pour éviter des distorsions de concurrence entre les établissements bénéficiaires et les autres. Notamment, il a été fixé un objectif de maintien d'une croissance en rythme annuel de 3 à 4 % de son encours global de crédits à l'économie française tout au long de la période courant entre la date de signature de la présente convention et le 31 décembre 2009.
(29) Le non respect de cette convention permet à l'Etat d'exclure l'établissement du bénéfice des refinancements SRAEC.
(30) Enfin, les autorités françaises s'assureront que les groupes bancaires bénéficiaires ne s'engagent pas dans des pratiques commerciales agressives ou déloyales (comme une campagne de publicité dans laquelle un établissement se prévaudrait du bénéfice du dispositif de refinancement).
6) Engagements des autorités françaises
(31) Les autorités s'engagent à renotifier le régime dans l'éventualité où la croissance totale de l'ensemble des bilans des établissements bénéficiaires représentatifs de leurs activités depuis la France dépasserait le taux le plus élevé parmi les taux suivants, et sauf si ce dépassement n'est pas imputable au dispositif de refinancement lui-même:
i. Le taux de croissance annuel du PIB français (en valeur) constaté sur l'année précédente;
ii. Le taux moyen historique de croissance annuel des bilans constaté dans le secteur bancaire en France sur la période 1987-2007;
iii. Le taux moyen de croissance des bilans constaté dans le secteur bancaire de l'Union européenne sur les six derniers mois.
(32) Dans l'éventualité où les autorités françaises constateraient que le taux de croissance limite a été dépassé et que ce dépassement est imputable au mécanisme de refinancement, elles suspendraient le fonctionnement du régime sans exiger le remboursement des refinancements déjà accordés et elles transmettraient à la Commission une notification expliquant les causes de ce dépassement et les ajustements éventuellement prévus au régime pour en tirer les conséquences. Le régime ne recommencerait alors à fonctionner qu'après l'autorisation préalable de la Commission.
(33) Les autorités françaises s'engagent à notifier une aide individuelle dans l'éventualité où le montant total des refinancements dont une banque aura bénéficié dépasse le plus élevé des deux montants suivants : 5 % du total de son bilan ou 500 millions d'euro.
(34) Dans l'éventualité où l'Etat serait amené à apporter des fonds à la SRAEC pour palier le défaut d'un établissement bénéficiaire (au titre de l'exercice de la garantie ou d'un apport temporaire), les autorités françaises s'engagent à notifier un plan de liquidation de cet établissement ou un plan comportant l'ensemble des éléments permettant de démontrer la viabilité de long terme de l'établissement concerné ou les mesures nécessaires pour y parvenir.
(35) Dans l'éventualité où la SRAEC devait réaliser un profit et distribuer des dividendes à ses actionnaires privés, dépassant pour chacun, au-delà de la rémunération normale du capital investi, le seuil de minimis, les autorités françaises en informeraient la Commission et, le cas échéant, procéderaient à une notification.
6) Interventions étatiques durant la mise en place du système
(36) Les autorités françaises indiquent également que, afin de pouvoir mettre en place au plus vite ce mécanisme de refinancement et sans attendre la création de la SRAEC, qui prendra plusieurs jours, et la levée de ses premières ressources sur les marchés, qui devrait prendre environ deux semaines à compter de sa création, l'Etat sera autorisé par le Parlement à intervenir directement et en cas d'urgence pour garantir les titres émis par les établissements bancaires éligibles.
(37) Ce dispositif n'a pas vocation à se cumuler avec celui de la SRAEC.
(38) Dans la mesure où cette intervention se fera selon les mêmes termes et dans les mêmes conditions que celles de la SRAEC, les autorités françaises estiment qu'une éventuelle intervention de l'Etat devrait bénéficier de la même qualification juridique.
3. POSITION DES AUTORITES FRANÇAISES
(39) Les autorités françaises avancent que le dispositif indirect de garantie en question a vocation à fonctionner comme un mécanisme normal de marché dont il se doit de reprendre toutes les exigences. Il a été conçu pour éviter tout risque de distorsion de concurrence en raison de ses modalités d'attribution, de son coût et d'engagements comportementaux qui seront pris par les établissements bénéficiaires.
