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Décisions

CA Lyon, 3e ch. civ. A, 5 mars 2009, n° 08-00074

LYON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Salesky Rhône-Alpes (SAS)

Défendeur :

Rezoli (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvet

Conseillers :

M. Santelli, Mme Clozel-Truche

Avoués :

SCP Ligier de Mauroy-Ligier, Me Barriquand

Avocats :

Me Longuet, SCP Bollet, Associés

T. com. Lyon, du 20 déc. 2007

20 décembre 2007

Faits, procédure, prétentions et moyens des parties

La société Rezoli fabrique des pates fraîches destinées à la grande distribution et a confié à compter du 16 mai 2005 à la SAS Salesky Rhône-Alpes (Salesky) le transport routier de ses produits jusqu'aux plates-formes de ses distributeurs.

Des difficultés sont immédiatement survenues entre les parties alors que dès le 2 août 2005 la SA Rezoli a contesté des facturations opérées pour hausse de gasoil.

Par courrier recommandé du 28 juillet 2006 la SA Rezoli, au motif de la persistance de litiges 2005 et 2006, a mis "un terme aux relations des parties jusqu'au règlement des litiges en cours". Le 2 août 2006 la SAS Salesky a contesté les griefs articulés à son encontre et mis en demeure la SA Rezoli de lui payer deux factures des 31 mai et 30 juin 2006 d'un montant total de 46 940,99 euro en l'informant, qu'à défaut de paiement, elle se ferait régler par les destinataires conformément aux dispositions de l'article L. 132-8 du Code de commerce.

Dans un e-mail du 20 septembre 2006 la SAS Salesky a encore indiqué "si nous n'avons pas le règlement global à la fin du mois, je lance la loi Gayssot et la facturation de l'indemnité de rupture sans préavis".

Par exploit du 22 septembre 2006 la SA Rezoli a assigné la SAS Salesky devant le Tribunal de commerce de Lyon pour la voir condamner à lui payer:

- la somme de 44 176,85 euro, ultérieurement réduite à 40 820,70 euro, à titre de dommages et intérêts en raison de litiges sur diverses opérations de transport

- la somme de 27 948,04 euro TTC à titre de remboursement de majorations non contractuelles notamment pour le carburant.

Par conclusions déposées à l'audience du 4 janvier 2007 la SAS Salesky a opposé la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce aux demandes de remboursement formées à son encontre et sollicité reconventionnellement le paiement:

- d'un solde de factures de 46 940,99 euro avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2006

- d'une indemnité de 65 119,05 euro correspondant à trois mois de chiffre d'affaires à titre d'indemnité pour brusque rupture des relations commerciales.

Par jugement en date du 20 décembre 2007 le tribunal a:

- condamné la SAS Salesky à payer à la SAS Rezoli la somme de 40 820,70 euro avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation et une indemnité de procédure de 3 000 euro

- condamné la SA Rezoli à payer à la SAS Salesky la somme de 6 511,90 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale des relations commerciales

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

- condamné la SAS Salesky aux dépens.

Par déclaration remise au greffe le 7 janvier 2008 la SAS Salesky a interjeté appel de ce jugement dans toutes ses dispositions.

Par conclusions signifiées le 8 octobre 2008 la SAS Salesky demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter la SA Rezoli de toutes ses demandes et de condamner la SA Rezoli à lui payer:

- la somme de 39 625,66 euro en règlement de factures impayées, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 2 août 2006

- la somme de 65 119,05 euro à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par la rupture abusive des relations contractuelles

- la somme de 10 000 euro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive

- une indemnité de procédure de 3 000 euro.

D'abord l'appelante reproche aux premiers juges d'avoir écarté la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce pour fraude ou infidélité alors que de tels comportements ne peuvent lui être imputés. Elle en conclut que les demandes de remboursement formées à son encontre doivent être déclarées irrecevables.

Elle ajoute au fond qu'elle avait seulement la charge de l'acheminement des produits Rezoli jusqu'aux plates-formes des centrales et non les transports entre ces centrales et les magasins de détail. Elle souligne qu'elle ne pouvait donc produire que les bons de livraison aux plates-formes. Elle reproche à la SA Rezoli d'avoir attendu l'audience de plaidoiries pour mettre en cause des livraisons aux plates-formes.

