CA Lyon, 3e ch. civ. B, 7 février 2008, n° 06-01563
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Perrosdis (SARL)
Défendeur :
Distribution Casino France (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Flise
Conseillers :
Mme Devalette, M. Maunier
Avoués :
Me de Fourcroy, SCP Brondel-Tudela
Avocats :
Me Lehuède, SelarlL Cussac
Le 22 mars 1996, la société Perrosdis a signé un contrat de franchise d'une durée de sept années avec la société Distribution Casino France pour l'exploitation d'un fonds de commerce à l'enseigne Casino à Perros Guirrec (22).
Par lettre du 19 mars 2003, deux jours avant le terme du contrat, la société Perrosdis a informé la société Casino que le contrat de franchise n'irait pas au-delà.
Le 4 septembre 2003, la société Casino a obtenu une ordonnance du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Guingamp l'autorisant à prendre une inscription provisoire de nantissement sur le fonds de commerce de la société Perrosdis à hauteur de 250 000 euro, ordonnance confirmée par un arrêt du 6 mai 2004 de la Cour d'appel de Rennes.
Par exploit du 2 octobre 2003, elle fait citer la société Perrosdis devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne afin de la voir condamner au paiement d'une somme de 19 696 euro au titre d'un solde de marchandises, outre les intérêts, la somme de 457 347,05 euro (3 millions de francs) au titre de la violation de la clause de non-concurrence, conformément à la clause pénale, une indemnité pour résistance abusive, et une indemnité pour frais d'instance.
Par jugement du 16 février 2006, le Tribunal de commerce a condamné la société Perrosdis à payer à la société Casino:
- la somme de 17 400,25 euro représentant le solde de l'encours, outre intérêt à compter de la mise en demeure du 17 avril 2003,
- la somme de 260 000 euro au titre de la violation de la clause de non-concurrence,
- confirmé le nantissement judiciaire pris sur le fonds de commerce de la société Perrosdis en exécution de l'ordonnance du 4 septembre 2003,
- la somme de 1 500 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
et a rejeté toutes autres demandes.
La société Perrosdis a interjeté appel le 8 mars 2006.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 22 novembre 2007, et expressément visées par la cour, elle sollicite la réformation du jugement du 16 février 2006 et demande:
- après compensation la condamnation de la société Casino à lui payer la somme de 1 930,98 euro au titre des encours,
- qu'il soit enjoint à la société Casino de calculer la remise " livraisons directes " à partir de la liste des achats directs effectués au cours du premier trimestre 2003 qui lui a été remise, et si celle-ci n'y satisfait pas dans le délai imparti, sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euro,
- d'ores et déjà la condamnation de la société Casino au paiement d'une provision de 300 euro,
- l'annulation de la clause de non-concurrence contenue à l'article XIII du contrat franchise, et en conséquence le rejet de la demande de la société Casino au titre de la clause pénale prévue au même article,
- en tout cas réduire la clause pénale à l'euro symbolique,
- qu'il soit enjoint à la société Casino de remettre à la concluante pour la période du 22 mars 1996 au 22 mars 2003, l'ensemble des contrats souscrits pour le compte du réseau auprès des producteurs et fournisseurs, l'ensemble des documents relatifs aux ristournes, remises et autres avantages perçus des fournisseurs, un tableau précisant le chiffre d'affaires de chacun des membres du réseau, compte tenu des arrivées et des sorties, certifié par son expert comptable, et un état précis des commissions sur livraisons directes versées à chacun des membres du réseau, ce dans la quinzaine de la décision à intervenir, à moins que la cour ne préfère ordonner une expertise,
- la condamnation de la société Casino à lui payer une provision de 75 000 euro,
- le bénéfice des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur les comptes, elle expose que
- elle est créancière de la société Casino:
* d'une somme de 14 920,63 euro représentant les prélèvements faits par cette dernière au titre de factures de fournitures postérieures à la cessation du contrat, qu'elle n'a jamais eues entres ses mains, et dont il n'est pas justifié qu'elle les aurait commandées,
* d'une somme de 4 958,33 euro au titre de la remise " entrepôts ", encore qualifiée remise de fidélité,
- selon décompte au 8 septembre 2003, elle est débitrice envers la société Casino de la somme de 17 957,98 euro,
- après compensation, elle se trouve créancière de la société Casino de la somme de 1 920,98 euro,
- les factures " informatiques " ou " carte de fidélité " qui lui sont réclamées ne sont en rien justifiées.
