CA Bordeaux, 2e ch., 21 janvier 2008, n° 07-03693
BORDEAUX
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Lucas fleurs (SARL), Cognet (ès qual.), Perrin
Défendeur :
Flora partner (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bougon
Conseillers :
MM. Ors, Legras
Avoués :
SCP Michel Puybaraud, SCP Arsène-Henry, Lançon
Avocats :
Mes Bluet, de Monjour
Le 26 mai 2003, la SARL Lucas fleurs a signé avec la SA Flora partner un contrat de franchise.
La SARL Lucas fleurs après avoir acquis un fonds de commerce débutait son activité le 13 novembre 2003.
Les relations entre les deux parties se détérioraient à compter du second semestre de l'année 2004.
Le 9 décembre 2004, la SARL Lucas fleurs adressait une mise en demeure à la SA Flora partner puis estimant qu'il n'avait pas été donné suite à ses revendications résiliait le contrat le 14 janvier 2005.
Soutenant avoir rempli l'ensemble de ses obligations, la SA Flora partner saisissait par acte du 21 janvier 2005 le Tribunal de commerce de Melun.
Le même jour, la SARL Lucas fleurs saisissait le Tribunal de commerce de Bordeaux.
Par jugement du 13 juillet 2005, le Tribunal de Melun se dessaisissait au profit du Tribunal de Bordeaux.
La SARL Lucas fleurs demandait que soit prononcée la résiliation du contrat de franchise aux torts de la SA Flora partner et la condamnation de celle-ci à lui régler la somme de 147 720 euro.
La SA Flora partner demandait que la résiliation du contrat de franchise soit prononcée aux torts de la SARL Lucas fleurs et que celle-ci soit condamnée à lui payer 2 371 euro, 281 969 euro et 300 000 euro et qu'il soit fait interdiction à la Société Tassigny fleurs et à Monsieur Lebleu d'exercer une activité concurrentielle.
Par une décision du 9 mai 2006, le tribunal a prononcé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la SARL Lucas fleurs et l'a condamnée à payer les sommes de 2 371 euro et de 281 969 euro.
Le 16 juin 2006, la SARL Lucas fleurs a relevé appel de cette décision.
Par acte du 24 avril 2007, Maître Cognet ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Lucas fleurs mise en liquidation judiciaire par décision du Tribunal de commerce de Melun du 12 février 2007 a repris l'instance.
Par acte du 16 avril 2007 qui porte que l'affaire sera plaidée le 11 juin 2007, la SA Flora partner a assigné en intervention forcée Monsieur Perrin.
Celui-ci a constitué avoué le 25 mai 2007,
Vu les conclusions de Maître Cognet ès qualités et de Monsieur Perrin du 25 mai 2007,
Vu les conclusions de la SA Flora partner du 26 février 2007 ;
Maître Cognet ès qualités et Monsieur Perrin n'ayant conclu peu de temps avant que n'intervienne l'ordonnance de clôture, les deux parties ont sollicité le report de cette ordonnance au jour de l'audience.
Il leur a été répondu le 4 juin 2007 qu'en l'absence de cause grave, la clôture était maintenue au 29 mai 2007.
Par arrêt du 25 juin 2007, il a été constaté que les deux parties sollicitaient que l'affaire soit retirée du rôle.
Elle a été remise au rôle par la SA Flora partner le 5 juillet 2007.
Vu les conclusions de Maître Cognet ès qualités et de Monsieur Perrin du 25 mai 2007 et du 9 novembre 2007,
Vu les conclusions de la SA Flora partner du 5 juillet 2007 et du 23 novembre 2007.
Par des écritures du 12 novembre 2007, la SA Flora partner a demandé que les dernières écritures de l'appelante prises le 9 novembre 2007 alors que la clôture était rendue le 12 novembre 2007 entraînent le report de cette clôture au jour de l'audience ou que ces conclusions soient écartées des débats.
