Ministre de l’Économie, 24 novembre 2004, n° ECOC0500211Y
MINISTRE DE L’ÉCONOMIE
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DE L'ECONOMIE
Défendeur :
Conseils du Groupe Arc International
MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Maîtres,
Par dépôt d'un dossier déclaré complet le 1er juin 2004, vous avez notifié les acquisitions par le groupe Arc International de la totalité du capital et des droits de vote des sociétés Callens-Lesage, Financière Saint-Laurent, Vachaud Distribution, Francis Piffaut & Fils et de leurs filiales (ci-après " les cibles "). Ces acquisitions ont été formalisées par 4 contrats de cession signés le 29 avril 2004 entre, d'une part, Arc, et d'autre part, chacun des 4 cédants respectifs.
Sur le fondement de l'article L. 430-5, le ministre a saisi pour avis le Conseil de la concurrence (ci-après le " conseil ") le 22 juillet 2004. Le conseil a rendu son avis le 22 octobre 2004.
I Les entreprises concernées et l'opération
A. L'acquéreur
La société Arc International (ci-après " le groupe Arc "), société anonyme au capital de 17 000 000 euro dont le siège social se trouve à Arques en France, est active dans le secteur des produits des arts de la table. Elle est principalement active dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de produits de verrerie de ménage (verres à boire, vaisselle en verre, objets de service de table en verre).
Le groupe Arc exporte environ 83 % de sa production dans 160 pays. Ces exportations sont réparties de la manière suivante : 45 % en Amérique du Nord, 40 % en Europe, et 15 % en Afrique et en Asie. Le groupe dispose de 5 sites de production : en France, en Espagne, en Chine, aux Etats-Unis et aux Emirats Arabes Unis.
Plus largement, le groupe Arc commercialise de la vaisselle, des couverts, des verres, des objets de décoration de table, des ustensiles de cuisine et cuisson, tels que plats, casseroles, cocottes, moules et bocaux. Il intervient à travers les marques Luminarc, Arcoroc, Cristal d'Arques, Studio Nova, Mikasa et Salviati.
Le chiffre d'affaires mondial consolidé du groupe Arc s'est élevé pour le dernier exercice clos en 2002 (1) à 1 336 517 000 euro réparti comme suit par familles de produits des arts de la table :
Verrerie : [...] euro,
Vaisselle : [...] euro,
Couverts : [...] euro,
Sous-total des produits des arts de la table : [...] euro,
Cuisine : [...] euro,
Décoration et divers : [...] euro,
Dont [...] euro à travers la fabrication des produits des arts de la table.
Le chiffre d'affaires hors taxes consolidé du groupe Arc en France s'est élevé pour le dernier exercice clos en 2002 à 166 933 862 euro.
B. Les cibles
Les quatre groupes de sociétés acquis par Arc sont (i) la société Callens-Lesage et ses filiales (ci-après " Callens-Lesage "), (ii) la société Financière Saint-Laurent et ses filiales (ci-après " FSL "), (iii) la société Vachaud Distribution et ses filiales (ci-après " Vachaud "), et (iv) la société Francis Piffaut & Fils et ses filiales (ci-après " Piffaut ").
(i) Callens-Lesage est une société anonyme active dans le secteur de la distribution en gros de produits des arts de la table. Elle dispose d'un entrepôt d'une surface totale de 34 200 m² à Neuville-en-Ferrain (59), utilise une plate-forme de dégroupage en région parisienne (rayon de 60 km autour de Paris) et possède une flotte de 20 camions et de 3 autres véhicules (service approvisionnement et service de l'entrepôt). Callens-Lesage a réalisé, pour l'exercice clos au 31 décembre 2002, un chiffre d'affaires total consolidé de 59 314 826 euro, dont [...] euro en France.
(ii) FSL est actif dans le secteur de la distribution en gros de produits des arts de la table. Il dispose de deux entrepôts d'une surface totale de 34 880 m² à Parthenay (Deux- Sèvres). La filiale Cofistock assure la gestion des flux physiques vers les clients et dispose de 14 camions à cet effet. Le chiffre d'affaires total consolidé du groupe Financière Saint-Laurent s'est élevé, pour l'exercice clos au 31 décembre 2002, à 63 231 660 euro, dont [...] euro en France.
(iii) Vachaud est actif dans le secteur de la distribution en gros des produits des arts de la table. Il dispose d'un entrepôt de 35 517 m² à Nîmes et d'une flotte de 26 véhicules. Son chiffre d'affaires total consolidé, pour l'exercice clos au 31 décembre 2002, s'est élevé à 72 172 910 euro, dont [...] euro en France.
(iv) Piffaut est actif dans le secteur de la distribution en gros de produits des arts de la table. Il dispose d'un entrepôt d'une surface de stockage de 9 500 m² à Champforgeuil près de Chalon-sur-Saône et d'un parc de 9 camions. Son chiffre d'affaires total consolidé s'est élevé, pour l'exercice clos au 31 décembre 2002, à 22 917 000 euro, dont [...] euro en France.
Ces quatre sociétés ont constitué une société anonyme coopérative d'achats en commun, Fliba. A côté de sa mission d'origine de centrale d'achat, Fliba a progressivement joué un rôle de centrale de commercialisation. En support de l'activité précitée, les quatre cibles ont constitué des sociétés communes de moyens pour répondre chacune à une mission spécifique :
SNC Tavolina, société commune en charge des achats et des ventes de produits (notamment sous marque Tavolina) effectués par Fliba,
Société Nationale des Techniques de Commercialisation (Sonatec), en charge pour Fliba des négociations commerciales de ventes. Sonatec est chargée des achats, des ventes et de la facturation des opérations de fidélité auprès du distributeur Système U et traite également de gros volumes livrés directement dans les entrepôts des clients,
Ventes Internationales Tables Accessoires Loisirs (SNC Vital France), en charge de la commercialisation d'articles de vaisselle à jeter et autres gadgets et notamment des marques Cuisimod, Mélodine, Selectable et plus marginalement des marques de distributeurs,
GIE Domatic, propriétaire de toutes les marques exploitées par les cibles et notamment de la marque Ménastyl,
SNC Century Marketing National, en charge de la représentation auprès des centrales d'achats des sociétés Century Marketing régionales, qui proposent des produits de fidélisation aux enseignes de la grande distribution.
Le regroupement d'une partie des activités des cibles au travers de filiales communes repose sur la confiance mutuelle des associés, mais préserve l'indépendance de leurs politiques commerciales.