(40) Le dispositif repose sur:
- l'accès au dispositif de tous les établissements établis et agréés en France sous réserve de règles d'accès objectives et justifiées relatives au niveau des fonds propres;
- une clé de répartition objective, connue de tous et conçue pour être la plus équitable possible;
- des règles de fonctionnement transparentes et des émissions de la SRAEC sur le marché que tous les intéressés peuvent suivre;
- un principe " back to back ", un mode de calcul objectif des rémunérations et une répercussion intégrale des coûts sur chaque banque bénéficiaire sans discrimination.
(41) Le dispositif se traduit par un coût important pour les banques bénéficiaires dans la mesure où il comporte une tarification élevée et une obligation de collatéralisation extensive. Ces deux éléments sont de nature à éviter les effets d'aubaine. En outre, afin de tenir compte de l'existence d'une garantie de l'Etat, la rémunération que les banques devront verser sera augmentée d'une prime traduisant le coût de la garantie donnée par l'Etat à la SRAEC. De sorte que le prix payé par les banques pour bénéficier du refinancement sera supérieur à un coût normal de marché et reprendra l'écart de rémunération qui résulte de l'existence d'une garantie de l'Etat au profit de la SRAEC, dans le cadre prévu par la BCE pour les garanties d'Etat aux émissions de titres.
(42) Les banques qui souhaiteront bénéficier du refinancement devront passer, au préalable, une convention avec l'Etat. Le non respect de cette convention permet à l'Etat d'exclure l'établissement du bénéfice des refinancements SRAEC. Cette convention comportera un certain nombre d'engagements comportementaux afin de s'assurer que la ressource que les banques trouveront auprès de la SRAEC sera utilisée pour le financement de " l'économie réelle " et pour éviter des distorsions de concurrence entre les établissements bénéficiaires et les autres.
(43) Ces engagements devront notamment porter pour chaque établissement sur:
- un objectif de maintien d'une croissance en rythme annuel de 3 à 4 % de son encours global de crédits à l'économie française tout au long de la période courant entre la date de signature de la présente convention et le 31 décembre 2009;
- la présentation mensuelle d'un rapport sur le volume et l'évolution des crédits: aux particuliers, en distinguant prêts à la consommation/prêts à l'habitat; aux entreprises en distinguant prêts aux différentes catégories d'entreprises; aux collectivités locales;
- la recherche au cas par cas des solutions pour accompagner les clients éprouvant des difficultés à dénouer leurs crédits relais. En particulier, pour les clients n'ayant pas signé de compromis de vente, et au plus tard 3 mois avant l'échéance du crédit relais, l'établissement de crédit effectuera avec son client un point précis de sa situation immobilière et financière;
- les meilleurs efforts à faire pour financer les besoins d'investissement des collectivités locales. Les banques s'engagent à participer aux travaux d'une instance de suivi du crédit aux collectivités locales qui se réunira tous les trimestres sous l'égide de l'Etat. Ce groupe permettra d'identifier les points à améliorer dans les pratiques et la relation entre banques et collectivités territoriales.
(44) Enfin, les autorités françaises s'assureront que les groupes bancaires bénéficiaires ne s'engagent pas dans des pratiques commerciales agressives ou déloyales (comme une campagne de publicité dans laquelle un établissement se prévaudrait du bénéfice du dispositif de refinancement).
(45) Ainsi, le dispositif mis en place permet d'éviter d'octroyer aux banques qui bénéficieront d'un refinancement un avantage susceptible de fausser la concurrence. Il ne constitue donc pas, selon les autorités françaises, une aide d'Etat.