Sur quoi, LA COUR :
Attendu que cette affaire devait être plaidée le 11 juin 2007, que l'appelant et Monsieur Perrin n'ayant attendu le 25 mai 2007 pour conclure, l'intimée a sollicité le report de la clôture qui devait intervenir le 29 mai 2007 ;
Qu'en l'absence de toute cause grave, le conseiller de la mise en état a refusé ce report ;
Attendu que les deux parties ont alors sollicité à l'audience la mise hors du rôle de l'affaire ;
Qu'après que cette mise hors du rôle ait été actée par arrêt du 25 juin 2007, la SA Flora partner a fait remettre le dossier au rôle en signifiant et déposant des écritures le 5 juillet 2007;
Attendu que de nouveau sans justifier de la moindre cause grave les ayant empêchés de conclure plus tôt l'appelant et Monsieur Perrin ont conclu le 9 novembre 2007;
Attendu que la SA Flora partner a alors demandé le 12 novembre 2007 soit le report de la clôture soit le rejet des débats des conclusions de l'appelant;
Attendu que les parties démontrent par leur comportement réitéré exactement dans les mêmes conditions qu'aux mois de mai-juin 2007 qu'elles n'entendent pas respecter le moindre calendrier de procédure ;
Que si le procès est la chose des parties il n'en est pas de même des audiences de la cour ;
Qu'au surplus après que la SA Flora partner ait conclu le vendredi 23 novembre 2007 pour l'audience du lundi 26 novembre 2007, l'appelant et Monsieur Perrin n'ont pas pris d'écritures pour indiquer qu'ils acceptaient que ces conclusions restent acquises aux débats ;
Que dans ces conditions la clôture doit rester maintenue au 12 novembre 2007, les conclusions de l'appelant, des dirigeants et de Monsieur Perrin doivent être écartées des débats, l'intimée n'ayant pas la possibilité d'y répondre et les conclusions de l'intimée postérieures à la clôture sont irrecevables ;
Attendu que l'appelant soutient qu'un contrat de franchise a été signé le 26 mai 2003, convention qui contient en particulier des règles concernant une redevance de communication et une carte de fidélité, règles qui ne peuvent être modifiées que par une assemblée générale des franchisés ;
Qu'après qu'un nouveau contrat lui ait été adressé, le premier n'ayant pas été signé par le franchiseur, il s'est aperçu au mois de juin 2004 de l'existence d'un certains nombre de modifications par rapport à l'exemplaire de mai 2003 ;
Qu'en septembre 2004 l'intimée a voulu mettre en place un avenant à la carte de fidélité et qu'elle a alors soumis la modification du contrat au vote de 4 assemblées de région ;
Attendu qu'il a alors manifesté sa désapprobation à ce système et a démissionné de ses fonctions de membre de la commission de communication ;
Attendu qu'il formule 3 griefs à l'encontre du franchiseur : processus décisionnel non conforme en matière de fidélisation de la clientèle, affectation non conforme de la redevance de communication et modification unilatérale du contrat ;
Attendu qu'en conséquence il sollicite la résiliation du contrat au torts exclusif du franchiseur et l'octroi de la somme de 64 847,49 euro à titre de dommages intérêts ;
Qu'à titre subsidiaire il sollicite que la décision déférée soit confirmée en ce qu'elle a refusé l'indemnisation au titre d'une perte d'emplacement et sa réformation en ce qu'elle a accordé des dommages et intérêts au franchiseur ;
Attendu que Monsieur Perrin demande que la SA Flora partner soit déboutée des demandes qu'elle dirige contre lui ;
Attendu que la SA Flora partner soutient que le processus décisionnel a été respecté, qu'en tout état de cause l'assemblée générale du 13 décembre 2004 a fait disparaître ce grief ;
Qu'il n'y a pas eu de défaut d'information de l'appelant lors de son entrée dans la franchise, et que c'est Monsieur Perrin qui n'a pas signé le premier contrat de franchise et que le second contrat lui a bien été retourné en juin 2004 après que des pages en aient été retirées par l'appelant ;
Attendu que la SA Flora partner sollicite que la décision déférée soit confirmée mais sollicite qu'une somme de 300 000 euro lui soit accordée au titre de la perte de l'emplacement ;