Enfin, il convient de noter que sont hors du périmètre des acquisitions envisagées par Arc (ci-après les " sociétés non cibles ") la participation de chacune des cibles dans GTM Tableware, ainsi que leur entreprise commune Geneviève Lethu, qui est composée des sociétés suivantes : SA Geneviève Lethu, Geneviève Lethu Italia SRL (filiale de la SA Geneviève Lethu en Italie), Geneviève Lethu Espana SL (filiale de la SA Geneviève Lethu en Espagne), EURL Zerline (filiale de la SA Geneviève Lethu en France) et la SNC Argos.
C. Les opérations envisagées
Les opérations consistent en l'acquisition par Arc de la totalité des titres des quatre cibles, à l'exception des sociétés non cibles, auprès des différents vendeurs concernés. A la suite de ces cessions d'actions, Arc détiendra le contrôle exclusif de chacune des cibles et de leurs sociétés communes. Ces acquisitions constituent des opérations de concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce.
Les opérations ne sont pas de dimension communautaire. Hormis l'acquisition du groupe Piffaut, ces opérations de concentration satisfont aux conditions fixées par l'article L. 430-2 du Code de commerce, modifié par l'ordonnance n° 2004-274 du 25 mars 2004 portant simplification du droit et des formalités pour les entreprises. Les acquisitions des groupes Vachaud, Callens-Lesage et FSL sont donc soumises aux dispositions de l'article L. 430-3 du Code de commerce. Même si l'on est en présence de trois opérations distinctes au titre du contrôle français des concentrations et que la quatrième acquisition n'est pas contrôlable, l'analyse concurrentielle prendra en compte l'ensemble du périmètre acquis par Arc. L'impact des opérations envisagées sur la concurrence ne peut en effet être apprécié que dans son ensemble, en évaluant le poids de la nouvelle entité sur les marchés concernés. Au surplus on peut noter que l'acquisition des quatre cibles a fait l'objet d'une négociation commune, et que la réalisation de ces opérations, y compris l'acquisition de Piffaut, est contractuellement suspendue à l'autorisation par le ministre, au titre du contrôle des concentrations, de l'acquisition par Arc des sociétés communes des quatre cibles.
II Les marchés concernés
Dans le secteur des produits des arts de la table, il existe trois canaux de distribution :
- le canal détail : ce canal est défini par la vente aux GMS (hypermarchés, supermarchés, supérettes), les grands magasins, les grandes surfaces spécialisées (GSS), les magasins spécialisés, les magasins traditionnels et les solderies. Les parties estiment qu'il représente environ 70 % du chiffre d'affaires total du secteur (prix fabricant).
- le canal horéco : ce canal est destiné aux hôtels, restaurants, et à la restauration collective. Les parties estiment qu'il représente environ 15 % du chiffre d'affaires total du secteur (prix fabricant). La jurisprudence tant nationale que communautaire délimite en général un marché spécifique de l'horéco (2).
- le canal B to B : le canal " business to business " concerne le cas où une société s'adresse à une entreprise comme Arc ou à un grossiste pour lui demander des articles à utilisation professionnelle non destinés à la revente (verre emballage [ex. : bougeoir, verre à moutarde], articles promotionnels [verres décorés à la marque des clients] et programmes de fidélisation [ex. : cadeaux pour clients fidèles {supermarchés, station-service}]). Les parties estiment qu'il représente 15 % du chiffre d'affaires total du secteur (prix fabricant).
Ces circuits de distribution peuvent être distingués sur la base des méthodes de vente, du type de clientèle touchée ainsi que des conditions de commercialisation des produits. Selon les parties, les produits fabriqués pour le canal de l'horéco sont généralement plus solides mais moins esthétiques et la gamme est plus limitée pour répondre aux besoins spécifiques de ces clients par rapport au segment du détail. Le troisième circuit (le B to B) présente quant à lui des caractéristiques particulières dans la mesure où il s'agit la plupart du temps de ventes de produits non destinés à la revente.
Les parties considèrent que les opérations de concentration envisagées concernent à titre principal, au regard de l'activité de cibles, le marché de la distribution en gros des produits des arts de la table auprès des détaillants, à l'exclusion donc de la distribution aux deux autres canaux ci-dessus présentés.
En revanche, les parties considèrent qu'il n'existe pas de raison de distinguer des marchés différents au sein de la distribution de gros au secteur du détail. Elles exposent que si " il existe certaines spécificités, principalement pour la grande distribution, qui peuvent justifier une organisation particulière pour la vente des produits, il n'existe cependant aucun obstacle qui justifierait de distinguer les acheteurs si ce n'est le choix des fabricants ou grossistes ainsi que l'historique de leurs relations ". Au surplus, elles ajoutent que " les fabricants utilisent de manière indifférenciée leurs capacités de production pour tous les canaux de distribution, chaque canal étant accessible par chaque fabricant " et que " les produits commercialisés par les cibles le sont indifféremment selon les circuits de distribution du secteur du détail. "
A. En aval, les marchés d'approvisionnement des circuits du détail en produits des arts de la table
Selon les parties, le marché aval pertinent pour l'analyse des effets de l'opération est celui de " la distribution en gros des produits d'arts de la table auprès des opérateurs du détail ". Elles justifient cette définition en indiquant que, d'une part, les offreurs proposent, en grande majorité, l'ensemble des produits " des arts de la table ", que d'autre part, les offreurs qui approvisionnent les magasins de détail sont à la fois des fabricants français et étrangers, des importateurs, des grossistes, des décorateurs et des " markéteurs ".
Le conseil s'intéresse dans son avis à une éventuelle segmentation plus fine, qui concerne le segment de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table. Cette analyse résulte du constat que les cibles réalisent [...] * de leur chiffre d'affaires auprès de la grande distribution (ou encore grandes et moyennes surfaces, ci-après " GMS "). Arc ne réalise aucune vente directe auprès de la GMS en France. Les ventes d'Arc aux cibles génèrent [40-50] % de son chiffre d'affaires sur le canal du détail.
1. Il apparaît utile de s'interroger sur une segmentation possible de l'approvisionnement
en produits des arts de la table par circuits du détail.
Au niveau du détail, il n'existe pas nécessairement de marché unique de la distribution qui engloberait toutes les formes de commerce susceptibles de satisfaire les consommateurs. La définition du marché doit se fonder sur l'analyse des paramètres que les consommateurs prennent consciemment ou inconsciemment en compte pour effectuer leurs achats, comme l'accessibilité du magasin, la substituabilité des produits et le service rendu. Une approche comparable a été retenue par exemple dans la décision du ministre Mr. Bricolage/Tabur du 29 août 2002, dans le secteur de la distribution de matériel de bricolage.
a) Dans le secteur des arts de la table (ci-après " AdT "), les différents circuits du détail répondent à des demandes sensiblement différentes.