(46) A titre subsidiaire les autorités françaises estiment que le dispositif remplirait l'ensemble des conditions prévues dans la Communication du 13 octobre 2008 sur l'application des règles relatives aux aides d'Etat aux mesures relatives aux institutions financières et prises dans le contexte de la crise financière mondiale. Dans cette hypothèse, elles estiment que ce dispositif pourrait être considéré par la Commission comme un régime d'aide compatible avec le traité CE et notamment son article 87.3 b).
(47) Dans la notification, les autorités françaises se sont engagées à faire une étude de l'application de ce régime après 6 mois d'application afin d'évaluer s'il est nécessaire de le maintenir en l'état ou de l'adapter aux évolutions des marchés financiers et de la situation des banques. Elles s'engagent à rendre compte à la Commission des résultats de cette étude et à notifier, le cas échéant, une prolongation du régime.
(48) Les autorités françaises s'engagent aussi à notifier une aide individuelle dans l'éventualité où le montant total des refinancements dont une banque aura bénéficié dépasse le plus élevé des deux montants suivants: 5 % du total de son bilan ou 500 millions d'euro.
(49) Dans l'éventualité où la SRAEC devait réaliser un profit et distribuer des dividendes à ses actionnaires privés, dépassant pour chacun, au-delà de la rémunération normale (8) du capital investi (9), le seuil de minimis, les autorités françaises en informeraient la Commission et, le cas échéant, procéderaient à une notification.
4. APPRÉCIATION DU RÉGIME
A. Portée de la présente décision et légalité du régime
(50) La présente décision ne concerne que le dispositif mis en place dans le cadre de la SRAEC et ne concerne en aucune façon les autres mesures financières en faveur de Dexia adoptées dans le cadre de la même loi. La présente décision couvre également les interventions que l'État pourrait être appelé à réaliser directement avant que la SRAEC ne soit opérationnelle et selon les modalités qui s'appliqueront à la SRAEC.
(51) La Commission constate que les autorités françaises se sont conformées à leur obligation au titre de l'article 88, paragraphe 3, en notifiant le dispositif prévu dans le cadre de la SRAEC avant sa mise en œuvre.
B. Caractère d'aide des mesures évaluées
(52) Selon l'article 87, paragraphe 1, du traité, sont "incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions".
(53) La qualification d'une mesure en tant qu'aide d'État suppose que les conditions cumulatives suivantes soient remplies, à savoir que: 1) la mesure en question confère un avantage au moyen de ressources d'État, 2) cet avantage soit sélectif et 3) la mesure en cause fausse ou menace de fausser la concurrence et soit susceptible d'affecter les échanges entre États membres.
(54) La qualification d'aide d'État est rejetée par la France en ce qui concerne le régime notifié, la Commission se doit donc d'analyser de manière détaillée cette qualification.
(55) Premièrement, en ce qui concerne la SRAEC, la Commission note que cet organisme est le fruit d'un acte législatif et que son activité est fortement contrôlée. Ainsi, un représentant de l'Etat français actionnaire occupe la présidence du conseil d'administration. D'autre part, de part les statuts de cet établissement, un commissaire du gouvernement assiste de droit aux séances du conseil d'administration et il dispose d'un droit de véto. En outre, de part la structure du financement de ce système, l'ensemble des risques économiques des opérations effectuées par la SRAEC sont in fine assumé par l'Etat français. Ceci est d'ailleurs confirmé par le fait qu'en ce qui concerne la rémunération des participations de l'actionnariat privé, sa rentabilité reflète le coût d'immobilisation de la ressource et non la rémunération du risque lié aux activités financières. Enfin, la Commission note que les modalités d'admission en sûreté des éléments d'actif mobilisés par les établissements de crédit bénéficiaires découlent de l'arrêté du 20 octobre 2008 et non d'une décision de la SRAEC. En cas de non respect de ces obligations, les établissements de crédit bénéficiaires sont susceptibles de sanctions administratives.
(56) Ainsi, la Commission note que les interventions de la SRAEC, bien qu'elle soit une société de droit privé à l'actionnariat majoritairement privé, sont imputables à l'Etat.
(57) Les ressources qui seront levées par la SRAEC le seront grâce à une garantie de l'Etat. Une telle garantie étatique constitue une ressource d'Etat au sens de l'article 87, paragraphe1, du traité CE.
