CA Aix-en-Provence, 2e ch., 29 mai 2008, n° 07-16801
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gimo'Kaffe System (SARL)
Défendeur :
Gimoka Srl (Sté), Espresso Italia (Sté), Gimoka France (SARL), Hess, Desaltera (SARL), Dag Espresso (SARL), GMS Negoce Alimentaire (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Conseillers :
MM. Jacquot, Fournier
Avoués :
SCP Cohen-Guedj, SCP de Saint Ferreol-Touboul
Avocats :
Mes Ruimy, Brabant, Rosset, Ribeil, Amiet, Labes
Exposé du litige
Les faits:
Selon contrat de distribution exclusive du 24 février 1998, les sociétés de droit italien Gimoka Srl et Espresso Italia ont confié à la société Gimo'Kaffe System dont le siège social est à Vitrolles la commercialisation de machines à café sur le territoire national. Cette dernière a elle-même convenu selon accord commercial du 27 août 2002 de distribuer les produits avec le concours de la société GMS Negoce Alimentaire au travers de son réseau de distribution.
Faisant valoir que la société Gimo'Kaffe avait accumulé des retards de paiement, la société Gimoka lui a notifié par courrier recommandé du 19 septembre 2005 la résiliation du contrat.
Par acte d'huissier du 5 décembre 2005, la société Gimo'Kaffe System a alors assigné les sociétés Gimoka Srl et Espresso Italia en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales en application de l'article L. 442-6-5e du Code de commerce. Elle a par ailleurs attrait en intervention forcée la société Gimoka France SARL et son gérant Jean-Philippe Hess ainsi que les sociétés Desaltera, Dag Expresso venant aux droits de Giuseppe Galleta et GMS Negoce Alimentaire.
Après jonction des procédures, le Tribunal de commerce de Salon-de-Provence, a par jugement du 21 septembre 2007:
- décliné sa compétence sur les demandes de la société Gimo'Kaffe à l'encontre des sociétés italiennes Gimoka Srl et Espresso Italia en l'état d'une clause compromissoire figurant au contrat de distribution exclusive;
- sursis à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal arbitral de Rome sur les demandes formées à l'encontre des sociétés Gimoka France, Desaltera, GMS Negoce Alimentaire et Messieurs Jean-Philippe Hess et Giuseppe Galletta.
La société Gimo'Kaffe System a formé contredit à cette décision le 8 octobre 2007 et expose essentiellement que:
- l'action en réparation du dommage issu de la rupture brutale d'une relation commerciale a un fondement délictuel et échappe au jeu de la clause attributive de juridiction;
- la société GMS Negoce Alimentaire a elle aussi cessé brutalement de s'approvisionner auprès d'elle depuis mai 2005 nonobstant la convention du 27 août 2002;
- Monsieur Galleta, aujourd'hui société Dag Expresso, bénéficie d'un contrat tripartie conclu avec la société Expresso Italia et dont la société GMS Negoce Alimentaire est bénéficiaire, ce qui établit la captation de l'exclusivité bénéficiant à la société Gimo'Kaffe;
- compte tenu des circonstances, il est souhaitable que la cour évoque le fond du litige en application de l'article 89 du Code de procédure civile.
La société Gimo'Kaffe System conclut à la compétence du Tribunal de commerce de Salon-de-Provence, à l'évocation du litige par la cour et au paiement par les défendeurs au contredit d'une indemnité de 5 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Les sociétés Gimoka Srl et Espresso Italia s'y opposent aux motifs que:
- l'article 37 du contrat du 24 février 1998 prévoit que tout différend, conflit ou problème qui pourrait surgir en liaison, ou en relation avec le contrat sera résolu de façon définitive selon le règlement de conciliation et d'arbitrage de la Chambre internationale de Rome, de telle sorte que c'est à bon droit que le tribunal a décliné sa compétence;
- la société Gimo'Kaffe fonde artificiellement sa demande indemnitaire sur les dispositions de l'article L. 442-6.5e du Code de commerce pour faire échec à la convention d'arbitrage;
- le contrat a été résilié en vertu de l'article 28 compte tenu de la carence de la société Gimo'Kaffe à faire face à ses obligations financières et à l'échéancier qui lui avait été consenti selon protocole transactionnel du 29 décembre 2003;
- à supposer qu'un fondement délictuel puisse être donné à l'action de la société Gimo'Kaffe System, les termes généraux de la clause s'appliqueraient tout autant à cette action;
- les demandes de Gimo'Kaffe System fondées sur la rupture de l'accord commercial avec la société GMS Negoce Alimentaire le 27 août 2002 sont inopposables aux sociétés Gimoka Srl et Espresso Italia.