Les réponses apportées au test de marché initié par le conseil amènent à s'interroger sur les relations entre positionnement en gamme des produits et canaux de distribution. Notamment, l'enseigne Casino indique que, " pour l'ensemble de ces catégories (verrerie, vaisselle, couverts...), il existe une segmentation à deux étages. Premier étage : segmentation haut de gamme (présent en grand magasin et enseigne spécialisée) vs entrée-milieu de gamme (GMS). Deuxième étage : au sein GMS, haut de gamme (cristal d'Arques), moyenne gamme (Luminarc), entrée de gamme (import) ". Bormioli Rocco, concurrent d'Arc, indique pour sa part qu'il serait pertinent d'opérer une " segmentation par catégorie [...] et par circuit de distribution (détaillants traditionnels, grands magasins, GMS) ". Quant à Villeroy & Boch, il invite à distinguer " marchés haut de gamme voire luxe, distribués auprès des détaillants spécialisés et rayon prestige des grands magasins [vs] marchés bas de gamme (GMS, GSS et rayon quotidien des grands magasins) ".
A des demandes du consommateur final différentes répondraient donc des formats de détail différents. Ainsi, à la demande d'un service de tous les jours répondent principalement les offres des GMS, les GSS Jeune Habitat (Ikéa, But, Habitat, Fly, Pier Import...), et les enseignes de la maison (Casa, Alinéa, Maison du monde). A la demande de services plus occasionnels, ou cadeaux, répondent principalement les offres des grands magasins, des enseignes des arts de la table (dont nombre de boutiques en propre ou franchisées Cristofle, Baccarat, Lalique, Villeroy&Boch, Haviland...), et des détaillants spécialisés en AdT.
Tout en admettant certaines porosités entre ces circuits du détail, l'étude IFLS/SOFRES, présentée par le Conseil dans son avis permet d'étayer l'hypothèse d'une bonne homogénéité des gammes présentées dans chacun de ces circuits. Ainsi, en 2002, les GMS et GSS/équipement de la maison représentent, en volume, [50-60] % de la commercialisation des produits des AdT au détail (respectivement [...] % et [...] %), mais seulement [20- 30] % en valeur ([...] % et [...] %). A l'inverse, les grands magasins et les magasins spécialisés AdT ont une représentativité en volume de [10-20] % au total ([...] et [...] %), mais une représentativité en valeur de [40-50] % ([...] et [...] %).
b) Le test de marché met en exergue que chacun de ces circuits de détail présente un mode d'approvisionnement qui lui est propre, fonction de sa demande en gamme de produits et de ses exigences logistiques.
Le mode d'approvisionnement du secteur est conduit par la logique du stock minimum. Ainsi qu'indiqué par les opérateurs interrogés lors de la première phase de l'instruction, et tel que cela ressort des études communiquées en annexe du rapport du conseil, toutes les filières d'arts de la table sont caractérisées, au niveau des producteurs comme des revendeurs au détail, par une politique de limitation maximale du stockage des produits. Cette tendance est liée à la faible rotation des stocks et surtout aux coûts propres au stockage de ce type d'articles. En effet, ces produits, en particulier la verrerie, sont fragiles, entraînant des coûts de stockage importants (place, conditionnement particulier, assurances...), liés à un taux de casse très élevé. Ainsi, l'étude Xerfi de 2003 constate que " la réduction des stocks se révèle être l'une des principales causes des faillites des détaillants d'arts de la table ". Elle ajoute que les stocks perdent de 10 à 12 % de leur valeur comptable en moyenne par an.
A cette politique d'approvisionnement en flux tendus répondent des circuits de distribution ad hoc, selon le positionnement en gamme du produit.
(i) A la demande d'approvisionnement en produits des arts de la table moyen- haut de gamme et luxe des revendeurs au détail répond l'offre directe des fabricants.
S'agissant des produits moyen-haut de gamme et luxe, les fabricants et/ou leur agent de commercialisation approvisionnent les grands magasins, les enseignes des arts de la table et les détaillants indépendants spécialisés en circuit court. Si les transactions portent le plus souvent sur un volume limité d'unités, les coûts d'approvisionnement demeurent toutefois " amortissables " au regard de la valeur unitaire des articles, et donc de la commande. De plus, au-delà des coûts d'approvisionnements générés par un modèle de circuit court en flux tendus, les fabricants/agents de commercialisation de ces gammes de produits sont confrontés à la nécessité de maîtriser leur politique de marque (distribution sélective) et leurs conditions commerciales.
Il est en outre relevé qu'une partie importante de ces transactions sont en fait des transactions internes, les fabricants de renom disposant de succursales en propre et de corners (concessions) en grands magasins.
(ii) A la demande d'approvisionnement des principales GSS/enseignes de la maison en produits des arts de la table répond essentiellement l'offre des fabricants et/ou de leur commercialisateur.
Il ressort du test de marché et des études annexées au rapport du conseil que ce format de détail s'approvisionne principalement auprès des fabricants et/ou de leur agent de commercialisation. Mais, à la différence du circuit court évoqué précédemment, la prise en charge de la logistique par le fabricant est marginale. Les fabricants livrent essentiellement sur les plates-formes d'éclatement des enseignes, qui approvisionnent ensuite leurs sites.
Ce modèle d'intégration paraît particulièrement adapté à ces enseignes, qui exploitent au niveau national un nombre relativement faible de sites. L'approvisionnement de chacun d'eux n'est donc pas contraint par un fin maillage du territoire. En outre, eu égard aux surfaces de vente dévolues aux arts de la table et aux surfaces de stockage de chacun des sites, sans commune mesure avec celles de la très grande majorité des GMS, les livraisons portent sur des quantités importantes. Dès lors, le coût unitaire d'approvisionnement, bien que rapporté à une faible valeur unitaire, n'est pas dirimant.
(iii) A la demande d'approvisionnement en produits des arts de la table des GMS et à la demande d'approvisionnement en produits des arts de la table entrée-moyen de gamme des revendeurs au détail répond principalement l'offre des grossistes.