Elle soutient que la clause de non-concurrence, rédigée en ces termes :
" A la cessation du présent contrat pour quelque cause que ce soit, le franchisé s'interdit :
- d'exploiter ou de participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire à l'unité en franchise Casino,
- de s'affilier, d'adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit à une chaîne concurrente du franchiseur, ou d'en créer une lui-même, et plus généralement de se lier à tout groupement ou organisme ou entreprise concurrente du franchiseur.
Cette interdiction sera valable pendant un an dans un rayon de 30 km du supermarché... ",
est nulle car lui faisant interdiction de se rétablir.
Elle énonce ensuite que la clause ne peut être démembrée en une clause de non-concurrence et une clause de non-réaffiliation, et qu'il n'existe une interdiction unique.
Elle se prévaut encore des dispositions de l'article 5 b) du règlement communautaire n° 2790-1999 du 22 décembre 1999, qui ne valide que les clauses de non-concurrence d'une part limitées aux locaux et terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat, et d'autre part indispensables à la protection d'un savoir-faire transféré par le fournisseur à l'acheteur, ce qui n'est pas le cas de la clause litigieuse.
Elle ajoute qu'elle n'a pas apposé d'enseigne concurrente et a seulement signé le 23 mars 2003 avec la société CSF un contrat d'approvisionnement.
Enfin, sur ce point, elle rappelle qu'elle a vendu son fonds de commerce le 4 novembre 2003, et ne l'a donc exploité que sept mois et 12 jours après la fin du contrat de franchise.
Pour prétendre à la rétrocession des remises, ristournes et autres avantages consentis par les producteurs et fournisseurs, elle se prévaut des dispositions de l'article 5-1 du contrat de franchise qui stipule que " le franchiseur négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale d'achat et/ou de référencement pour l'ensemble des produits, et ce pour le compte du réseau dans son intégralité ", prestation pour laquelle il perçoit une redevance mensuelle et continue, prévue à l'article 8 c), égale à 1 % du chiffre d'affaires HT du franchisé, hors carburants.
Elle conteste la fonction de grossiste revendiquée par la société Casino.
Elle affirme que la dissimulation par la centrale d'achat aux distributeurs de la rémunération demandée au fournisseur crée une opacité des conditions tarifaires et les empêche de répercuter les ristournes sur leurs prix de vente, ce qui constitue une pratique anticoncurrentielle.
Elle soutient encore que :
- les relations contractuelles entre la centrale d'achat et les adhérents ne peuvent qu'être qualifiées de contrat de mandat ou de commission, ce qui inclut une obligation de rendre compte,
- les relations de la centrale de référencement avec les adhérents ne peuvent qu'être qualifiées de contrat de courtage,
- les volumes d'achat et les mises en avant de produits sont le fait des franchisés; l'appropriation par la société Casino des avantages consentis par les producteurs et fournisseurs est dépourvue de cause, et d'autant plus que le franchiseur est rémunérée par les franchisés pour sa prestation de négociation,
- la remise de fidélité versée par le franchiseur en fin d'année, calculée au pourcentage d'achat, n'est pas exclusive des autres avantages obtenus des fournisseurs.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 30 novembre 2007, et expressément visées par la cour, la société Distribution Casino France demande la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande en condamnation de la société Perrosdis au paiement de la somme de 457 347,05 euro au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de la demande de 6 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle demande en outre une indemnité complémentaire à ce titre.
Sur la clause de non-concurrence et de non-affiliation, elle rappelle que la société Perrosdis a conclu dès le 23 mars 2003 un contrat d'approvisionnement auprès de la société CSF, filiale d'un groupe concurrent, avec lequel elle s'est ainsi liée, en violation de la clause de non-affiliation stipulée à l'article XIII B du contrat, violation sanctionnée par une clause pénale de 3 millions de francs, prévue à l'article XIII C.
