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Décisions

CA Rennes, 1re ch. B, 16 janvier 2009, n° 08-00159

RENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sibjet Technologies (SNC), Djeep (SAS)

Défendeur :

Impression Rotative Cod'Etiqu (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Piperaud

Conseillers :

Mme Nivelle, M. Gimonet

Avoués :

SCP Brebion, Chaudet, SCP Bourges

Avocats :

Mes Faivre, Rattaire

T. com. Lorient, du 21 déc. 2007

21 décembre 2007

Statuant sur la demande de paiement de dommages-intérêts formée par la société Impression Rotative Cod'Etiqu (en abrégé la société IRC) à l'encontre des sociétés Djeep et Sibjet pour rupture abusive d'un contrat du 5 juillet 2001 et non-respect de ses obligations contractuelles et rupture abusive d'un contrat du 25 juillet 2003 le Tribunal de commerce de Lorient, par jugement du 21 décembre 2007, a débouté la société IRC de sa demande relative au contrat du 5 juillet 2001, l'a déclarée partiellement fondée en sa demande relative au contrat du 25 juillet 2003 et a condamné solidairement les sociétés Djeep et Sibjet Technologies à lui payer la somme de 26 083,60 euro à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

Les sociétés Sibjet Technologies et Djeep ont interjeté appel de cette décision et, par écritures du 7 octobre 2008 récapitulant leurs moyens et arguments, ont conclu à son infirmation en ce qu'elle a partiellement fait droit aux demandes de la société IRC et en ce qu'elle les a déboutées de leurs demandes reconventionnelles, à l'irrecevabilité et au débouté de la société IRC, au prononcé de la résiliation du contrat du 25 juillet 2003 aux torts exclusifs de la société IRC à compter du 29 août 2006 et à la condamnation de cette dernière à leur payer à chacune la somme de 5 000 euro de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; à titre subsidiaire les appelantes ont conclu à la mise hors de cause de la société Sibjet Technologies, au débouté de la société IRC en toutes ses demandes à son encontre et à ce qu'il soit jugé que le préjudice de cette dernière ne saurait dépasser 26 000 euro ; à titre infiniment subsidiaire et pour le cas où il serait jugé que la société Sibjet Technologies s'était personnellement engagée dans le contrat du 25 juillet 2003 il a été conclu à la mise hors de cause de la société Djeep;

Par écritures du 6 novembre 2008 dans lesquelles elle a récapitulé ses moyens et arguments la société IRC a conclu au débouté des appelantes en toutes leurs demandes, à l'infirmation du jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de sa demande concernant le contrat du 5 juillet 2001, à la condamnation in solidum des sociétés Djeep et Sibjet à lui verser la somme de 79 930,50 euro à titre de dommages intérêts pour rupture abusive de ce contrat, à l'infirmation également du jugement dont appel en ce qui concerne l'évaluation de son préjudice au titre du non-respect des obligations des sociétés Djeep et Sibjet dans l'exécution du contrat du 25 juillet 2003, à leur condamnation in solidum à lui payer de ce chef la somme de 92 596,78 euro à titre de dommages-intérêts, enfin à leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 3 000 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;

Sur quoi, LA COUR,

Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats que le 5 juillet 2001 a été signée par André Le Borgne, directeur général, et par Thierry Baraud, directeur commercial une convention établie sur papier à en-tête IRC adressée à "Sibjet Technologies-Briquets Djeep" dans laquelle la société IRC s'engageait à consentir l'exclusivité de la fabrication d'entourages de briquets à la société Sibjet Technologies si le volume annoncé était atteint dans les trois ans, soit un million d'étiquettes par an, et à maintenir pour une durée de 3 ans l'activité générée par la société Djeep, sans impact significatif sur les prix des étiquettes vendues à cette dernière, et dans laquelle l'entreprise Sibjet s'engageait à maintenir le contrat durant trois ans pour amortir l'investissement initial consenti par la société IRC;