S'agissant des produits accès-moyen de gamme, assez largement vendus au consommateur final par les GMS, mais également par des magasins indépendants, on peut constater que leur distribution en circuit court n'est pas le modèle économique retenu par les fabricants. Les contraintes logistiques, liées à un approvisionnement point de vente par point de vente de ces circuits de détail, apparaissent dirimantes pour les fabricants, compte tenu des faibles volumes (flux tendus résultant des contraintes de stockage) et de la valeur unitaire des références. Ainsi les parties admettent-elles dans le dossier de notification (3) " qu'il existe certaines spécificités, principalement pour la grande distribution, qui peuvent justifier une organisation particulière pour la vente des produits ".
Contrairement aux principales GSS/enseignes de la maison, les GMS ne considèrent apparemment pas pertinent d'internaliser la logistique nécessaire à l'approvisionnement en flux tendus des rayons " permanents " arts de la table ; le nombre de leurs points de vente est important (4), et les linéaires dévolus aux arts de la table sont limités.
L'approvisionnement sur plate-forme d'éclatement existe également concernant les GMS. Toutefois, celles-ci soulignent que cette forme d'approvisionnement concerne en réalité les produits " promotionnels ", en accès de gamme, qui ne requièrent aucune gestion de stock. Pour la livraison fréquente de produits entrée-moyen de gamme et le suivi des fonds de rayon, les GMS ont besoin de recourir à une souplesse logistique qui n'est fournie que par des grossistes.
Outre cette souplesse logistique, la demande des GMS, a fortiori des supermarchés indépendants (5), ainsi que celle des détaillants indépendants spécialisés, porte sur une offre globale, couvrant l'ensemble des arts de la table. A cet égard, les retours du test de marché réalisé auprès des GMS montrent que ces dernières considèrent les produits de verrerie et de vaisselle comme deux segments d'un même marché. Si leurs achats portent alternativement sur l'une ou l'autre des catégories de produits, leur demande s'adresse à des opérateurs capables d'une grande souplesse logistique et disposant d'une large gamme de produits.
A cette demande des GMS et des magasins indépendants spécialisés répond l'offre des grossistes. Notamment, il peut être relevé, ainsi que l'indique Pasabahce (6) dans sa réponse au test de marché, que " les grossistes sont incontournables pour les GMS et le détail. S'agissant des GMS, leurs cahiers des charges (précisions de livraison, spécificité d'emballage...) nécessitent un "fusible", le grossiste... ". Aussi, selon l'hypermarché X, " aujourd'hui le grossiste apporte sa force de vente (passage du représentant), du service, la possibilité de livraison en petite quantité et une livraison directe magasin. Il est incontournable au niveau de la verrerie. ". Le conseil constate d'ailleurs que l'approvisionnement des GMS en produits de verrerie et de vaisselle provient quasi exclusivement des grossistes (7).
Au surplus, les réponses des fabricants de verre à boire entrée-moyen de gamme au test de marché initié par le conseil confirment que ces derniers ne contractent directement avec les GMS qu'à la marge. Ainsi, Royal Leerdam (Libbey) indique-t-il que la totalité de ses produits présents sur les linéaires des GMS transitent par les grossistes. Durobor précise ne réaliser que [0-10] % de son chiffre d'affaires en direct avec les GMS, le reste (hors B to B) étant réalisé auprès des grossistes, qui approvisionnent ensuite les GMS. De même, Bormioli Rocco indique que [...] (8) de son chiffre d'affaires est généré par ses ventes aux grossistes, qui resservent ensuite les GMS et le détail, sans préciser auprès de quels opérateurs (horéco, B to B, GSS, GMS) il réalise les [...] % restants.
2. Au cas d'espèce, il convient de distinguer un marché de l'approvisionnement des GMS en produits des Arts de la Table.
Concernant l'approvisionnement au détail de produits entrée-moyen de gamme, une distinction peut être fait entre les GMS et les magasins spécialisés. En effet, si la demande des magasins spécialisés indépendants peut être couverte par un opérateur de dimension locale, le référencement des grossistes par les GMS est conditionné par leur capacité à rayonner au niveau national. Les parties indiquent dans leur dossier de notification (9) : " Fliba, créée initialement en tant que centrale d'achat et dont les conditions de marché et notamment les demandes des entreprises de la grande distribution l'ont conduite à devenir également une centrale de commercialisation. En effet, les entreprises de la grande distribution procèdent à un référencement national dans le secteur des arts de la table qui est caractérisé par une demande requérant une gamme très large de produits d'une durée de vie relativement longue alors même que les rotations de stocks sont assez faibles, ce qui rend le coût de stockage important. Dans ces conditions, les entreprises de la grande distribution attendent de leur grossiste, dans le secteur des arts de la table, une présence nationale pour pouvoir (i) livrer chacun de leur magasin (ii) dans des délais très courts et (iii) tout en disposant dans leurs entrepôts de gammes de produits très larges. Ainsi, la seule manière pour les cibles, chacune de dimension essentiellement régionale, de répondre efficacement à de telles exigences de la grande distribution a été de se regrouper au sein de Fliba pour le référencement de leur produits. ".
Au delà de ce rayonnement national du grossiste, le service requis par les GMS est différent de celui demandé par les autres canaux du détail. Il ressort en effet du test de marché que les GMS attendent, dans leur relation commerciale avec le grossiste, que ce dernier assure un suivi du rayon (assortiment, mise en place, mise en valeur). Il convient en outre de souligner qu'il s'agit là d'une valeur ajoutée importante propre aux grossistes, qui distingue clairement ce mode d'approvisionnement d'une simple livraison sur plate-forme d'éclatement.
Quant à l'offre en produits des arts de la table des grossistes actifs à la fois à l'endroit des GMS et d'autres canaux du détail (principalement des magasins spécialisés indépendants), elle varie en fonction des clients. Notamment, Casino indique ne pas acheter " toute la gamme de produits d'un fournisseur puisque ces derniers segmentent leur gamme par circuit de distribution souhaité. Nous n'avons pas accès à toute l'offre du fournisseur. ". Findis, holding constituée d'un grossiste actif à l'endroit des GMS (Cassin) et de trois grossistes pour détaillants indépendants, explique que " les paramètres de concurrence sont différents selon les types de marché : GMS (prix, promotion, marque si discountée), détaillants spécialisés (qualité, marque, innovation, technologie, prix et promotion) ".
Au vu des ces éléments, il semble nécessaire, ainsi que le conseil le souligne dans son avis (10), d'apprécier le pouvoir de marché de la nouvelle entité sur le segment de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table. Ce segment, de dimension nationale, regrouperait l'offre des grossistes, sans qu'il doit nécessaire de distinguer plus avant entre l'approvisionnement des rayons dits " permanents " et un approvisionnement incluant les produits en offre promotionnelle (approvisionnement en grande quantité d'une seule référence, sans gestion des stocks). En incluant les produits faisant l'objet d'une offre promotionnelle, le marché comprend les importateurs qui livrent directement les GMS et les grossistes en tant qu'importateurs.
