Cass. com., 10 juillet 2007, n° 06-13.975
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Sud Millésime (Sté)
Défendeur :
Eyguebelle (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Nîmes, 21 avril 2005), que suivant contrat du 8 janvier 1998, la société Sud Millésime est devenue agent commercial de la société Eyguebelle ; que par lettre du 1er septembre 1999, la société Eyguebelle a résilié le contrat en invoquant la faute grave de l'agent ; que la société Sud Millésime l'a assignée en paiement de l'indemnité de cessation de contrat, d'une indemnité contractuelle et de commissions ;
Sur le premier et le second moyens, réunis : - Attendu que la société Sud Millésime reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis des fautes graves au sens des dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce la privant du droit à l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 de ce Code et justifiant sa condamnation à payer la somme de 14 600 euro à titre de dommages-intérêts au profit de la société Eyguebelle, alors, selon le moyen : 1°) que ne peuvent recevoir la qualification de faute grave de l'agent commercial des faits connus et tolérés par le mandant avant la rupture des relations ; qu'en l'espèce, la société Sud Millésime soulignait que la société Eyguebelle savait parfaitement qu'elle détenait d'autres cartes de représentation de produits spiritueux ; qu'à ce titre, elle produisait une lettre de la société Eyguebelle du 18 mai 1999 dont il résultait que celle-ci savait que la société Sud Millésime avait vendu des eaux-de-vie Lemercier en 1998 et qu'elle souhaitait prendre une nouvelle carte de vin espagnol, sans pour autant que la société Eyguebelle qualifie ces faits de fautes graves de son agent ; qu'en se bornant à affirmer qu'il ne résultait d'aucun document que la SA Eyguebelle ait été avisée de ce que la société Sud Millésime distribuait des produits concurrents pour en déduire que celle-ci avait commis une faute grave dans l'exécution de son contrat d'agence commerciale la privant de tout droit à indemnité et justifiant sa condamnation à des dommages-intérêts au profit de la société Eyguebelle, sans viser ni examiner la lettre invoquée par la société Sud Millésime, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'articles 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que ne peuvent recevoir la qualification de faute grave de l'agent commercial des faits connus et tolérés par le mandant avant la rupture des relations ; qu'en l'espèce, il résultait d'une lettre de la société Eyguebelle du 18 mai 1999 que celle-ci ne s'était opposée formellement ni à la représentation de la société Lemercier par la société Sud Millésime, ni au souhait de celle-ci de prendre une nouvelle carte de vin espagnol, ce dont il découlait que la représentation d'autres sociétés ne constituait pas pour la société Eyguebelle une faute grave de la société Sud Millésime ; qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que l'interdiction de vente de tout produit concurrent correspondait à la logique commerciale de la société Eyguebelle pour en déduire que la société Sud Millésime avait commis une faute grave dans l'exécution de son contrat d'agence commerciale la privant de tout droit à indemnité et justifiant sa condamnation à des dommages-intérêts, en vendant des eaux de vie Lemercier, sans rechercher si ces faits avaient été tolérés par la société Eyguebelle avant la rupture des relations commerciales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-13 du Code de commerce ; 3°) que seule la faute grave de l'agent, c'est-à-dire celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d'intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel est privatrice de l'indemnité compensatrice du préjudice subi en cas de cessation du contrat d'agence commerciale ; que, pour affirmer que la société Sud Millésime avait commis une faute grave, la cour d'appel s'est bornée à retenir que l'agent commercial avait négligé de prospecter une partie de la clientèle de la grande distribution ; qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi la société Sud Millésime avait commis une faute portant atteinte à la finalité commune du mandant d'intérêt commun et rendant impossible le maintien du lien contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-13 du Code de commerce ; 4°) que dans sa lettre du 19 mars 1999, la société Sud Millésime se bornait à indiquer à la société Eyguebelle que M X..., chargé de prospecter la grande distribution, avait décidé le jour même de quitter la société Sud Millésime, et proposait à son mandant d'évoquer les mesures à prendre ; qu'en énonçant que dans cette lettre la société Sud Millésime reconnaissait que la clientèle de la grande distribution n'était plus prospectée, pour en déduire qu'elle avait commis une faute grave la privant de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce et justifiant sa condamnation à des dommages-intérêts envers la société Eyguebelle, la cour d'appel a dénaturé, par omission, les termes clairs et précis de cette lettre, violant par là même l'article 1134 du Code civil ; 5°) que dans sa lettre du 28 mai 1999, la société Sud Millésime écrivait à la société Eyguebelle que l'implantation plus lente des produits de la société Eyguebelle dans le réseau des supermarchés ne pouvait lui être imputée tant en raison des particularités de ce segment du marché que