Elle souligne:

* l'absence de réclamations au titre de ces livraisons jusqu'à la rupture des relations commerciales par la société Rezoli le 28 juillet 2006

* le paiement des factures afférentes aux livraisons désormais contestées

* le défaut de caractère probant du tableau établi par la société Rezoli concluant à des litiges avec ses propres clients pour la somme de 40 280,70 euro.

Elle indique qu'elle produit en cause d'appel l'intégralité des récépissés émargés listés dans son e-mail du 20 septembre 2006 justifiant de la réalité et de la qualité de ses prestations.

S'agissant de la demande de remboursement de factures elle soutient que le contrat de transport prévoyait la prise en charge par le client des hausses de carburants et souligne qu'en tout état de cause la loi 2006-10 du 5 janvier 2006 prévoit une telle prise en charge.

Elle conteste aussi un quelconque trop-perçu de 2 301,79 euro.

S'agissant de ses demandes reconventionnelles, elle reproche au tribunal d'avoir:

- omis de statuer sur ses factures des 30 juin et 31 juillet 2006 restées impayées

- retenu une perte de marge de 10 % alors qu'il a pourtant à juste titre, en application des dispositions de l'article L. 442-6-I-5 du Code de commerce, estimé que la SA Rezoli avait rompu les relations commerciales établies sans respecter le préavis de 3 mois fixé par le contrat-type. Elle souligne qu'elle ne dédie pas tel ou tel camion à un client mais regroupe les livraisons sur les plates-formes; qu'il lui a fallu plusieurs mois pour retrouver un client récurrent compensant la défection de la société Rezoli.

Enfin l'appelante souligne que la société Rezoli a engagé la procédure en faisant état de demandes fantaisistes pour échapper aux dispositions de l'article L. 132-8 du Code de commerce.

Par conclusion récapitulatives et en réplique signifiées le 10 novembre 2008 la SA Rezoli fait appel incident et demande à la cour:

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS Salesky à lui payer la somme de 40 820,70 euro à titre de dommages et intérêts et une indemnité de procédure de 3 000 euro

- de l'infirmer pour le surplus et de condamner la SAS Salesky à lui rembourser :

* 25 646,26 euro au titre des majorations "gazole" non contractuelles

* 2 301,79 euro au titre des erreurs tarifaires

- de débouter la SAS Salesky de ses demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale de relations commerciales et procédure abusive, et de rejeter comme prescrites ses demandes en paiement de factures de transport

- de condamner la SAS Salesky à lui payer une indemnité de procédure de 5 000 euro.

D'abord, et sur sa demande de dommages et intérêts, la SA Rezoli fait valoir que la SAS Salesky n'a pas satisfait à ses nombreuses demandes de production des récépissés de livraison émargés pour répondre aux réclamations de ses propres clients qui opéraient des débits à son préjudice, en lui faisant croire qu'elle allait les produire, afin de retarder son action pour ensuite lui opposer le jeu de la prescription annale.

Elle soutient donc, qu'en raison de cette infidélité du voiturier, la prescription annale a été à juste titre écartée par les premiers juges alors qu'il ne peut être invoqué non plus l'absence de réserve dans les 3 jours d'une livraison qui n'est pas intervenue. Elle soutient aussi qu'en raison de la conclusion d'un contrat cadre, le délai de prescription n'a pu courir qu'à compter de la fin des relations contractuelles qui est intervenue le 28 juillet 2006.

Elle estime que les paiements qu'elle a effectués ne valent nullement reconnaissance implicite de la bonne exécution des transports. Elle conteste la conformité et le caractère exploitable et applicable aux opérations litigieuses des bons de livraison communiqués en cause d'appel, alors qu'en outre cette production tardive ne permet plus de remettre en cause les débits que les distributeurs lui ont fait supporter et dont elle justifie.

Elle estime donc avoir à juste titre formé au titre des problèmes de livraison une demande de dommages et intérêts à hauteur de 40 820,70 euro et pouvoir opposer une exception d'inexécution à hauteur de 39 625,66 euro.

Elle soutient ensuite que les fautes répétées de la SAS Salesky constituent une cause légitime de non-respect d'un préavis lors de la rupture des relations commerciales, et qu'en toute hypothèse seule la perte de marge est indemnisable.