B. En amont, les marchés de l'approvisionnement des différentes familles de produits des arts de la table
Selon la partie notifiante, le marché pertinent pour l'analyse des effets de l'opération en amont est le marché " des arts de la table ", circonscrit aux quatre familles de produits fabriqués ou commercialisés par elle-même ou par les grossistes objet de l'acquisition : la verrerie, la vaisselle, les couverts, les objets de cuisine/cuisson, qui doivent être analysés dans leur globalité. Les " arts de la table " comprennent également d'autres familles de produits qui ne sont cependant ni fabriqués ni commercialisés par les parties à l'opération (orfèvrerie, linge de table).
Toutefois, le Conseil de la concurrence constate " qu'il existe des offreurs spécialisés pour chaque famille de produits. La majorité des opérateurs interrogés font d'ailleurs état de cette distinction. " Le conseil indique alors que " l'examen des effets de l'opération portera donc sur chacune des familles de produits concernés, et non pas sur l'ensemble du marché des "arts de la table" ".
S'agissant de la dimension géographique des marchés de produit, le conseil observe que " le test de marché confirme l'analyse des parties selon laquelle le marché de l'approvisionnement en produits d'art de la table est de dimension nationale. Les fabricants sont présents sur l'ensemble du marché national et les négociations entre fabricants et circuits de distribution s'opèrent le plus souvent au niveau national. "
Selon le conseil, seraient concernés par l'opération :
Le marché amont de l'approvisionnement de verre à boire pour les circuits du détail, de dimension nationale, dit " marché français du verre à boire destiné au détail " ;
Le marché amont de l'approvisionnement de vaisselle pour les circuits du détail, de dimension nationale, dit " marché français de la vaisselle destinée au détail " ;
Le marché amont de l'approvisionnement de produits de cuisine/cuisson pour les circuits du détail, de dimension nationale, dit " marché français des ustensiles de cuisine/cuisson destinés au détail ".
Sur chacun de ces marchés, le Conseil relève que " l'offre [...] provient des fabricants français et étrangers ainsi que des décorateurs ou marketeurs, qui apposent leurs propres marques sur les produits importés ou dont la fabrication est sous traitée. ". Quant à la demande, elle " émane des grossistes spécialistes en arts de la table ainsi que des détaillants s'approvisionnant directement auprès des fabricants qu'il s'agisse des GMS (grandes et moyennes surface), des GSS (grandes surfaces spécialisées), des grands magasins, ou des magasins spécialisés en art de la maison. ".
1. Le marché français du verre à boire destiné au détail
Les parties considèrent que la progressivité des prix des différents verres est telle qu'il ne peut être établi qu'il existe des marchés nettement séparés en fonction de la qualité des produits et fait valoir que, en tout état de cause, la plupart des fabricants proposent des gammes de produits très diversifiées.
Si les parties indiquent que la plupart des fabricants proposent des gammes de produits très diversifiées (substituabilité du point de vue de l'offre), aucun d'entre eux n'est cité. A notre connaissance, seul Arc, au travers de ses différentes marques, et notamment par l'acquisition en 1999 de l'opérateur italien Salviati, est actif sur l'ensemble des gammes.
Le conseil ne suit pas les parties sur ce point et convient de la légitimité d'une segmentation du marché de produits entre verre à boire " usuel " et verre à boire de " luxe ", en s'appuyant sur la différence constituée par le verre en cristal fait à la main.
Cette position est conforme à la pratique décisionnelle habituelle des autorités de concurrence. D'une façon générale, des produits sont en effet considérés comme substituables dès lors que les demandeurs ou consommateurs les considèrent comme des moyens entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande. En principe, lorsque les produits présentent des différences de qualité et de prix importantes, ils ne sont pas inclus dans un même marché. Ce n'est qu'exceptionnellement que la pratique décisionnelle admet que des produits présentant des prix sensiblement différents peuvent faire partie d'un même marché du fait de l'existence d'une " chaîne de substituabilité ".
En l'espèce, il peut donc être distingué, d'une part, la demande d'équipement et de réassort de verre à boire " de tous les jours ", et, d'autre part, la demande de service de verres à boire occasionnel, d'un usage convivial, et qui peut en outre répondre à la demande d'achat " cadeau " (liste de mariage). Ces deux types de produits ont des prix fortement différenciés et ne paraissent pas pouvoir être rangés dans une chaîne de substituabilité, dans la mesure où les offreurs (Baccarat vs Pasabahce) et les demandeurs (grands magasins ou circuits spécialisés vs GMS) de ces produits sont distincts. Il convient en outre de rappeler que les cibles de l'opération sont bien des grossistes, revendeurs aux circuits du détail, et que ces derniers ne sont ni demandeurs, ni offreurs, sur les marchés amont et aval des verres à boire " haut de gamme-luxe ".
Enfin, il est relevé que le conseil, en analysant la part de marché d'Arc dans l'approvisionnement en verre à boire des grossistes (11), indique que le pouvoir de marché de la nouvelle entité doit être appréhendé sur des segments amont plus étroits, sans pour autant délimiter les contours de ces segments.
2. Le marché français de la vaisselle destinée au détail
Le conseil considère qu'il n'y a pas lieu de distinguer les produits selon leur matériau de fabrication, les produits étant considérés comme substituables au regard de l'usage qui en est fait par le consommateur. Dès lors, le marché français de la vaisselle destinée au détail embrasse les articles en céramique (c'est-à-dire en porcelaine, faïence, grès ou terre cuite) et la vaisselle fabriquée dans d'autres matériaux (verre, plastique [hors jetable], fer blanc, bois, etc...).
3. Le marché français des ustensiles de cuisine/cuisson destiné au détail
S'agissant du marché français des ustensiles de cuisine/cuisson destinés au détail, le conseil entend y regrouper l'ensemble des produits " dont la fonction est de permettre au consommateur de présenter et/ou de préparer ses repas ". Ce marché engloberait notamment, d'une part, les ustensiles de cuisson en fonte, cuivre, aluminium, acier inoxydable ou revêtus que sont les casseroles, poêles à frire, cocottes, marmites..., et, d'autre part, les plats en verre, vitrocérame et céramique dits produits " four ".