des défaillances de la politique commerciale du mandant, qui pratiquait des prix trop élevés et fournissait des moyens insuffisants à son agent à ce titre ; qu'en énonçant que dans cette lettre la société Sud Millésime reconnaissait qu'elle n'était plus en mesure de démarcher de façon sérieuse la clientèle stipulée au contrat litigieux dénaturé par omission les termes clairs et précis de la lettre du 28 mai 1999, pour en déduire qu'elle avait commis une faute grave la privant de l'indemnité prévue par l'article L. 134-12 du Code de commerce et justifiant sa condamnation à des dommages-intérêts envers la société Eyguebelle, la cour d'appel a dénaturé, par omission, les termes clairs et précis de cette lettre, violant par là même l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la société mandante a rapporté la preuve de ce que l'agent n'avait pas exécuté le contrat en bon professionnel puisqu'il avait négligé de prospecter la clientèle, en particulier celle des départements 66, 11 et 06 pour lesquels il avait l'exclusivité, qu'il n'avait plus prospecté celle de la grande distribution, qu'il s'était abstenu de pallier les conséquences de l'indisponibilité de son salarié, et qu'il avait reconnu par lettre du 28 mai 1999 ne pas être en mesure de démarcher de façon sérieuse la clientèle ; qu'il relève encore que cette situation s'explique par le choix de l'agent de privilégier la commercialisation des vins au détriment de celle des spiritueux, ce qui correspond à la politique commerciale de sa maison-mère et mandante depuis une période antérieure à la conclusion du contrat avec la société Eyguebelle ; que par ces seuls motifs, sans dénaturer les lettres de la société Sud Millésime, la cour d'appel a caractérisé la faute grave commise par l'agent commercial ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que la société Sud Millésime reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande indemnitaire fondée sur l'article L. 134-12 du Code de commerce, alors, selon le moyen : 1°) que les parties sont libres de convenir une indemnité forfaitaire de dédommagement de l'agent commercial dès lors qu'elle ne déroge pas, au détriment de l'agent, aux dispositions des articles L. 134-12 et L. 134-13 du Code de commerce ; que la cour d'appel a énoncé que l'article VIII-3 du contrat d'agence commerciale du 8 janvier 1998 stipulait une indemnité complémentaire de cessation de contrat ; qu'en effet, cette clause stipulait au profit de la société Sud Millésime une indemnité forfaitaire dite de cessation de contrat en cas de rupture du fait de la société Eyguebelle, sans qu'il puisse être reproché à l'agent commercial de n'avoir pas respecté les clauses de son contrat ; qu'en affirmant que la clause VIII-3 du contrat d'agence commerciale, qui stipulait une indemnité forfaitaire complémentaire sans qu'il puisse être reproché à l'agent de n'avoir pas respecté les clauses de son contrat, violait les dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce, quand seules les clauses qui dérogent au détriment de l'agent commercial aux dispositions des articles L. 134-112 et L. 134-13 du Code de commerce sont réputées non écrites, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 134-16 du Code de commerce ; 2°) que l'article VIII-3, alinéa 1er et 2, du contrat d'agence commerciale stipulait, au cas de rupture du contrat par la société Eyguebelle et quelle que soit la faute imputable à l'agent commercial, une indemnité forfaitaire dont le montant était déterminé par un avenant n° 2 et dont la mise en œuvre n'était nullement subordonnée à la constatation du préjudice effectivement subi par la société Sud Millésime ; qu'en affirmant néanmoins que l'indemnité contractuelle forfaitaire n'était pas due aux motifs erronés que les frais exposés dans le cadre du contrat d'agent commercial étaient des éléments extérieurs au préjudice subi lors de la cessation du contrat et que la société Sud Millésime ne rapportait pas la preuve de ce que les conditions d'application de l'article VIII-3 du contrat étaient réunies, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 134-12 du Code de commerce ; 3°) que l'article VIII-3, alinéa 1er et 2, du contrat d'agence commerciale stipulait, au cas de rupture du contrat par la société Eyguebelle et quelle que soit la faute imputable à l'agent commercial, une indemnité forfaitaire dont le montant était déterminé par un avenant n° 2 ; que dans ses conclusions récapitulatives du 16 janvier 2004, la société Eyguebelle ne contestait pas le calcul de cette indemnité tel que l'avait fait la société Sud Millésime dans ses propres conclusions ; qu'en énonçant que la société Sud Millésime ne rapportait pas la preuve de ce qu'elle aurait engagé les frais qu'elle prétendait avoir exposés, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé par là même l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le contrat n'était pas clair, la cour d'appel l'a interprété souverainement comme stipulant une indemnité complémentaire de cessation de contrat qui n'est pas due en cas de manquement du mandataire à ses obligations et doit être écartée en raison des fautes graves commises par l'agent commercial ; qu'elle a encore retenu que la preuve des frais engagés n'était pas rapportée ; qu'ainsi, sans méconnaître les termes du litige, elle a exactement appliqué les textes invoqués ; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi.