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Décisions

ADLC, 23 juillet 2009, n° 09-DCC-21

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

Décision

Relative à la prise de contrôle exclusif de la société DVMM par le groupe BUT

ADLC n° 09-DCC-21

23 juillet 2009

L'Autorité de la concurrence,

Vu le dossier de notification adressé au service des concentrations de l'Autorité de la concurrence le 20 mai 2009, et déclaré complet le 2 juillet 2009, relatif à la prise de contrôle exclusif par la société BUT SAS de la société Dépôt Vente Meuble Ménager (" D.V.M.M "). Cette opération a été formalisée par un projet de contrat de cession dûment signé par les parties le 22 avril 2009 ; Vu les éléments complémentaires produits par les parties au cours de l'instruction ; Vu le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et notamment ses articles L. 430-1 à L. 430-7 ;

Adopte la décision suivante :

I. Les entreprises concernées et l'opération

1. La société BUT est une société par actions simplifiée, active dans le commerce de détail de produits d'ameublement et d'électrodomestique, qui appartient au groupe BUT. Le réseau à l'enseigne BUT compte 120 magasins détenus en propre par le groupe But et 105 magasins exploités par 45 franchisés indépendants. Le groupe BUT est contrôlé par les fonds communs de placement à risques Goldman Sachs ([40-50] %) et Colony Capital ([40-50] %). Aucun de ces fonds ne détient de participations lui conférant une influence déterminante sur une société, autre que BUT, exerçant une activité sur les marchés sur lesquels la société DVMM est présente ou sur un marché amont, aval ou connexe. En 2008, les sociétés de gestion des deux fonds communs de placements à risques ont réalisé un chiffre d'affaires total mondial hors taxes d'environ [5-20] milliards d'euro dont [300-900] millions d'euro en France.

2. DVMM est une société anonyme, qui détient la totalité du capital des sociétés " Dépôt Vente Meuble Ménager Exploitation " à Langueux (Côte d'Armor), " société nouvelle de la maison du Meuble " à Chantepie (Ille-et-Vilaine), " Melesse Mobilier " à Melesse (Ille-et- Vilaine) et " Pontivy Mobilier " à Pontivy (Morbihan), toutes actives dans le commerce de détail de produits d'ameublement et de produits électrodomestiques, sous franchise BUT. Ces contrats de franchise n'étant pas susceptibles de conférer à But une influence déterminante sur ces sociétés, il y a lieu de considérer qu'elles sont contrôlées exclusivement par DVMM. En 2008, DVMM a réalisé un chiffre d'affaires total mondial hors taxes d'environ [15-50] millions d'euro exclusivement en France.

3. L'opération projetée consiste en l'acquisition par la société BUT SAS de la totalité des actions de la société DVMM. En ce qu'elle se traduit par la prise de contrôle exclusif de la société DVMM par le groupe BUT, l'opération notifiée constitue une concentration au sens de l'article L. 430-1 du Code de commerce. Compte tenu des chiffres d'affaires des entreprises concernées, elle ne revêt pas une dimension communautaire. En revanche, les seuils de contrôle applicables au commerce de détail mentionnés à l'article L. 430-2-II du Code de commerce sont franchis. La présente opération est donc soumise aux dispositions des articles L. 430-3 et suivants du Code de commerce relatifs à la concentration économique.

II. Délimitation des marchés pertinents

4. Les parties sont simultanément actives dans le secteur du commerce de détail de produits d'électrodomestique, de produits d'ameublement et de produits de décoration et de bazar.

5. Dans le secteur du commerce de détail, les autorités de concurrence retiennent généralement deux catégories de marchés :

(i) les marchés aval, de dimension locale, qui mettent en présence les entreprises de commerce de détail et les consommateurs finals, et

(ii) les marchés amont de l'approvisionnement des entreprises de commerce de détail.