III L'analyse concurrentielle
A. Le marché de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table
Les cibles réalisent [...] (12) de leur chiffre d'affaires auprès de la grande distribution. Comme Arc ne réalise aucune vente directe auprès de la GMS en France, l'opération n'entraîne aucune addition de parts de marché sur un marché de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table.
Par ailleurs, l'opération a pour effet de réunir, au sein d'une même entité économique, les quatre grossistes qui n'étaient auparavant liés que par la centrale d'achat, Fliba, qu'ils avaient créée en commun. L'addition " structurelle " des parts de marché qui en résulte est donc bien à imputer à l'opération. Toutefois, les effets de cette concentration horizontale sur le pouvoir de marché de Fliba vis-à-vis de ses fournisseurs, de ses clients et de ses concurrents ne se distinguent pas de ceux qu'avait déjà produit la création de la centrale d'achat commune.
Le conseil constate (13) " qu'aucune source statistique ne permet de quantifier l'offre des grossistes aux GMS, que ce soit totale ou par produit, et donc de calculer la part de Fliba dans cette offre. ".
Aussi, le conseil estimant que " le pouvoir de marché que détiendra la nouvelle entité sur l'offre des grossistes aux GMS est peu différent de celui qu'elle détiendra sur l'offre globale des grossistes " (14), il propose une évaluation de la " part de marché de Fliba sur les marchés approvisionnés par les grossistes " (15). Sur ces marchés, l'offre constituée par les cibles représente [40-50] % de l'offre des grossistes. Il convient de souligner que les chiffres d'affaires imputés aux grossistes concurrents d'Arc incluent leur activité, non seulement sur l'ensemble des canaux du détail, mais également sur le canal de l'horéco.
En s'appuyant sur les différentes informations recueillies dans le cadre du test de marché, il paraît cependant possible de parvenir à une évaluation de la part de marché de Fliba sur le marché de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table.
Cette estimation peut se construire à partir des éléments suivants. En prix consommateurs, les parties proposent une évaluation du secteur des arts de la table (16), entendu comme comprenant verrerie, vaisselle, couverts et articles de cuisine/cuisson, à [...] millions d'euros. En outre, les parties estiment, sur la base de différentes études, que les ventes de ces mêmes produits par le canal des GMS représentent, en 2002, [20-30] % des ventes du secteur en valeur tous canaux de détail confondus, soit [...] millions d'euros. Enfin, les parties et le conseil indiquent qu'afin de rapporter un chiffre d'affaires " grossistes " à un marché estimé en valeur au niveau du consommateur il convient d'affecter à ce chiffre d'affaires un coefficient de 1,6.
Sur cette base, il peut être établi que les grossistes représentent [60-70] % de l'approvisionnement des GMS en verrerie, vaisselle, couverts et ustensiles de cuisine/cuisson. La part des cibles sur un marché de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table est estimée, sur cette même base, à [40-50] %, soit [...] du poids des grossistes sur ce marché.
Il convient de souligner que ces estimations sont portées sur un approvisionnement entendu de façon large, puisque incluant notamment l'approvisionnement des GMS en articles de cuisine/cuisson, qui serait, selon les réponses au test de marché, à considérer distinctement. Or, s'agissant de l'approvisionnement des GMS en ces articles, il est constaté que leur plus grande part ne transite pas par les grossistes, faisant l'objet d'une relation directe entre le fabricant et les GMS. A contrario, les retours de test permettent d'établir que la très grande partie de l'approvisionnement des GMS en verres à boire est assurée par les grossistes. Ces grossistes sont du reste qualifiés par le secteur de " grossistes verriers ".
Pour ce qui concerne plus particulièrement la verrerie, le test de marché réalisé par le conseil indique que trois hypermarchés estiment la part représentée par Fliba dans leurs achats de verre, à [50-60] %, [50-60] % et [60-70] %. Le conseil ajoute que (17), " parmi les grands groupes de distribution en GMS, deux déclarent passer par des grossistes pour plus de 90 % de leurs références en verrerie. Cette proportion reste de plus de [...] % pour deux autres d'entre eux et ne tombe à [60-70] % que pour l'enseigne Leclerc, qui a créé une centrale d'achat commune pour les produits de verrerie, Veralec, qui assure l'approvisionnement des magasins Leclerc pour les [30- 40] % restants. "
B. Les marchés amont
Sur un marché français du verre à boire " hors luxe " destiné au détail, le conseil estime la part de marché de la nouvelle entité entre [10- 20] % et [10-20] %.
Sur un marché français de la vaisselle destinée au détail, le conseil estime la part de marché de la nouvelle entité à [10-20] %.
Sur un marché français des ustensiles de cuisine/cuisson destinés au détail, le conseil estime la part de marché de la nouvelle entité à [0-10] %.
C. L'analyse des effets verticaux de l'opération
Dans son avis, le conseil s'interroge sur l'effet de l'intégration verticale par le premier opérateur sur le marché amont du verre à boire du premier opérateur sur le marché aval. Il rappelle que, d'une façon générale, une intégration verticale est porteuse de gains d'efficacité dès lors qu'elle favorise une prise de décision commune entre l'amont et l'aval et qu'elle permet de réduire l'ampleur de la double marginalisation. Il indique toutefois que la transmission de gains d'efficacité aux consommateurs est conditionnée par l'absence de pratiques de forclusion qui seraient rendues possible par l'intégration. Aux fins d'analyser les risques de forclusion, le conseil propose une analogie avec le raisonnement applicable aux clauses restrictives de concurrence passées entre un fournisseur et ses distributeurs. Il énonce donc qu'en matière de restrictions verticales la Commission européenne ne retient pas qu'il y ait de risque concurrentiel si la part de marché du fournisseur n'excède pas 30 %.
Dans l'analyse des risques d'éviction des grossistes des marchés aval de la distribution, le conseil constate que la part de marché amont d'Arc est en deçà du seuil de 30 % en dessous duquel l'entreprise intégrée, au sens des lignes directrices de la Commission sur l'application du règlement sur les restrictions verticales, ne peut bénéficier d'un effet de levier sur les marchés aval, c'est-à-dire, ainsi que le conseil le souligne, " se servir de son pouvoir de marché en amont pour favoriser sa filiale et évincer les autres grossistes des marchés aval " (18).
Pour autant, afin de lever tout risque d'éviction qui résulterait de l'opération, le conseil s'intéresse à un segment amont plus étroit (19), en s'appuyant sur la part de marché d'Arc dans l'approvisionnement des grossistes, telle qu'elle résulte des retours de test de marché.
