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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 29 mai 2008, n° 07-03374

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Boulo

Défendeur :

Barcelo, Battistelli

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Simon

Conseillers :

MM. Jacquot, Fournier

Avoués :

SCP Cohen-Guedj, SCP Blanc Amsellem-Mimran Cherfils

Avocats :

Mes Cipre, Marro

T. com. Nice, du 12 févr. 2007

12 février 2007

Faits, procédure et prétentions des parties

Monsieur Patrick Boulo exploite depuis 1997 à Nice (06) un fonds de commerce de location de meublés sous l'enseigne commerciale " Backpacker's Hôtel " et a déposé, le 7 décembre 2004, une marque semi-figurative constituée par le vocable "Backpacker's Chez Patrick" avec le dessin en couleurs d'un "routard" avec sac à dos sur fond d'une mappemonde pour désigner des services hôteliers. Il reproche à Madame Suzanne Barcelo et à Madame Marie-Hélène Battistelli des faits de concurrence déloyale pour avoir fait apposer à partir de l'année 2005 une publicité près de la gare SNCF de Nice reproduisant en caractères gras et noir le vocable Backpackers situé en arc au-dessus de la mention en rouge :

- Hôtel " Les Myosotis "

- et d'un dessin figurant un " routard " avec sac à dos marchant sur une mappemonde.

Par jugement contradictoire en date du 12 février 2007, le Tribunal de commerce de Nice a débouté Monsieur Patrick Boulo de sa demande en concurrence déloyale dirigée contre Madame Suzanne Barcelo et Madame Marie-Hélène Battistelli et l'a condamné à payer à ces dernières la somme de 1 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Patrick Boulo a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.

Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998;

Vu les prétentions et moyens de Monsieur Patrick Boulo dans ses conclusions récapitulatives en date du 23 novembre 2007 tendant à faire juger:

- que l'encart publicitaire conçu par Madame Suzanne Barcelo et Madame Marie-Hélène Battistelli n'a d'autre finalité que de lui faire une concurrence déloyale en détournant à la sortie de la gare SNCF une clientèle de "routards" (jeunes voyageant sac au dos, à peu de frais) en reproduisant un élément d'identification de son activité d'hôtellerie destinée au même type de clientèle et en cherchant à créer une confusion dans l'esprit de cette dernière,

- que la jurisprudence sanctionne au titre de la concurrence déloyale l'utilisation d'éléments publicitaires proches d'une dénomination sociale antérieure aux fins de provoquer une confusion dans l'esprit de la clientèle,

- qu'il (Monsieur Patrick Boulo) peut se prévaloir d'une antériorité dans l'usage du vocable Backpacker's Hôtel qui sert de signe de ralliement à son établissement pour un type déterminé de clients,

- que le vocable en langue anglaise et, semble-t-il, argotique "backpacker" n'est pas générique et ne sert pas à désigner un type d'hébergement particulier, mais a été choisi de manière arbitraire pour constituer l'enseigne commerciale sous le nom de laquelle il (Monsieur Patrick Boulo) s'est fait connaître pour exercer son activité d'hôtellerie,

- que les faits de concurrence déloyale sont établis et donneront lieu, pour réparer et faire cesser le préjudice, à l'allocation de dommages et intérêts et au prononcé d'une interdiction d'utiliser une publicité prêtant à confusion;

Vu les prétentions et moyens de Madame Suzanne Barcelo et Madame Marie-Hélène Battistelli dans leurs conclusions en réponse en date du 28 août 2007 tendant à faire juger:

- que le vocable backpacker est générique comme utilisé pour désigner à la fois une manière de voyager et ceux qui la pratiquent,

- que la marque déposée par Monsieur Patrick Boulo est "prohibée" comme étant descriptive d'un mode d'hébergement à bas prix destiné à une catégorie spécifique de jeunes voyageurs,

- que l'encart publicitaire incriminé ne réalise pas de confusion entre les deux établissements parfaitement distingués : "Backpacker's Hôtel" ou "Backpacker Chez Patrick" d'un côté, et " Backpacker Hôtel Les Myosotis " de l'autre,

- que les deux représentations graphiques sont distinctes,

- que la réalité du préjudice n'est pas établie, d'autres causes (gêne apportée par les travaux prolongés du tramway) pouvant expliquer la baisse du chiffre d'affaires ressentie par Monsieur Patrick Boulo;

L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 28 mars 2008.