A. DÉLIMITATION DES MARCHÉS EN TERMES DE PRODUITS ET SERVICES

6. Comme l'a rappelé le Conseil de la concurrence dans l'avis Cafom/Fincar (1), "le type de produits vendus est l'un des critères les plus importants pour délimiter les marchés dans le domaine du commerce de détail ". Mais "le format et la taille de magasin sont également des critères importants de délimitation des marchés en ce que, notamment, ils déterminent l'aptitude du point de vente considéré à commercialiser un plus ou moins grand nombre de produits ou à offrir certains services annexes. Les grandes surfaces spécialisées (GSS) se distinguent ainsi des grandes surfaces alimentaires (GSA) et du commerce de proximité".

1. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES

7. En ce qui concerne la vente au détail de produits d'électrodomestique, les autorités de concurrence(2) distinguent usuellement trois catégories de produits : les produits " blancs ", " bruns " et " gris ".

8. La catégorie de produits " blancs " inclut notamment les tables de cuisson, les cuisinières, les fours, les ensembles encastrables, les hottes, les lave-linges, les sèche-linges, les lave-vaisselles, les réfrigérateurs, les congélateurs, le petit électroménager de préparation culinaire et les produits de climatisation.

9. La catégorie de produits " bruns " inclut notamment les téléviseurs, les magnétoscopes, les caméscopes, les équipements hi-fi et audio, les appareils numériques et les lecteurs DVD.

10. La catégorie des produits " gris " inclut notamment les micro-ordinateurs personnels, les écrans, les périphériques (comme les imprimantes ou les scanners), les claviers, les accessoires ou pièces détachées modulaires (comme les cartes mémoires ou les disques durs additionnels, par exemple), et peut s'étendre aux logiciels et à la téléphonie. S'agissant de cette catégorie de produits, les ventes dans les magasins BUT représentent moins de [5-10] % des ventes totales et [Confidentiel]. Aussi, les produits gris ne feront pas l'objet d'une analyse concurrentielle.

11. Les parties n'étant simultanément actives que sur le segment des grandes surfaces spécialisées (ci-après " GSS "), seul ce canal de distribution sera examiné pour les besoins de l'analyse

concurrentielle.

2. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'AMEUBLEMENT

12. Les produits d'ameublement et de décoration regroupent tous les produits destinés à meubler les pièces d'un logement (chaises, canapés, tables, éléments de cuisines, éléments de salles de bains, literie, buffets, rangements, bureaux, etc.) ainsi que tous les produits destinés à décorer ce logement (rideaux, tapis, luminaires, divers objets de décoration etc.)(3).

13. S'agissant de la vente au détail des produits d'ameublement, les autorités de concurrence ont retenu un marché de la distribution de produits d'ameublement par canal de distribution. Dans la présente affaire, seules sont concernées les GSS.

3. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

14. Les autorités de concurrence (4) ont distingué la distribution de produits de bazar et de décoration de celle de l'ameublement. 15. Pour ces produits, l'analyse concurrentielle portera uniquement sur les ventes en GSS, délimitation pour laquelle les parts de marché sont les plus élevées.

16. En toute hypothèse, la délimitation exacte des marchés aval peut être laissée ouverte, dans la mesure où les conclusions de l'analyse concurrentielle demeureront inchangées, quelles que soient les hypothèses retenues.

4. MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES, DE PRODUITS D'AMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

17. En ce qui concerne les marchés amont de l'approvisionnement, les autorités de concurrence (5) ont relevé que " les producteurs fabriquent des produits ou groupes de produits particuliers et ne sont pas techniquement en mesure de se reconvertir facilement dans la fabrication d'autres produits sans coûts conséquents " (6). De plus, le Conseil de la concurrence a indiqué " qu'au niveau des approvisionnements, on peut considérer qu'il existe autant de marchés que de familles de produits sur lesquels porte la négociation, chaque distributeur mettant en concurrence les divers fournisseurs sur chacun des marchés "(7).