Elle ajoute que la SAS Salesky a intégré dans ses tarifs en mai 2005 la hausse des tarifs du gazole et qu'elle ne pouvait donc lui appliquer une facturation supplémentaire à ce titre; qu'elle a d'ailleurs immédiatement protesté contre une telle facturation; que la loi du 5 janvier 2006 n'a pas de caractère rétroactif et impose des mentions et ventilations que la SAS Salesky n'a pas appliquées sur ses factures.

Une ordonnance en date du 2 décembre 2008 clôture la procédure.

Sur ce, LA COUR

Attendu tout d'abord sur la demande de dommages et intérêts formée pour un montant de 40 820,70 euro par la SA Rezoli par exploit du 22 septembre 2006 en raison de litiges sur 184 opérations de transport, que l'exploitation des documents versés en pièce 20 par l'intimée permet de constater que la SA Rezoli a immédiatement été informée de litiges par ses clients qui ont sollicité qu'il leur soit concédé des avoirs ; que l'intimée a alors demandé au voiturier Salesky de lui adresser les bons de livraisons émargés; qu'elle justifie de première et deuxième relances vainement effectuées pour obtenir ces documents; qu'ainsi il ne peut être soutenu que la SA Rezoli aurait été dans l'impossibilité d'agir en raison de la fraude ou de l'infidélité du voiturier; qu'il n'existe pas de contrat-cadre entre les parties; qu'il s'ensuit que la prescription annale de l'article L. 133-6 du Code de commerce peut donc être invoquée s'agissant des litiges afférents aux 62 opérations de transport antérieures au 22 septembre 2005;

Qu'en raison des contestations et demandes de justificatifs manifestées et réitérées le paiement des factures de la SAS Salesky n'implique nullement renonciation à invoquer les litiges transport;

Que les documents versés aux débats par la SA Rezoli révèlent aussi que les livraisons litigieuses ont bien été effectuées à des plates-formes de centrales d'achat; qu'en effet figurent notamment:

- sur un document afférent à une livraison du 28 juin 2006 à Atac Valence quartier Beauvert à Monteleger le tampon DL Logistique plate forme Atac Logistique quartier Beauvert à Monteleger

- pour une livraison du 21 juin 2006 un courrier du contrôle des factures logistiques de Mondeville

- pour une livraison du 4 février 2006 un fax émis le 7 mars 2006 par Hyparlo Entrepôt

- pour une livraison du 18 février 2006 à Auchan Libercourt le tampon Reception ACR Logistics Libercourt;

Que la SA Rezoli produit la copie des avoirs consentis à ses clients faute de justifications apportées en temps utile par la société Salesky pour un montant de 40 820,70 euro dont 13 497,42 euro au titre des opérations de transport postérieures au 22 septembre 2005;

Qu'ainsi, infirmant sur le quantum le jugement entrepris, il convient de condamner la SAS Salesky à payer à la SA Rezoli la somme de 27 323,28 euro à titre de dommages et intérêts en raison de litiges sur opérations de transport;

Que conformément à ce qu'ont retenu les premiers juges cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l'assignation;

Attendu que les parties n'ont pas formalisé leur convention dans un contrat écrit; que leurs relations commerciales ont débuté le 16 mai 2005; que si la SAS Salesky justifie avoir adressé le 13 mai 2005 à un collaborateur de la SA Rezoli un email comportant en pièce jointe une fiche technique client, ce document est insuffisant à démontrer que la SA Rezoli a alors aussi été destinataire d'un tarif plate-forme 2005 avec mention d'un pied de facture gasoil selon grille en annexe que l'intimée conteste avoir reçu;

Que la grille tarifaire transmise le 5 juillet 2005 par la SAS Salesky à la SA Rezoli (pièce 2) ne mentionne aucun pied de facture gasoil;

Que dès le 2 août 2005 la SA Rezoli a contesté la facturation opérée au titre d'une hausse de gasoil comme unilatérale et non prévue au tarif de mai 2005;

Que la SAS Salesky n'a pas répondu à ce courrier ainsi qu'au second courrier qui lui a encore été adressé sur la même question le 6 octobre 2005 par l'intimée;

Qu'ainsi les premiers juges ont à tort estimé que la SAS Salesky était fondée à facturer pendant la période du 16 mai au 31 décembre 2005 une majoration d'un montant total de 9 779,52 euro HT soit 11 696,31 euro TTC au titre du gasoil;

