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Décisions

CJCE, 6e ch., 11 juin 1987, n° 406-85

COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Procureur de la République

Défendeur :

Gofette, Gilliard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Kakouris

Avocat général :

M. Da Cruz Vilaca

Juges :

MM. Koopmans, Due, Bahlmann, Rodriguez Iglesias

CJCE n° 406-85

11 juin 1987

LA COUR (sixième chambre)

1 Par jugement du 30 septembre 1985, parvenu à la cour le 9 décembre, suivi d'un jugement rectificatif du 6 mars 1986, parvenu à la Cour le 19 mars, le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a posé, en vertu de l'article 177 du traité CEE, une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles 30 et 36 du traité.

2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'une procédure pénale concernant des infractions au Code de la route. L'un des prévenus est poursuivi pour avoir mis son véhicule usage de marque Lada, acheté en Belgique, en circulation sous couvert d'une fausse plaque d'immatriculation et sans être titulaire des autorisations ou pièces administratives exigées (carte grise), l'autre prévenu, pour lui avoir procuré la fausse plaque.

3 Au cours de la procédure devant la juridiction nationale, le premier prévenu cité, M. Gilliard, a invoqué pour sa défense que les conditions qui avaient été exigées pour l'immatriculation de son véhicule en France seraient incompatibles avec l'article 30 du traité CEE.

4 Il résulte du dossier que M. Gilliard, ayant adressé au service des mines une demande de réception pour obtenir l'immatriculation de son véhicule, a reçu de ce service un dossier à compléter lui demandant, notamment, une "attestation établie par l'une des personnes du constructeur français ou des représentants accrédités en France, habilités à signer les certificats de conformité du type correspondant précisant que le véhicule présenté est conforme avec un type réceptionné", et que, s'étant adressé à cette fin à la société Lada (France), celle-ci l'a informé qu'elle ne pouvait délivrer le certificat sollicité qu'à la suite d'un contrôle de la voiture, le montant de cette prestation s'élevant à 1 874,58 F, non compris le prix des pièces à remplacer pour effectuer les contrôles et le prix des pièces nécessaires à la francisation.

5 Le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, estimant nécessaire une interprétation du traité en vue de disposer de tous les éléments utiles d'appréciation, à sursis à statuer et à demandé à la Cour de se prononcer, à titre préjudiciel, sur la question suivante :

"L'article 30 du traité CEE en liaison avec toutes autres dispositions de ce traité doit-il être interprété en ce sens qu'il interdit l'institution dans un état membre, par voie législative, réglementaire ou pratique administrative, pour les vehicules importés d'un autre Etat membre ou ils ont déjà été réceptionnés ou agréés, d'un imposant une nouvelle réception, dite "à titre isolé", à l'occasion de laquelle le véhicule sera soumis à des tests en laboratoire à moins qu'il ne soit produit une attestation établie par l'une des personnes du constructeur ou des représentants accrédités sur le territoire d'importation, habilités à signer les certificats de conformité du type correspondant précisant que le véhicule importé est conforme avec un type réceptionné ?"

6 Pour un plus ample exposé des faits de l'affaire au principal, de la réglementation et de la pratique françaises ainsi que des observations écrites présentées à la Cour, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

7 Il convient de relever, en premier lieu, que, s'il est vrai que toute mesure de contrôle imposée comme condition préalable à l'immatriculation d'un véhicule importe d'un autre Etat membre est susceptible d'entraver les importations et est donc, en principe, incompatible avec l'article 30 du traité, de telles mesures peuvent être justifiées sur la base de l'article 36 dans la mesure où elles s'avèrent nécessaires en vue de garantir la sécurité routière.

8 En ce qui concerne, plus particulièrement, le genre de contrôle visé par la question de la juridiction nationale, il y a lieu de constater que la directive 70-156 du Conseil, du 6 février 1970, concernant le rapprochement des législations des états membres relatives à la réception des vehicules à moteur et de leurs remorques (JO L 42, p. 1), n'a pas établi une harmonisation suffisante pour qu'une procédure de réception communautaire pour chaque type de véhicule puisse écarter pleinement les procédures nationales de réception.

9 Par conséquent, l'existence d'une procédure de contrôle visant à vérifier la conformité des vehicules importés à un type réceptionné n'est pas, en elle-même, incompatible avec le traité.

10 Toutefois, pour qu'une telle procédure nationale de contrôle soit justifiée au regard des exigences de l'article 36 du traité, il faut que l'objectif visé ne puisse pas être atteint de manière aussi efficace par des mesures moins restrictives des échanges intracommunautaires (arrêt du 20 mai 1976, de Peijper, 104-75, Rec. p. 613; arrêt du 12 juin 1986, Schloh, 50-85, Rec. p. 1855). Cette procédure ne doit donc pas comporter des frais ou des délais déraisonnables. Lorsqu'un particulier, comme le constructeur ou ses représentants, est charge d'effectuer les contrôles nécessaires par délégation des autorités publiques, il appartient à celles-ci d'assurer que toutes les conditions ci-dessus énoncées soient pleinement respectées.

11 En outre, comme la Cour l'a déjà constaté à propos d'une question comparable, les autorités des Etats membres ne sont pas en droit d'exiger des opérations de contrôle qui ont déjà été effectuées dans un autre Etat membre et dont les résultats sont à la disposition de ces autorités ou peuvent être mis à leur disposition sur leur demande (arrêt du 17 décembre 1981, Biologische Producten, 272-80, Rec. p. 3277). L'Etat membre d'importation doit donc admettre la possibilité pour l'importateur de remplacer les opérations de contrôle pour la réception du véhicule par la production de documents établis dans l'Etat membre d'exportation dans la mesure ou ces documents contiennent les renseignements nécessaires.

12 Il convient donc de répondre à la question posée par la juridiction nationale que les articles 30 et 36 du traité CEE sont à interpréter en ce sens que, au stade actuel de l'évolution du droit communautaire, l'institution dans un Etat membre d'un système de réception pour les véhicules importés d'un autre Etat membre ou ils ont déjà été réceptionnés ou agréés n'est conforme au traité que :

a) si la procédure de contrôle ne comporte pas des frais ou des délais déraisonnables et les autorités publiques assurent que ces conditions sont pleinement respectées lorsque le constructeur ou ses représentants sont chargés d'effectuer les contrôles nécessaires,

b) s'il est loisible à l'importateur de remplacer les opérations de contrôle par la production de documents établis dans l'Etat membre d'exportation dans la mesure où ces documents contiennent les renseignements nécessaires sur la base de contrôles déjà effectués.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

13 Les frais exposés par le Gouvernement français et la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR (sixième chambre),

Statuant sur la question à elle soumise par le Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières, par jugement du 30 septembre 1985 et par jugement rectificatif du 6 mars 1986, dit pour droit :

Les articles 30 et 36 du traité CEE sont à interpréter en ce sens que, au stade actuel de l'évolution du droit communautaire, l'institution dans un Etat membre d'un système de réception pour les vehicules importés d'un autre Etat membre ou ils ont déjà été réceptionnés ou agréés n'est conforme au traité que :

a) si la procédure de contrôle ne comporte pas des frais ou des délais déraisonnables et les autorités publiques assurent que ces conditions sont pleinement respectées lorsque le constructeur ou ses représentants sont chargés d'effectuer les contrôles nécessaires,

b) s'il est loisible à l'importateur de remplacer les opérations de contrôle par la production de documents établis dans l'Etat membre d'exportation dans la mesure où ces documents contiennent les renseignements nécessaires sur la base de contrôles déjà effectués.