Elle soutient que :
- l'article XIII B stipule une clause de non-concurrence stricto sensu et une clause de non-affiliation à un groupe concurrent, dont la validité doit être examinée séparément,
- le droit communautaire de la concurrence n'est pas applicable en l'espèce ; le franchisé ne démontre pas un effet sensible de l'accord litigieux sur le commerce communautaire ; de plus l'article 5 b du règlement européen n° 2790-1999 ne s'applique pas à une clause de non-affiliation qui n'est pas une interdiction d'acheter, de vendre ou revendre des biens et services, mais une simple restriction,
- en droit interne, l'article L. 420-1 du Code de commerce prohibe les accords qui peuvent avoir pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; il ne s'applique que si l'accord produit un effet sur le marché national,
- une clause de non-concurrence qui interdirait au franchisé l'exercice de son activité professionnelle ne serait pas nulle au motif qu'elle aurait pour effet la perte du fonds de commerce; selon la Cour de cassation, elle est valide si elle est limitée dans le temps et l'espace comme dans son objet, et proportionnée aux intérêts légitimes du contractant au regard de l'objet du contrat,
- la clause de non-affiliation n'interdit pas au franchisé l'exercice de son activité, dans la mesure où il est en mesure de s'approvisionner de manière indépendante, comme la société Perrosdis l'a fait pendant la durée du contrat à plus de 40 % de son chiffre d'affaires,
- si cette clause devait être soumise aux conditions de validité des clauses de non-concurrence, elle serait valide comme étant limitée dans le temps et dans l'espace, comme dans son objet, et proportionnée aux intérêts légitimes du franchiseur, qui en l'espèce a:
- cédé au franchisé les murs où le fonds est exploité,
- lui a remis les manuels de normes et un plan d'implantation du magasin,
- l'a fait bénéficier d'une formation initiale,
- lui a communiqué un savoir-faire du franchiseur en matière de référencement et d'assortiment, qui sont fonction de la taille du magasin, de son implantation, de la concurrence,...
et qui en conséquence est légitime à chercher à conserver la clientèle attachée à son enseigne par une réimplantation, qui est d'autant plus délicate quand le franchisé s'adosse à un groupe concurrent.
Elle conteste le caractère prétendument excessif de la clause pénale, précisant que le supermarché de la société Perrosdis a une surface de 740 m2, qu'il sera difficile de retrouver, et réalisait un chiffre d'affaires de 1 700 000 euro.
Sur le compte des parties, elle rappelle que les parties sont d'accord pour partir d'un décompte du 8 septembre 2003, présentant un solde en faveur de Casino d'un montant de 17 957,98 euro, et que la société Perrosdis :
- conteste la somme de 14 920,63 euro correspondant à des marchandises pourtant commandées par elle quelques jours avant la fin du contrat, mais dont elle a ensuite refusé la livraison, au prétexte que le contrat de franchise lui interdisait de les vendre après la fin des relations contractuelles, ce qui est inexact,
- se prétend créancière d'une remise " entrepôt " ou " prime de fidélité " d'un montant de 4 958,33 euro, qui n'est due que si le franchisé effectue plus de 60 % de ses achats auprès du franchiseur, ce qui n'est pas établi en l'espèce ; de plus faute d'avoir acquitté ses factures la société Perrosdis a perdu son prétendu droit à la remise.
La société Casino ajoute que la société Perrosdis ne justifie pas de son droit à une remise livraison directe, et encore moins de son montant, dont la concluante n'a donc pas à calculer, sauf à renverser la charge de la preuve.
Elle indique que la société Perrosdis lui doit encore des sommes au titre des factures de participation au programme de fidélité et des factures informatiques, qui portent sa créance au montant de 17 400,25 euro, compte tenu par ailleurs d'un avoir sur les marchandises non livrées.