18. Aussi, une répartition par groupe de produits peut être considérée comme la plus pertinente.

19. En ce qui concerne plus spécifiquement l'approvisionnement en produits électrodomestiques, d'ameublement et de bazar et de décoration, le Conseil de la concurrence, prenant en considération l'organisation des divisions " achat " des distributeurs, a identifié les marchés suivants (8) :

- meubles ;

- bazar - décoration ;

- petit électroménager ;

- gros électroménager ;

- appareils photo/cinéma ;

- appareils Hi-fi/son ;

- appareils TV/vidéo.

20. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

B. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS

1. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES, DE PRODUITS D'AMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

21. En ce qui concerne les marchés aval, les autorités de concurrence considèrent qu'ils sont de dimension locale. Ainsi, dans l'opération Cafom/Fincar, les autorités nationales ont été amenées à considérer que le consommateur était prêt à réaliser un trajet d'une durée de 20 à 45 minutes pour atteindre un magasin et comparer les produits et leurs prix d'une enseigne à l'autre.

22. La partie notifiante a proposé de délimiter les zones de chalandise des magasins concernés par l'opération en s'appuyant sur la localisation réellement constatée du domicile des clients de ses magasins. Les parties disposent de cette information délivrée par les clients lors du passage en caisse. Les parties ont ainsi délimité les zones de chalandise de chaque magasin en regroupant les codes postaux des clients représentant 80 % du chiffre d'affaires du magasin, le solde étant considéré comme une clientèle ponctuelle et non significative pour la délimitation du marché géographique.

23. Cette méthodologie, dans la mesure où elle rend compte de l'emprise géographique observée par chaque magasin, apparait pertinente. Au demeurant, les zones de chalandises ainsi déterminées recoupent de manière significative les zones délimitées sur la base de trajets d'une durée de 20 à 45 minutes.

2. DÉLIMITATION GÉOGRAPHIQUE DES MARCHÉS AMONT DE L'APPROVISIONNEMENT DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES, DE PRODUITS D'AMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

24. Les achats des sociétés cibles (*) sont réalisés, soit par le biais d'une centrale d'achat (BUT International) à hauteur de [30-40] %, soit auprès de fournisseurs référencés à hauteur de [40-50] %.

25. En ce qui concerne les marchés de l'approvisionnement, la pratique décisionnelle des autorités de concurrence a retenu une dimension au moins nationale, voire européenne (9).

26. Il n'y a pas lieu de remettre en cause cette délimitation à l'occasion de la présente opération.

III. Analyse concurrentielle

1. MARCHÉS AVAL DE LA DISTRIBUTION

27. Les activités des parties à l'opération ne se chevauchent que très partiellement, du fait de la présence d'un magasin But à Guingamp, en limite de la zone de chalandise du magasin détenu par DVMM à Saint-Brieuc. But a estimé les parts de marché en valeur de ses deux magasins sur les différents marchés de produits concernés sur la base du recensement du nombre de ménages sur la zone et d'études sur la consommation des ménages (Observateur du Cetelem 2007).

En ce qui concerne les produits électrodomestiques

28. Sur la zone de chalandise de Saint-Brieuc/Guingamp, sur le segment des GSS, les parties estiment que les ventes de la cible en produits blancs représentent [0-5] % des ventes totales en valeur, celles de l'acquéreur s'élevant à [0-5] %, soit [5-10] % au total. La nouvelle entité se trouvera confrontée à la concurrence de Boulanger ([10-20] %), Darty ([5-10] %), Connexion ([5-10] %) et Conforama ([0-5] %). L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

29. Sur la zone de chalandise de Saint-Brieuc/Guingamp, sur le segment des GSS, les parties estiment que les ventes de la cible en produits bruns représentent [0-5] % des ventes totales en valeur, celles de l'acquéreur s'élevant à [0-5] %, soit au total [0-5] % des ventes de produits bruns en GSS sur cette zone. L'opération n'est donc pas susceptible d'avoir des effets sur la concurrence sur ce marché.

