CA Lyon, 3e ch. civ. A, 11 octobre 2007, n° 06-07634
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Riboulon
Défendeur :
Loire Télé Saem (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chauvet
Conseillers :
Mme Clozel-Truche, M. Santelli
Avoués :
SCP Auguiraud-Nouvellet, SCP Baufume-Sourbe
Avocats :
Mes Roumeas, Selarl Bost Avril
Faits, procédure et prétentions des parties
Le 1er avril 2004, Monsieur Riboulon a conclu un contrat d'agent commercial avec la société Loire Télé, pour lequel il devait percevoir, sur les ventes de son secteur, une commission égale à 23 % du montat hors taxe des encaissements provenant des entreprises mentionnées au contrat.
Le 23 février 2005, la société Loire Télé a notifié à Monsieur Riboulon la rupture du contrat d'agent commercial et ce dernier lui a fait parvenir une demande de paiement de factures pour un montant de 28 806,62 euro, sur lequel il n'a perçu que la somme de 2 443,87 euro.
Par acte d'huissier en date du 31 août 2005, Monsieur Riboulon a donné assignation à la société Loire Télé devant le Tribunal de grande instance de Montbrison pour obtenir le paiement des commissions ainsi qu'une indemnité de rupture et, par jugement en date du 15 novembre 2006, il a été débouté de ses demandes.
Le 1er décembre 2006, Monsieur Riboulon a relevé appel de cette décision pour en solliciter l'infirmation.
Il expose, sur le montant des commissions, que les clauses du contrat sont claires et que la société Loire Télé s'est malgré tout cru autorisée, à partir de janvier 2005, à supprimer les commissions dues sur des commandes émanant des entreprises actionnaires de la société Loire Télé qu'il avait visitées.
Monsieur Riboulon fait valoir qu'est inopérant l'argument selon lequel ces sociétés avaient pris des engagements publicitaires pour les années 2004 à 2006 au moment de leur souscription d'actions dans la mesure où son contrat d'agent commercial prévoit expressément d'inclure les actionnaires de la société Loire Télé dans la liste des clients ouvrant doit à commissions.
Il ajoute que l'indépendance entre la qualité d'associé et de client publicitaire est si vraie que de nombreux associés n'ont souscrit aucun contrat publicitaire avec la société Loire Télé : il demande la réformation du jugement et la condamnation de l'intimée au paiement de la somme de 21 926,11 euro à titre de commissions pour les ordres souscrits avant la rupture, outre intérêts a compter du 26 mai 2005.
Monsieur Riboulon réclame également des commissions pour les contrats en cours au moment de la rupture, relevant que la société Loire Télé n'a jamais produit aux débats les documents comptables sollicités - malgré l'obligation mise à sa charge par l'ordonnance de référé du 12 août 2005 - se bornant à produire une attestation de son Président : il sollicite la somme de 20 000 euro à titre de commissions de ce chef.
Sur l'indemnité de rupture du contrat, que seule sa faute grave peut faire disparaître, il soutient qu'aucun objectif n'avait été fixé, qu'aucun reproche ne figure dans la lettre de rupture et il demande la condamnation de la société Loire Télé au paiement de la somme de 50 000 euro à titre de dommages-intérêts.
Il fixe enfin à 5 000 euro sa réclamation en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Loire Télé réplique que Monsieur Riboulon est devenu à sa demande salarié de l'Association TL7, qui produit et diffuse les programmes à compter du 1er septembre 2003 jusqu'au 31 mars 2004 et qu'il a été demandé, lors de leur entrée dans le capital, aux différents associés publics et privés qui se sont engagés dans la Société d'économie mixte locale (Loire Télé), de financer pendant trois ans un budget publicitaire.
Elle soutient que Monsieur Riboulon était parfaitement informé de ce fait puisqu'il présidait alors l'association et qu'il a fait lui-même souscrire les contrats, antérieurs à la signature de son contrat d'agent commercial : il ne peut réclamer des commissions qui ne sont pas consécutives à son travail.
La société Loire Télé reconnaît que le montant des commissions dues à Monsieur Riboulon s'élève à la somme de 23 797,34 euro, qui a été entièrement réglée.
Elle souligne que Monsieur Riboulon ne rapporte pas la preuve de l'existence de contrats en cours au moment de la rupture nés de son action antérieure et s'oppose au paiement de toute indemnité de rupture, la cessation du contrat étant due au chiffre d'affaires insuffisant de l'appelant et à la détérioration du climat entre les parties.
A titre subsidiaire, la société Loire Télé propose une somme de 11 905 euro correspondant à la moitié de la durée d'exécution du contrat calculée sur la base du montant des commissions encaissées.