Enfin elle conteste la réclamation du franchisé relative à la rétrocession de remises ou ristournes fondée sur l'article 5-alinéa 1, du contrat de franchise, qui prévoit que :
" Le franchiseur négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale de référencement et d'achat pour l'ensemble des produits, et ce pour le compte du réseau, dans son intégralité ",
rappelant que:
- elle a toujours approvisionné le franchisé en tant que grossiste,
- en sept années, le franchisé n'a jamais réclamé de remises ou ristournes,
- les parties ont convenu d'une ristourne forfaitaire de 1,50 %, tant pour les marchandises livrées directement par Casino que pour les achats réalisés par le franchisé directement auprès des fournisseurs et producteurs référencés.
Elle fait valoir que :
- l'intention des parties était d'assurer une relation d'achat/vente,
- les termes " centrale de référencement et d'achat " font seulement référence au rôle économique du franchiseur, et non à une qualification juridique, notamment pour le terme " référencement ",
- l'emploi du terme " pour le compte " n'est pas probant dès lors qu'il est employé indifféremment pour la centrale d'achat que pour la centrale de référencement, qui selon l'argumentation du franchisé couvrirait une opération de courtage,
- par ailleurs, le terme ne renvoie ni à un mandat, ni à un contrat de commission, faute pour le " réseau " d'avoir la personnalité morale,
- l'engament du franchiseur d'assurer le stockage dans ses entrepôts d'un très large assortiment disponible est incompatible avec un prétendu mandat d'achat donné par le franchisé,
- l'existence d'une clause de réserve de propriété et la possibilité pour le franchiseur d'augmenter ou baisser ses prix, excluent également le contrat de commission ou de mandat,
- aucune modalité de répartition des remises et ristournes entre les membres du réseau n'est fixée, ce qui aurait été le cas si le reversement avait été prévu.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 décembre 2007.
Sur ce:
Sur les comptes
Selon le décompte de la société Casino du 8 septembre 2003, rectifié en cours d'instance par inscription au crédit du franchisé d'une facture de 545,38 euro, le compte de la société Perrosdis présentait un solde débiteur de 17 957,88 euro que celle-ci conteste en se prévalant:
- d'une créance au titre de marchandises non livrées d'un montant de 14 920,63 euro;
- d'une créance au titre d'une remise entrepôt d'un montant de 4 958,33 euro.
En ce qui concerne les marchandises, la société Casino ne justifie ni des commandes correspondantes, ni du droit du franchisé de vendre des marchandises fournies par elle après la cessation du contrat. La créance à ce titre n'est donc pas fondée.
En ce qui concerne la remise entrepôt, la société Casino indique qu'elle est soumise à la condition que le franchisé effectue plus de 60 % de ses achats auprès du franchiseur, et que la société Perrosdis ne justifie pas que cette condition est remplie. Cependant, plus loin dans ses écritures (page 28) elle mentionne la société Perrosdis s'approvisionnait auprès d'elle " à hauteur de 60 % de son chiffre d'affaires " sans être plus précise. Donc elle a en sa possession les éléments qui lui permettent de vérifier le droit à commission de son franchisé. Elle ne les donne pas, alors que celui-ci indique un chiffre de 74 % qu'elle est à même de contrôler. Ces éléments conduisent à faire droit à la demande de la société Perrosdis à ce titre.
Dans le décompte du 8 septembre 2003 la société Casino a ajouté au débit du franchisé une somme de 291,73 euro x 1 458,65 euro, correspondant à cinq factures informatiques, et des factures " carte de fidélité " d'un montant global de 315,70 euro, et inscrit au crédit un " avoir informatique " de 1 750,37 euro (291,73 euro X 6), ainsi que des avoirs marchandises d'un montant global de 581,71 euro. Les factures informatiques ont donc été annulées par l'avoir. Quant aux factures afférentes au service des cartes de fidélité du réseau, la société Casino ne justifie pas de l'obligation de la société Perrosdis à leur paiement postérieurement à la cessation du contrat de franchise.