En ce qui concerne les produits d'ameublement

30. Sur la zone de chalandise de Saint-Brieuc/Guingamp, sur le segment des GSS, les parties estiment que les ventes de la cible en produits d'ameublement représentent [5-10] % des ventes totales en valeur, celles de l'acquéreur s'élevant à [0-5] %, soit au total [5-10] %. La nouvelle entité se trouvera confrontée à la concurrence de Monsieur Meuble ([10-20] %), Mobilier de France ([10-20] %), Conforama ([5-10] %), Maréchal et Brilleaud ([5-10] %), Le Faillitaire ([5-10] %) et Fly ([0-5] %). L'opération n'est donc pas susceptible de porter atteinte à la concurrence sur ce marché.

En ce concerne les produits de bazar et de décoration

31. Sur la zone de chalandise de Saint-Brieuc/Guingamp, sur le segment des GSS, les parties estiment que les ventes de la cible en produits de bazar et décoration représentent [0-5] % des ventes totales en valeur, celles de l'acquéreur s'élevant à [0-5] %, soit [0-5] % pour l'ensemble. L'opération n'est donc pas susceptible d'avoir des effets sur la concurrence sur ce marché.

2. MARCHÉS AMONT DE LA DISTRIBUTION DE PRODUITS ÉLECTRODOMESTIQUES, DE PRODUITS D'AMEUBLEMENT ET DE PRODUITS DE BAZAR ET DE DÉCORATION

32. Sur les différents marchés de l'approvisionnement, le groupe BUT ne dépasse jamais [...] % dans le chiffre d'affaires de ses différents fournisseurs et, en ce qui concerne les sociétés cibles, cette part est infime. La partie notifiante fait de plus valoir que la part combinée de la nouvelle entité sur les différents marchés de l'approvisionnement en produits électrodomestiques, en produits d'ameublement et en produits de bazar et de décoration est toujours inférieure à [0-5] %.

33. De ce fait, la présente opération n'est pas susceptible d'avoir un effet sur les différents marchés amont de l'approvisionnement. 34. La présente opération n'est donc pas de nature à porter atteinte à la concurrence sur l'ensemble des marchés concernés.

DECIDE

Article unique : L'opération notifiée sous le numéro 09-0009 est autorisée.

(1) Voir la décision C2006-155 du ministre Cafom/Fincar du 31 août 200[7], et l'avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 sur cette même opération du 16 juillet 2007

(2) Voir à ce sujet, la décision de l'Autorité de la concurrence du 9 juin 2009 relative à l'acquisition de la société Surcouf par M. Hugues Mulliez.

(3) Voir, à ce sujet, la décision précitée du ministre Cafom/Fincar du 31 août 2007, et l'avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 sur cette même opération du 16 juillet 2007

(4) Voir, à ce sujet, la décision C2006-155 du ministre Cafom/Fincar du 31 août 2007, et l'avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 sur cette même opération du 16 juillet 2007.

(5) Voir, à ce sujet, la décision C2006-155 du ministre Cafom/Fincar du 31 août 2007, et l'avis du Conseil de la concurrence 07-A-06 sur cette même opération du 16 juillet 2007.

(6) Décision du ministre de l'économie C2003-285 Leroy Merlin/Domaxel du 11 février 2004.

(7) Avis du Conseil de la concurrence n°97-A-04 du 21 janvier 1997 relatif à diverses questions portant sur la concentration de la distribution.

(8) Avis du Conseil de la concurrence Cafom/Fincar précité.

(9) Voir les décisions de la Commission européenne M 4392 du 30 novembre 2006 DSGI/FR-Invest/F-Group JV et M 4226 du 26 juin 2006 DSGI/Fotovista.

(*)Erreur matérielle corrigée, lire à la place de " parties à l'opération "