Considérant, étant observé qu'André Le Borgne était le directeur général tant de la société Sibjet Technologies que de la société Djeep et que Thierry Baraud représentait la société IRC, qu'une seconde convention a été conclue dans les mêmes conditions le 25 juillet 2003 dans laquelle l'entreprise Sibjet s'engageait vis-à-vis de la société IRC à maintenir pendant quatre ans, afin d'amortir l'investissement initial consenti par cette dernière, un volume annuel de commandes d'étiquettes avec impression sérigraphique d'environ un million, une majoration de prix pour l'impression sérigraphique étant prévue, en fonction des quantités commandées, par rapport à la gamme du tarif en vigueur pour les étiquettes non sérigraphiées;

Considérant que la société IRC agit en premier lieu en dommages-intérêts à l'encontre des sociétés Sibjet Technologies et Djeep en faisant valoir que ces sociétés avaient rompu les relations commerciales nées entre elles du contrat précité du 5 juillet 2001 relatif à la fourniture d'étiquettes non sérigraphiées en violation des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° du Code de commerce;

Considérant que ce texte dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale, sauf faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure;

Considérant qu'en l'espèce il existait une relation commerciale établie entre la société IRC et la société Djeep concernant la fourniture par la première à la seconde d'entourages de briquets sous forme d'étiquettes non sérigraphiées dites FWS puisque postérieurement à l'expiration du délai de trois ans ayant couru à compter du contrat du 5 juillet 2001, période contractuelle pendant laquelle la société Djeep avait passé les commandes, qu'elle avait personnellement réglées, de 286 714 étiquettes FWS en 2001, de 818 307 étiquettes de ce type en 2002, de 1 296 348 étiquettes FWS en 2002 et de 641 052 étiquettes de ce même type pendant les six premiers mois de l'année 2004, elle avait continué à commander de semblables étiquettes, soit 641 052 pendant la seconde moitié de l'année 2004 et 1 726 036 en 2005;

Considérant qu'il est par ailleurs établi par les pièces communiquées qu'au cours de l'année 2006, à compter, selon la société IRC non démentie par la société Djeep appelante, du mois de mai cette dernière a réduit puis totalement arrêté ses commandes d'étiquettes, notamment FWS, leur nombre passant en effet pour cette année 2006 à 238 720;

Considérant qu'il est constant que cette rupture des relations commerciales préétablies est intervenue sans aucun préavis écrit, ce qui suffit, en application des dispositions de l'article L. 442-6-I 5° précité, à caractériser sa brutalité;

Considérant, par ailleurs, que la société Djeep ne peut s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la circonstance que la société IRC n'avait pas respecté ses obligations contractuelles en matière de qualité des produits fabriqués ce qui aurait justifié la rupture des relations sans préavis ; qu'en effet si la société appelante verse aux débats, à l'appui de ce moyen de défense, des rapports de contrôle de ses services qui font ressortir de nombreux refus d'étiquettes pour cause de différents défauts il reste que ces refus se sont étalés dans le temps de 2002 à 2005, que la société IRC y a toujours donné une suite favorable en remplaçant les étiquettes défectueuses ou en accordant des avoirs sans que la société Djeep n'émette jamais une quelconque protestation quant à la qualité et ne manifeste son intention de mettre fin aux relations commerciales pour ce motif, ce qui démontre, les commandes n'ayant cessé d'être passées et de progresser au fil des années 2002, 2003, 2004 et 2005 malgré ces incidents ; que ces derniers étaient inhérents au type de produits fabriqués et ne constituaient pas pour la société Djeep une cause de rupture;

Considérant, par ailleurs, que si la société Djeep justifie de l'existence entre les parties de discussions concernant les prix appliqués par la société IRC aux produits qu'elle lui vendait il reste que le fait que cette dernière n'ait pas donné, s'agissant des étiquettes FWS, une suite favorable à la demande de baisse des tarifs de 5 % formulée le 28 décembre 2005 par la société Djeep ne constituait pas un manquement à des obligations contractuelles dès lors que la société appelante n'établit pas que ce refus aurait été abusif et dès lors que la société IRC avait accepté une baisse de tarif sur d'autres produits, warnings et codes-barres, qu'elle lui fournissait;

Considérant que la société Djeep, et elle seule dans la mesure où elle commandait et réglait les factures et où il apparaît que la société Sibjet Technologies n'était intervenue initialement qu'en qualité de mandataire de la société Djeep, a donc engagé sa responsabilité et doit en conséquence indemniser la société IRC du préjudice qui est résulté pour elle de cette rupture sans préavis alors même que, compte tenu de la durée des relations ayant existé entre les parties et des investissements qu'avait dû réaliser la société IRC pour faire face à ses engagements de production, ce préavis aurait dû être de six mois;