En conséquence, la société Perrosdis est fondée à déduire du décompte du 8 septembre 2003, qui présente un solde de 17 957,08 euro en faveur de la société Casino, la somme de: 14 920,63 + 4 958,33 = 19 878,96 euro, ce qui donne un solde en sa faveur de 1 921,88 euro, que cette dernière sera condamnée à lui payer, outre intérêts au taux légal à compter de la demande de ce chef;
Il n'y a pas lieu d'enjoindre à la société Casino de calculer la remise " livraisons directes " pour le premier trimestre 2003, dont la société Perrosdis aurait pu calculer le montant, comme elle l'a fait pour la période précédente.
Sur l'obligation de non-concurrence:
En droit communautaire et en droit interne, une clause de non-concurrence peut être déclarée valable à condition d'être limitée dans le temps et l'espace, et d'être proportionnée par rapport à l'objet du contrat.
En l'espèce, le contrat de franchise, en son article XIII B) stipule que :
" A la cessation du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, le franchisé s'interdit :
- d'exploiter ou de participer d'une quelconque manière, directement ou par personne interposée, à l'exploitation, la gestion, l'administration, le contrôle d'un fonds de commerce ou d'une entreprise ayant une activité identique ou similaire, à l'unité en franchise Casino,
- de s'affilier, d'adhérer ou de participer de quelque manière que ce soit, à une chaîne concurrente du franchiseur, ou d'en créer une lui-même, et plus généralement de se lier à tout groupement ou organisme ou entreprise concurrente du franchiseur.
Cette interdiction est valable pendant un an dans un rayon de 30 km autour du supermarché.
La clause est donc limitée dans le temps et dans l'espace.
Quant à sa proportionnalité par rapport à l'objet du contrat, et à la sauvegarde des intérêts de la société Casino, selon les éléments non contestés du dossier, la société Perrosdis a acquis le fonds de commerce de la société Casino, après l'avoir exploité deux ans en location-gérance, et a continué de l'exploiter dans le cadre du contrat de franchise signé le 22 mars 1996. Elle a alors reçu du franchiseur les manuels de normes et les plans d'implantation du magasin, et a bénéficié d'une formation selon un plan de stage. De plus, en 1997, elle s'est vu mettre à disposition un outil informatique, et les prestations de services afférentes. Elle a donc bénéficié de la transmission d'un savoir faire, dont elle ne soutient pas qu'elle le possédait ne serait-ce que partiellement avant de signer le contrat de location-gérance et le contrat de franchise.
Ensuite, elle a bénéficié d'une enseigne de renommée nationale, bien identifiée, et attractive pour la clientèle.
La société Casino a donc un intérêt légitime à se donner le temps après la cessation du contrat de franchise, sans être gênée par l'activité de son franchisé usant du savoir-faire acquis auprès d'elle, de réimplanter son enseigne, ou à son choix une autre enseigne du Groupe, sur une surface équivalente, ici de 740 m2, dans la zone de chalandise. La clause litigieuse, limitée à une année et à un rayon de 30 km autour du point de vente, se trouve proportionnée à cet intérêt.
Il est constant que la société Perrosdis a violé cette clause en poursuivant une activité identique après le 22 mars 2003, peu important l'enseigne et le mode d approvisionnement.
L'article XIII C du contrat sanctionne la violation de la clause de non-concurrence par une clause pénale de 3 millions de francs, soit 457 347 euro.
La société Casino rapproche ce montant d'une part de la redevance perdue sur un contrat de franchise d'une durée de sept années avec un franchisé réalisant un chiffre d'affaires annuel de 1 700 000 euro, comme c'était le cas de la société Perrosdis, perte qu'il chiffre à 119 000 euro, et d'autre part de sa perte de marge pendant la même période, calculée sur la base des achats annuels du franchisé auprès d'elle pendant la durée du contrat, avec application d'un taux de marge de 25 %, qu'elle chiffre à 1 365 000 euro.
La somme réclamée représenterait donc son prétendu manque à gagner sur plus de deux années d'exécution du contrat de franchise.
Cependant, il n'y a pas de lien direct entre la durée du contrat de franchise initial, de sept années, et la durée de l'obligation de non-concurrence, d'une année. Ensuite, en raison de la liberté de la société Perrosdis de s'approvisionner auprès d'autres fournisseurs que le franchiseur, la perte de marge sur approvisionnement est indéterminable, et ne pourrait correspondre qu'à une perte de chance. Le préjudice allégué ne correspond donc pas au préjudice subi.