Attendu que les parties reconnaissent qu'elles sont liées par un contrat de franchise puisque chacune sollicite sa résiliation aux torts de son adversaire ;
Attendu qu'il ressort des pièces produites aux débats qu'après que le Jardin des fleurs exploité par la SARL Lucas Fleurs dont le gérant était Monsieur Perrin ait ouvert en novembre 2003, Monsieur Perrin a exercé à compter du mois de janvier 2004 des fonctions en qualité de membre élu à la Commission de communication composée de franchisés élus et de représentants du franchiseur ;
Attendu qu'en cette qualité Monsieur Perrin a été informé le 3 septembre 2004 lors du Conseil national d'un projet de fidélisation de la clientèle, ce projet devant ensuite être communiqué au Conseil des élus puis à l'assemblée des franchisés ;
Attendu qu'il a alors été décidé d'une consultation des franchisés lors de 4 réunions régionales ;
Attendu que Monsieur Perrin a participé à cette réunion du Conseil ainsi qu'à la réunion régionale du 13 octobre 2004 ;
Qu'il n'élevait alors aucune contestation ;
Attendu que c'est par courrier du 9 décembre 2004 que Monsieur Perrin contestait le processus décisionnel en matière de fidélisation de la clientèle - 4 réunions régionales au lieu d'une assemblée nationale - et demandait la restitution de la part de la redevance de communication affectée à la communication nationale et la réunion d'une assemblée nationale pour statuer sur la modification de l'affectation de la redevance de communication ;
Attendu qu'en effet si l'article 9 de la charte de fonctionnement de la franchise prévoit la possibilité de consulter les membres du réseau lors de réunions régionales, l'article 5 de ce même texte prévoit la tenue d'une assemblée générale lorsque divers points sont en débat, dont les questions portant sur la carte de fidélité ;
Attendu que tenant compte de la demande impérative de Monsieur Perrin de tenue d'une assemblée nationale, la SA Flora partner convoquait dans les formes prévues aux statuts l'ensemble des franchiseurs à une telle assemblée après avoir communiqué à chacun d'eux les motions qui seraient soumises au vote, rien ne démontrant ou n'établissant à la lecture des documents portant convocation que les motions aient été tronquées ou que les participants aient pu voir leur volonté altérée par une présentation erronée des faits ;
Que cette réunion se tenait le 13 décembre 2004 et adoptait à la majorité requise par les statuts en particulier les deux points objet de la contestation ;
Que les décisions prises par cette assemblée générale sont donc opposables à la SARL Lucas fleurs;
Attendu qu'il apparaît que dans un premier temps, la SA Flora partner a consulté les membres du réseau par 4 réunions régionales conformément à ce qui avait été décidé lors de la réunion de la Commission de communication à laquelle participait Monsieur Perrin ;
Qu'après que ce dernier ait contesté ce mode de consultation, dans le mois qui a suivi cette contestation, la SA Flora partner a convoqué une assemblée générale de tous les franchisés pour approuver en particulier les deux points litigieux ;
Que dans ces conditions, la charte de fonctionnement ayant été modifiée non par la jonction des 4 réunions régionales mais par la seule assemblée nationale des franchisés, ce grief ne peut être retenu ;
Attendu qu'en ce qui concerne l'affectation d'une partie de la redevance communication à une publicité nationale ;
Qu'à supposer que Monsieur Perrin et la SARL Lucas fleurs n'aient pas eu connaissance de cette affectation, qu'il apparaît que dès réception du courrier du 9 décembre 2004, la SA Flora partner a accepté de restituer les sommes prélevées qui auraient été utilisées pour la communication nationale dès que les justificatifs des frais exposés par le magasin pour sa communication locale lui auraient été adressés et ce conformément à l'article 15.3.1 du contrat de franchise ;
Attendu que ces justificatifs n'ont jamais été adressés à la SA Flora partner qui n'a donc pas restitué les sommes utilisées pour la communication nationale ;