Le conseil estime la part de marché d'Arc dans l'approvisionnement des grossistes en verre à boire à [30-40] %. Certains grossistes, et notamment les plus importants d'entre eux (le groupe Findis, Barbier, et Lebrun) déclarent pour leur part s'approvisionner auprès d'Arc à hauteur de 35 à 50% de leur approvisionnement total en arts de la table, ce qui laisse entendre une part d'Arc dans leur approvisionnement de verres à boire largement supérieure à ce chiffre.
Selon le retour du test de marché initié par le conseil, on peut préciser que les produits de verres à boire d'Arc représentent plus de la moitié du linéaire des GMS et n'ont jamais fait l'objet de déréférencement. De fait, le conseil constate que " les marques de la société Arc représentent une part importante des références permanentes des GMS en produits de verrerie ([> 50] % pour Cora, [> 50] % pour Carrefour, [> 50] % pour Auchan) " (20). La réponse de l'enseigne E. Leclerc fait état d'une part d'Arc dans son chiffre d'affaires en verrerie de [> 50] %, celle de l'hypermarché X de [> 50] %. Sur un plan plus qualitatif, l'enseigne E. Leclerc a indiqué dans sa réponse au test de marché qu'en dépit des échanges intervenus entre lui et Arc depuis 1996 l'enseigne E. Leclerc souhaitant que Arc approvisionne directement sa structure Veralec (21), les produits d'Arc continuent à lui être vendus par l'intermédiaire de grossistes et à représenter près des deux tiers de l'approvisionnement en verre à boire des centres E. Leclerc.
Aussi, par les volumes de vente qu'ils génèrent, les produits de verrerie d'Arc apparaissent comme une clé d'entrée importante des grossistes sur le marché de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table. Sans accès aux produits de verrerie d'Arc, et sans disposer d'une offre alternative immédiatement disponible et référencée par les GMS, les grossistes concurrents ne pourraient amortir les coûts liés à la logistique pour compte des GMS sur les autres produits des arts de la table (vaissellerie, couverts et articles de cuisine essentiellement).
Les parties font valoir que le risque d'éviction des grossistes concurrents des cibles n'est pas avéré, ceux-ci pouvant distribuer les produits des fabricants concurrents d'Arc. Aux fins de démonstration, elles présentent l'évolution en valeur de l'approvisionnement des grossistes en produits de verrerie d'Arc destinés au détail, mettant en exergue la baisse des ventes d'Arc auprès des grossistes concurrents. Toutefois, on note que ce désengagement n'est pas de la seule volonté des grossistes, Arc ayant fait le choix, antérieurement à l'opération, de privilégier sa relation commerciale avec les cibles. En outre, des grossistes indiquent que l'avènement de relations privilégiées entre Arc et Fliba, puis l'annonce de l'opération, ont eu pour effet d'inciter certains d'entre eux à se réorienter sur d'autres activités que l'approvisionnement des GMS en produits arts de la table. D'autres, ainsi que le mentionnent les parties, diversifient leur approvisionnement en verres à boire, notamment auprès de Bormiolli Rocco, Royal Leerdam, Pasabahce et Durobor. Force est de constater que, si cette volonté de désengagement se traduit effectivement par une baisse régulière de l'approvisionnement des grossistes concurrents des cibles en produits de verrerie d'Arc, ce dernier demeure leur premier fournisseur (22), tant en verrerie que tous produits confondus, ainsi que déjà présenté.
Ce risque est d'autant plus présent que, selon les réponses au test de marché, les GMS ont besoin des services assurés par les grossistes pour leur approvisionnement. En effet, si les GMS s'approvisionnent aussi " en direct " (23), elles ne le font très généralement que dans le cadre d'opérations promotionnelles. De plus, ces approvisionnements directs s'inscrivent en fait le plus souvent dans une relation tripartite entre le producteur, les GMS, et un grossiste, auquel les GMS confient la logistique (24). En outre, il est relevé que la plus grande partie de ces approvisionnements directs concerne les produits de cuisine/cuisson et les couverts.
Dès lors, si Arc décidait immédiatement de ne plus distribuer ses produits de verres à boire qu'au travers de son grossiste Fliba, il faut s'interroger sur un risque d'éviction par la nouvelle entité des grossistes concurrents sur le marché de l'approvisionnent des GMS en produits des arts de la table.
Le conseil relève (25) cependant que les GMS peuvent être " tentées d'internaliser les services rendus par les grossistes et de supprimer ainsi la marge du grossiste, à l'exemple de l'enseigne Leclerc, qui a créé une centrale d'achat, Veralec, qui a pour vocation de négocier avec les fournisseurs, de centraliser les achats des produits arts de la table, de les stocker pour le compte des centres Leclerc et de les distribuer dans les magasins ". Il ajoute que (26) " l'absence d'attachement des consommateurs finaux aux marques commercialisées par Arc et l'existence de sources alternatives d'approvisionnement rendent peu probable que les GMS acceptent de ne plus recourir qu'à Fliba pour l'ensemble de leur approvisionnement en verre au motif qu'il est le seul à livrer les produits Arc ".
Quant à une possible internalisation de la distribution aux GMS par les fabricants, il ressort du test de marché qu'elle ne peut être économiquement viable sur les produits de verrerie et de vaisselle, compte tenu des coûts logistiques. Pourtant, si les grossistes indépendants ne pouvaient, privés des ventes d'Arc, se maintenir sur le marché de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table, ou sans disposer d'une offre alternative immédiatement substituable du point de vue des GMS, alors les fabricants concurrents d'Arc ne disposeraient plus d'alternative à l'entreprise intégrée pour la distribution de leurs produits aux GMS.
Le conseil démontre enfin que le pouvoir de marché de Fliba à l'encontre des GMS est limité par la puissance d'achat de la grande distribution (27). Dès lors, le conseil écarte le risque d'éviction des grossistes et fabricants par la nouvelle entité.
Pour autant, le conseil considère que ce risque reste réel si, à court terme, la nouvelle entité modifiait sensiblement sa politique de commercialisation. En effet, il souligne (28) que, " si les grossistes pourraient recourir [...] à une offre alternative [...] cette réorientation de leurs achats ne peut cependant être instantanée et nécessiterait une période de transition ". En d'autres termes, si, structurellement, le conseil considère que la vente de produits d'Arc n'est pas nécessaire à la survie des relations commerciales entre les grossistes et les GMS, la disparition brutale de ces ventes à la suite à l'opération pourrait mettre en difficulté ces mêmes grossistes concurrents de Fliba. Il s'ensuivrait pour les fabricants concurrents d'Arc une difficulté sérieuse d'accès au linéaire des GMS.