Considérant, à cet égard, que la société IRC demande la somme de 79 930,50 euro représentant selon elle 6 mois, durée du préavis, de chiffre d'affaires;

Mais considérant, étant observé que le montant de ce chiffre d'affaires sur six mois n'est pas contesté par la société Djeep, que cette dernière est bien fondée à faire valoir subsidiairement que le préjudice de la société IRC n'est pas égal au chiffre d'affaires manqué mais à la perte de marge commerciale ; qu'en effet le préjudice subi est constitué par la perte du gain qui pouvait être attendu; qu'à cet égard force est à la cour de constater que la société IRC n'a pas cru devoir fournir quelque pièce comptable que ce soit justifiant de sa marge commerciale ; que compte tenu de la nature de la production cette marge sera fixée à 15 % du chiffre d'affaires soit en l'espèce une somme de 11 989,58 euro qui sera accordée à titre de dommages-intérêts;

Considérant que la société IRC agit en second lieu en dommages-intérêts à l'encontre des sociétés Sibjet Technologies et Djeep en faisant valoir qu'elles avaient rompu avant son terme le contrat de quatre années conclu le 25 juillet 2003, la privant ainsi du chiffre d'affaires de 92 596,78 euro correspondant, sur la base contractuelle d'un million d'étiquettes sérigraphiées par mois, à l'insuffisance de commandes de 1 304 180 étiquettes sérigraphiées au prix unitaire de 0,071 euro;

Considérant qu'il est établi par les pièces communiquées qu'à compter de mai 2006 la société Djeep, seule engagée envers la société IRC pour les motifs précédemment exposés, n'a plus passé de commandes d'étiquettes sérigraphiées; qu'ainsi la rupture du contrat du 25 juillet 2003 lui est imputable, et non à la société IRC qui par courrier du 29 août 2006 n'a fait que prendre acte de cette rupture anticipée ; qu'en effet, et pour les motifs précédemment exposés lors de l'examen de la rupture des relations commerciales concernant la fourniture des étiquettes non sérigraphiées, la société Djeep est mal fondée à invoquer pour sa défense la qualité des fournitures ou les discussions sur les tarifs;

Considérant, sur l'évaluation du préjudice, que, pour les motifs également précédemment exposés, le préjudice n'est égal qu'à la perte de marge sur le chiffre d'affaires escompté lequel doit être effectivement calculé sur le coût unitaire moyen d'une étiquette sérigraphiée dont il n'est pas contesté qu'il soit de 0,071 euro, étant observé que la société Djeep est mal fondée à cet égard à prétendre que ne devait être retenue que la majoration de prix concernant l'impression sérigraphique alors qu'il n'est aucunement établi ni même allégué que l'absence de commandes d'étiquettes sérigraphiées aurait été partiellement compensée par des commandes d'étiquettes sérigraphiées [sic];

Considérant qu'appliquant le pourcentage de 15 % du chiffre d'affaires précédemment retenu le préjudice subi par la société IRC de ce chef sera fixé à la somme de 13 889,52 euro que la société Djeep sera condamnée à lui payer;

Considérant qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile il sera alloué à la société IRC la somme de 2 500 euro, les sociétés appelantes étant pour leur part déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'action engagée par la société IRC ne l'étant pas, même contre la société Sibjet Technologies, et de frais irrépétibles;

Par ces motifs, LA COUR, - Réforme le jugement du Tribunal de commerce de Lorient du 21 décembre 2007; - Met hors de cause la société Sibjet Technologies; - Condamne la société Djeep à payer à la société IRC : * la somme de 11 989,58 euro de dommages-intérêts au titre de la rupture des relations commerciales issues du contrat du 5 juillet 2001; * la somme de 13 889,52 euro de dommages-intérêts au titre de la rupture anticipée du contrat du 25 juillet 2003; * la somme de 2 500 euro au titre de l'article 700 du Code de procédure civile; - Rejette toutes autres demandes; - Condamne la société Djeep aux entiers dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.