Qu'il n'existe donc aucun grief de ce chef, l'absence de restitution acceptée par le franchiseur n'étant que la conséquence du silence du franchisé ;
Attendu qu'en conséquence la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a décidé en l'absence de toute faute du franchiseur, la résiliation du contrat de franchise au 13 janvier 2005 aux torts exclusifs de la SARL Lucas fleurs ;
Que c'est de même à bon droit que les premiers juges ont rejeté les demandes d'indemnisation présentées par la SARL Lucas fleurs, ce préjudice n'étant que la conséquence de son comportement fautif ;
Attendu que par contre la SA Flora partner a droit à l'indemnisation de son préjudice résultant de cette résiliation, préjudice constitué par l'absence des ressources qu'elle aurait obtenues si le contrat de franchise avait été mené jusqu'à son terme ;
Que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la somme de 281 969,83 euro soit le total des redevances qu'elle aurait perçues si le contrat avait duré jusqu'au terme convenu c'est-à-dire la redevance mensuelle moyenne multipliée par le nombre de mois restant à courir, la SA Flora partner n'ayant pas à supporter les conséquences d'une procédure collective qui n'est que le résultat des difficultés rencontrées par la société pour se restructurer après son départ de la franchise ;
Attendu que de même c'est à bon droit que le tribunal a retenu la somme de 2 371,67 euro correspondant aux frais de transport et de coût du matériel non restitué ;
Attendu qu'en ce qui concerne la perte de l'emplacement, cette perte est déjà indemnisée par l'indemnisation calculée sur les redevances non perçues ;
Qu'en effet si le contrat avait été à son terme, la SA Flora partner aurait perçu les redevances jusqu'à cette date, mais après elle aurait aussi perdu l'emplacement ;
Que dans ces conditions, il ne peut être fait droit à cette demande ;
Attendu qu'en ce qui concerne la demande de condamnation de Monsieur Perrin à titre personnel ;
Qu'à supposer que la mise en liquidation judiciaire de la SARL Lucas fleurs constitue un fait nouveau ;
Que si le contrat de franchise susceptible de lier les parties a bien été signé intuitu personae et que Monsieur Perrin s'est engagé à rester majoritaire dans le capital de sa société, qu'il n'apparaît pas que lorsque Monsieur Perrin personne physique se serait fait substitué par une personne morale, il resterait tenu des engagements de celle-ci ;
Que de ce chef en l'absence de toute stipulation de solidarité ou de tout cautionnement prévu au contrat, Monsieur Perrin doit être mis hors de cause ;
Attendu au surplus à supposer que la rupture de la convention soit imputable à Monsieur Perrin, il conviendrait d'indiquer pourquoi depuis plus de deux ans la SA Flora partner demande la condamnation de la SARL Lucas Fleurs à lui verser diverses sommes ;
Attendu que chacune des parties succombant en son appel principal ou incident, il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et chacune des parties supportera les frais qu'elle a exposés devant la cour, la SA Flora partner supportant les dépens résultant de l'assignation en intervention forcée de Monsieur Perrin.
Par ces motifs, LA COUR: Ecarte des débats les conclusions des 9 et 23 novembre 2007, Déclare Maître Cognet ès qualités mal fondé en son appel principal et l'en déboute, Déclare la SA Flora partner mal fondée en son appel incident et l'en déboute, En conséquence, Confirme la décision déférée sauf à fixer la créance chirographaire de la SA Flora partner sur la liquidation judiciaire de la SARL Lucas Fleurs aux sommes de 2 371,67 euro et de 281 969,83 euro, Y ajoutant en cause d'appel, Déboute la SA Flora partner de sa demande dirigée contre Monsieur Perrin, Dit qu'il n'y a lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que chacune des parties supportera les dépens qu'elle a exposés devant la cour, la SA Flora partner supportant les dépens découlant de son assignation en intervention forcée de Monsieur Perrin, application étant faite de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.