Les parties font valoir que ce point pourrait être traité dans le cadre des dispositions prévenant la rupture abusive des relations commerciales.
En l'espèce, si le risque d'éviction identifié par le conseil apparaît limité dans le temps, la réglementation relative à la mise en œuvre de la responsabilité civile lors de rupture brutale des relations commerciales (art. L. 442-6, 5°, du Code de commerce) apparaît inadaptée pour lever cette interrogation sur les risques de l'opération pour la concurrence.
Aussi Arc s'est-il engagé à maintenir les relations commerciales existantes avec les grossistes concurrents des cibles sur le marché de l'approvisionnement des GMS en produits des arts de la table pendant une durée de 24 mois. Ces relations seront maintenues de manière non discriminatoire, c'est- à-dire sur la base des conditions générales de ventes d'Arc applicables à ces grossistes à la date de la notification de la présente opération. En cas d'évolution des conditions générales de vente d'Arc, les conditions demeureront en tout état de cause équitables et non discriminatoires par rapport aux conditions consenties par Arc aux cibles.
Dans la mesure où le risque d'éviction n'est susceptible de se matérialiser que pendant une période de transition nécessaire à une éventuelle réorientation des grossistes autres que les cibles vers des concurrents de Arc sur les marchés amont, et compte tenu du fait que ces derniers ont intérêt à réorienter la distribution de leurs produits, il peut être considéré que les engagements déposés par Arc sont de nature à lever les risques d'atteinte à la concurrence identifiés.
A la lumière de l'avis du conseil, sur la base des considérations qui précèdent, et au regard des engagements pris par Arc, il est conclu que les opérations en cause ne sont pas de nature à porter atteinte à la concurrence. Je vous informe donc que je les autorise.
Je vous prie d'agréer, Maîtres, l'expression de ma considération distinguée.
Nota. A la demande des parties notifiantes, des informations relatives au secret des affaires ont été occultées et la part de marché exacte remplacée par une fourchette plus générale. Ces informations relèvent du " secret des affaires ", en application de l'article 8 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
Engagement de la société Arc International à la suite de l'opération de concentration avec les sociétés Vachaud Distribution, Callens Lesage, Financière Saint- Laurent et Piffaut & Fils
1) La société ARC International s'engage, à compter de la réception de la lettre du ministre chargé de l'économie autorisant l'opération d'acquisition des sociétés Groupe Vachaud Distribution, Callens Lesage, Financière Saint-Laurent et Piffaut & Fils, à maintenir pendant une durée de vingt-quatre mois les relations commerciales existantes pour les produits destinés au détail de marques Luminarc et Cristal d'Arques (ci-après les " produits ") avec les clients grossistes qui livrent les opérateurs présents sur le marché du détail (grandes et moyennes surfaces, grands magasins, grandes surfaces spécialisées, magasins spécialisés, etc.) (ci-après les " grossistes "). Ces relations seront maintenues de manière non discriminatoire c'est-à-dire sur la base des conditions générales de ventes d'ARC International applicable à ces grossistes à la date de la notification de la présente opération.
2) En cas d'évolution des conditions générales de vente d'ARC International, les conditions demeureront en tout état de cause équitables et non discriminatoires par rapport aux conditions consenties par la société ARC International à Fliba.
3) La société ARC International fournira les quantités commandées de produits dans la mesure de ses capacités de production sous la réserve d'une commercialisation loyale de ses produits par les grossistes.
4) A la cessation des relations commerciales, la société ARC international s'engage à reprendre le stock de produits se trouvant chez les grossistes à condition que :
(i) ce stock de produits ait été acquis par les grossistes dans les six derniers mois précédant la date de cessation effective des relations, et ;
(ii) cette reprise ne puisse excéder la quantité de produits commandés par les grossistes pendant les douze derniers mois précédant le 31 octobre 2004, et ;
(iii) pour autant que ce stock de produits soit loyal et marchand.
5) La société ARC International remettra à la DGCCRF, tous les six mois et pendant une période de vingt-quatre mois à compter de la réception de la lettre du ministre chargé de l'économie autorisant la présente opération, un rapport indiquant les commandes de produits passées par les grossistes.
Notes :
1 Dernier exercice disponible à la date de dépôt du dossier de notification des opérations.
2 Arrêté du 20 août 1996 du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation et du ministre délégué aux finances et au commerce extérieur relatif à une concentration dans le secteur de la bière, BOCCRF n° 6 du 25 mars 1997; décision de la Commission du 20 septembre 1995, 96-204-CE, n° IV/M. 582 - Orkla/Volvo, JO du 16 mars 1996 L 066, page 17 ; arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 28 février 1991, affaire C-234-89, Stergios Delimitis et Henninger Braü AG, R-I, page 977.
3 Page 16, paragraphe 56.
4 Une dizaine d'enseignes de GMS se répartissent les 7 004 hypermarchés et supermarchés recensés en 2003.
5 Enseignes E.Leclerc, Intermarché, System U...
6 Fabricant turc de verres à boire.
7 Avis du conseil, paragraphe 49.
8 La plus grande partie.
9 Notification, p. 5, paragraphe 26.
10 Avis du Conseil, paragraphe 56.
11 Avis du conseil, paragraphe 84.
12 La plus grande partie.
13 Avis du conseil, paragraphe 66.
14 Avis du conseil, paragraphe 56.
15 Avis du conseil, tableau n° 10.
16 Notification, paragraphe 71.
17 Avis du conseil, paragraphe 49.
18 Paragraphe 80.
19 Paragraphe 84.
20 Avis du conseil, paragraphe 89.
21 Structure d'approvisionnement en produits des arts de la table à l'usage des enseignes E. Leclerc, constituée en 1996 pour, selon la réponse de l'enseigne, " contrebalancer le poids des grossistes ". Il convient de souligner qu'à ce jour seul Leclerc s'est engagé sur cette voie.
22 Exception faite de Verceral, qui, outre une diversification vers les autres canaux de détail, est partie d'une relation privilégiée avec Bormiolli Rocco.
23 La part des grossistes dans l'approvisionnement des GMS est évaluée à [60-70] %, le restant, soit [30-40] %, correspond donc à l'approvisionnement des GMS auprès des fabricants.
24 Outre l'approvisionnement des points de vente, le stockage est ici prépondérant compte tenu des volumes en jeu dans ce genre d'opération.
25 Avis du conseil, paragraphe 96.
26 Avis du conseil, paragraphe 89.
27 Avis du conseil, paragraphe 97 notamment.
28 Avis du conseil, paragraphe 84.