Elle sollicite la confirmation du jugement, le rejet des prétentions de Monsieur Riboulon et sa condamnation au paiement de la somme de 5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2007.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes du contrat du 1er avril 2004, Monsieur Riboulon était chargé de rechercher de la publicité ou toute autre forme de communication sur le département de la Loire en publicité locale et sur la France en publicité multilocale, auprès de clients figurant dans une annexe du contrat ;
Que l'article 7 du contrat dispose que l'agent perçoit sur les ventes de son secteur une commission égale à 23 % du montant hors taxe des encaissements des entreprises visitées mentionnées à l'annexe, qui comporte notamment les entreprises actionnaires de Loire Télé;
Attendu sur la demande de paiement de commissions, que seuls demeurent en litige le montant des commissions sollicitées pour les publicités acquises par les actionnaires de la société Loire Télé et celui pour les commandes encaissées après la rupture du contrat ;
Attendu sur les contrats conclus avec les entreprises actionnaires, qu'il résulte des pièces produites que d'octobre 2003 à février 2004, des sociétés de droit privé et des personnes morales de droit public se sont engagées à souscrire des actions de la Société anonyme d'économie mixte en cours de création (devenue Loire Télé) et, corrélativement, à financer, pendant une durée de trois années minimum à compter de la signature des statuts, un budget publicitaire sous diverses formes, pour un montant annuel égal à sa souscription ;
Qu'il résulte de ces contrats, que les achats de publicité, dans la limite du montant de la souscription d'actions, étaient d'ores et déjà déterminés et décidés dès avant le début du contrat de Monsieur Riboulon le 1er avril 2004 ;
Que l'appelant ne peut dès lors prétendre à commissions sur les ordres d'achat d'espaces publicitaires générés par ces engagements antérieurs même s'ils se sont traduits par des commandes obligées au cours du mandat ;
Attendu que Monsieur Riboulon n'allègue ni ne démontre ne pas avoir été rémunéré sur des commandes émanant des entreprises actionnaires pour des achats de publicité au-delà du montant des actions souscrites et qu'il résulte au contraire d'une lettre de la société Loire Télé du 29 janvier 2005 - qui n'a fait l'objet d'aucune critique sur ce point - qu'elle lui avait indiqué, après la constitution de la société, que pour ne pas le pénaliser, les honoraires seraient dus sur les dépassements d'achats d'espaces ou de commandes de la part des annonceurs par rapport à l'engagement d'origine ;
Que c'est dès lors à juste titre que les Premiers juges ont rejeté la demande de Monsieur Riboulon de ce chef ;
Attendu sur la demande en paiement des commissions en cours au jour de la rupture, que l'article 10 du contrat prévoit que l'agent a droit à la commission pour toute opération commerciale conclue après la cessation du contrat d'agence, si cette opération est principalement due à son activité au cours du contrat d'agence et a été conclue dans un délai raisonnable à compter de la cessation du contrat ;
Qu'aux termes de l'article 3 du décret du 10 juin 1992, l'agent commercial a le droit d'exiger de son mandant qu'il lui fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues;
Attendu que par ordonnance de référé du 2 août 2005, le Tribunal de grande instance de Montbrison a condamné la société Riboulon à remettre ces documents pour la période du 1er avril au 31 mai 2005;
Que la société Loire Télé n'a pas déféré à cette condamnation, se limitant à produire une attestation de son président indiquant qu'aucun ordre de publicité n'a été enregistré au 30 juin 2005, de la part des prospects ou relatif aux "devis encours" invoqués par Monsieur Riboulon dans un courrier du 8 avril 2005;
Attendu que ces attestations émanant de la société intimée sont insuffisantes à satisfaire aux obligations réglementaires et à l'injonction du tribunal, s'agissant de preuves que la société Loire Télé se produit à elle-même ;
Que compte tenu des éléments fournis par Monsieur Riboulon (liste de devis en cours avec montant des commandes), de l'absence de tout élément contraire de la société Loire Télé, il convient, en réformant le jugement déféré, d'allouer à l'appelant la somme de 5 000 euro pour les commissions sur les commandes encaissées après la rupture du contrat, qui portera intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 mai 2005 ;
Attendu sur la rupture du contrat, qu'aux termes de l'article L. 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi sauf en cas de faute de grave ou de cessation à l'initiative de l'agent;
Attendu en l'espèce, que par lettre du 23 février 2005, la société Loire Télé a notifié à Monsieur Riboulon la rupture de son contrat aux motifs que la société a dû s'orienter vers une structure spécialisée garantissant un volume de recettes publicitaires beaucoup plus important, les pertes de l'exercice écoulé (140 000 euro) ne l'autorisant pas à différer cette décision ;
Attendu qu'aucun objectif contractuel n'a été fixé dont d'ailleurs le non-respect ne pourrait pas, en soi, constituer une faute grave de l'agent ;
Que le reproche formulé lors de l'instance (détérioration du climat entre les parties) ne repose sur aucun élément et ne peut résulter en tout cas d'une "communication" de Monsieur Riboulon, en qualité de directeur d'antenne, en date du 16 février 2004, soit antérieurement à la signature du contrat ;
Attendu que le principe du droit à une indemnité est acquis à Monsieur Riboulon ;
Que compte tenu de la durée du mandat (11 mois), il convient de fixer à 13 000 euro le montant de l'indemnité due à l'appelant ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à Monsieur Riboulon la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel comme régulier en la forme, Infirme le jugement et statuant à nouveau, Condamne la société Loire Télé à payer à Monsieur Riboulon la somme de 5 000 euro à titre de commissions outre intérêt au taux légal à compter du 26 mai 2005, Condamne la société Loire Télé à payer à Monsieur Riboulon la somme de 13 000 euro à titre de dommages-intérêts, Condamne la société Loire Télé à payer à Monsieur Riboulon la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette les autres demandes, Condamne la société Loire Télé aux dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.