Ces dernières concluent à la confirmation du jugement déféré et s'opposent à l'évocation du litige. Considérant enfin que la société Gimo'Kaffe System a agi de manière abusive, elles réclament paiement des sommes de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts, de 20 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que de 3 000 euro à titre d'amende civile.
Reprenant un argumentaire similaire, Jean-Philippe Hess et la société Gimoka France s'en rapportent à justice sur la compétence mais s'opposent à toute évocation du litige. Ils sollicitent paiement d'une indemnité de 5 000 euro par tout succombant.
La société Desaltera conclut à la confirmation du jugement au motif que la convention du 24 février 1998 lui est inopposable et s'oppose également à l'évocation du litige. Subsidiairement, elle expose distribuer des modèles de machines à café différents de ceux concédés à la société Gimo'Kaffe System et être étrangère aux difficultés rencontrées par cette dernière.
Considérant la procédure abusive, la société Desaltera réclame paiement des sommes de 10 000 euro à titre de dommages-intérêts et de 10 000 euro également pour frais de procédure.
La société Dag Expresso, venant aux droits de Giuseppe Galleta soutient pour sa part que la société Gimo'Kaffe est irrecevable à agir au motif que le contrat d'exclusivité portant sur la distribution des machines à café Lady Cup a été souscrit par la société Appromatic Vending France. Elle considère ensuite qu'au regard de l'article 37 de ce contrat, le litige doit être soumis au tribunal arbitral ainsi que l'a jugé le tribunal de commerce. Sur le fond du litige, elle explique à titre subsidiaire qu'elle distribue des machines à café Enjoy qui sont différentes de celles commercialisées par la société demanderesse au contredit.
Soutenant avoir été attrait abusivement dans la procédure, Giuseppe Galetta réclame paiement d'une indemnité de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 10 000 euro en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception du greffe, la société GMS Negoce Alimentaire n'a pas comparu. Il sera statué par arrêt réputé contradictoire en application de l'article 474 du Code de procédure civile.
Discussion
Le contrat de concession de vente de machines à café en exclusivité est curieusement souscrit par une société Apromatic Vending France alors que la société Gimo'Kaffe System revendique la qualité de concessionnaire. Quoi qu'il en soit les sociétés italiennes Gimoka Srl et Espresso Italia qui ont sans discussion la qualité de concédantes à cette convention, ne contestent aucunement être liées avec la société Gimo'Kaffe System par ce contrat.
Enfin, le protocole transactionnel du 29 décembre 2003 entre les sociétés Gimoka Srl et Espresso Italia et la société Gimo'Kaffe System est bien intervenu dans le cadre de l'exécution du contrat de concession du 24 février 1998 expressément visé en préambule. Aucune cause d'irrecevabilité n'affecte donc la demande.
L'article 37 organise un arbitrage pour "tout différend, conflit ou problème qui pourrait surgir en liaison ou en relation avec le contrat ou à son interprétation, exécution ou non-exécution".
Il est admis que les sociétés concédantes l'ont résilié en se prévalant de l'article 27. Dès lors c'est à bon droit que les sociétés défenderesses au contredit soutiennent que la clause compromissoire s'applique à la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la société Gimoka System fondée sur une résiliation abusive. En outre, la généralité des termes retenus à l'article 37 implique que les parties au contrat ont entendu soumettre à l'arbitrage tout litige pouvant survenir entre elles et ce n'est qu'en invoquant de manière artificielle les dispositions de l'article L. 442-6-5e du Code de commerce que la société Gimo'Kaffe System tente de l'éluder.
Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande formée à l'encontre des sociétés italiennes.
Aucun élément ne permet de dire que la société Gimo'Kaffe System ait agi dans l'intention de nuire ou ait commis une erreur grossière équipollente au dol. En outre les sociétés défenderesses se prévalant d'un abus de procédure ne justifient d'aucun préjudice particulier qui en serait directement issu.
Les demandes en paiement de dommages-intérêts sont rejetées.
La confirmation du jugement renvoyant les parties à mieux se pourvoir rendent sans objet la demande d'évocation du litige au fond.
Aucune circonstance économique ou d'équité ne permet d'écarter l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Déboutée de son contredit, la société Gimo'Kaffe System supportera enfin les dépens en application de l'article 696 du même Code.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, Reçoit le contredit; - Confirme le jugement déféré rendu par le Tribunal de commerce de Salon-de-Provence; - Déboute Giuseppe Galleta, les sociétés Gimoka Srl, Espresso Italia et Desaltera de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts; - Déclare sans objet la demande d'évocation; - Condamne la société Gimo'Kaffe System à payer en application de l'article 700 du Code de procédure civile la somme de 800 euro (huit cents euro) : - aux sociétés Gimoka Srl et Espresso Italia, - à Jean-Philippe Hess et à la société Gimoka France, - à la société Desaltera, - à Giuseppe Galleta et à la société Dag Espresso.