Que s'agissant des facturations ultérieures, la SAS Salesky justifie de son nouveau tarif plate- forme applicable à compter du 1er janvier 2006 comportant un pied de facture gasoil, conforme aux dispositions de la loi 2006-10 du 5 janvier 2006;

Qu'ainsi la SAS Salesky a à juste titre facturé une majoration gasoil au titre des opérations de transport de la période du 1er janvier au 28 juillet 2006; qu'au titre de cette période la SA Rezoli ne démontre pas d'autres erreurs de facturation à son préjudice pour un montant de 1 924,57 euro HT;

Qu'ainsi il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SA Rezoli de sa demande de remboursement et de condamner la SAS Salesky à lui payer la somme de 11 696,31 euro avec intérêts légaux à compter de l'assignation;

Attendu ensuite s'agissant des demandes reconventionnelles de la SAS Salesky que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande en paiement de l'appelante au titre des opérations de transport, objet de ses deux dernières factures des 30 juin et 31 juillet 2006, que la SA Rezoli ne discute pas n'avoir pas honorées aux échéances des deux lettres de change qu'elle avait pourtant acceptées;

Qu'ainsi il convient de condamner à ce premier titre la SA Rezoli à payer à la SAS Salesky la somme de 39 625,66 euro avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 2 août 2006;

Attendu qu'aux termes de l'article L. 442-6 5° du Code de commerce tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ne peut, sauf inexécution par l'autre partie de ses obligations ou force majeure, rompre brutalement une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale déterminée conformément aux usages;

Qu'en l'espèce par courrier du 28 juillet 2006 au motif de litiges persistant depuis 2005 la SA Rezoli a mis fin sans préavis aux relations entre les parties ;

Que ni le retard de la SAS Salesky à fournir les bons de livraisons en cas de litiges avec les clients, portant souvent de faibles quantités de marchandises, ni les désaccords de facturation, ne constituent une inexécution par le voiturier de ses obligations autorisant une rupture sans préavis;

Que le contrat-type transport prévoit un préavis de 3 mois au-delà de 12 mois de relations contractuelles;

Que les premiers juges ont à juste titre retenu qu'en cas de rupture des relations il convient de retenir la notion de marge et non celle de chiffre d'affaires; que la SAS Salesky n'a pas versé aux débats de documents financiers justifiant l'allocation d'une indemnité d'un montant supérieur à celui retenu par le Tribunal;

Qu'ainsi le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la SA Rezoli à payer à la SAS Salesky la somme de 6 511,90 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale des relations commerciales;

Attendu que les prétentions de la SA Rezoli ayant été reconnues fondées, la procédure qu'elle a engagée ne peut être considérée comme abusive; qu'il y a donc lieu de débouter la SAS Salesky de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Qu'il résulte toutefois de ce qui précède que la SAS Salesky, qui a dans une large mesure été déboutée de ses demandes par les premiers juges, est pourtant créancière pour un montant supérieur à celui qu'elle a été condamnée à verser à la SA Rezoli;

Qu'ainsi le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a alloué une indemnité de procédure à la SA Rezoli et condamné la SAS Salesky aux dépens;

Qu'il convient de condamner la SA Rezoli aux dépens de première instance et d'appel;

Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 20 décembre 2007 par le Tribunal de commerce de Lyon mais seulement en ce qu'il a condamné la SA Rezoli à payer à la SAS Salesky la somme de 6 511,90 euro à titre de dommages et intérêts en réparation de la rupture brutale des relations commerciales; Infirme le jugement entrepris dans toutes ses autres dispositions et statuant à nouveau; Condamne SAS Salesky à payer à la SA Rezoli : - la somme de 27 323,28 euro à titre de dommages et intérêts en raison de litiges sur opérations de transport, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2006 - la somme de 11 696,31 euro à titre de remboursement de majoration non contractuelles, avec intérêts légaux à compter du 22 septembre 2006; Condamne la SA Rezoli à payer à la SAS Salesky la somme de 39 625,66 euro avec intérêts légaux à compter du 2 août 2006; Vu les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile condamne la SA Rezoli à payer à la SAS Salesky une indemnité de procédure de 3 000 euro; Déboute les parties du surplus de leurs demandes; Condamne la SA Rezoli aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.