(58) Deuxièmement, la Commission constate que l'intervention des autorités françaises vise à remédier à une défaillance du marché interbancaire. En de telles circonstances, il est difficile de déterminer quel serait exactement le taux du marché mais la rareté des opérations laisse à penser que les taux et les exigences en matière de collatéral seraient sans nul doute supérieures à celles exigées par la SRAEC. La Commission estime donc que les conditions de rémunération des opérations de la SRAEC, bien qu'elles se rapprochent selon les autorités françaises des conditions de marché, constituent un avantage financier dans la mesure où le marché n'est pas en mesure de fournir des financements comparables aux mêmes conditions. En outre, la Commission remarque que la France n'a fourni aucun élément sur la situation du marché justifiant l'objectivité de cet argument. D'autre part, la référence aux recommandations du 20 octobre 2008 par la BCE sur la rémunération des garanties étatiques ne peut non plus justifier que la rémunération du régime notifié ne constitue un avantage. En effet, la finalité de cette note est d'assurer une cohérence entre les interventions étatiques au niveau européen et non pas de fournir des indications du niveau du marché actuel. Enfin, la Commission remarque que la formule de rémunération proposée par l'Etat français fait intervenir des moyennes sur une fenêtre de temps de 20 mois (i.e. CDS) et non pas les valeurs instantanées au moment de la réalisation de l'opération. En ce sens, le comportement de l'Etat français diffère de celui d'un investisseur privé. Ce mode de fixation de la rémunération est susceptible de favoriser les établissements bénéficiaires du régime de part les conditions actuelles du marché des CDS qui sont exceptionnellement élevés comparé au niveau médian de la période de référence. En conclusion, la Commission estime que les tensions des marchés financiers ayant poussé récemment le marché à un maximum historique, celui-ci ne peut être estimé par ces indicateurs.
(59) Troisièmement, le régime notifié n'est pas ouvert à toutes les entreprises, mais seulement aux établissements de crédit agréés en France satisfaisant des exigences en matière de fonds propres. Ce régime est donc sélectif.
(60) Quatrièmement, la position des entreprises concernées sera renforcée dans les échanges intracommunautaires et ces entreprises sont actives dans la fourniture de crédit qui sont l'objet d'une intense concurrence tant au niveau national qu'international. Etant donné que le régime notifié a vocation à s'appliquer à l'ensemble des organismes offrant des crédits, il est probable que leurs bénéficiaires représenteront une partie considérable du marché bancaire en France. Ces mesures sont donc susceptibles de créer des distorsions de concurrence et d'affecter les échanges intracommunautaires.
(61) En conclusion, la Commission considère que dans le cas d'espèce les conditions cumulatives de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE sont remplies. La Commission doit donc analyser sa compatibilité à la lumière des dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 3 du traité CE.
C. Compatibilité du régime avec le marché commun
1) Applicabilité de l'article 87(3)(b) du traité CE
(62) Les autorités françaises considèrent, à titre subsidiaire, que dans l'hypothèse où la Commission retiendrait la qualification d'aide, le régime notifié est compatible en application de l'article 87, paragraphe 3, sous b, du traité CE.
(63) L'article 87, paragraphe 3, sous b, du traité CE prévoit: "3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun: (b) les aides destinées à [...] à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre".
(64) La Commission considère que dans le cas d'espèce le régime s'adresse à l'ensemble des établissements de crédit en France. La Commission ne conteste pas les conclusions des autorités françaises quant à la situation critique du refinancement des établissements de crédit de part la crise financière qui a entrainé des difficultés afin d'accéder à de tel type d'opérations. Cette situation a aussi entrainé une perte de confiance quant aux systèmes d'évaluation du risque encouru, notamment quant au profil créditeur des contreparties. La Commission partage la vision des autorités françaises selon laquelle tant que la confiance dans le système financier n'est pas rétablie et l'accès au refinancement n'est pas plus aisé, les impacts potentiels d'une telle crise ne pourraient pas être circonscrits uniquement au système bancaire. Du fait de son rôle clef dans le système économique et l'ampleur de la crise financière actuelle, il existe actuellement un risque systémique pouvant impacter l'ensemble de l'économie française. C'est pourquoi, la Commission ne peut contester que le régime notifié soit dans l'esprit destiné à remédier à une perturbation grave de l'économie française.
2) Conditions de compatibilité au sens de l'article 87(3)(b) du traité CE
(65) L'étude de compatibilité doit se faire au regard de la communication publiée par la Commission quant à l'application des règles en matière d'aides d'État aux mesures prises en rapport avec les institutions financières dans le contexte de la crise financière mondiale (10) ("la Communication" ci-après).
(66) Selon la Communication, afin qu'une mesure soit compatible avec l'article 87(3)(b) du traité CE, elle se doit de remplir de manière cumulative les trois conditions suivantes:
(1) L'aide doit d'abord être correctement ciblée. Les moyens mis en œuvre doivent être en adéquation avec le but poursuivi, c'est-à-dire, dans le cas d'espèce, remédier à une perturbation grave de l'économie d'un Etat membre.
(2) L'aide doit ensuite être nécessaire, c'est-à-dire que son montant doit être limité au minimum nécessaire pour atteindre le but poursuivi et aux moyens les plus appropriés pour remédier à la perturbation de l'économie. Autrement dit, si une autre mesure d'aide d'un moindre montant ou entrainant une distorsion moindre de concurrence (par exemple une garantie temporaire et limitée plutôt qu'une injection de capital) était suffisante pour remédier à la perturbation de l'économie, la mesure ne peut être considérée comme nécessaire.
(3) Enfin, l'aide doit être proportionnée, au sens que la distorsion de concurrence qu'elle engendre ou menace d'engendrer doit être mise en balance avec ses effets positifs. Cette distorsion de concurrence doit donc être limitée au minimum nécessaire pour atteindre l'effet poursuivi.
3) Compatibilité du régime notifié au sens de l'article 87(3)(b) du traité CE Adéquation des moyens de la mesure aux buts poursuivis
(67) La finalité du régime notifié est notamment d'éviter de graves répercussions de la crise financière sur l'économie française. A cette fin, la Commission remarque tout d'abord que les autorités françaises ont décidé de mettre en place un système permettant un accès au refinancement à tout établissement de crédit agréé quelque soit sa taille, son plan d'affaire ou sa zone d'activités. Les règles de distribution transparentes de l'enveloppe budgétaire entre les établissements de crédit éligibles intéressés, ainsi que les règles de gouvernance de la SRAEC garantissent que la mesure s'appliquera de façon non discriminatoire. En outre, la Commission note qu'en contrepartie de l'octroi d'une mesure de refinancement, les autorités françaises ont demandé à tout bénéficiaire de maintenir une croissance en rythme annuel de 3 à 4 % de son encours global de crédits à l'économie française. Les effets de la mesure devraient donc se traduire par une diminution de l'impact de la crise financière de manière homogène dans tous les secteurs de l'économie française. La Commission remarque cependant qu'il n'y a pas de traitement différencié des différents secteurs de l'économie faisant l'objet de cet engagement. En effet, les autorités françaises exigent un engagement concernant l'évolution de l'encours total et non pas à un quelconque indicateur sectoriel.
(68) D'autre part, la Commission remarque que l'accès à ce régime n'est pas ouvert aux établissements de crédit ne satisfaisant pas aux exigences de fonds propres tels que définies par le code monétaire et financier. La Commission remarque aussi que les nombreux niveaux de contrôle intégrés au mécanisme de refinancement minimisent le risque que tout établissement de crédit rencontrant de sérieuses difficultés postérieurement à l'octroi de la mesure ne puisse continuer à bénéficier de ce régime. Ce constat est renforcé par le double engagement donné par les autorités françaises de notifier à la Commission tout bénéficiaire qui, bien que respectant les conditions d'éligibilité, obtiendrait au titre de ce régime un refinancement d'actifs dont la valeur globale excéderait 5% de son bilan ou 500 millions d'euro, ou si suite au défaut d'un bénéficiaire du régime, la garantie de l'Etat en faveur de la SRAEC était appelée directement ou indirectement. Il est certain que de manière exceptionnelle il existe une faculté de déroger aux règles d'attribution établies par les autorités françaises garantissant une allocation transparente de l'enveloppe. En effet, le mécanisme prévoit la possibilité pour chacune des émissions de titres de favoriser un établissement en lui dédiant jusque [une faible proportion]* du montant levé. Une telle clause de flexibilité bien que prima facie contraire au principe de non discrimination de la mesure est cependant encadrée par de nombreux garde-fous. Tout d'abord, la Commission remarque qu'un tel évènement doit être justifié eu égard à l'intérêt général aux conséquences qu'aurait pour un établissement de crédit le non accès aux crédits requis. Ensuite, même si un établissement de crédit bénéficie d'un accès prioritaire au refinancement pour une émission de titres, l'existence des plafonds de 500 millions et de 5% du bilan limite le montant total qui peut lui être attribué. Ces plafonds constituent un garde-fou efficace tant du point de vue de la limitation du pouvoir discrétionnaire des autorités françaises que de la distorsion de la concurrence.
(69) Enfin, tel que confirmé par les autorités françaises, la Commission note que ce mécanisme de refinancement ne peut entraîner de libération de capital. En particulier, les autorités françaises ont justifié que même lors d'acquisition de titres de créance, de part les restrictions de fait imposées sur la manière dont de telles opérations peuvent être acceptées, l'établissement de crédit bénéficiaire ne peut éviter les conséquences d'une dévaluation ultérieure des actifs sous-jacents. Ainsi, la Commission considère que le régime en question est destiné essentiellement à faciliter le refinancement sans modifier, de manière directe, le besoin en fonds propres des bénéficiaires.
(70) Pour toutes ces raisons et en ligne avec les décisions récentes sur des régimes similaires (11), la Commission considère que le régime fait face aux aspects pertinents de la crise financière en cours et qu'il est correctement ciblé pour faciliter le financement de l'économie française et restaurer la confiance. Les moyens mis en œuvre sont en adéquation avec les buts poursuivis.
Nécessité de la mesure
(71) Au paragraphe 4 de la Communication, la Commission a reconnu que " Compte tenu de l'ampleur de la crise, qui menace maintenant également des banques fondamentalement saines, du haut degré d'intégration et d'interdépendance des marchés financiers européens, et des répercussions considérables de la faillite potentielle d'une institution financière présentant une importance systémique, qui aggraverait encore la crise, la Commission reconnaît que les États membres peuvent estimer nécessaire de prendre des mesures appropriées pour préserver la stabilité du système financier. Compte tenu de la nature particulière des problèmes actuels dans le secteur financier, il est possible que ces mesures dépassent le cadre de la stabilisation des différentes institutions financières et comprennent des dispositifs généraux."
(72) D'autre part, la Commission prend note du courrier du Président de la Banque de France du 20 octobre 2008 qui confirme la présence d'un risque systémique en France. La Commission prend également note de la déclaration faite par les pays de la zone euro le 12 octobre 2008 proposant que les Gouvernements fournissent pour une période définie et à des conditions déterminées, directement ou indirectement, leur garantie, une assurance ou tout autre dispositif similaire aux nouvelles émissions des banques, pour des durées allant jusqu'à cinq ans. La même déclaration propose également que les Gouvernements puissent, aux mêmes fins, procéder à l'acquisition directe de ces émissions. En tenant compte des conditions de marché de chacun des pays concernés, cette garantie pourra être ciblée sur certaines catégories d'opérations.