La clause pénale doit donc être réduite du fait qu'elle est manifestement excessive au regard du préjudice subi. Elle peut être fixée à une année de perte de redevance, soit, au vu des éléments communiqués, à la somme de 119 000 euro.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré valable la clause de non-concurrence, mais infirmé quant au quantum de la condamnation prononcée à ce titre.
Sur les obligations de la société Casino comme centrale d'achat et de référencement:
L'article 5-alinéa 1, du contrat de franchise, prévoit donc que:
" Le franchiseur négocie directement avec les producteurs et fournisseurs et agit en tant que centrale de référencement et d'achat pour l'ensemble des produits, et ce pour le compte du réseau, dans son intégralité ".
Le contrat pris dans son ensemble établit principalement entre le franchiseur et le franchisé une relation de grossiste à détaillant, ce qui ressort de:
- l'article 5 qui prévoit que le franchiseur, pour les produits référencés et livrés directement par lui, assure le stockage... sur entrepôt et en communique en permanence au franchisé la liste et la définition; cela signifie qu'il achète aux producteurs et fournisseurs avant de recevoir commande du franchisé,
- l'article 6-6 dispose que le franchiseur communique régulièrement son tarif au franchisé et peut le modifier en hausse ou en baisse " pour tenir compte, en particulier, des prix des producteurs et fournisseurs, des cours du marché et de la concurrence ",
- de l'annexe 8 qui prévoit que le franchiseur facture au franchisé, et se réserve la propriété des marchandises jusqu'au paiement intégral du prix.
La mention dans le contrat de ce que la société Casino négocie avec les producteurs et fournisseurs " pour le compte " du réseau ne caractérise ni un mandat, ni un contrat de commission, en premier lieu du fait que le " réseau " n'a pas la personnalité juridique, et en second lieu du fait que le franchiseur, comme centrale d'achat achète en son nom et pour son propre compte, et revend aux franchisés, et comme centrale de référencement, agit comme un courtier, sans autre obligation que de communiquer à ces derniers, selon l'article 5-1, alinéa 2, in fine, du contrat, " la liste (des produits référencés) continuellement mise à jour, leur définition et les procédures de commandes, livraisons et paiement ". Il n'est pas démontré que cette obligation n'a pas été exécutée.
Par ailleurs, les dispositions financières du contrat de franchise prévoient le reversement par le franchiseur au franchisé d'une ristourne annuelle forfaitaire de 1,50 % sur les achats directs de celui-ci auprès des fournisseurs, du même montant que la ristourne convenue pour les achats auprès du franchiseur. Aucun versement supplémentaire à ce titre n'est prévu.
D'autre part, en sept années de relations contractuelles, la société Perrosdis n'a jamais demandé au franchiseur une reddition de compte, ni le reversement des remises et ristournes fournisseurs.
Enfin, aucun document contractuel ne fixe les modalités de répartition des remises et ristournes fournisseurs d'abord entre le franchiseur d'une part et les franchisés d'autre part, ensuite entre les franchisés, alors qu'un tel document eût été indispensable si la distribution avait été convenue.
En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Perrosdis concernant les remises et ristournes fournisseurs.
Il sera fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de la société Distribution Casino France.
Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré valable la clause de non-concurrence, débouté la société Perrosdis de ses demandes relatives aux remises et ristournes fournisseurs et mis les dépens à sa charge, L'infirme pour le surplus; Condamne la société Distribution Casino France à payer à la société Perrosdis la somme de 1 921,88 euro au titre des encours, outre les intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2004; Déboute la société Perrosdis de ses demandes relatives à la remise entrepôt pour le premier trimestre 2003; Condamne la société Perrosdis à payer à la société Distribution Casino France la somme de 119 000 euro au titre de clause de non-concurrence; La condamne à payer à la société Distribution Casino France la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux dépens, qui seront distraits au profit de la SCP Brondel-Tudela, avoués, sur son affirmation de droit.