Motifs et décision

Attendu sur le seul terrain de la concurrence déloyale invoquée par Monsieur Patrick Boulo à l'appui de ses demandes, qu'il apparaît que l'usage fait par Madame Suzanne Barcelo et Madame Marie-Hélène Battistelli dans un affichage publicitaire du vocable "Backpackers " associé au nom de l'Hôtel "Les Myosotis" pour laquelle la publicité est faite aux fins d'attirer l'attention d'une catégorie spécifique de clientèle (celle des routards pratiquant un certain mode de voyage) sur le niveau et la qualité lies prestations proposées, n'est pas répréhensible au titre des agissements contraires à la loyauté du commerce; que la mention incriminée: "Backpackers " quand bien même elle constituerait un élément de l'enseigne commerciale : "Backpacker's Hôtel" choisie par Monsieur Patrick Boulo, n'est pas susceptible par principe de provoquer dans l'esprit de la clientèle à qui elle est dédiée, un risque de confusion; que le vocable utilisé dans la publicité incriminée a pour fonction et finalité d'annoncer un type d'hébergement à prix bas destiné à une clientèle de " routards " et non d'identifier un établissement hôtelier précis ; que l'utilisation du vocable de langue anglaise Backpackers, traduisible par "routards", se généralise; que son sens est appréhendé et perçu par un public non nécessairement anglophone; qu'il n'existe pas de risque objectivé pour une clientèle de "Backpackers" ou "routards" pratiquant un certain mode de voyage et se reconnaissant dans cette appellation en langue anglaise, de confondre deux établissements situés dans la même ville de Nice lorsqu'il leur est proposé de se rendre à l'Hôtel " Les Myosotis" offrant le type d'hébergement qu'ils recherchent comme répondant à leurs souhaits et à leur budget ; que la mention"Backpackers" sur la publicité incriminée est informative pour un public déterminé et avisé, en ce que l'Hôtel "Les Myosotis" se range dans une certaine catégorie d'établissements; que le fait que Monsieur Patrick Boulo a choisi comme élément de son enseigne commerciale le vocable"Backpacker" qui désigne actuellement un mode de voyage, ne lui confère pas un droit privatif empêchant à d'autres hôteliers l'usage du vocable;

Attendu que le dessin utilisé par Madame Suzanne Barcelo et Madame Marie-Hélène Battistelli dans l'encart publicitaire est visuellement différent de celui déposé par Monsieur Patrick Boulo qui, au demeurant, ne se prévaut pas de la protection résultant du Code de la propriété intellectuelle; que le thème du voyage est évoqué par une représentation du "routard" avec les accessoires obligés de son sac à dos et de la mappemonde, tous éléments traditionnellement retenus qui sont traités différemment dans les documents respectifs des parties (routard de dos ou de face, mappemonde disposée en arrière plan ou sous les pas du routard...); qu'en outre, des vues de monuments célèbres : Big Ben, Colisée, Tour Eiffel... "agrémentent" le dessin figurant sur l'encart publicitaire conçu par Madame Suzanne Barcelo et Madame Marie-Hélène Battistelli ; que ces signes pour susciter l'attention de la clientèle de "routards" ne sont pas réservés à Monsieur Patrick Boulo et le traitement qui en est fait par Madame Suzanne Barcelo et Madame Marie-Hélène Battistelli n'induit pas une confusion entre les deux établissements ; que Monsieur Patrick Boulo a justement été débouté de sa demande fondée sur la concurrence déloyale;

Attendu que le jugement mérite confirmation pour les motifs exposés ci-dessus et ceux non contraires des premiers juges;

Attendu que l'exercice de la voie de recours n'a pas dégénéré en abus dès lors qu'il n'a pas révélé de la part de la partie appelante une intention manifeste de nuire ou qu'il n'a pas procédé d'une erreur grossière équivalente au dol ; que la partie intimée sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts présentée à ce titre;

Attendu que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que les parties seront déboutées de leur demande faite à ce titre;

Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau Code de procédure civile, Reçoit l'appel de Monsieur Patrick Boulo comme régulier en la forme. Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Condamne Monsieur Patrick Boulo aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SCP d'avoués associés Philippe Blanc, Colette Ansellem-Mimran - Romain Cherfils, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.