(73) Dans ce contexte, la Commission ne conteste pas le besoin de mettre en place un tel mécanisme de refinancement. L'apport en liquidité qu'apportera ce mécanisme va faciliter l'accès au financement de tous les établissements de crédit, même ceux foncièrement sains. En outre, la Commission partage l'avis selon lequel un tel mécanisme est à même de renforcer la confiance nécessaire au bon fonctionnement du système financier. Cependant, la Commission se doit de vérifier que la mesure n'est pas excessive quant à sa durée et à sa portée.
(74) En ce qui concerne la durée, celle des opérations étant essentiellement inférieure à trois ans et au plus d'une durée de cinq ans, la Commission considère que cette durée est adéquate et nécessaire pour faciliter un retour à la normalité des marchés financiers. La Commission note l'engagement des autorités françaises à limiter les opérations à plus de trois ans à [une faible proportion]* des sommes que pourra lever la SRAEC. Cette durée est supérieure à celle indiquée au point 24 de la Communication, cependant au vu des nombreux garde-fous incitant les bénéficiaires à rechercher des solutions alternatives (voir point 80 ci-dessous), ce dépassement semble tout de même adéquat.
(75) Par ailleurs, l'engagement des autorités françaises que le régime actuel sera en vigueur pour 6 mois reconductible fournit de surcroît un garde-fou de non excès de la fenêtre d'intervention des autorités françaises.
(76) En ce qui concerne la portée de la mesure, la Commission considère favorablement les limitations qu'entrainent les conditions imposées pour bénéficier du mécanisme. Tout d'abord, le fait qu'aucune créance douteuse ou litigieuse ne peut remplir les conditions d'admissibilité en sûreté des éléments d'actifs, et qu'en cas de défaut la SRAEC dispose des la possibilité d'exercer des recours pleins et entiers aucunement limités aux actifs sous-jacents remis en garantie, les établissements de crédit bénéficiaires ne peuvent tirer aucun bénéfice de cette opération de financement en matière d'économie de fonds propres.
(77) Sur la base de ces constats, la Commission considère que ce régime est ciblé afin que l'objectif consistant à remédier à une perturbation grave de l'économie puisse être atteint efficacement.
Proportionnalité de la mesure
(78) Afin d'évaluer la proportionnalité de la mesure, la Commission se doit de vérifier que la distorsion de concurrence qu'entraîne une telle intervention étatique est ramenée au minimum eu égard aux risque de perturbation grave de l'économie.
(79) Tout d'abord, la Commission remarque que le montant de la rémunération à la charge de l'établissement de crédit est basé sur le coût de la ressource supporté par la SRAEC à laquelle s'ajoute le coût de la garantie étatique selon les recommandations de la BCE (12). Le prémium de 50 bps est cependant ramené à 20 bps du fait de la collatéralisation des opérations. Cette réduction semble raisonnable (13). L'effort économique exigé des bénéficiaires semble donc proportionné à l'objectif de la mesure.
(80) De surcroît, plusieurs mécanismes sont des incitants à ce que les banques bénéficiaires recherchent à minimiser le recours à ce dispositif: Premièrement, l'exigence que la garantie soit payée dans sa totalité up-front devrait pousser à ce que les bénéficiaires optent pour la durée la plus courte tout en assurant leurs besoins de liquidité; Deuxièmement le dispositif de collatéralisation représente un coût d'opportunité du fait de la non-disponibilité de ces actifs mais aussi un coût de gestion de part les exigences du système incitant à la recherche de solution alternative.
(81) Enfin, la Commission remarque que les établissements de crédit bénéficiaires seront soumis à un contrôle afin de limiter les actions commerciales déloyales ou agressives. Ces conditions sont favorables à amoindrir l'impact des mesures sur la concurrence.
(82) Finalement, la Commission accueille favorablement l'engagement comportemental que les autorités françaises ont présenté. En cas de dépassement du seuil, les autorités françaises suspendront le fonctionnement de ce régime et notifieront son éventuelle continuation à la Commission. Ceci constitue un garde-fou quant à l'expansion des bénéficiaires. Enfin, l'engagement des autorités françaises à fournir un plan de liquidation ou de restructuration dans l'éventualité où l'Etat français serait amené à apporter des fonds à la SRAEC est conforme aux exigences de la 12e note de pied de page de la Communication.
(83) Pour toutes ces raisons, la Commission estime que la mesure est proportionnée eu égard aux risques graves de perturbation de l'économie.
(84) Enfin, à titre exceptionnel les autorités pourraient octroyer directement une garantie étatique à certains établissements de crédit afin de réaliser une émission de titres tant que la SRAEC n'est pas en mesure de réaliser les opérations sur le marché. Cette intervention se ferait selon les mêmes termes et dans les mêmes conditions que celles de la SRAEC. La Commission considère donc que le raisonnement ci-dessus s'appliquerait mutatis mutandis à cette intervention.
CONCLUSION
La Commission a donc décidé de considérer le régime notifié comme un régime d'aide compatible avec le marché commun au titre de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, sous b, du traité CE.
Dans le cas où cette lettre contiendrait des éléments confidentiels qui ne doivent pas être divulgués à des tiers, vous êtes invités à en informer la Commission, dans un délai de quinze jours ouvrables à compter de la date de réception de la présente. Si la Commission ne reçoit pas une demande motivée à cet effet dans le délai prescrit, elle considérera que vous êtes d'accord avec la communication à des tiers et avec la publication du texte intégral de la lettre, dans la langue faisant foi, sur le site Internet http://ec.europa.eu/community_law/state_aids/index.htm.
Cette demande devra être envoyée par lettre recommandée ou par télécopie à :
Commission européenne Direction générale de Concurrence Greffe des aides d'Etat SPA3 6/5 B-1049 Bruxelles Fax : +32 2 296 12 42
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, à l'assurance de ma haute considération.
Notes :
1 Article 6, II de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.
2 Ces 66 % sont répartis, à parts égales, entre les sept groupes suivants : Groupe Crédit Agricole ; BNP-Paribas ; Société Générale ; Groupe Caisses d'Epargne ; Groupe Banques Populaires ; HSBC ; Groupe Crédit Mutuel. Ces groupes représentent environ 80 % du total des bilans des banques établies en France.
3 Article 6, II de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.
* Information confidentielle.
*"Information confidentielle"
4 Cette garantie financière sera régie par les dispositions des articles L. 431-7-3 et suivants du CMF. Ces dispositions du code monétaire et financier résultent de la transposition en droit français de la directive européenne n° 2002-47 du 6 juin 2002 concernant les contrats de garanties financières (dite " directive collatéral "). Elle a été transposée en France par l'ordonnance 2005-171 du 24 février 2005 simplifiant les procédures de constitution et de réalisation des contrats de garantie financière.
5 Le billet à ordre est un instrument fréquemment utilisé par les établissements de crédit pour leur refinancement hypothécaire. Il bénéficie d'une législation très favorable au souscripteur qui a été développée par le législateur français depuis une vingtaine d'années. Le code monétaire et financier déroge ainsi sur plusieurs points au code civil afin de renforcer les garanties dont bénéficie le souscripteur et lui permettre, le cas échéant, de disposer ou de récupérer la pleine propriété des actifs remis en garantie.
6 Article 6, II A 1° à 6° de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.
7 Arrêté du 20 octobre 2008 relatif aux modalités d'admission en sûreté des éléments d'actif mobilisés par les établissements de crédit.
8 On prendra pour cela comme référence le rendement des emprunts d'Etat de même échéance.
9 Les actionnaires de la SRAEC ont apporté un capital initial de [...]*.
10 Voir C 270/8 du 25.10.2008
11 NN533/08 Support measures for the banking industry in Sweden, NN51/08 Guarantee scheme for banks in Denmark, N507/08 Financial support measures to the Banking Industry in UK, NN48/08 Guarantee scheme for banks in Ireland, N512/08 Rescue package for the financial institutions in Germany, NN60/08 Guarantee scheme for credit institutions in Portugal
12 Recommendations on government guarantees on bank debt, European Central Bank, 20 October 2008
13 NN533/08 - Support measures for the banking industry in Sweden